Le Ministre AKON, en vous présentant à la tête de la commune d'Abengourou, vous aviez des projets pour vos populations. Plus de 10 ans passé à la tête de la mairie, qu'est-ce que vous avez fait pour les habitants de votre commune ?
Naturellement, comme tout candidat sérieux à un poste électif tel que celui de maire de la commune d'Abengourou, j'ai eu à soumettre aux électeurs un programme d'actions constitué de propositions pertinentes par rapport aux attentes des différentes couches sociales dans leur quête légitime de progrès et de mieux-être. Ce programme s'articulait autour de cinq axes majeurs, à savoir :
-L'amélioration des conditions de travail des agents municipaux.
-Le développement des infrastructures économiques, sociales, culturelles et sportives.
-La promotion des investissements privés dans l'industrie, le commerce et les services.
-La lutte contre la pauvreté et l'insécurité.
-La protection de l'environnement et l'amélioration du cadre de vie.
La liste PDCI-RDA, "Ensemble pour le progrès de la commune d'Abengourou", que je conduisais sur ce programme a remporté les élections municipales de 1996 avec un score de plus de 72%. J'en avais été très ému, car un tel score qui reflète la grande confiance des populations, me plaçait devant des responsabilités dont singulièrement celle de réaliser effectivement les promesses électorales pour ne pas décevoir.
Au terme de mon premier mandat (1996-2000), j'ai présenté un bilan exhaustif des cinq années de gestion et mis en évidence les réalisations par rapport aux promesses faites lors de la campagne électorale. Ce bilan a été apprécié très positivement par les administrés qui ont jugé nécessaire de me confier un deuxième mandat lors des élections municipales de 2000. J'ai également établi un bilan de gestion pour le mandat 2000-2005 qui malheureusement court toujours du fait de la crise que traverse la Côte d'Ivoire.
Ces deux bilans qui ont été très largement diffusés et dont des exemplaires sont encore disponibles font l'inventaire de tout ce qui a été réalisé pour le développement de la commune d'Abengourou sous ma gestion, c'est-à-dire depuis 1996. J'invite donc tous ceux qui souhaitent connaître ces réalisations dans le détail à consulter ces deux documents. Je puis cependant vous assurer que "Abengourou cité royale de la paix", est une ville propre où il fait bon vivre, au cœur d'une commune résolument engagée dans la dynamique du développement malgré la crise et ses effets néfastes.
Ce qui nous amène à vous demander quelles ont été vos difficultés au cours de ces deux mandats ?
Les difficultés rencontrées sont essentiellement de trois ordres.
Elles procèdent, en premier lieu, de l'insuffisance des ressources financières relativement aux énormes besoins dans tous les domaines, notamment en infrastructures de base et en assistance sociale. La commune d'Abengourou qui s'étend sur 225km², abrite une population d'environ 100.000 habitants. Les ressources budgétaires s'élèvent en moyenne à environ 600 millions de francs par an dont environ 13% de subvention de l'Etat. Ce qui ne permet pas d'assurer les gros investissements tels que le bitumage de la voirie, la construction des réseaux d'assainissement et de drainage, l'électrification et l'adduction d'eau des villages et des nouveaux quartiers, l'aménagement des bas-fonds et des centres d'enfouissement des ordures ménagères, l'achat d'engins de travaux publics, etc. Pour ces investissements qui conditionnent l'amélioration du cadre de vie, la commune est tributaire du budget de l'Etat. Malheureusement, l'Etat tarde à rendre effectif le transfert des compétences aux collectivités territoriales avec les mesures d'accompagnement d'ordre financier, humain et logistique. Ces difficultés découlent en second lieu des contrôles a priori de la tutelle et de l'unicité de caisse avec le Trésor public. Cette situation engendre parfois des lenteurs administratives paralysantes dans l'élaboration et l'exécution des budgets, d'autant plus que l'unicité de caisse rend la commune très sensible aux tensions de trésorerie de l'Etat. Soulignons en troisième lieu les difficultés induites par la crise que traverse la Côte d'Ivoire depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999 et la rébellion du 19 septembre 2002 qui ont affecté notablement la cohésion sociale et les ressources financières extérieures que constituent les dons et les aides de la communauté internationale. Enfin, l'exercice de la fonction de maire réputée honorifique et sans salaire, est devenu encore plus difficile pour le maire du fait des pressions financières et sociales qu'engendre l'accroissement rapide de la pauvreté dont le taux s'établit à 53% pour la région du Moyen-Comoé.
Est-ce ces difficultés qui vous ont conduit à l'arrêt des travaux de bitumage et de l'adressage des rues?
L'arrêt de ces travaux qui sont financés sur le budget de l'Etat procède effectivement des difficultés de trésorerie de ce dernier. L'entreprise THINET RHALP RCI, adjudicataire du marché de bitumage des rues, a dû suspendre les travaux six mois après l'ouverture du chantier faute de paiement de ses factures d'avance de démarrage et de décomptes, soit plus de 500 millions de francs. Il en est de même pour le BNETD, adjudicataire du marché d'adressage des rues, qui attend le paiement de sa facture d'avance de démarrage, soit 70 millions de francs, pour commencer les travaux. J'espère ardemment une amélioration prochaine de la trésorerie de l'Etat pour permettre la réalisation de ces importants projets.
Le 4 Août dernier, une partie du marché central est partie en fumée. 5 mois après, qu'avez-vous fait pour ces femmes et ces hommes victimes de l'incendie ?
A la suite du sinistre du 4 août 2008 au marché central d'Abengourou, j'ai pris les mesures urgentes qui s'imposaient à savoir :
-La création d'un comité de crise
-La suspension des taxes pour tout le mois d'août.
-La réinstallation des commerçants sinistrés dans un nouveau marché enfin de construction.
-La réparation des dégâts mineurs au marché central ouvert à nouveau aux usagers…
Pour l'essentiel, les commerçants ont pu reprendre leurs activités une semaine après l'incendie.
Mais deux problèmes cruciaux n'ont pas encore trouvé de solution. Il s'agit, d'une part, de la réhabilitation du bâtiment ravagé par les flammes dont le coût estimé par le BNETD s'élève à 270 millions de francs, et d'autre part, de l'aide aux commerçants sinistrés qui estiment leurs pertes à environ 150 millions de francs.
Les démarches nécessaires ont été faites à tous les niveaux et j'ai bon espoir que ces actions seront couronnées de succès compte tenu des promesses faites dans ce sens…
Récemment la presse faisait état de nuage entre le maire et sa jeunesse communale. Qu'en est-il ?
Entre le maire d'Abengourou et la jeunesse communale, il n'y a aucune déchirure comme le journal "L'intelligent d'Abidjan" a eu à écrire avec beaucoup de légèreté d'ailleurs. Le bureau de la jeunesse communale que j'ai rencontré longuement le 2 janvier dernier ne se reconnaît pas du tout dans cet article tendancieux.
Ce qui est vrai par contre, c'est que la jeunesse communale est une association apolitique qui œuvre pour l'épanouissement de la jeunesse, économiquement, socialement et culturellement, sans distinction d'appartenance politique, religieuse ou ethnique.
Mon devoir en tant que maire, c'est de préserver cet espace de convergence de tous les jeunes de moins de 35 ans de la commune, contre les prédateurs politiques et les querelles politiciennes entre partis politiques en quête permanente d'espace. Tant il est vrai qu'en dehors des partis politiques, les jeunes doivent disposer de cet espace de convergence pour apprendre à vivre ensemble et à rechercher sereinement des solutions à leurs problèmes communs.
Je puis vous assurer que je suis en phase avec les jeunes d'Abengourou sur ce point. Comme je l'ai souligné plus haut, c'est parce que les administrés ont apprécié très positivement le bilan de mon premier mandat qu'ils m'ont renouvelé leur confiance en 2000. Et je pense que cela est heureux pour la commune d'Abengourou, parce que cinq ans c'est peu dans la vie d'une commune. L'action de développement doit s'inscrire dans la durée. Je regrette seulement une chose, c'est que les difficultés de la Nation depuis près de dix ans maintenant ont sensiblement freiné l'élan de mes ambitions pour Abengourou. D'importants projets tardent à se concrétiser dans une Côte d'Ivoire en proie aux convulsions d'une sortie de crise longue, coûteuse et incertaine.
