Le "procès exceptionnel" du journaliste Nanankoua Gnamantêh alias S.Epicure, arrêté le jeudi 19 mars 2009 et poursuivi par le parquet d'Abidjan pour offense au chef de l'Etat, a eu lieu hier mardi 24 mars 2009 devant le Tribunal des flagrants délits du Tribunal de Première Instance de Plateau. Nous vous proposons de larges extraits du réquisitoire du substitut du Procureur qui représentait le parquet, monsieur Diakité Mamadou et des plaidoiries des avocats qui dirigeaient le collectif des avocats de la défense : Maîtres Adjé Luc, Aka Narcisse et Blessy Chrysostome.
LE REQUISITOIRE
"(…) Madame le président, dans sa parution du vendredi 6 mars 2009, l'hebdomadaire "Le Repère" a publié un article intitulé (ALI BABA ET LES 40 VOLEURS). Cet article, quand vous le lisez, vous êtes, pour utiliser les propres termes du prévenu, ahuri. (Le substitut lit des passages sélectionnés dans le texte). Lorsque le prévenu a été entendu à la brigade de recherches, il a dit qu'il avait voulu encourager le Président dans sa volonté de lutter contre les voleurs. Est-ce que, pour encourager quelqu'un, on ne peut pas utiliser des termes clairs ? Le prévenu a dit ici que " ALI BABA " : c'est le président Gbagbo. Mais ma collègue vous a expliqué ici le contenu de la fable Ali Baba et les 40 voleurs : Ali Baba a pris le fruit des vols des 40 voleurs, pour les redistribuer au peuple. Il n'était pas ami aux 40 voleurs. Or, ici, le prévenu dit que Ali Baba, c'est le Président et ses amis les refondateurs. (…) Madame le président, le parquet est déçu : le prévenu n'a pas assumé ses dires. (Il cite encore des passages du texte). C'est comme ça qu'on encourage quelqu'un ? Madame, la présidente, en parlant de la secrétaire du président que nous avons jugée dans ce tribunal, il dit " la pauvre ". Et il veut nous faire croire qu'il encourage le président ainsi. Madame, le président, le parquet est déçu parce qu'on n'assume pas ! On veut fuir ses responsabilités. Le parquet n'avait pas voulu parler de la qualité de journaliste du prévenu et le parquet s'attendait à ce que la défense soulève d'entrée des exceptions sur cette question, mais peut-être tirant les conclusions, la défense ne l'a pas fait. Le parquet va le faire parce que le parquet a pour mission d'éclairer. (Il cite les articles 23, 24 et 30 de la loi de 2004 sur la presse) : article 23 : " Est journaliste professionnel, dans les conditions prévues par la présente loi, toute personne physique :
- justifiant d'un diplôme supérieur délivré par une école professionnelle de journalisme, à défaut, d'une licence de l'enseignement supérieur assortie d'une formation professionnelle de deux ans ou à défaut, d'une maîtrise de l'enseignement supérieur ou d'un diplôme équivalent, assorti d'une formation professionnelle d'un an dispensée dans une école de journalisme agréée ou reconnue par l'Etat ou d'un stage professionnel d'un an ;
- ayant pour occupation principale, régulière et rétribuée, la recherche, la collecte, la sélection, l'exploitation et la présentation de l'information ;
- exerçant cette activité dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle, ou dans une ou plusieurs agences de presse soumises à la Convention Collective ou au Statut Général de la Fonction Publique.
