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Politique Publié le mardi 13 janvier 2009 | Notre Voie

Point de mire… : La tragédie des longs règnes

Le 24 décembre 2008, dans l'indifférence presque totale, Lansana Conté, l'homme qui a succédé à Ahmed Sékou Touré à la tête de la Guinée, après un règne sans partage de celui-ci de près de 26 ans, s'en est allé, lui aussi, après un éprouvant et sanguinaire règne de 24 ans. C'est ici que nous devons interroger l'histoire.

En effet, l'histoire, nous dit-on, c'est la connaissance ou le récit des évènements du passé, relatifs à l'évolution de l'Humanité, notre Humanité à nous tous, d'un groupe d'hommes ou même d'un seul homme jugés dignes de mémoire. Je devrai dire collective et impérissable.
A ce propos justement, une des leçons que nous enseigne l'histoire est que les règnes les plus longs des hommes puissants de ce monde ou prétendus tels se terminent toujours dans la catastrophe voire la tragédie.

On pourrait être tenté d'en égrener une kyrielle tout au long d'une journée qu'on ne serait pas au bout de notre peine.

Pour les besoins de la cause, comme un de ces tristes représentants vient de nous quitter, nous voulons parler des longs règnes, en l'occurrence le Président Lansana Conté, après 24 ans de pouvoir absolu et sans partage, il nous a paru absolument opportun de revisiter certains de ces longs règnes.

Certes, pour en comprendre les dénouements s'il le fallait, mais surtout mesurer un tant soit peu l'étendue de dégâts, que disons-nous, la tragédie qu'ils occasionnent le plus souvent. Ouvrons les yeux et lisons.

Oh, il ne faut pas se leurrer, les exemples foisonnent tellement que nous nous arrêterons sur quelques-uns, édifiants en la matière, et le tour sera joué.

Nous parlerons à cet effet de Louis XIV pour coller à l'histoire s'il en était besoin. Ensuite, dans le cours du 20e siècle, nous choisirons des cas typiques sur la planète. Nous parlerons bien sûr de l'Afrique en général, seulement de quelques exemples et nous terminerons par la Côte d'Ivoire. Oui, la Côte d'Ivoire de Nanan Houphouët-Boigny, puisque tout le monde se laisse flatter de vouloir passer, ce passé récent de l'histoire de notre pays par perte et profit parce que la Côte d'Ivoire connaît en ce moment des réelles difficultés.


Louis XIV, le Roi Soleil

Vous avez dit long règne catastrophique ? L'idée même de fin de long règne fait penser immédiatement au règne absolu de Louis XIV, le roi "dit" Soleil (1638-1715).

Ce despote vécut 77 ans dont 46 ans d'un règne absolu, inique, aventureux et éprouvant pour le peuple de France. Il fit tellement de guerres pour le seul motif du rayonnement de la France qu'on ne peut les dénombrer. Craignant sans doute pour sa sécurité à Paris, il se fit construire, en dépit de tout bons sens, un gigantesque palais défiant toute comparaison pour l'époque, à Versailles. C'était de la folie.

La fin de ce qu'il est convenu d'appeler “le siècle de Louis XIV”, fut en à n'en point douter, tragique par les limites de sa politique de conquêtes et surtout l'autoritarisme religieux dont le monarque fit preuve.

Malgré les apparats qui accompagnaient ce long règne, Louis XIV ne fut jamais regretté, vous vous en doutez. Au contraire, sa mort, si on peut parler ainsi, fut une délivrance pour le peuple. On dit même qu'il fut enterré de nuit. Quel drame ou si on veut quelle tragédie !
Nous sommes allé très loin dans le passé pour évoquer ce règne de Louis XIV. A ce propos, il faut dire que ce cas n'est pas unique dans l'histoire. Elle nous enseigne, (l'histoire) des cas semblables au temps présent.

Alors à quoi bon aller chercher si loin dans le passé ? Qu'on en juge. En Europe, ce sont les guerres, toujours les guerres d'influence, de domination ou même de survie pour les uns et les autres, qui ont fait naître ces monstres, bourreaux de leurs peuples.
Ces dictatures, despotismes ou tyrannies, ont eu des célèbres représentants, si on peut parler ainsi.


