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Société Publié le mardi 13 janvier 2009 | Fraternité Matin

Pollution/Dr Akoua Ahizi : “Toutes les voitures qui polluent l’air seront mises en fourrière”

Selon le ministre de l’Environnement, des Eaux et Forêts , Dr Akoua Ahizi, elle a atteint des proportions inquiétantes à Abidjan, qui exigent l’application de mesures répressives. Pourquoi avez-vous consacré le thème de la dernière édition de la quinzaine de l’Environnement, à la pollution de l’air?
Le choix de ce thème tient tout simplement au fait que la pollution de l’air a commencé à prendre des proportions inquiétantes en Côte d’Ivoire et singulièrement à Abidjan. Il était donc important d’y consacrer ces deux semaines de sensibilisation. Car, comme nous l’avons dit au cours de ladite quinzaine, nous sommes en réalité tous concernés par la dégradation de l’environnement. Etant donné que c’est à partir de nos activités économiques en général, qu’elle se produit. Et dans le cas précis de la pollution de l’air, c’est bien à travers le fonctionnement des unités industrielles, etc. que nous émettons le dioxyde de carbone ou gaz carbonique, principal responsable des changements climatiques. Donc, au-delà des grandes théories sur les causes des changements climatiques, il nous est apparu plus réaliste de partir de la pollution que nous subissons ici, provoquée surtout par les gaz d’échappement des automobiles. Nous avons le sentiment d’avoir mené une bonne campagne de sensibilisation à la pollution de l’air. Evidemment, il ne faut pas s’arrêter là, parce que quinze jours ne suffisent pas pour combattre le phénomène, il faut poursuivre et nous le ferons. Êtes-vous certain d’avoir suscité une réelle prise de conscience chez la population abidjanaise, sur les méfaits de cette pollution?
Je crois que pour une fois, les Ivoiriens sont conscients que ce problème environnemental n’épargne personne. Si je m’en tiens surtout aux échos qui nous parviennent, je peux affirmer que la prise de conscience est effective. Ils ont compris que non seulement ils sont de plus en plus exposés aux maladies respiratoires et autres, mais aussi que celles-ci présentent des formes de gravité qui inquiètent. Peut-on alors affirmer qu’Abidjan est une ville très polluée?
Abidjan a atteint la cote d’alerte en matière de pollution de l’air. Nous avons aujourd’hui des éléments d’analyse qui nous permettent d’affirmer qu’à ce jour, près de 60% des véhicules qui roulent sont à l’origine de la pollution de l’air que subissaient plus ou moins inconsciemment nombre d’Abidjanais. Il faut que des mesures soient prises urgemment par l’Etat, pour arrêter cela. Les pays développés qui demeurent de grands pollueurs, ont déjà pris des dispositions, pour lutter contre cette pollution. Notamment l’interdiction pour les véhicules âgés de circuler. Et nous devenons quasi systématiquement, leurs poubelles en recevant ces véhicules. Je veux parler des fameux «France au revoir», dont le marché est très florissant en Côte d’Ivoire. Ce sont des véhicules qui polluent gravement l’air, du fait des gaz d’échappement qu’émettent leurs moteurs déjà épuisés. En plus, il va falloir trouver plus tard les moyens de gérer toutes leurs carcasses, pour que cela ne vienne pas constituer un autre problème pour l’environnement. Nous constatons aussi que les pneus usagés sont de plus en plus brûlés. Ce qui accroît la quantité de Co² déjà émise dans l’atmosphère par les gaz d’échappement. Que peuvent concrètement faire les pouvoirs publics contre ces émissions de gaz d’échappement?
Nous avons deux actions essentielles à mener : la première porte sur la sensibilisation des utilisateurs de ces voitures à entretenir régulièrement leurs moteurs. La seconde consistera à faire appliquer les mesures prévues par le code de l’environnement en matière de pollution. C’est dire que nous ferons mettre en fourrière, tous les véhicules qui polluent. Et nous irons plus loin, en remettant en vigueur l’interdiction d’importer des véhicules âgés de plus de 7 ans. Nous traquerons tous ceux qui ne respecteront pas cette interdiction. A quel moment toutes ces mesures seront-elles appliquées?