La qualité de journaliste professionnel est attestée par la carte d'identité de journaliste professionnel ".Voilà ce qu'on appelle un journaliste professionnel ! Celui qui revendique le titre de journaliste professionnel, doit le prouver par une carte. C'est clair et c'est net. Est-ce que je peux dire que je suis un avocat parce je possède une maîtrise et que je suis collaborateur d'un avocat ? (…) N'importe qui écrit parce qu'on se considère journaliste professionnel ! Mais tout ça va finir aujourd'hui ! Aujourd'hui ça va finir ! Aujourd'hui ça va finir ! (…) Madame le président, les prévenus sont poursuivis pour les faits d'offense au chef de l'Etat. Le président a été comparé à Ali Baba et les 40 voleurs. Madame le président, s'il n'y a pas offense, je ne sais pas ce qu'il en est ! S'il n'y a pas offense, je ne sais pas ce que c'est ! (Il cite le dernier passage du texte relatif à la chanson des zougloumen). Ce passage est une ironie ! Les prévenus veulent mettre un voile de fumée, mais c'est clair ! Madame le président, le parquet a été un peu long mais c'est pour la compréhension. Les prévenus sont deux. L'un est allé en prison et l'autre pas. La loi sur la presse est une loi exceptionnelle. Elle protège les journalistes professionnels. Même le président de la République ne bénéficie pas d'une telle protection. Seuls les journalistes professionnels qui détiennent une carte sont protégés. (S'adressant aux patrons de presse). Il faut écarter de vous ceux qui ne sont pas des journalistes professionnels. (…) Le directeur de publication a des responsabilités. Il est responsable des écrits qui paraissent dans son journal. Madame le président, les faits sont établis même si les prévenus veulent se cacher derrière un nuage de fumée. Madame le président, le parquet requiert qu'il vous plaise de condamner Eddy Péhé à payer une amande de 10 millions. 24 mois de prison ferme pour Nanankoua Gnamantêh et 500.000 francs d'amande. La suspension de "Le Nouveau Réveil" pour 8 parutions. Que le Tribunal ordonne la publication de la décision dans Fraternité Matin aux frais des prévenus, assortie d'une amande de 5 millions en cas d'inexécution. Que la décision soit assortie de l'exécution provisoire. J'en ai fini. "
La plaidoirie de maître AKA NARCISSE
" Madame la présidente, on a dit que la parole est libérée. La loi de 2004 sur la presse est claire. Le procureur fait une lecture partielle et partiale de cette loi. (…) Nulle part dans cette loi, il n'est écrit que le journaliste professionnel ne subit pas de condamnation. Nulle part. L'article 68 dit que la peine privative de liberté est exclue pour les délits de presse. Le procureur ne parle que de journaliste professionnel. La loi dit que pour les délits de presse, il n'y a pas de peine privative de liberté. La loi n'a pas dit seulement pour les journalistes professionnels. Il ne faut pas faire de distinction là où la loi ne fait aucune distinction. Madame la présidente, cela est un principe général de droit : on ne distingue pas là où la loi ne distingue pas. Et le procureur fait une lecture partielle et partiale de la loi. Madame la présidente, moi-même qui suit en train de plaider devant vous, je n'ai pas encore ma carte d'avocat : peut-on dire pour cela que je ne suis pas un avocat ? Ce n'est pas la carte qui confère la qualité ! La carte ne vient que pour attester la qualité, après. On ne peut donc pas condamner le prévenu parce qu'il n'aurait pas la carte de journaliste professionnel. Si vous le condamnez madame le président, le Tribunal aura commis une grave erreur. J'en ai fini. ".
Maître Blessy Chrysostome
"Madame le président, je voudrais confesser une chose : j'ai choisi ce métier pour mettre en exergue un principe : celui, du rejet de l'injustice. Et je ne regrette pas d'avoir choisi ce principe. Il peut nous arriver de commettre des injustices pour de nombreuse raisons : soit parce qu'on a voulu trop bien faire, soit parce qu'on a voulu exécuter des instructions, soit parce que des fonctions nous sont tombées dans les mains de façon hasardeuse (…) Cet article qui fait l'objet de ce procès rend service à la patrie. Monsieur Gnamantêh a assumé et sa cause est belle. C'est un honneur pour moi de l'assister en tant que juriste. Madame le président, nous sommes en ce moment dans un contexte de carême religieux et la fonction de juger est une fonction divine. Je souffre qu'il n'y ait personne dans ce pays pour assumer les responsabilités de sa conscience dans ce pays. Pourquoi est ce que monsieur Bédié, monsieur Ouattara, monsieur Gbagbo et autres n'iraient-ils pas faire leur palabre ailleurs qu'en utilisant les tribunaux et qu'il n'y a personne pour leur dire qu'ici c'est le droit et pas autre chose ? Le procureur dit qu'il est déçu mais c'est normal, c'est son rôle. En venant à ce procès, on a entendu beaucoup de choses. Et le procureur dans sa volonté d'exprimer cela a même fait un lapsus. Il demande la suspension du journal "Le Nouveau Réveil" alors qu'il s'agit ici du Repère. (…). Dans ce texte, qu'est ce qui est insultant ? En 1990, La voie a titré à sa UNE, parlant du gouvernement que le président Houphouët venait de former : Ali Baba et les 40 voleurs. A-t-on poursuivi quelqu'un pour ça ? Et à cette époque, la loi sur la presse n'existait pas encore. (…) Tous les faits relatés dans le texte qui fait l'objet de ce procès sont vérifiés et c'est le rôle du journaliste de le dire. Où est la volonté d'offenser ? Le procureur est allé cherché l'histoire d'Ali Baba sur le net, et bien nous aussi nous sommes allé sur le net et sur le site où se trouve relaté cette histoire, il y a un avertissement qui dit clairement que cette fable a connu beaucoup d'évolutions dans les narrations qui en ont été faites et que beaucoup de passages ont été travestis. (…) Et toute fable commence soit par une leçon, soit se termine par une leçon. (…) On ne peut pas Prétendre que Gbagbo ait pu dire volez doucement mes amis, l'argent n'aime pas le bruit ! On ne peut pas penser un seul instant qu'il puisse dire ça (…) Madame la présidente, nous présentons, au nom du groupe "Le Réveil", nos excuses à celui qui s'est senti offensé. Cet homme qui est devant vous a 62 ans (…) Faites mentir ceux qui pensent que vous obéissez à des ordres.