Maréchal Tito, on s'en souvient encore

A cet égard, la Yougoslavie de Tito pourrait être comparée au petit Portugal négrier du temps de Salazar et également au faux puritanisme d'un Franco plus sanguinaire que jamais.
La Chine et l'URSS, de leur côté, sont des célèbres cas d'école. Ironie du sort, hélas dans le mauvais sens, si on peut pousser la plaisanterie jusque-là.

Et la Roumanie de Ceaucescu, comme nous parlions d'Europe. Ce fut un triste exemple, à tous points de vue.

Explorons à présent, ces règnes longs et dégradants, pour leurs peuples, avant d'en arriver à l'Afrique, terre de toutes les intolérances et toutes les iniquités au lendemain des indépendances qui devaient aboutir à une certaine liberté. Hélas !

Commençons par Tito. La vie du Maréchal Tito, de son vrai nom Josip Broz, s'est presque confondue avec l'histoire de la Yougoslavie. Il a incarné le quotidien et l'avenir de ce pays fait de bric en broc. On en comprend aujourd'hui l'amer douleur avec ce qui s'est passé en Boznie-Herzégovine.

Fédération d'anciens royaumes ou principautés indépendantes et diverses provinces issues du grand empire austro-hongrois, la Yougoslavie fut l'œuvre de Tito.

Ce fut “l'un des pères de quelque chose”. Vous voyez ce que je veux dire.

Les conclusions se tirent d'elles-mêmes. Tito rassembla tous ces peuples dissemblables sur lesquels il régna sans partage, alors que, du temps de François-Ferdinand de Hasbourg, un conflit latent, qui sera d'ailleurs à l'origine de la première guerre mondiale, couvait déjà entre Serbes et Croates.

La Yougoslavie de Tito, ce n'était qu'un colosse aux pieds d'argile qui ne pouvait survivre à son géniteur avec tous ces peuples rassemblés : Serbie, Croatie, Slovénie, Macédoine, Monténégro et enfin la Boznie-Herzégovine.

La fédération fut créée le 29 novembre 1946 et Tito en sera le “père fondateur”. président du Conseil en 1945, il devient Président de la République en 1953, jusqu'à sa mort, le 4 mai 1980, soit un règne de près de 35 ans. Le peuple yougoslave en a payé un lourd tribut et continue de le faire, avec les atrocités que l'on sait aujourd'hui. La preuve, la Yougoslavie s'est écroulée comme un château de cartes après la mort de son géniteur.

L'URSS, avec le règne de Leonid Brejnev (1964-1982) soit 18 ans de pouvoir absolu. La Chine de Mao Zedong (1935-1976) soit 41 ans, de règne. La Roumanie de Ceaucescu (1965-1989), soit 24 ans de règne absolu et sanguinaire. Ce sont des tristes exemples qui donnent froid au dos.

Venons-en à la Roumanie où le sanguinaire Ceaucescu se cachait derrière des formules creuses qui ont fait croire en sa sagesse ou à son génie. C'était du vent pour masquer la réalité d'un régime dictatorial : "le génie des Carpates ou encore le Danube de la pensée".

Grotesque que tout cela. On aura fini avec l'Europe communiste, si on mentionne la Pologne d'Edouard Gierek, la Hongrie de Kadar, l'Allemagne de l'Est de Honecker et enfin l'Albanie de Hoxha ou Hodja qui eut, pour le dernier pays cité, un règne de près de 44 ans.

Les longs règnes catastrophiques qui se terminent dans la tragédie, ne sont pas l'apanage des pays de l'Est. Loin s'en faut. L'Europe occidentale en a connu des plus célèbres si on veut, sinon tristes, que ce soit le règne de Salazar ou celui de Franco.

Curieuse coïncidence pour la Péninsule ibérique. C'en était une en tout cas que cette péninsule ibérique fut le théâtre de deux dictatures implacables et sanguinaires. Le Portugal, et l'Espagne.