M. le maire, vous faites partie des élus PDCI à la tête de la commune à avoir eu deux mandats successifs. A votre avis qu'est-ce qui a milité à votre faveur ?
Oui, c'est une réalité. Depuis 1980 que les maires sont élus, chacun des maires qui m'ont précédés a fait un mandat et n'ont jamais pu le renouveler. Mais voyez-vous, c'est dommage parce que l'action de développement doit s'inscrire dans la durée. Cinq ans, c'est peu dans la vie d'une ville comme Abengourou. A la fin de mon premier mandat, la population d'Abengourou a été impressionnée par nos réalisations, c'est pratiquement elle-même qui nous a demandé de continuer notre mission pour le bonheur de la commune d'Abengourou.
Malheureusement ce deuxième mandat s'est passé dans un contexte tel que nous sommes resté sur notre faim. Il me reste à Abengourou une infrastructure de base importante qui est l'aménagement de la gare routière et le complexe sportif, l'aménagement des bas-fonds qui entourent la ville , le musée royal de l'Indénié à ne pas confondre avec le musée des attributs royaux de la cour royale.
En 1995, vous étiez membre d'un comité de soutien à Bédié qui a réuni des fonds pour la campagne du Président BEDIE. Le même BEDIE qui aspire à reprendre son fauteuil présidentiel est en tournée à travers le pays. Votre réaction ?
Effectivement, j'étais président de la BIAO Côte d'Ivoire en 1995. Membre du Bureau politique du PDCI-RDA, j'ai participé à la convention d'investiture du Président Henri Konan Bédié comme candidat de ce parti aux élections présidentielles du 22 octobre 1995. C'était les 25 et 26 août 1995 à Yamoussoukro. A cette occasion, le Président Henri Konan Bédié a prononcé son discours-programme qui m'a fortement impressionné, tant sa vision et ses ambitions pour la Côte d'Ivoire m'ont paru pertinentes et porteuses d'espoir pour le développement rapide de ce pays. Je me suis donc senti interpellé et avec d'autres collègues du monde des affaires, nous avons créé la coordination des dirigeants d'entreprises membres du PDCI-RDA (CODE-PDCI) pour soutenir activement le candidat Henri Konan Bédié. En plus des activités de sensibilisation et de mobilisation, nous avons cotisé et collecté des fonds pour la campagne de notre candidat.
Elu brillamment, le Président Bédié s'était engagé dans l'application de son programme avec bonheur comme peuvent l'attester les résultats obtenus. Malheureusement le coup d'Etat du 24 décembre 1999 l'a contraint à interrompre brutalement son mandat à dix mois de son terme. Après un exil de près de deux ans, il est revenu reprendre le combat à la tête du PDCI-RDA à la grande joie des militants qui l'ont investi à nouveau pour les prochaines élections présidentielles. Malgré son âge avancé, il aura 75 ans au mois de mai prochain, il ne ménage aucun effort pour parcourir la Côte d'Ivoire malade de ses dirigeants, pour dénoncer les maux qui la minent et offrir de nouvelles perspectives aux populations qui souffrent. Je trouve cela extraordinaire, parce que le Président Bédié aurait pu adopter une autre attitude en se disant qu'après tout il n'a plus rien à prouver : Ambassadeur de Côte d'Ivoire près des Etats-Unis d'Amérique à 26 ans, ministres de l'Economie et des finances pendant 11 ans, Président de l'Assemblée nationale pendant 6 ans. Il a connu tous les honneurs et que peut-il souhaiter avoir de plus dans sa vie ?
S'il raisonnait égoïstementement il se serait mis tranquillement à la retraite à Daoukro dans ses plantations. Il n'a pas choisi cette voie de facilité et de lâcheté face aux dégâts intolérables infligés à notre beau pays par les tenants de la refondation. Il a répondu à l'appel du vrai patriotisme en prenant la tête du combat pour la restauration de la Côte d'Ivoire.
Je salue hautement cette conscience levée du Président Bédié. J'espère que les militants du PDCI-RDA et les Ivoiriens de tout bord comprendront aisément qu'il ne le fait pas pour lui-même mais pour la patrie.
J'adresse mes encouragements et mes félicitations au Président Bédié pour ces tournées que les militants ont réclamées avec insistance. De Dabou à Aboiso, il a convaincu les plus sceptiques qu'il est encore en pleine possession de ses aptitudes physiques et intellectuelles malgré ses 75 ans. J'espère que très prochainement, ce sera le tour du Moyen-Comoé et que nous aurons ainsi le plaisir de l'accueillir à Abengourou.
Vous êtes inspecteur du PDCI-RDA. Croyez-vous réellement à la victoire de votre parti aux prochaines élections présidentielles ?
Pour moi, cette victoire ne souffre d'aucun doute. Parce que j'ai confiance au bon sens et à la maturité des Ivoiriens dans leur choix politique. Voyez-vous, en 2000, les Ivoiriens s'étaient retrouvés devant une junte militaire qui avait pris le pouvoir avec la promesse de balayer la maison et de faire place nette aux civils pour poursuivre l'œuvre de développement d'une Côte d'Ivoire nouvelle. Par la suite, le général Robert Guéi, paix à son âme, s'est ravisé en se portant candidat à la présidence de la République, favorisant ainsi l'arrivée du Président Laurent Gbagbo par effraction dans des conditions calamiteuses. Aujourd'hui, les Ivoiriens dans leur grande majorité ont compris que la mal-gouvernance de ceux qui sont au pouvoir est la cause principale de leurs souffrances. Et ils attendent impatiemment les prochaines élections générales pour les sanctionner sévèrement, avec la conviction que le chemin de leur bonheur ne passe pas par le FPI et sa refondation, mais plutôt par le PDCI-RDA et Henri Konan Bédié qui tiennent les clés du progrès pour tous et du bonheur pour chacun.
Le PDCI a été victime des candidatures indépendantes lors des dernières élections. Ne craignez-vous pas ce même phénomène aux les élections futures ?
En 2000, le PDCI-RDA aurait pu remporter les élections législatives avec une majorité absolue, n'eût été les candidatures indépendantes qui lui ont fait perdre une trentaine de sièges. Par exemple, nous avons perdu bêtement 3 postes de député à Abengourou, alors que l'électorat du PDCI représentait les deux tiers des votants dans ce département. Je pourrais citer aussi le cas de Bouaké et bien d'autres circonscriptions qui ont vécu le même drame. Je pense qu'au PDCI, nous sommes des militants suffisamment avertis à tous les niveaux pour ne pas retomber dans les mêmes errements aux prochaines élections.
En tout état de cause, il importe que la direction du parti observe la plus grande vigilance dans le choix de ses candidats et se donne confortablement le temps nécessaire pour gérer les ambitions déçues et désamorcer les velléités de candidatures indépendantes. Elle doit surtout veiller à ce que les candidats battus lors des primaires se soumettent loyalement au verdict des urnes sous peine de sanctions disciplinaires…
Ces précautions ne pourront sans doute pas effacer le risque de candidature indépendante qui relève en définitive de la discipline interne. Pour que cela soit, tous les militants doivent donc intégrer la relation étroite entre l'impératif de gagner les élections pour sauver la Côte d'Ivoire et le respect strict de la discipline du parti à tous les niveaux…
Comment voyez-vous les forces en face avec le F P I dont les dirigeants multiplient les actions de charme ?
C'est vrai que le FPI multiplie des actions de charme dans la région du Moyen-Comoé, notamment à Abengourou. C'est de bonne guerre dans la perspective des prochaines élections. Mais, je puis vous assurer que cela n'émeut personne au PDCI qui reste solidement implanté dans l'Indenié. Il l'est d'autant plus que les mensonges et le commerce de rêves du FPI ne peuvent plus surprendre les populations confrontées aux affres de la pauvreté, de la faim et de la maladie, pendant qu'une minorité de privilégiés (les nouveaux riches) les narguent par l'insolence de leur train de vie. Les planteurs de café et de cacao qui sont les plus grosses victimes de la refondation n'entendent certainement pas confier demain leur sort au FPI qu'ils se doivent de sanctionner pour se libérer et espérer un sort meilleur. Les moyens financiers du FPI aux origines douteuses, n'impressionnent pas outre mesure le PDCI, tout comme ses méthodes violentes qu'il sait contenir par le jeu de l'équilibre de la terreur. La sérénité que le PDCI affiche face aux agitations du FPI est assurément le signe de sa force tranquille dans l'Indenié.