Il y a des mesures qui relèvent de notre compétence en tant que ministère de l’Environnement, des Eaux et Forêts que nous allons prendre incessamment. Il y a celles qui incombent au gouvernement qui doit les adopter à partir de décrets. C’est un processus plus long. Nous allons préparer des textes à cet effet pour les introduire en conseil des ministres, afin qu’ils soient adoptés le plus rapidement possible. Mais, il faut dire qu’une unité antipollution existe déjà, que nous allons mettre en activité dans les jours à venir, pour combattre la pollution causée par les gaz d’échappement. Par ailleurs, nous serons plus regardant sur le respect de cette autre décision qui exige que plus aucune nouvelle usine ne soit construite en Côte d’Ivoire, sans que le projet de réalisation ait fait au préalable, l’objet d’une étude d’impact environnemental. Cette étude est d’autant plus indispensable, qu’elle permet d’identifier et d’évaluer les risques de destruction de l’environnement, que pourrait occasionner l’implantation de l’unité. C’est une étude pluridisciplinaire, menée par des scientifiques et des techniciens de divers domaines de compétences. Leurs observations permettent de mieux orienter le promoteur du projet, par rapport aux dispositions à prendre pour minimiser ou éviter tout risque de pollution. Dorénavant, il faut que tout le monde intègre le respect des normes environnementales, dans ses investissements et réalisations. Les entreprises qui n’auront pas respecté cette exigence, n’obtiendront pas notre autorisation de réaliser leur projet. Pour celles qui existent déjà, sans avoir fait d’étude d’impact environnemental, l’Agence nationale de l’environnement (Ande), fera des audits environnementaux, pour les amener à intégrer les normes environnementales dans leur fonctionnement. Ces audits sont déjà effectués par l’Ande. Mais on ne sait pas trop quelle en est l’efficacité sur le terrain. L’application de cette disposition rencontre des difficultés, cependant il ne faut pas pour autant lâcher prise. Il faut que le ministère soit déterminé. Parce que ce sont des mesures quelques fois impopulaires, mais qu’il faut tout de même imposer. Nous avons la loi pour nous aider à cet effet, incarnée par le code de l’environnement et nous l’appliquerons.
Pensez-vous que ce code est à ce jour suffisamment vulgarisé pour que les uns et les autres s’en imprègnent, en vue de lutter contre la pollution et tous les autres maux qui minent
l’environnement?
Ce code a été adopté à un moment où les problèmes environnementaux n’avaient pas encore pris l’ampleur qui est la leur aujourd’hui. On n’a pas compris que malgré cela, il fallait tout de même en faire déjà une large diffusion, afin qu’il soit à la portée du plus grand nombre de personnes. C’est justement ce à quoi nous allons nous atteler. Car nous avons l’intention de faire changer beaucoup de choses dans ce pays en matière de protection de l’environnement désormais. Par exemple, lorsque vous vous rendez à la fameuse rue Princesse de Yopougon, vous êtes envahis par une pollution sonore infernale, qui est interdite par le code avec toutes les sanctions requises. Nous avons déjà pris les dispositions permettant de faire appliquer le décret du principe «pollueur payeur», également inscrit dans ledit code. Il s’agit de l’article 35.5 qui dit que celui qui pollue, paye. Et désormais, il en sera ainsi. Celui qui fait du bruit, de nature à ennuyer les autres, aussi bien dans son entourage immédiat qu’au-delà, sera sanctionné en application de cet article. Il en est de même pour celui qui aura pollué l’air. Croyez-vous que les maires à qui la loi autorise à interdire la pollution sonore dans leur commune, sont instruits de cette disposition prévue par le code?