Salazar et Franco pour la corne ibérique

Concernant le Portugal, on relèvera qu'Antonio de Oliveria Salazar fut un dictateur intellectuel. Il était professeur d'économie politique. Ministre des finances. Sa doctrine : une certaine éthique chrétienne. En somme, l'Etat nouveau (Estado Novo). L'un des régimes, les plus pervers et méchants. Il durera 35 ans, un règne long et éprouvant.

Il fut appelé par “le Maréchal Antonio Oscar de Fagoso Carmona” en 1933. Il restera au pouvoir jusqu'en 1968 après avoir fait asseoir une dictature dont les premières victimes seront les peuples d'Afrique noire spoliés et pillés durant près d'un quart de siècle.

Le Mozambique et l'Angola n'envisageront l'idée d'autodétermination qu'après la disparition de Salazar, l'ogre dictateur.

L'Espagne, quant à elle, connut comme on le sait, une très grande prospérité au 17ème siècle avec son immense empire colonial en Afrique et en Amérique latine. Le royaume deviendra république de 1873-1874 pour la première fois, et elle sera de nouveau république en 1931. Cette deuxième République est interrompue par un "Pronunciamiento" qui déclencha une longue et dure guerre civile (1936-1939) qui s'achèvera par la victoire du général Francisco Franco Y Bahamonde, le “Caudillo”. S'il a mis fin à la guerre civile, Franco ne mettra pas pour autant fin aux malheurs du peuple espagnol, puisqu'il instaurera une dictature implacable de près de 36 ans de règne.

La “plaie” Eta qui est à l'origine des attentats dans le pays basque aujourd'hui est une des conséquence du long règne de Franco.


Et l'Afrique dans tout ça ?

L'Afrique, dans ce ballet, n'est pas en reste. Il y a lieu de retenir seulement quelques cas et le tour de la question est fait, tellement ils sont édifiants. Citons-les, pêle-mêle.

Ces dictateurs et autres despotes éclairés ou pas sont : le Zaïre de Mobutu, le Togo d'Eyadéma, Libéria des Tubman et Tolbert, la Guinée de Sékou Touré et pourquoi pas la Côte d'Ivoire de Félix Houphouët-Boigny ? Houphouët, on s'en souvient encore, quoi qu'on en dise aujourd'hui.

Le règne de Sékou Touré dura près de 26 ans (1958-1984). Au lendemain du refus cinglant infligé à De Gaulle par un non massif au référendum d'autodétermination, Sékou Touré, marxiste à conviction approximative et variable, installa une tyrannie sans commune mesure. L'une de ses actions les plus horribles, fut la répression contre les Peulhs. Les Guinéens qui n'ont pas vu la dépouille mortelle du Sily national, ne savent pas, jusqu'à ce jour, si Sékou Touré est vraiment mort et la hantise d'une réapparition soudaine de celui-ci demeure. A peine que les Guinéens sont sortis du “four crématoire” qu'une autre ténèbre noire s'est abattue sur eux avec le coup d'Etat de Lassana Conté, un soldat à l'instruction inachevée. Cela a duré aussi 24 ans. Il vient de rendre l'âme après plus de la moitié passée au pouvoir avec une santé précaire. Même si dans le conflit ivoirien il a été un spectateur gentil, il fut un dictateur, ne l'oublions pas. Comme nous ne sommes pas de ceux qui crachent sur les cadavres des morts, disons- lui qu'il repose en paix.

On connaît les cas Mobutu et Eyadéma. Ils ont défrayé tous les deux l'actualité par les atrocités qui se sont passées respectivement au Zaïre et au Togo. Par le passé, tous les deux s'étaient illustrés en pareilles occasions. Mobutu tuant ses adversaires comme Eyadéma d'ailleurs. Ils représentent tous les deux ce que l'Afrique a eu d'effroyable en son sein, malgré le vent de la démocratie venu de l'Est.

Le Libéria, parlons-en. Tout ce qui s'y est passé, n'est pas le fait du court règne de Samuel Kanyan Doe. Cela remonte au long règne de Williams Tubman dont C.W. Tolbert était déjà vice-président. En somme, un “arrangement” pour que le même clan reste au pouvoir éternellement. Tolbert, élu pour huit ans en 1976 est renversé en pleine moitié de son mandat, en 1980.