Maître Adjé Luc
"Madame le président, je ne serai pas long. Je ne comprends plus notre justice. Nous demandons une seule chose, l'application du droit. (…) Le parquet a demandé la publication de la décision dans un journal qu'il a choisi. Or, l'article 90 dit clairement que seule la victime peut demander la publication dans un journal de son choix. (…) L'objectif de ce procès, c'est porter atteinte à la démocratie en fermant un journal. Que peut-on faire quand quelqu'un dit qu'il est offensé puisque c'est lui qui le dit ? L'offense dépend donc de la personne qui lit. Il faut mettre de côté la susceptibilité un peu zélée du parquet. Le parquet n'a rien démontré. En quoi est-ce que dire que Gbagbo a dit que l'argent n'aime pas le bruit est une offense ? Tous les faits relatés dans ce texte sont des faits vérifiés. On dit qu'il a écrit, mais c'est le rôle du journaliste d'écrire.(…). On veut condamner mais le délit de presse exclut la privation de liberté. Si vous devez condamner, souvenez vous de l'article 89. "
Réaction du Procureur
"Le parquet estime que l'offense est une offense contre toute la société et le parquet représente la société et donc. Nous avons fait une auto saisine et donc c'est nous qui représentons la victime. Nous pouvons donc choisir au regard de l'article 90, le journal où la condamnation doit être publiée. "
Réaction de Maître Adjé
"Madame le président, nous vous prenons à témoin et nous prenions à témoin le peuple de Côte d'Ivoire que le procureur dit qu'il est le Président de la République ".
Propos recueillis
par ASSALE TIEMOKO
LE REQUISITOIRE
"(…) Madame le président, dans sa parution du vendredi 6 mars 2009, l'hebdomadaire "Le Repère" a publié un article intitulé (ALI BABA ET LES 40 VOLEURS). Cet article, quand vous le lisez, vous êtes, pour utiliser les propres termes du prévenu, ahuri. (Le substitut lit des passages sélectionnés dans le texte). Lorsque le prévenu a été entendu à la brigade de recherches, il a dit qu'il avait voulu encourager le Président dans sa volonté de lutter contre les voleurs. Est-ce que, pour encourager quelqu'un, on ne peut pas utiliser des termes clairs ? Le prévenu a dit ici que " ALI BABA " : c'est le président Gbagbo. Mais ma collègue vous a expliqué ici le contenu de la fable Ali Baba et les 40 voleurs : Ali Baba a pris le fruit des vols des 40 voleurs, pour les redistribuer au peuple. Il n'était pas ami aux 40 voleurs. Or, ici, le prévenu dit que Ali Baba, c'est le Président et ses amis les refondateurs. (…) Madame le président, le parquet est déçu : le prévenu n'a pas assumé ses dires. (Il cite encore des passages du texte). C'est comme ça qu'on encourage quelqu'un ? Madame, la présidente, en parlant de la secrétaire du président que nous avons jugée dans ce tribunal, il dit " la pauvre ". Et il veut nous faire croire qu'il encourage le président ainsi. Madame, le président, le parquet est déçu parce qu'on n'assume pas ! On veut fuir ses responsabilités. Le parquet n'avait pas voulu parler de la qualité de journaliste du prévenu et le parquet s'attendait à ce que la défense soulève d'entrée des exceptions sur cette question, mais peut-être tirant les conclusions, la défense ne l'a pas fait. Le parquet va le faire parce que le parquet a pour mission d'éclairer. (Il cite les articles 23, 24 et 30 de la loi de 2004 sur la presse) : article 23 : " Est journaliste professionnel, dans les conditions prévues par la présente loi, toute personne physique :
- justifiant d'un diplôme supérieur délivré par une école professionnelle de journalisme, à défaut, d'une licence de l'enseignement supérieur assortie d'une formation professionnelle de deux ans ou à défaut, d'une maîtrise de l'enseignement supérieur ou d'un diplôme équivalent, assorti d'une formation professionnelle d'un an dispensée dans une école de journalisme agréée ou reconnue par l'Etat ou d'un stage professionnel d'un an ;
- ayant pour occupation principale, régulière et rétribuée, la recherche, la collecte, la sélection, l'exploitation et la présentation de l'information ;
- exerçant cette activité dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle, ou dans une ou plusieurs agences de presse soumises à la Convention Collective ou au Statut Général de la Fonction Publique.