Non, justement. Et il n’y a pas que les maires, il y a aussi les magistrats qui doivent s’en imprégner. Il faut donc que la diffusion de ce code soit la plus large possible. Et que ceux qui sont chargés de veiller à son application le connaissent déjà. C’est notre devoir, notre mission et nous allons prendre toutes les dispositions utiles pour que ce code soit connu de tous, sinon du plus grand nombre des Ivoiriens. Les derniers inventaires nationaux des gaz à effet de serre ont montré que le volume des émissions était en croissance en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui est fait pour freiner cette tendance?
Les changements climatiques ne sont pas le fait d’un seul pays, c’est un phénomène qui concerne le monde entier et il est heureux de constater que, de plus en plus, le monde prend conscience de leur ampleur. Il faut saluer l’initiative du Président de la République, qui a décidé d’amener le débat sur la question au sein de la Cedeao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest) donc à l’échelle sous-régionale. Cela est d’autant plus juste que les dégâts causés par les gaz à effet de serre émis dans un pays, ne se limitent pas à ce pays. En outre, les solutions appropriées sont très coûteuses. Il est donc bienséant d’entreprendre des actions de lutte commune, contre le phénomène. On s’inquiète de la croissance des émissions de ces gaz chez nous, mais sachez qu’au Bénin, des études ont montré qu’avec les motos taxis communément appelées « zémidjan », ce pays apparaît comme l’un des plus pollués du continent. Mais les gaz qui y sont émis n’y restent pas, ils se répandent partout dans la sous-région. Il faut que les Ivoiriens arrêtent de croire que les changements climatiques, sont une affaire de Blancs pour déjà chercher à émettre moins de gaz nocifs. En 2007, l’érosion marine a fait des morts à Port-Bouët, par ce que le niveau de la mer monte. La terre se réchauffe du fait de ces gaz qui, une fois émis à travers les activités industrielles, le transport et autres…, ont du mal à disparaître. Il y a donc plus d’évaporation des différents cours d’eau, provoquant de grandes pluies, des catastrophes naturelles et partant, la montée du niveau de la mer. Et les premières victimes des inondations que cela provoque sont les insulaires, viennent ensuite les habitants des villes côtières, comme ceux de Port-Bouët, Grand-Lahou, Assinie, etc. Au niveau de la Cedeao, quelle est la stratégie qu’on peut mettre en place, qui soit profitable à tous?
C’est la sensibilisation dans un premier temps, qui doit amener chaque pays à prendre des mesures. Celles dont j’ai parlé plus haut, c’est-à-dire la stricte application des études d’impact environnemental, la mise en fourrière des véhicules qui polluent, etc. Il faut faire comprendre aux populations des pays comme le Bénin qui continuent de polluer l’air avec les motos taxis, que cela participe au réchauffement climatique, préjudiciable à toute la sous-région. En outre, il faut promouvoir l’utilisation des énergies alternatives, en s’éloignant d’ores et déjà des carburants fossiles. Il y a, par exemple, l’énergie solaire que nous n’avons pas suffisamment exploitée en Afrique et singulièrement en Côte d’Ivoire, alors que nous avons le soleil à gogo. Nous allons justement, en relation avec le ministre des Mines et de l’Energie, entreprendre des réflexions, pour voir dans quelle mesure, on peut développer l’usage de l’énergie solaire en Côte d’Ivoire.
La culture du jatropha, comme énergie renouvelable pour la production de l’électricité, tend à se développer en Côte d’Ivoire. Allez-vous soutenir cela?