Exactement, le 12 avril. Ce coup d'Etat, réalisé par le sergent-chef Doe, mettait ainsi fin à la domination des anciens esclaves américains expatriés des Etats-Unis, quand le Libéria fut fondé en 1847. Qui tue par l'épée, dit l'adage, périt par le glaive. Samuel Doe, à son tour, trouvera la mort de la même façon qu'il avait anéanti ses adversaires.

Taylor a-t-il eu ce même sort ? Non, nous ne le pensons pas. Mais il fautdire qu'il était sanguinaire. Sa présence au TPI n'étonne personne.

Ce panorama n'aurait sans doute pas d'intérêt, s'il exceptait la Côte d'Ivoire qui n'est pas un modèle du genre. Ces jours derniers, il y a des historiens qui racontent des histoires à faire pleurer un curé. Ils prétendent (ces historiens) que Houphouët a été sans reproche dans tout ce qui est arrivé et qui continue d'arriver à la Côte d'Ivoire. Comme dirait Clémenceau : “L'histoire est trop importante pour qu'on la laisse aux seuls historiens”. Qu'ils ne fassent plus croire ce qui est loin de la réalité. On n'oublie pas facilement les purges de 1959, 1963, 1964, suivies d'exactions et d'humiliations diverses. Les assassinats, la répression dans le Sanwi et les tueries dans le Guebié. Les fosses communes, pour ce qui concerne le Guebié, sont encore identifiables pour qu'on veuille, dès à présent, absoudre qui que ce soit. Que reproche-t-on au système Houphouët dans ce triste paronama des longs règnes ?

D'abord et surtout, son caractère inique et injuste. Il ne suffit pas de faire sortir de terre quelques buldings construits sur fonds d'endettement, pour se dire qu'on a fait mieux que les autres. Par ailleurs, Assabou, la célèbre prison construite dans le village de Félix Houphouët-Boigny, demeure assez révélatrice de ce que ce régime a toutes les tares des autres règnes dont il a été question ci-dessus. Ceaucescu, le Shah d'Iran et autres dictateurs étaient les bienvenus, chez lui, c'était ses amis.

Pour terminer ce triste panorama des longs règnes, nous aurions eu tort de laisser de côté le roi inamovible du Gabon, le Président Albert Bernard Bongo devenu entre temps El Hadj Omar Bongo puis, récemment, Omar Bongo Odimba.

En 1967, le premier président de la République gabonaise, Léon M’Ba, décède le plus normalement du monde. Celui qui faisait office de directeur de cabinet devenu vice-président, Albert Bongo, lui succède. Comme c’est normal. Depuis lors, de tâtonnements en tâtonnements, le petit Albert hésitant au début, est devenu une véritable soupape sur le Gabon. Il y régente tout.
1967 à 2009, voici donc 42 ans que le même Omar Bongo Odimba préside aux destinées d’un Gabon devenu “sa chose”.

Après plus de 20 ans de régime de parti unique, il doit, sous la pression de la rue, instaurer un multipartisme marron. Et pourtant, la liberté est totablement confisquée par des pratiques maçonniques. Une loge maçonnique règne sur le Gabon. Hors d’elle, vous n’avez aucun avenir dans ce pays. Récemment des journalistes, mal leur en prit, prennent fait et cause pour une ONG internationale qui accuse Bongo d’avoir spolié son peuple par des biens mal acquis qui se trouveraient à l’extérieur. Ces journalistes croupissent dans les sous-sols du Gabon, c’est-à-dire en prison.

La fin des fins, c’est Paul Biya, qui gouverne la République du Cameroun, depuis 1982. Il vient de modifier la Constitution pour se représenter après 27 ans passés au pouvoir. Si cela n’est pas une tragédie, c’est quoi alors ?

Le propre des longs règnes est qu’ils se terminent toujours dans la tragédie, que cela soit dit et entendu, hélas au détriment des peuples.

Jacques Préjean
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