L'argument avancé par les leaders locaux du FPI, c'est que GBAGBO a érigé plusieurs villages en sous-préfectures, départements et communes ?
Cet argument manque manifestement de consistance. Car la décision de créer les sous-préfectures d'Amélékia, d'Aniassué, de Yakassé et de Zaranou et les communes rurales d'Ebilassokro et d'Aprompronou avait déjà été prise par le Président Bédié lors de sa visite d'Etat dans l'Indenié en mars 1999. Cette décision entrait en vigueur avec le budget de 2000, la création d'une sous-préfecture entraînant des charges nouvelles qu'il importe de budgétiser préalablement. Seules la préfecture de Bettié et les sous-préfectures de Ebilassokro et de Diamalakro ainsi que les nouvelles communes sont des créations du pouvoir FPI. Mais, à la différence du PDCI, ces structures déconcentrées ou décentralisées sont distribuées à des fins purement politiques et démagogiques aux populations sans aucun souci pour leurs incidences budgétaires. Ainsi, des sous-préfets sont lâchés dans des villages érigés en chef-lieu de sous-préfecture sans bureau, sans logement et sans moyens de déplacement. Ces hauts fonctionnaires investis de l'autorité de l'Etat sont ainsi réduits à se débrouiller avec leurs administrés dans des conditions parfois humiliantes. Au lieu d'être des catalyseurs de développement, ils se retrouvent à la charge de populations démunies, déjà éprouvées par une paupérisation galopante. Aujourd'hui, il ne fait aucun doute que si ces populations l'avaient préalablement su, elles n'auraient pas applaudi l'offre du président Gbagbo d'ériger leurs villages en chef-lieu de sous-préfecture… Les populations ne sont plus dupes et elles savent désormais que les bonbons du FPI sont excessivement amers.
Et pourtant, la décentralisation est unanimement reconnue comme une stratégie majeure de développement en Côte d'Ivoire. Personne ne la conteste. Malheureusement en l'instrumentalisant à des fins purement politiques sans prendre en compte les coûts récurrents, le Président Gbagbo et la refondation ne font que l'engager dans une voie sans issue. En multipliant les structures déconcentrées (préfectures et sous-préfectures) et les entités décentralisées (Régions, Districts, Départements, villes et communes) à l'extrême, on crée de lourdes charges et structures difficilement justifiables et finançables. C'est la mort programmée de la décentralisation en Côte d'Ivoire. Les difficultés de financement des départements et communes existants sont un avertissement qui nous interpelle tous…
Comment concevez-vous la décentralisation dans le style du FPI ?
Sous la gouvernance du PDCI-RDA, de Houphouët-Boigny à Henri Konan Bédié, la création des entités déconcentrées et décentralisées était précédée d'études minutieuses sur l'opportunité, les ressources budgétaires de financement et les ressources humaines nécessaires à la gestion de ces entités. Elle se faisait par décret pris en Conseil de ministre après délibération.
Sous la présidence, de Henri Konan Bédié, ces études avaient retenu un schéma de décentralisation à deux niveaux. Le premier niveau avait retenu la Région, le District ou la Ville, soit 15 Régions, 1 District (Yamoussoukro) et 2 villes (Abidjan et Bouaké). D'autres villes pouvaient être créées en fonction de l'évolution des agglomérations existantes.
Le deuxième niveau avait retenu la commune qui devait être une entité capable de se prendre en charge par ses ressources propres ou un chef-lieu de sous-préfecture. Le reste du territoire était reparti en communautés rurales qui étaient des regroupements de villages autour des villages-centres. La commune rurale dont les ressources étaient essentiellement constituées de subventions de l'Etat, démarrait avec une structure légère. Elle évoluait ensuite jusqu'au stade de la commune lorsque ses ressources lui permettaient de se prendre en charge. La création de communes rurales était échelonnée dans le temps en fonction des ressources budgétaires disponibles. La communalisation totale de la Côte d'Ivoire était ainsi programmée dans le temps et obéissait ainsi au double souci de l'efficacité et de l'équilibre budgétaire. Les communautés rurales non encore érigées en communes rurales relevaient provisoirement de l'autorité des sous-préfets pour leur développement à travers le programme FRAR.
Comme vous le constatez, le niveau "Département" n'avait pas été retenu dans le schéma PDCI, contrairement au FPI qui s'est contenté de recopier hâtivement le schéma français qui est lourd et coûteux en charges de structure. Les compétences transférées au département pouvaient en effet être reparties entre la Région et la commune avec plus d'efficacité et de clarté dans l'exercice des responsabilités sur le terrain et moins de risque de chevauchement et de déficit budgétaire comme laisse entrevoir le schéma adopté par le Président Gbagbo et le FPI…
Vous avez été ministre de la République. Aujourd'hui, quelle analyse faites-vous de la situation de votre pays ?
Au seuil du troisième millénaire, la Côte d'Ivoire qui est relativement un petit pays par sa superficie et sa population, était un pays remarquable en Afrique au sud de Sahara par ses performances économiques, sa stabilité politique, sa prospérité relative et son rayonnement international. Terre de paix et d'hospitalité, troisième économie au Sud du Sahara après l'Afrique du Sud et le Nigeria, la Côte d'Ivoire était la destination privilégiée des investisseurs privés et un haut lieu de la coopération et de la diplomatie interafricaine.
Malheureusement, le coup d'Etat du 24 décembre 1999 et la rébellion du 19 septembre 2002 sont venus remettre en cause ce bel édifice que le PDCI-RDA, sous la conduite éclairée de Félix Houphouët-Boigny, a construit avec amour, au prix de mille efforts dans l'union, la discipline et le travail. C'est avec beaucoup de tristesse que tous ceux qui ont eu la chance de participer activement à la construction de la Côte d'Ivoire moderne assistent impuissants à sa démolition par les refondateurs et les aventuriers de tout acabit.
Qu'entendez-vous par là, M. Le Maire ?
La Côte d'Ivoire est aujourd'hui gravement malade de sa gouvernance dans tous les domaines. Vivement que les élections se tiennent dans les meilleurs délais pour que le massacre prennent fin avec de meilleures perspectives pour la Côte d'Ivoire. C'est-à-dire que le pays est mal géré par ses dirigeants qui font preuve d'incompétence notoire. Le Président Laurent Gbagbo est arrivé au pouvoir à la suite du coup d'Etat de 1999 qui, avec le recul, ne peut se justifier que par l'exacerbation d'ambitions politiques irréalisables par la voie démocratique. La rébellion de 2002 qui procède de la même logique, est le fruit des lacunes de la gouvernance politique du pouvoir FPI durant la période 2000-2002 où aucune action sérieuse n'a été entreprise pour solder les comptes des dix mois de transition militaire dirigée par feu le Général Robert Guéi. Et depuis la partition de la Côte d'Ivoire en deux zones, la gouvernance politique au sommet de l'Etat se résume à des stratégies de conservation du pouvoir au mépris de l'intérêt supérieur de la Nation et des souffrances des populations.
