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Art et Culture Publié le dimanche 1 mars 2009 |

Litterature - Serge Bilé dévoile son enquête sur le racisme au Vatican

Il publie avec Audifac Ignace : « Et si Dieu n’aimait pas les Noirs ? »

Après Noirs dans les camps nazis, La légende du sexe surdimensionné des Noirs, et Quand les Noirs avaient des esclaves blancs, le journaliste et écrivain franco-ivoirien Serge Bilé fait paraître, en collaboration avec son confrère camerounais Audifac Ignace : Et si Dieu n’aimait pas les Noirs ? Enquête sur le racisme aujourd’hui au Vatican, aux éditions Pascal Galodé. Un ouvrage qui regroupe des témoignages de prêtres et de religieuses d’origine africaine, en poste à Rome, sur les conditions, les traitements et les discriminations dont ils seraient victimes.

« Qu’aucun noir ne soit déployé aux portes du Vatican. » En 1944, ce message du pape Pie XII est adressé au commandement des forces alliées et transmis, par le secrétaire d’Etat du Vatican, à l’ambassadeur de Grande Bretagne près le Saint Siège. Une injonction que le diplomate rapporte ainsi : « Le secrétaire d’Etat du Vatican est venu me voir aujourd’hui pour me dire que le pape espère qu’il n’y aura pas de soldats de couleur au sein des troupes alliées qui seront déployées à Rome après la libération. Il s’est empressé de souligner que le Saint Siège ne fixe pas de limite dans le degré des couleurs, mais espère que sa demande sera prise en compte. »

Les événements relatés datent de la Seconde Guerre Mondiale. Les choses ont-elles évolué depuis ? En 2006, le cardinal japonais Stephen Fumio Hamao dénonce les critères de nomination des évêques d’Afrique et d’Asie, en dévoilant au passage les dessous des réunions mensuelles auxquelles il a eu à prendre part, et où sont examinés les profils des personnalités pressenties pour la charge.

Deux poids, deux mesures

Si les prélats sont touchés par le phénomène, on peut imaginer ce qu’il en est pour ceux qui évoluent dans des sphères moins élevées. Alors que les prêtres européens accèdent à la fonction de chapelains (aide de camp du souverain pontife), purement honorifique et gratifiante au bout de trois ans de présence au sein siège, les ecclésiastes africains doivent quant à eux, selon l’enquête de Serge Bilé et Audifac Ignace, attendre entre neuf et quinze ans !

Dans l’enseignement, les auteurs de l’essai constatent les mêmes dérives à Urbaniana, l’université catholique qui dépend du Vatican. Les prêtres africains, qui y enseignent, doivent attendre parfois jusqu’à dix longues années pour être titularisés, alors que leurs collègues européens le sont au bout seulement de trois ans. Tout cela, au vu et au su du Saint-Siège.

Comment l’Eglise peut-elle alors être crédible dans sa dénonciation du racisme dans le monde, quand elle n’a pas la volonté de le combattre dans sa propre maison ? Le silence du pape et de la curie romaine sur cette question, la rend plus criante encore pour les auteurs de l’enquête.

Les plus gros bastions du catholicisme se trouvent désormais en Afrique, en Asie et en Amérique laine, tandis que l’Europe voit ses troupes rétrécir à vue d’œil. Pourtant, le racisme persiste : « Tout est fait pour nous rendre la vie difficile et nous décourager finalement de rester ici », confie un prêtre africain. D’autres, moins chanceux, victimes de tracasseries administratives, sont tombés dans la déchéance. Ils se retrouvent aujourd’hui… sans papiers à Rome. Ils seraient une centaine dans ce cas. Obligés de mendier pour survivre, ils ont interdiction de célébrer la messe, alors que les églises italiennes, et plus généralement européennes, manquent cruellement de prêtres. Un comble !

Esclaves domestiques et religieuses prostituées

Mais, il y a plus grave, nous disent les auteurs d’Et si Dieu n’aimait pas les Noirs ? : de jeunes recrues deviennent « captives ». Les congrégations romaines - crise des vocations oblige- font venir des religieuses africaines, pour travailler dans les maisons de retraite qu’elles possèdent et qui les font vivre. Les nouvelles venues, qui ne parlent généralement pas la langue, constitueraient une main d’œuvre taillable et corvéable à merci.

Ce serait le cas d’une religieuse congolaise qui raconte, dans le livre, comment la mère supérieure de son couvent lui a confisqué sa carte de séjour, le jour même de sa délivrance, pour être sûre de la tenir à sa merci. « On travaille de six heures du matin jusqu’à parfois vingt-heures le soir », confie la jeune femme, en regrettant de n’avoir même pas de quoi s’acheter ne seraient-ce que des sous-vêtements. Du coup, de brimades en privations, certaines d’entre elles finiraient par sombrer et accepter, contre rémunérations, les avances de prêtres italiens. Puis l’argent qu’elles gagnent serait envoyé « au pays » dans leurs familles.

Une enquête bientôt suivie d’un documentaire

Voilà, entre autres, ce que révèlent Serge Bilé et Audifac Ignace, qui se défendent d’avoir voulu faire du sensationnalisme, mais un travail de fond. Un travail par lequel ils entendent briser les chaînes d‘une aliénation dont la véritable portée ne s‘arrête pas à quelques victimes.

Au delà des anecdotes et des témoignages, Serge Bilé et Audifac Ignace plongent dans l’Histoire même du Vatican. De la malédiction de Cham à la position de l’Eglise par rapport à la traite négrière, en passant par toutes les croyances héritées de vieilles théories catholiques selon lesquelles les Noirs doivent leur couleur à leurs vices et leurs péchés, ce document expose une partie des faits et arguments sur lesquels l’Eglise s’est fondée pour prouver l’infériorité de la race noire.

En complément de ce livre, Serge Bilé proposera prochainement un documentaire sur la vie et la sexualité dans les couvents, avec les témoignages croisés, recueillis en Italie, au Congo, en France, et en Martinique, de cinq ex-religieuses, qui s’expriment sans tabou. Titre de ce film : Une journée dans la vie de Marie-Madeleine.

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