La qualité de journaliste professionnel est attestée par la carte d'identité de journaliste professionnel ".Voilà ce qu'on appelle un journaliste professionnel ! Celui qui revendique le titre de journaliste professionnel, doit le prouver par une carte. C'est clair et c'est net. Est-ce que je peux dire que je suis un avocat parce je possède une maîtrise et que je suis collaborateur d'un avocat ? (…) N'importe qui écrit parce qu'on se considère journaliste professionnel ! Mais tout ça va finir aujourd'hui ! Aujourd'hui ça va finir ! Aujourd'hui ça va finir ! (…) Madame le président, les prévenus sont poursuivis pour les faits d'offense au chef de l'Etat. Le président a été comparé à Ali Baba et les 40 voleurs. Madame le président, s'il n'y a pas offense, je ne sais pas ce qu'il en est ! S'il n'y a pas offense, je ne sais pas ce que c'est ! (Il cite le dernier passage du texte relatif à la chanson des zougloumen). Ce passage est une ironie ! Les prévenus veulent mettre un voile de fumée, mais c'est clair ! Madame le président, le parquet a été un peu long mais c'est pour la compréhension. Les prévenus sont deux. L'un est allé en prison et l'autre pas. La loi sur la presse est une loi exceptionnelle. Elle protège les journalistes professionnels. Même le président de la République ne bénéficie pas d'une telle protection. Seuls les journalistes professionnels qui détiennent une carte sont protégés. (S'adressant aux patrons de presse). Il faut écarter de vous ceux qui ne sont pas des journalistes professionnels. (…) Le directeur de publication a des responsabilités. Il est responsable des écrits qui paraissent dans son journal. Madame le président, les faits sont établis même si les prévenus veulent se cacher derrière un nuage de fumée. Madame le président, le parquet requiert qu'il vous plaise de condamner Eddy Péhé à payer une amande de 10 millions. 24 mois de prison ferme pour Nanankoua Gnamantêh et 500.000 francs d'amande. La suspension de "Le Nouveau Réveil" pour 8 parutions. Que le Tribunal ordonne la publication de la décision dans Fraternité Matin aux frais des prévenus, assortie d'une amande de 5 millions en cas d'inexécution. Que la décision soit assortie de l'exécution provisoire. J'en ai fini. "
La plaidoirie de maître AKA NARCISSE
" Madame la présidente, on a dit que la parole est libérée. La loi de 2004 sur la presse est claire. Le procureur fait une lecture partielle et partiale de cette loi. (…) Nulle part dans cette loi, il n'est écrit que le journaliste professionnel ne subit pas de condamnation. Nulle part. L'article 68 dit que la peine privative de liberté est exclue pour les délits de presse. Le procureur ne parle que de journaliste professionnel. La loi dit que pour les délits de presse, il n'y a pas de peine privative de liberté. La loi n'a pas dit seulement pour les journalistes professionnels. Il ne faut pas faire de distinction là où la loi ne fait aucune distinction. Madame la présidente, cela est un principe général de droit : on ne distingue pas là où la loi ne distingue pas. Et le procureur fait une lecture partielle et partiale de la loi. Madame la présidente, moi-même qui suit en train de plaider devant vous, je n'ai pas encore ma carte d'avocat : peut-on dire pour cela que je ne suis pas un avocat ? Ce n'est pas la carte qui confère la qualité ! La carte ne vient que pour attester la qualité, après. On ne peut donc pas condamner le prévenu parce qu'il n'aurait pas la carte de journaliste professionnel. Si vous le condamnez madame le président, le Tribunal aura commis une grave erreur. J'en ai fini. ".