Au niveau économique et financier la gouvernance n'est guère meilleure. Aujourd'hui, la Côte d'Ivoire est, financièrement parlant, en faillite. Si elle était une entreprise, elle aurait déjà déposé son bilan. Cette situation est la conséquence logique d'une accumulation d'engagements financiers très lourds dans un contexte de crise et de rareté financière. Ce qui est en cause dans ce contexte marqué aussi par une corruption généralisée, c'est l'affectation prioritaire des ressources disponibles. Les choix faits laissent perplexe quand il apparaît que les ressources consacrées aux grands travaux de prestige, au paiement de la dette extérieure dans l'espoir d'une éligibilité hypothétique au PPTE (Pays pauvres très endettées), au financement des accords de sortie de crise et du processus électoral, aux primes de guerre, aux fonds de souveraineté et aux opérations électoralistes, laissent peu de marge pour faire face aux autres obligations de l'Etat qui sont donc sacrifiées. La liste des victimes de cette situation est de plus en plus longue. Il s'agit principalement de la dette intérieure, des travailleurs, de l'éducation nationale, de la santé publique, des collectivités territoriales, de la salubrité publique, des ambassades, de l'entretien des infrastructures de base et des édifices publics, des secteurs de l'électricité et de l'eau, de l'emploi, du logement et de la sécurité. Toutes choses qui ont contribué à faire bondir le taux de pauvreté à près de 50%. La Côte d'Ivoire régresse dangereusement. Il est donc plus que urgent de changer sa gouvernance par des élections démocratiques pour éviter qu'elle ne devienne un canard boiteux dans ce monde du troisième millénaire où il n'y a pas de place pour les canards boiteux.
Le Président GBAGBO vous répond que c'est la crise.
Pour moi la crise procède de la mauvaise gouvernance de la Côte d'Ivoire depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999. Elle est donc indissociable de la gestion du Président Gbagbo et de son bilan global. C'est ce que l'histoire retiendra certainement.
Monsieur Le maire, quel est votre regard sur l'école ivoirienne ?
L'école ivoirienne dont la mission est d'éduquer et de former les jeunes dont dépend l'avenir de la Côte d'Ivoire, a été instrumentalisée à des fins politiques par les opposants d'hier qui nous gouvernent aujourd'hui et qui sont dans leur grande majorité des enseignants. Notre système éducatif est devenu improductif dans la mesure où les diplômes qu'il délivre sont peu crédibles. Les maux dont il souffre sont connus : infrastructures insuffisantes, effectifs pléthoriques, pénurie d'enseignants, faibles ressources financières et matérielles, grèves à répétition, années académiques tronquées, fraudes aux examens, politisation et violence organisées créées sur instigation des enseignants opposés au régime PDCI pour le déstabiliser à partir de l'école. La FESCI régente aujourd'hui l'école ivoirienne à la manière d'une organisation mafieuse avec la bienveillance du pouvoir FPI. Assurée de l'impunité totale, elle sème la terreur à tout vent pour imposer aux élèves, aux étudiants et même aux enseignants la pensée unique, à la gloire de la Refondation. L'école ivoirienne se meure dans l'indifférence coupable du Président Laurent Gbagbo qui prétendait pourtant régler tous ses problèmes avec 10 milliards de francs, lorsqu'il était leader de l'opposition. Et ce, avec la complicité coupable de la FESCI qui a cessé depuis longtemps d'être un syndicat estudiantin soucieux de l'amélioration des conditions de travail des élèves et étudiants pour s'engager dans la lutte dite patriotique dont les dirigeants tirent de gros avantages financiers et matériels. C'est dommage pour la Côte d'Ivoire.
Mian Augustin , le patron actuel de la FESCI est un fils de l'Indénié. Quel conseil pouviez -vous lui donner s'il était en face de vous ?
Si je peux me permettre de donner un conseil à mon jeune frère Mian Augustin, c'est de lui demander d'engager résolument la FESCI dans le syndicalisme éclairé, c'est-à-dire soucieux avant tout de l'amélioration des conditions de travail de ses membres quel que soit le parti politique au pouvoir et d'œuvrer activement pour imprimer à la FESCI un comportement digne de la noble mission assignée à l'école ivoirienne dans un monde globalisé.
De Marcoussis à Ouaga, notre pays est à la recherche de la paix pour une sortie de crise. Quelle analyse faites- vous de cette crise ?
Comme je l'ai souligné plus haut, la crise ivoirienne est la résultante des ambitions exacerbées qui ont conduit au coup d'Etat de 1999 et de la mauvaise gouvernance politique qui n'a pas su anticiper la rébellion de 2002. De l'accord de Linas-Marcoussis à la résolution 1721 de l'ONU, la Côte d'Ivoire serait sortie de cette crise si le réflexe de conservation du pouvoir du camp présidentiel n'avait pas prévalu sur l'intérêt supérieur de la nation. Aujourd'hui, c'est l'accord politique de Ouagadougou (APO) qui est à l'ordre du jour. Contrairement aux accords précédents, l'APO procède de la volonté des deux belligérants (camp présidentiel et Forces rebelles) de mettre fin à la crise. Ce qui devrait être fait en dix mois. Près de deux ans après, nous sommes au 4ème accord complémentaire et le Président Laurent Gbagbo assure que s'il faut en signer vingt, cela ne le gênerait nullement. Ceci pour dire que le temps de sortie de crise n'est pas une contrainte pour lui. Et effectivement les deux signataires prennent leur temps pendant que la Côte d'Ivoire régresse chaque jour que Dieu fait, aggravant les souffrances des Ivoiriens qui ne savent plus à quel saint se vouer. Même la honte d'aller déranger pour un oui ou un non le président Blaise Compaoré à Ouagadougou, alors qu'il a aussi ses problèmes internes à résoudre, ne semble pas suffisante pour inciter les signataires de l'APO à accélérer la sortie de crise. Les échéances librement fixées ne sont jamais respectées. De sorte qu'il faut craindre que l'APO ne soit autre chose qu'un manège conçu pour confisquer le pouvoir au profit des deux ex-belligérants signataires. La crise dure depuis neuf ans maintenant. Il est peut-être temps maintenant que le peuple ivoirien se décide à prendre son destin en maintenant.
On parle de fraudes partout sur l'identification des populations, qu'en pensez-vous ?
J'ai le sentiment que certaines personnes créent la psychose de la fraude autour de cette opération d'identification et d'enrôlement qui constitue une étape décisive sur le chemin des élections, pour la discréditer, la retarder et préparer les contestations futures. Je ne nie pas qu'il puisse avoir des tentatives de fraude sur la nationalité à l'occasion de l'identification et de l'enrôlement des électeurs. Mais ce risque a été pris en compte par la CEI qui a pris les dispositions nécessaires pour sécuriser l'ensemble des opérations. Les mécanismes de contrôle prévus à cet effet sont connus de tous les partis politiques. Il est enfin prévu une période d'affichage des listes provisoires, période au cours de laquelle toutes les contestations seront reçues et analysées. Je me demande dans ces conditions pourquoi certains partis politiques s'excitent tant et veulent convaincre la nation tout entière que tout n'est que fraude organisée par les partis adverses. Je crois que la sagesse nous recommande de faire confiance à la CEI et de faire chaque chose en son temps.
Partagez-vous donc la concertation nationale proposée par le leader du PIT, Francis WODIE ?
La concertation nationale est nécessaire. D'ailleurs, dès le départ, quand le PDCI préconisait le dialogue pour sortir de la crise, c'était un peu ça . Se concerter pour trouver des solutions à notre problème ça tombe sur le bon sens. J'espère que Dieu nous éclairera en 2009 et que nous trouverons les voies de sortie de crise.
Tous les observateurs disent que c'est par des élections qu'on sortira de la crise, votre point de vue.
Dans toute République digne de ce nom, la légitimité s'acquiert par la volonté du peuple qui l'exprime à travers des élections démocratiques. Dans la situation de la Côte d'Ivoire où depuis fin 2005 aucune institution ne peut se prévaloir d'un quelconque mandat du peuple, il est permis de qualifier cette situation de crise institutionnelle qui ne peut se résoudre que par des élections démocratiques. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur ce point. Le problème, c'est d’arriver à organiser ces élections de telle manière qu'elles soient démocratiques, transparentes, ouvertes à tous et non contestables pour que le perdant reconnaisse la victoire du vainqueur. C'est à ce niveau que se situent les enjeux du processus électoral en cours conduit par la CEI. Mais il est fort probable que tous les aspects de la crise ivoirienne qui dure depuis plus de neuf ans, ne seront pas aplanis par la seule magie des élections. Il faudra encore du temps pour que la Côte d'Ivoire retrouve toutes ses marques. Ce sera l'une des tâches du président élu au terme de ces élections, un président dont la gouvernance sera un facteur déterminant de la sortie définitive de crise et de la normalisation de la Côte d'Ivoire.