La promotion du jatropha n’a pas été une décision du gouvernement, parce qu’il y a une double inquiétude au sujet de cette plante. La première est que dans le processus de développement des énergies alternatives, il faut éviter de mener des actions qui vont être préjudiciables à l’agriculture vivrière dans le pays. Autrement dit, toutes les précautions doivent être prises pour que la culture du jatropha pratiquée sur les mêmes terres que les vivriers, ne pousse pas, de par sa rentabilité plus élevée, les paysans à abandonner la production vivrière. Le danger c’est que dès qu’on exhortera les uns et les autres à se lancer dans la culture de cette plante, vous verrez que tous nos espaces cultivables en seront couverts. Or, vous n’ignorez pas que nous demeurons encore tributaires de l’extérieur en ce qui concerne le riz, qui est à ce jour l’aliment le plus consommé en Côte d’Ivoire. La seconde inquiétude tient au fait que le jatropha renferme une substance toxique, dont il faut pouvoir maîtriser la technique d’isolement, avant de vulgariser sa culture dans le monde paysan. Il faut ajouter à cela la fluctuation des cours de ces énergies, en fonction des prix du pétrole. L’huile du jatropha sera, par exemple, rentable si le prix du pétrole monte à cent dollars le baril. Dans le cas contraire, les paysans connaîtront des situations de mévente de leurs productions. Cela dit, il est tout de même bien que des privés se soient lancés dans l’opération. Mais pour l’heure, ils n’ont pas la caution du gouvernement. Revenons à l’énergie solaire. On tente, depuis plusieurs années, de développer la production à grande échelle de l’électricité à partir de cette énergie en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui pourrait expliquer les échecs rencontrés jusqu’ici?
C’est parce qu’il y a de gros intérêts en jeu. En plus, les pouvoirs publics en sont responsables, à cause de nos puits de pétrole, à partir desquels on obtient du fuel pour faire tourner des centrales électriques, qui assurent la fourniture de l’électricité à tout le pays. Donc ce n’est pas tellement dans notre intérêt de susciter à court terme, le développement de cette énergie. Mais désormais, il faut qu’on voit beaucoup plus loin, en favorisant véritablement le développement de l’énergie solaire qui devient une source de production d’électricité de plus en plus exploitée à travers le monde. Que pensez-vous de l’organisation de l’espace urbain, tel que prévu dans le plan du «Grand Abidjan»?
Je place beaucoup d’espoir dans le projet du «Grand Abidjan». Parce qu’il y est prévu la réalisation de cinq parcs nationaux comme celui du Banco. En outre, du côté de l’île Boulay où la nouvelle ville d’Abidjan va s’étendre, la moitié du site utilisé sera consacrée aux espaces verts. C’est dire que dorénavant, nous avons l’adhésion du Président de la République, quant à notre ambition de faire revenir la forêt en ville. Parce que c’est un moyen sûr de lutter contre les gaz à effet de serre. Aujourd’hui, nous devons beaucoup au parc national du Banco, qui absorbe d’énormes quantités des gaz nocifs émis à travers les activités humaines entreprises à Abidjan. J’ai été très heureux de constater que dans une ville comme Strasbourg que j’ai connue par le passé, l’on a aujourd’hui ramené la forêt dans la ville. Nous avons la possibilité d’en faire autant, grâce à nos espaces, la nature du sol et la pluviométrie. Qu’est-ce qui est prévu pour la baie de Cocody, dont l’eutrophisation s’étend de façon inquiétante?
La baie de Cocody sera dépolluée. Nous avons commandé de nouveaux bateaux Amphibex qui arriveront bientôt. Nous avons démontré avec le premier qu’il était possible de dépolluer la baie en utilisant de tels engins. Cependant, il ne faudrait pas s’arrêter là. Il faut prévoir la construction de stations d’épuration en amont. C’est pour cela que nous entendons plaider, afin que le ministère de l’Environnement, des Eaux et Forêts retrouve toutes ses attributions, car l’assainissement public n’est pas de notre ressort. Et dernièrement, c’est la gestion des déchets qui nous a été retirée. Cela fait qu’on a du mal à avoir une action globale qui découle d’une vision tout aussi globale des problèmes environnementaux.



Interview réalisée par Moussa Touré
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