Maître Blessy Chrysostome
"Madame le président, je voudrais confesser une chose : j'ai choisi ce métier pour mettre en exergue un principe : celui, du rejet de l'injustice. Et je ne regrette pas d'avoir choisi ce principe. Il peut nous arriver de commettre des injustices pour de nombreuse raisons : soit parce qu'on a voulu trop bien faire, soit parce qu'on a voulu exécuter des instructions, soit parce que des fonctions nous sont tombées dans les mains de façon hasardeuse (…) Cet article qui fait l'objet de ce procès rend service à la patrie. Monsieur Gnamantêh a assumé et sa cause est belle. C'est un honneur pour moi de l'assister en tant que juriste. Madame le président, nous sommes en ce moment dans un contexte de carême religieux et la fonction de juger est une fonction divine. Je souffre qu'il n'y ait personne dans ce pays pour assumer les responsabilités de sa conscience dans ce pays. Pourquoi est ce que monsieur Bédié, monsieur Ouattara, monsieur Gbagbo et autres n'iraient-ils pas faire leur palabre ailleurs qu'en utilisant les tribunaux et qu'il n'y a personne pour leur dire qu'ici c'est le droit et pas autre chose ? Le procureur dit qu'il est déçu mais c'est normal, c'est son rôle. En venant à ce procès, on a entendu beaucoup de choses. Et le procureur dans sa volonté d'exprimer cela a même fait un lapsus. Il demande la suspension du journal "Le Nouveau Réveil" alors qu'il s'agit ici du Repère. (…). Dans ce texte, qu'est ce qui est insultant ? En 1990, La voie a titré à sa UNE, parlant du gouvernement que le président Houphouët venait de former : Ali Baba et les 40 voleurs. A-t-on poursuivi quelqu'un pour ça ? Et à cette époque, la loi sur la presse n'existait pas encore. (…) Tous les faits relatés dans le texte qui fait l'objet de ce procès sont vérifiés et c'est le rôle du journaliste de le dire. Où est la volonté d'offenser ? Le procureur est allé cherché l'histoire d'Ali Baba sur le net, et bien nous aussi nous sommes allé sur le net et sur le site où se trouve relaté cette histoire, il y a un avertissement qui dit clairement que cette fable a connu beaucoup d'évolutions dans les narrations qui en ont été faites et que beaucoup de passages ont été travestis. (…) Et toute fable commence soit par une leçon, soit se termine par une leçon. (…) On ne peut pas Prétendre que Gbagbo ait pu dire volez doucement mes amis, l'argent n'aime pas le bruit ! On ne peut pas penser un seul instant qu'il puisse dire ça (…) Madame la présidente, nous présentons, au nom du groupe "Le Réveil", nos excuses à celui qui s'est senti offensé. Cet homme qui est devant vous a 62 ans (…) Faites mentir ceux qui pensent que vous obéissez à des ordres.
Maître Adjé Luc
"Madame le président, je ne serai pas long. Je ne comprends plus notre justice. Nous demandons une seule chose, l'application du droit. (…) Le parquet a demandé la publication de la décision dans un journal qu'il a choisi. Or, l'article 90 dit clairement que seule la victime peut demander la publication dans un journal de son choix. (…) L'objectif de ce procès, c'est porter atteinte à la démocratie en fermant un journal. Que peut-on faire quand quelqu'un dit qu'il est offensé puisque c'est lui qui le dit ? L'offense dépend donc de la personne qui lit. Il faut mettre de côté la susceptibilité un peu zélée du parquet. Le parquet n'a rien démontré. En quoi est-ce que dire que Gbagbo a dit que l'argent n'aime pas le bruit est une offense ? Tous les faits relatés dans ce texte sont des faits vérifiés. On dit qu'il a écrit, mais c'est le rôle du journaliste d'écrire.(…). On veut condamner mais le délit de presse exclut la privation de liberté. Si vous devez condamner, souvenez vous de l'article 89. "
Réaction du Procureur
"Le parquet estime que l'offense est une offense contre toute la société et le parquet représente la société et donc. Nous avons fait une auto saisine et donc c'est nous qui représentons la victime. Nous pouvons donc choisir au regard de l'article 90, le journal où la condamnation doit être publiée. "
Réaction de Maître Adjé
"Madame le président, nous vous prenons à témoin et nous prenions à témoin le peuple de Côte d'Ivoire que le procureur dit qu'il est le Président de la République ".
Propos recueillis
par ASSALE TIEMOKO