Interview réalisée à Abengourou par JOEL ABALO
Naturellement, comme tout candidat sérieux à un poste électif tel que celui de maire de la commune d'Abengourou, j'ai eu à soumettre aux électeurs un programme d'actions constitué de propositions pertinentes par rapport aux attentes des différentes couches sociales dans leur quête légitime de progrès et de mieux-être. Ce programme s'articulait autour de cinq axes majeurs, à savoir :
-L'amélioration des conditions de travail des agents municipaux.
-Le développement des infrastructures économiques, sociales, culturelles et sportives.
-La promotion des investissements privés dans l'industrie, le commerce et les services.
-La lutte contre la pauvreté et l'insécurité.
-La protection de l'environnement et l'amélioration du cadre de vie.
La liste PDCI-RDA, "Ensemble pour le progrès de la commune d'Abengourou", que je conduisais sur ce programme a remporté les élections municipales de 1996 avec un score de plus de 72%. J'en avais été très ému, car un tel score qui reflète la grande confiance des populations, me plaçait devant des responsabilités dont singulièrement celle de réaliser effectivement les promesses électorales pour ne pas décevoir.
Au terme de mon premier mandat (1996-2000), j'ai présenté un bilan exhaustif des cinq années de gestion et mis en évidence les réalisations par rapport aux promesses faites lors de la campagne électorale. Ce bilan a été apprécié très positivement par les administrés qui ont jugé nécessaire de me confier un deuxième mandat lors des élections municipales de 2000. J'ai également établi un bilan de gestion pour le mandat 2000-2005 qui malheureusement court toujours du fait de la crise que traverse la Côte d'Ivoire.
Ces deux bilans qui ont été très largement diffusés et dont des exemplaires sont encore disponibles font l'inventaire de tout ce qui a été réalisé pour le développement de la commune d'Abengourou sous ma gestion, c'est-à-dire depuis 1996. J'invite donc tous ceux qui souhaitent connaître ces réalisations dans le détail à consulter ces deux documents. Je puis cependant vous assurer que "Abengourou cité royale de la paix", est une ville propre où il fait bon vivre, au cœur d'une commune résolument engagée dans la dynamique du développement malgré la crise et ses effets néfastes.
Ce qui nous amène à vous demander quelles ont été vos difficultés au cours de ces deux mandats ?
Les difficultés rencontrées sont essentiellement de trois ordres.
Elles procèdent, en premier lieu, de l'insuffisance des ressources financières relativement aux énormes besoins dans tous les domaines, notamment en infrastructures de base et en assistance sociale. La commune d'Abengourou qui s'étend sur 225km², abrite une population d'environ 100.000 habitants. Les ressources budgétaires s'élèvent en moyenne à environ 600 millions de francs par an dont environ 13% de subvention de l'Etat. Ce qui ne permet pas d'assurer les gros investissements tels que le bitumage de la voirie, la construction des réseaux d'assainissement et de drainage, l'électrification et l'adduction d'eau des villages et des nouveaux quartiers, l'aménagement des bas-fonds et des centres d'enfouissement des ordures ménagères, l'achat d'engins de travaux publics, etc. Pour ces investissements qui conditionnent l'amélioration du cadre de vie, la commune est tributaire du budget de l'Etat. Malheureusement, l'Etat tarde à rendre effectif le transfert des compétences aux collectivités territoriales avec les mesures d'accompagnement d'ordre financier, humain et logistique. Ces difficultés découlent en second lieu des contrôles a priori de la tutelle et de l'unicité de caisse avec le Trésor public. Cette situation engendre parfois des lenteurs administratives paralysantes dans l'élaboration et l'exécution des budgets, d'autant plus que l'unicité de caisse rend la commune très sensible aux tensions de trésorerie de l'Etat. Soulignons en troisième lieu les difficultés induites par la crise que traverse la Côte d'Ivoire depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999 et la rébellion du 19 septembre 2002 qui ont affecté notablement la cohésion sociale et les ressources financières extérieures que constituent les dons et les aides de la communauté internationale. Enfin, l'exercice de la fonction de maire réputée honorifique et sans salaire, est devenu encore plus difficile pour le maire du fait des pressions financières et sociales qu'engendre l'accroissement rapide de la pauvreté dont le taux s'établit à 53% pour la région du Moyen-Comoé.
Est-ce ces difficultés qui vous ont conduit à l'arrêt des travaux de bitumage et de l'adressage des rues?
L'arrêt de ces travaux qui sont financés sur le budget de l'Etat procède effectivement des difficultés de trésorerie de ce dernier. L'entreprise THINET RHALP RCI, adjudicataire du marché de bitumage des rues, a dû suspendre les travaux six mois après l'ouverture du chantier faute de paiement de ses factures d'avance de démarrage et de décomptes, soit plus de 500 millions de francs. Il en est de même pour le BNETD, adjudicataire du marché d'adressage des rues, qui attend le paiement de sa facture d'avance de démarrage, soit 70 millions de francs, pour commencer les travaux. J'espère ardemment une amélioration prochaine de la trésorerie de l'Etat pour permettre la réalisation de ces importants projets.
Le 4 Août dernier, une partie du marché central est partie en fumée. 5 mois après, qu'avez-vous fait pour ces femmes et ces hommes victimes de l'incendie ?
A la suite du sinistre du 4 août 2008 au marché central d'Abengourou, j'ai pris les mesures urgentes qui s'imposaient à savoir :
-La création d'un comité de crise
-La suspension des taxes pour tout le mois d'août.
-La réinstallation des commerçants sinistrés dans un nouveau marché enfin de construction.
-La réparation des dégâts mineurs au marché central ouvert à nouveau aux usagers…
Pour l'essentiel, les commerçants ont pu reprendre leurs activités une semaine après l'incendie.
Mais deux problèmes cruciaux n'ont pas encore trouvé de solution. Il s'agit, d'une part, de la réhabilitation du bâtiment ravagé par les flammes dont le coût estimé par le BNETD s'élève à 270 millions de francs, et d'autre part, de l'aide aux commerçants sinistrés qui estiment leurs pertes à environ 150 millions de francs.
Les démarches nécessaires ont été faites à tous les niveaux et j'ai bon espoir que ces actions seront couronnées de succès compte tenu des promesses faites dans ce sens…
Récemment la presse faisait état de nuage entre le maire et sa jeunesse communale. Qu'en est-il ?
Entre le maire d'Abengourou et la jeunesse communale, il n'y a aucune déchirure comme le journal "L'intelligent d'Abidjan" a eu à écrire avec beaucoup de légèreté d'ailleurs. Le bureau de la jeunesse communale que j'ai rencontré longuement le 2 janvier dernier ne se reconnaît pas du tout dans cet article tendancieux.
Ce qui est vrai par contre, c'est que la jeunesse communale est une association apolitique qui œuvre pour l'épanouissement de la jeunesse, économiquement, socialement et culturellement, sans distinction d'appartenance politique, religieuse ou ethnique.
Mon devoir en tant que maire, c'est de préserver cet espace de convergence de tous les jeunes de moins de 35 ans de la commune, contre les prédateurs politiques et les querelles politiciennes entre partis politiques en quête permanente d'espace. Tant il est vrai qu'en dehors des partis politiques, les jeunes doivent disposer de cet espace de convergence pour apprendre à vivre ensemble et à rechercher sereinement des solutions à leurs problèmes communs.
Je puis vous assurer que je suis en phase avec les jeunes d'Abengourou sur ce point. Comme je l'ai souligné plus haut, c'est parce que les administrés ont apprécié très positivement le bilan de mon premier mandat qu'ils m'ont renouvelé leur confiance en 2000. Et je pense que cela est heureux pour la commune d'Abengourou, parce que cinq ans c'est peu dans la vie d'une commune. L'action de développement doit s'inscrire dans la durée. Je regrette seulement une chose, c'est que les difficultés de la Nation depuis près de dix ans maintenant ont sensiblement freiné l'élan de mes ambitions pour Abengourou. D'importants projets tardent à se concrétiser dans une Côte d'Ivoire en proie aux convulsions d'une sortie de crise longue, coûteuse et incertaine.
