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Politique Publié le lundi 12 janvier 2009 | Nord-Sud

Processus de sortie de crise : Toute la vérité sur les problèmes de financement

Le processus de sortie de crise trébuche à nouveau sur des difficultés de financement avec en toile de fond les difficultés de trésorerie de l’Etat et les promesses des bailleurs de fonds internationaux qui tardent à se réaliser.

Maintes fois abordé, mais jamais résolu réellement, le problème de financement du processus de sortie de crise vient de ressurgir. Alors qu’approche la validation du nouveau chronogramme exigé à la Commission électorale indépendante (Cei), Mambé Beugré (son président) et ses collaborateurs qui disent avoir attendu en vain le financement en 2008, ont décidé d’être plus offensifs dans la revendication. Allant jusqu’à en faire un préalable à la publication du chronogramme. Dans un communiqué en date du 4 janvier, le secrétaire permanent et porte-parole de la Cei, Auguste Sévérin Miremont, a émis le voeu de voir un «Etat plus solvable» en 2009.


Le point des décaissements

Interrogé quelques jours plus tard, par Fraternité Matin, Bamba Yacouba, le secrétaire permanent-adjoint et porte-parole-adjoint de la Cei, s’est voulu plus clair : «Nous sommes bloqués, nous n’avons pas les moyens pour travailler». «Un plan de décaissement mensuel a été élaboré avec le gouvernement après la 4ème réunion du Cpc. On dit que des moyens sont dégagés. Mais, sont-ils mis à la disposition de la Cei ?», s’est-il interrogé.

Mais, qu’en est-il réellement de la disponibilité des financements ? D’abord au plan national. Comme l’a fait remarquer le porte-parole du Premier ministre, Méité Sindou, des efforts sérieux ont été faits. Dressant un bilan des décaissements effectués par le gouvernement il a confié ceci à la radio onusienne d’Abidjan : «Sur les contraintes financières, ce que je note, c’est que, selon les dernières estimations qui nous ont été communiquées par le ministre de l’Economie et des Finances, l’Etat de Côte d’Ivoire, pour sa part, a exécuté à près de 80% ses obligations budgétaires vis-à-vis des structures». Selon lui, des données précises existent. «Je vous donne quelques indications rapides. Sur la sécurisation pour le compte du Centre de commandement intégré, près de 3,3 milliards étaient prévus ; le Trésor public s’est exécuté pour près de 2,788 milliards. Sur l’identification, 49 milliards étaient prévus, près de 43 ont été exécutés par le trésor public. Sur les élections, 23 milliards étaient prévus, près de 13 milliards ont été exécutés», a-t-il révélé.


80% des obligations exécutées

La question de la répartition et de l’usage des fonds demeure toujours en attente de réponse. Des voix s’élèvent pour exiger un audit. En attendant, depuis quelques jours, les initiatives se multiplient pour faire face à la principale contrainte de l’instant : la rémunération des agents chargés de l’enrôlement et de l’identification. Mambe Beugré est allé solliciter le 6 janvier, le facilitateur du dialogue direct, Blaise Compaoré. Le 8 janvier, l’Etat a effectivement décaissé la somme d’un milliard de Fcfa au profit de la Cei. A cette somme s’ajouteront les «956 millions de Fcfa» payés par la société française Sagem-Sécurité à la commission, dans le cadre de convention la liant à l’Etat de Côte d’Ivoire et à la Cei. Sur cette somme; la Cei a perçu 420 millions, le reste a été reparti aux autres structures publiques, Oni et Ins à raison d’un peu plus de 300 millions pour chacune. Ces ballons d’oxygène ont permis, reconnait-on du côté de la Cei de faire baisser «légèrement» la tension, sans toutefois résoudre définitivement le problème. Qui est bien réel et s’explique par plusieurs facteurs. D’abord le changement brusque de cap dans les sources de financement du processus.

D’abord basé principalement sur des appuis extérieurs, au lendemain de la signature de Ouaga, le programme de financement de la sortie de crise a subi un profond réaménagement pour se contenter désormais des ressources internes, pourtant de plus en plus rares. Après s’être entendu dire que «c’est celui qui organise qui paye», les autorités ivoiriennes ont dû s’organiser en conséquence. Au cours d’une séance de travail avec le corps diplomatique et le ministère de l’Economie et des Finances, les 20 juin et 21 juin 2008, le cabinet du Premier ministre avait évoqué franchement ces changements.

Il ressort, qu’en 2007, après la mise en place du gouvernement issu de l’Apo (Accord politique de Ouagadougou), le budget du programme de sortie de crise s’élevait à 178 milliards Fcfa composé comme suit : Part prise en charge par l’Etat de Côte d’Ivoire : 49 milliards Fcfa. Financement extérieur à rechercher : 129 milliards Fcfa. A l’issue de la table ronde des bailleurs de fonds, le 18 juillet 2007, sur les 178 milliards de Fcfa attendus de l’extérieur, les partenaires au développement ont émis des intentions de financement à hauteur de 194 milliards de Fcfa. En vue de la mobilisation effective de ces contributions extérieures, deux instruments ont été mis en place : Un premier panier de fonds pour la sortie de crise en général. La convention du panier de fonds pour le financement des programmes de sortie de crise a été signée le 11 octobre 2007 entre le Pnud et le gouvernement ivoirien. Ce panier de fonds a reçu les contributions d’organismes divers (le Pnud, le Fisdes- le Fonds ivoiro-suisse de développement économique et social, la Cedeao) et de certains pays donateurs (Japon, France, Danemark, Suède, Belgique, Norvège). Un deuxième panier de fonds a fait l’objet d’une convention signée entre le gouvernement ivoirien, la Cei et le Pnud, le 13 février 2008. Ont contribué à la mise en place de ce mécanisme l’Union eEuropénne, la Cedeao, le Pnud ; mais aussi la France et le Japon.