M. le maire, vous faites partie des élus PDCI à la tête de la commune à avoir eu deux mandats successifs. A votre avis qu'est-ce qui a milité à votre faveur ?
Oui, c'est une réalité. Depuis 1980 que les maires sont élus, chacun des maires qui m'ont précédés a fait un mandat et n'ont jamais pu le renouveler. Mais voyez-vous, c'est dommage parce que l'action de développement doit s'inscrire dans la durée. Cinq ans, c'est peu dans la vie d'une ville comme Abengourou. A la fin de mon premier mandat, la population d'Abengourou a été impressionnée par nos réalisations, c'est pratiquement elle-même qui nous a demandé de continuer notre mission pour le bonheur de la commune d'Abengourou.
Malheureusement ce deuxième mandat s'est passé dans un contexte tel que nous sommes resté sur notre faim. Il me reste à Abengourou une infrastructure de base importante qui est l'aménagement de la gare routière et le complexe sportif, l'aménagement des bas-fonds qui entourent la ville , le musée royal de l'Indénié à ne pas confondre avec le musée des attributs royaux de la cour royale.
En 1995, vous étiez membre d'un comité de soutien à Bédié qui a réuni des fonds pour la campagne du Président BEDIE. Le même BEDIE qui aspire à reprendre son fauteuil présidentiel est en tournée à travers le pays. Votre réaction ?
Effectivement, j'étais président de la BIAO Côte d'Ivoire en 1995. Membre du Bureau politique du PDCI-RDA, j'ai participé à la convention d'investiture du Président Henri Konan Bédié comme candidat de ce parti aux élections présidentielles du 22 octobre 1995. C'était les 25 et 26 août 1995 à Yamoussoukro. A cette occasion, le Président Henri Konan Bédié a prononcé son discours-programme qui m'a fortement impressionné, tant sa vision et ses ambitions pour la Côte d'Ivoire m'ont paru pertinentes et porteuses d'espoir pour le développement rapide de ce pays. Je me suis donc senti interpellé et avec d'autres collègues du monde des affaires, nous avons créé la coordination des dirigeants d'entreprises membres du PDCI-RDA (CODE-PDCI) pour soutenir activement le candidat Henri Konan Bédié. En plus des activités de sensibilisation et de mobilisation, nous avons cotisé et collecté des fonds pour la campagne de notre candidat.
Elu brillamment, le Président Bédié s'était engagé dans l'application de son programme avec bonheur comme peuvent l'attester les résultats obtenus. Malheureusement le coup d'Etat du 24 décembre 1999 l'a contraint à interrompre brutalement son mandat à dix mois de son terme. Après un exil de près de deux ans, il est revenu reprendre le combat à la tête du PDCI-RDA à la grande joie des militants qui l'ont investi à nouveau pour les prochaines élections présidentielles. Malgré son âge avancé, il aura 75 ans au mois de mai prochain, il ne ménage aucun effort pour parcourir la Côte d'Ivoire malade de ses dirigeants, pour dénoncer les maux qui la minent et offrir de nouvelles perspectives aux populations qui souffrent. Je trouve cela extraordinaire, parce que le Président Bédié aurait pu adopter une autre attitude en se disant qu'après tout il n'a plus rien à prouver : Ambassadeur de Côte d'Ivoire près des Etats-Unis d'Amérique à 26 ans, ministres de l'Economie et des finances pendant 11 ans, Président de l'Assemblée nationale pendant 6 ans. Il a connu tous les honneurs et que peut-il souhaiter avoir de plus dans sa vie ?
S'il raisonnait égoïstementement il se serait mis tranquillement à la retraite à Daoukro dans ses plantations. Il n'a pas choisi cette voie de facilité et de lâcheté face aux dégâts intolérables infligés à notre beau pays par les tenants de la refondation. Il a répondu à l'appel du vrai patriotisme en prenant la tête du combat pour la restauration de la Côte d'Ivoire.
Je salue hautement cette conscience levée du Président Bédié. J'espère que les militants du PDCI-RDA et les Ivoiriens de tout bord comprendront aisément qu'il ne le fait pas pour lui-même mais pour la patrie.
J'adresse mes encouragements et mes félicitations au Président Bédié pour ces tournées que les militants ont réclamées avec insistance. De Dabou à Aboiso, il a convaincu les plus sceptiques qu'il est encore en pleine possession de ses aptitudes physiques et intellectuelles malgré ses 75 ans. J'espère que très prochainement, ce sera le tour du Moyen-Comoé et que nous aurons ainsi le plaisir de l'accueillir à Abengourou.
Vous êtes inspecteur du PDCI-RDA. Croyez-vous réellement à la victoire de votre parti aux prochaines élections présidentielles ?
Pour moi, cette victoire ne souffre d'aucun doute. Parce que j'ai confiance au bon sens et à la maturité des Ivoiriens dans leur choix politique. Voyez-vous, en 2000, les Ivoiriens s'étaient retrouvés devant une junte militaire qui avait pris le pouvoir avec la promesse de balayer la maison et de faire place nette aux civils pour poursuivre l'œuvre de développement d'une Côte d'Ivoire nouvelle. Par la suite, le général Robert Guéi, paix à son âme, s'est ravisé en se portant candidat à la présidence de la République, favorisant ainsi l'arrivée du Président Laurent Gbagbo par effraction dans des conditions calamiteuses. Aujourd'hui, les Ivoiriens dans leur grande majorité ont compris que la mal-gouvernance de ceux qui sont au pouvoir est la cause principale de leurs souffrances. Et ils attendent impatiemment les prochaines élections générales pour les sanctionner sévèrement, avec la conviction que le chemin de leur bonheur ne passe pas par le FPI et sa refondation, mais plutôt par le PDCI-RDA et Henri Konan Bédié qui tiennent les clés du progrès pour tous et du bonheur pour chacun.
Le PDCI a été victime des candidatures indépendantes lors des dernières élections. Ne craignez-vous pas ce même phénomène aux les élections futures ?
En 2000, le PDCI-RDA aurait pu remporter les élections législatives avec une majorité absolue, n'eût été les candidatures indépendantes qui lui ont fait perdre une trentaine de sièges. Par exemple, nous avons perdu bêtement 3 postes de député à Abengourou, alors que l'électorat du PDCI représentait les deux tiers des votants dans ce département. Je pourrais citer aussi le cas de Bouaké et bien d'autres circonscriptions qui ont vécu le même drame. Je pense qu'au PDCI, nous sommes des militants suffisamment avertis à tous les niveaux pour ne pas retomber dans les mêmes errements aux prochaines élections.
En tout état de cause, il importe que la direction du parti observe la plus grande vigilance dans le choix de ses candidats et se donne confortablement le temps nécessaire pour gérer les ambitions déçues et désamorcer les velléités de candidatures indépendantes. Elle doit surtout veiller à ce que les candidats battus lors des primaires se soumettent loyalement au verdict des urnes sous peine de sanctions disciplinaires…
Ces précautions ne pourront sans doute pas effacer le risque de candidature indépendante qui relève en définitive de la discipline interne. Pour que cela soit, tous les militants doivent donc intégrer la relation étroite entre l'impératif de gagner les élections pour sauver la Côte d'Ivoire et le respect strict de la discipline du parti à tous les niveaux…
Comment voyez-vous les forces en face avec le F P I dont les dirigeants multiplient les actions de charme ?
C'est vrai que le FPI multiplie des actions de charme dans la région du Moyen-Comoé, notamment à Abengourou. C'est de bonne guerre dans la perspective des prochaines élections. Mais, je puis vous assurer que cela n'émeut personne au PDCI qui reste solidement implanté dans l'Indenié. Il l'est d'autant plus que les mensonges et le commerce de rêves du FPI ne peuvent plus surprendre les populations confrontées aux affres de la pauvreté, de la faim et de la maladie, pendant qu'une minorité de privilégiés (les nouveaux riches) les narguent par l'insolence de leur train de vie. Les planteurs de café et de cacao qui sont les plus grosses victimes de la refondation n'entendent certainement pas confier demain leur sort au FPI qu'ils se doivent de sanctionner pour se libérer et espérer un sort meilleur. Les moyens financiers du FPI aux origines douteuses, n'impressionnent pas outre mesure le PDCI, tout comme ses méthodes violentes qu'il sait contenir par le jeu de l'équilibre de la terreur. La sérénité que le PDCI affiche face aux agitations du FPI est assurément le signe de sa force tranquille dans l'Indenié.
L'argument avancé par les leaders locaux du FPI, c'est que GBAGBO a érigé plusieurs villages en sous-préfectures, départements et communes ?
Cet argument manque manifestement de consistance. Car la décision de créer les sous-préfectures d'Amélékia, d'Aniassué, de Yakassé et de Zaranou et les communes rurales d'Ebilassokro et d'Aprompronou avait déjà été prise par le Président Bédié lors de sa visite d'Etat dans l'Indenié en mars 1999. Cette décision entrait en vigueur avec le budget de 2000, la création d'une sous-préfecture entraînant des charges nouvelles qu'il importe de budgétiser préalablement. Seules la préfecture de Bettié et les sous-préfectures de Ebilassokro et de Diamalakro ainsi que les nouvelles communes sont des créations du pouvoir FPI. Mais, à la différence du PDCI, ces structures déconcentrées ou décentralisées sont distribuées à des fins purement politiques et démagogiques aux populations sans aucun souci pour leurs incidences budgétaires. Ainsi, des sous-préfets sont lâchés dans des villages érigés en chef-lieu de sous-préfecture sans bureau, sans logement et sans moyens de déplacement. Ces hauts fonctionnaires investis de l'autorité de l'Etat sont ainsi réduits à se débrouiller avec leurs administrés dans des conditions parfois humiliantes. Au lieu d'être des catalyseurs de développement, ils se retrouvent à la charge de populations démunies, déjà éprouvées par une paupérisation galopante. Aujourd'hui, il ne fait aucun doute que si ces populations l'avaient préalablement su, elles n'auraient pas applaudi l'offre du président Gbagbo d'ériger leurs villages en chef-lieu de sous-préfecture… Les populations ne sont plus dupes et elles savent désormais que les bonbons du FPI sont excessivement amers.
Et pourtant, la décentralisation est unanimement reconnue comme une stratégie majeure de développement en Côte d'Ivoire. Personne ne la conteste. Malheureusement en l'instrumentalisant à des fins purement politiques sans prendre en compte les coûts récurrents, le Président Gbagbo et la refondation ne font que l'engager dans une voie sans issue. En multipliant les structures déconcentrées (préfectures et sous-préfectures) et les entités décentralisées (Régions, Districts, Départements, villes et communes) à l'extrême, on crée de lourdes charges et structures difficilement justifiables et finançables. C'est la mort programmée de la décentralisation en Côte d'Ivoire. Les difficultés de financement des départements et communes existants sont un avertissement qui nous interpelle tous…
Comment concevez-vous la décentralisation dans le style du FPI ?
Sous la gouvernance du PDCI-RDA, de Houphouët-Boigny à Henri Konan Bédié, la création des entités déconcentrées et décentralisées était précédée d'études minutieuses sur l'opportunité, les ressources budgétaires de financement et les ressources humaines nécessaires à la gestion de ces entités. Elle se faisait par décret pris en Conseil de ministre après délibération.
Sous la présidence, de Henri Konan Bédié, ces études avaient retenu un schéma de décentralisation à deux niveaux. Le premier niveau avait retenu la Région, le District ou la Ville, soit 15 Régions, 1 District (Yamoussoukro) et 2 villes (Abidjan et Bouaké). D'autres villes pouvaient être créées en fonction de l'évolution des agglomérations existantes.
Le deuxième niveau avait retenu la commune qui devait être une entité capable de se prendre en charge par ses ressources propres ou un chef-lieu de sous-préfecture. Le reste du territoire était reparti en communautés rurales qui étaient des regroupements de villages autour des villages-centres. La commune rurale dont les ressources étaient essentiellement constituées de subventions de l'Etat, démarrait avec une structure légère. Elle évoluait ensuite jusqu'au stade de la commune lorsque ses ressources lui permettaient de se prendre en charge. La création de communes rurales était échelonnée dans le temps en fonction des ressources budgétaires disponibles. La communalisation totale de la Côte d'Ivoire était ainsi programmée dans le temps et obéissait ainsi au double souci de l'efficacité et de l'équilibre budgétaire. Les communautés rurales non encore érigées en communes rurales relevaient provisoirement de l'autorité des sous-préfets pour leur développement à travers le programme FRAR.
Comme vous le constatez, le niveau "Département" n'avait pas été retenu dans le schéma PDCI, contrairement au FPI qui s'est contenté de recopier hâtivement le schéma français qui est lourd et coûteux en charges de structure. Les compétences transférées au département pouvaient en effet être reparties entre la Région et la commune avec plus d'efficacité et de clarté dans l'exercice des responsabilités sur le terrain et moins de risque de chevauchement et de déficit budgétaire comme laisse entrevoir le schéma adopté par le Président Gbagbo et le FPI…
Vous avez été ministre de la République. Aujourd'hui, quelle analyse faites-vous de la situation de votre pays ?
Au seuil du troisième millénaire, la Côte d'Ivoire qui est relativement un petit pays par sa superficie et sa population, était un pays remarquable en Afrique au sud de Sahara par ses performances économiques, sa stabilité politique, sa prospérité relative et son rayonnement international. Terre de paix et d'hospitalité, troisième économie au Sud du Sahara après l'Afrique du Sud et le Nigeria, la Côte d'Ivoire était la destination privilégiée des investisseurs privés et un haut lieu de la coopération et de la diplomatie interafricaine.
Malheureusement, le coup d'Etat du 24 décembre 1999 et la rébellion du 19 septembre 2002 sont venus remettre en cause ce bel édifice que le PDCI-RDA, sous la conduite éclairée de Félix Houphouët-Boigny, a construit avec amour, au prix de mille efforts dans l'union, la discipline et le travail. C'est avec beaucoup de tristesse que tous ceux qui ont eu la chance de participer activement à la construction de la Côte d'Ivoire moderne assistent impuissants à sa démolition par les refondateurs et les aventuriers de tout acabit.
Qu'entendez-vous par là, M. Le Maire ?
La Côte d'Ivoire est aujourd'hui gravement malade de sa gouvernance dans tous les domaines. Vivement que les élections se tiennent dans les meilleurs délais pour que le massacre prennent fin avec de meilleures perspectives pour la Côte d'Ivoire. C'est-à-dire que le pays est mal géré par ses dirigeants qui font preuve d'incompétence notoire. Le Président Laurent Gbagbo est arrivé au pouvoir à la suite du coup d'Etat de 1999 qui, avec le recul, ne peut se justifier que par l'exacerbation d'ambitions politiques irréalisables par la voie démocratique. La rébellion de 2002 qui procède de la même logique, est le fruit des lacunes de la gouvernance politique du pouvoir FPI durant la période 2000-2002 où aucune action sérieuse n'a été entreprise pour solder les comptes des dix mois de transition militaire dirigée par feu le Général Robert Guéi. Et depuis la partition de la Côte d'Ivoire en deux zones, la gouvernance politique au sommet de l'Etat se résume à des stratégies de conservation du pouvoir au mépris de l'intérêt supérieur de la Nation et des souffrances des populations.
Au niveau économique et financier la gouvernance n'est guère meilleure. Aujourd'hui, la Côte d'Ivoire est, financièrement parlant, en faillite. Si elle était une entreprise, elle aurait déjà déposé son bilan. Cette situation est la conséquence logique d'une accumulation d'engagements financiers très lourds dans un contexte de crise et de rareté financière. Ce qui est en cause dans ce contexte marqué aussi par une corruption généralisée, c'est l'affectation prioritaire des ressources disponibles. Les choix faits laissent perplexe quand il apparaît que les ressources consacrées aux grands travaux de prestige, au paiement de la dette extérieure dans l'espoir d'une éligibilité hypothétique au PPTE (Pays pauvres très endettées), au financement des accords de sortie de crise et du processus électoral, aux primes de guerre, aux fonds de souveraineté et aux opérations électoralistes, laissent peu de marge pour faire face aux autres obligations de l'Etat qui sont donc sacrifiées. La liste des victimes de cette situation est de plus en plus longue. Il s'agit principalement de la dette intérieure, des travailleurs, de l'éducation nationale, de la santé publique, des collectivités territoriales, de la salubrité publique, des ambassades, de l'entretien des infrastructures de base et des édifices publics, des secteurs de l'électricité et de l'eau, de l'emploi, du logement et de la sécurité. Toutes choses qui ont contribué à faire bondir le taux de pauvreté à près de 50%. La Côte d'Ivoire régresse dangereusement. Il est donc plus que urgent de changer sa gouvernance par des élections démocratiques pour éviter qu'elle ne devienne un canard boiteux dans ce monde du troisième millénaire où il n'y a pas de place pour les canards boiteux.