Le processus repose sur la Côte d’Ivoire

La Côte d’Ivoire veut bien apporter sa part pour le bien du processus. Mais, les contraintes au plan national se multiplient. Avec notamment la difficile gestion de la trésorerie publique et le rythme de mobilisation des ressources de l’état qui ne satisfait pas les besoins urgents des programmes en cours d’exécution (Les DUS (droit unique de sorties) représentent 14% des recettes fiscales. Ils ne sont mobilisables à 80% qu’en fin d’année). Devant ces obstacles, la moisson n’est pas bonne en 2007. En 2008, le budget de sortie de crise a été réévalué à un peu plus de 223 milliards Fcfa. Cette fois, la part prise en charge par l’Etat de Côte d’Ivoire est de 144 milliards Fcfa contre désormais (seulement) environ 79 milliards Fcfa de financement extérieur. Ainsi, sur le budget 2008, l’Etat de Côte d’Ivoire s’est donc engagé à couvrir 65% du budget de sortie de crise contre 35% pour les partenaires au développement.

Malheureusement, les promesses des bailleurs tardent à se concrétiser. En effet, à la date du 17 juin 2008 par exemple, le niveau global d’exécution des programmes de sortie de crise s’établissait à environ 63 milliards sur 223 milliards de Fcfa dont 57 milliards financés par l’Etat, contre 6 milliards pour les bailleurs (essentiellement de l’Union européenne). Des bailleurs de fonds confirmeront aussi pour 64 milliards de ressources (Panier de fonds Election : 10 milliards. Panier de fonds sortie de crise : 11 milliards. Hors panier de fonds : 43 milliards). Des promesses qui n’ont jamais été disponibles réellement pour exploitation. De juillet à décembre 2008, l’Etat de Côte d’Ivoire devrait combler un gap financier de près de 80 milliards Fcfa sur le budget 2008 sur le fonctionnement ordinaire comme sur l’ensemble des programmes de sortie de crise. Sur la même période, il devrait également faire face à des dépenses incontournables, évaluées à 1226,4 milliards de Fcfa.


Pourquoi les bailleurs de fonds sont réticents

Ces engagements devront être tenus selon des échéances bien précises qu’il a été très difficile de respecter pleinement à cause des nombreuses tensions de trésorerie. Il s’agit, entre autres, de ceux en direction du service civique, le Pnrrc et les programmes d’urgence. «Les difficultés dans la mobilisation des ressources risquent d’entrainer des retards dans la mise en œuvre d’un certain nombre d’opérations : le désarmement et la sécurisation du processus électoral, la réinsertion des ex-combattants et des groupes d’auto-défense, l’identification et à terme de perturber le calendrier électoral… Or, rien ne doit plus perturber le calendrier électoral (…) L’argent ne doit pas constituer un obstacle pour l’élection présidentielle. Le Premier ministre assure que l’Etat de Côte d’Ivoire maintiendra ses efforts. Il appelle les partenaires au développement à une mobilisation effective des financements annoncés», avait indiqué le porte-parole du Premier ministre, le 27 juin 2008 lors d’un point de presse autour du thème : «Financement du programme de sortie de crise».

La suite des évènements a malheureusement confirmé les craintes de voir le programme se gripper faute d’argent. Au plan national, les efforts se poursuivent pour redonner l’espoir. Mais, selon des sources diplomatiques, les bailleurs de fonds ne se précipitent pas du tout. Les fonds sont pourtant disponibles, dit-on. Mais, pourquoi tardent-ils tant à tomber dans la besace du maître d’œuvre du processus, notamment la Cei ? C’est que, expliquent nos sources, les conditionnalités dictées par les bailleurs, en termes de gestion des ressources, tardent à rencontrer l’adhésion de la partie ivoirienne. De fait, les contributeurs ne point rassurés à cause des expériences malheureuses des processus précédents. Malgré leur demande, ils n’arrivent pas à obtenir un simple point financier de l’utilisation des fonds décaissés depuis 2003. Et, plusieurs diplomates émettent en privé de sérieuses réserves sur la transparence dans la gestion et surtout la bonne utilisation des ressources. Cette fois, les partenaires financiers extérieurs exigent des garanties sérieuses. Ils continuent à demander la création d’une sorte de guichet unique qui centralisera tous les fonds afin d’en garantir une gestion transparente. Cela permettrait d’éviter les déperditions constatées notamment les doubles et triples décaissements au profit des structures nationales que sont la Cei, l’Ins et la Cnsi. Certains ministres et responsables de structures mènent une véritable guerre des tranchées contre cette idée de régie centrale. «C’est ce qui explique les réticences du côté des bailleurs de fonds», indiquent nos sources. Le Premier ministre, Guillaume Soro qui a pris connaissance de ces réticences des partenaires extérieurs a demandé à son cabinet de s’en saisir. Il propose plus précisément qu’en 2009, ses collaborateurs préparent un mécanisme transparent permettant de contrôler de près les flux financiers dans le processus. Pour la primature, il ne serait toutefois pas utile de revenir sur le passé. Car, rémuer les vielles casseroles dans le contexte actuel serait contre-productif pour la sortie de crise qui se passerait bien des pertes de temps et des “guerres” qui pourraient s’en suivre. Mais, pour pasticher l’adage l’on peut dire qu’ “il n’est jamais trop tard pour... voir clair”.

Djama Stanislas
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