Le Président GBAGBO vous répond que c'est la crise.
Pour moi la crise procède de la mauvaise gouvernance de la Côte d'Ivoire depuis le coup d'Etat du 24 décembre 1999. Elle est donc indissociable de la gestion du Président Gbagbo et de son bilan global. C'est ce que l'histoire retiendra certainement.
Monsieur Le maire, quel est votre regard sur l'école ivoirienne ?
L'école ivoirienne dont la mission est d'éduquer et de former les jeunes dont dépend l'avenir de la Côte d'Ivoire, a été instrumentalisée à des fins politiques par les opposants d'hier qui nous gouvernent aujourd'hui et qui sont dans leur grande majorité des enseignants. Notre système éducatif est devenu improductif dans la mesure où les diplômes qu'il délivre sont peu crédibles. Les maux dont il souffre sont connus : infrastructures insuffisantes, effectifs pléthoriques, pénurie d'enseignants, faibles ressources financières et matérielles, grèves à répétition, années académiques tronquées, fraudes aux examens, politisation et violence organisées créées sur instigation des enseignants opposés au régime PDCI pour le déstabiliser à partir de l'école. La FESCI régente aujourd'hui l'école ivoirienne à la manière d'une organisation mafieuse avec la bienveillance du pouvoir FPI. Assurée de l'impunité totale, elle sème la terreur à tout vent pour imposer aux élèves, aux étudiants et même aux enseignants la pensée unique, à la gloire de la Refondation. L'école ivoirienne se meure dans l'indifférence coupable du Président Laurent Gbagbo qui prétendait pourtant régler tous ses problèmes avec 10 milliards de francs, lorsqu'il était leader de l'opposition. Et ce, avec la complicité coupable de la FESCI qui a cessé depuis longtemps d'être un syndicat estudiantin soucieux de l'amélioration des conditions de travail des élèves et étudiants pour s'engager dans la lutte dite patriotique dont les dirigeants tirent de gros avantages financiers et matériels. C'est dommage pour la Côte d'Ivoire.
Mian Augustin , le patron actuel de la FESCI est un fils de l'Indénié. Quel conseil pouviez -vous lui donner s'il était en face de vous ?
Si je peux me permettre de donner un conseil à mon jeune frère Mian Augustin, c'est de lui demander d'engager résolument la FESCI dans le syndicalisme éclairé, c'est-à-dire soucieux avant tout de l'amélioration des conditions de travail de ses membres quel que soit le parti politique au pouvoir et d'œuvrer activement pour imprimer à la FESCI un comportement digne de la noble mission assignée à l'école ivoirienne dans un monde globalisé.
De Marcoussis à Ouaga, notre pays est à la recherche de la paix pour une sortie de crise. Quelle analyse faites- vous de cette crise ?
Comme je l'ai souligné plus haut, la crise ivoirienne est la résultante des ambitions exacerbées qui ont conduit au coup d'Etat de 1999 et de la mauvaise gouvernance politique qui n'a pas su anticiper la rébellion de 2002. De l'accord de Linas-Marcoussis à la résolution 1721 de l'ONU, la Côte d'Ivoire serait sortie de cette crise si le réflexe de conservation du pouvoir du camp présidentiel n'avait pas prévalu sur l'intérêt supérieur de la nation. Aujourd'hui, c'est l'accord politique de Ouagadougou (APO) qui est à l'ordre du jour. Contrairement aux accords précédents, l'APO procède de la volonté des deux belligérants (camp présidentiel et Forces rebelles) de mettre fin à la crise. Ce qui devrait être fait en dix mois. Près de deux ans après, nous sommes au 4ème accord complémentaire et le Président Laurent Gbagbo assure que s'il faut en signer vingt, cela ne le gênerait nullement. Ceci pour dire que le temps de sortie de crise n'est pas une contrainte pour lui. Et effectivement les deux signataires prennent leur temps pendant que la Côte d'Ivoire régresse chaque jour que Dieu fait, aggravant les souffrances des Ivoiriens qui ne savent plus à quel saint se vouer. Même la honte d'aller déranger pour un oui ou un non le président Blaise Compaoré à Ouagadougou, alors qu'il a aussi ses problèmes internes à résoudre, ne semble pas suffisante pour inciter les signataires de l'APO à accélérer la sortie de crise. Les échéances librement fixées ne sont jamais respectées. De sorte qu'il faut craindre que l'APO ne soit autre chose qu'un manège conçu pour confisquer le pouvoir au profit des deux ex-belligérants signataires. La crise dure depuis neuf ans maintenant. Il est peut-être temps maintenant que le peuple ivoirien se décide à prendre son destin en maintenant.
On parle de fraudes partout sur l'identification des populations, qu'en pensez-vous ?
J'ai le sentiment que certaines personnes créent la psychose de la fraude autour de cette opération d'identification et d'enrôlement qui constitue une étape décisive sur le chemin des élections, pour la discréditer, la retarder et préparer les contestations futures. Je ne nie pas qu'il puisse avoir des tentatives de fraude sur la nationalité à l'occasion de l'identification et de l'enrôlement des électeurs. Mais ce risque a été pris en compte par la CEI qui a pris les dispositions nécessaires pour sécuriser l'ensemble des opérations. Les mécanismes de contrôle prévus à cet effet sont connus de tous les partis politiques. Il est enfin prévu une période d'affichage des listes provisoires, période au cours de laquelle toutes les contestations seront reçues et analysées. Je me demande dans ces conditions pourquoi certains partis politiques s'excitent tant et veulent convaincre la nation tout entière que tout n'est que fraude organisée par les partis adverses. Je crois que la sagesse nous recommande de faire confiance à la CEI et de faire chaque chose en son temps.
Partagez-vous donc la concertation nationale proposée par le leader du PIT, Francis WODIE ?
La concertation nationale est nécessaire. D'ailleurs, dès le départ, quand le PDCI préconisait le dialogue pour sortir de la crise, c'était un peu ça . Se concerter pour trouver des solutions à notre problème ça tombe sur le bon sens. J'espère que Dieu nous éclairera en 2009 et que nous trouverons les voies de sortie de crise.
Tous les observateurs disent que c'est par des élections qu'on sortira de la crise, votre point de vue.
Dans toute République digne de ce nom, la légitimité s'acquiert par la volonté du peuple qui l'exprime à travers des élections démocratiques. Dans la situation de la Côte d'Ivoire où depuis fin 2005 aucune institution ne peut se prévaloir d'un quelconque mandat du peuple, il est permis de qualifier cette situation de crise institutionnelle qui ne peut se résoudre que par des élections démocratiques. Aujourd'hui, tout le monde s'accorde sur ce point. Le problème, c'est d’arriver à organiser ces élections de telle manière qu'elles soient démocratiques, transparentes, ouvertes à tous et non contestables pour que le perdant reconnaisse la victoire du vainqueur. C'est à ce niveau que se situent les enjeux du processus électoral en cours conduit par la CEI. Mais il est fort probable que tous les aspects de la crise ivoirienne qui dure depuis plus de neuf ans, ne seront pas aplanis par la seule magie des élections. Il faudra encore du temps pour que la Côte d'Ivoire retrouve toutes ses marques. Ce sera l'une des tâches du président élu au terme de ces élections, un président dont la gouvernance sera un facteur déterminant de la sortie définitive de crise et de la normalisation de la Côte d'Ivoire.
Interview réalisée à Abengourou par JOEL ABALO