C’EST DONC LE DIMANCHE 29 NOVEMBRE, jour de l’Avent dans le calendrier chrétien, que la Côte d’Ivoire, enfin, ira élire son président. Devrait, pourrait élire est-on tenté d’écrire, tant les Ivoiriens au fil des ans se sont mués en disciples de saint Thomas : ils ne s’y résoudront que lorsqu’ils seront face aux urnes – et encore.
Vu d’Abidjan, pour l’instant, le paysage local se subdivise en quatre appréciations différentes quant au respect de cette échéance. Il y a ceux qui, officiellement et de par leurs fonctions respectives, affirment y croire : le chef de l’État Laurent Gbagbo et le Premier ministre Guillaume Soro. Il y a ceux qui, adeptes de la méthode Coué, tentent de se persuader d’y croire : Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara. Il y a ceux qui, entre deux portes, confessent ne pas y croire : la plupart des chancelleries occidentales. Et il y a ceux, dont nous sommes, qui estiment que les politiciens ivoiriens n’ont pas d’autre choix que de s’y plier puisque les élections se tiendront au besoin malgré eux. Le train est lancé et le processus est à ce point « bordé » par la communauté internationale qu’en dépit des petits sabotages, des grands reports et des arrière-pensées brouillées il est devenu quasi inéluctable.
De tous les facteurs explicatifs du retard hors normes sur le calendrier constitutionnel – quatre ans – que connaît aujourd’hui la Côte d’Ivoire, il en est un trop souvent négligé, mais capital et symbolique : l’argent. Pouvoir, ex-rebelles du Nord, Commission électorale indépendante, ministres de l’opposition, fonctionnaires onusiens, de la rue aux cabinets en passant par les institutions, le statu quo est devenu une rente de situation et une source de profit génératrices de blocages honteux et d’alliances indicibles dans lesquelles chacun ou presque trouve son compte. Plus que le casse-tête du désarmement et de la démobilisation, plus que la très délicate identification électorale, c’est bien le règne de la « mangercratie » dénoncé par le chanteur Tiken Jah Fakoly, ce système du ventre à la fois transethnique et transpolitique, qui a contribué à perpétuer la crise. L’éradiquer ne sera certes pas aisé et il y faudra sans doute bien autre chose qu’une élection, fût-elle historique. Reste que, sur ce plan aussi, les lignes bougent peu à peu. À preuve, ce courriel de notre envoyée spéciale Fabienne Pompey, reçu le 15 mai : « Remarque frappante : en une semaine ici, je n’ai pas été arrêtée une seule fois à un barrage. La situation s’est considérablement apaisée et la Côte d’Ivoire ne donne absolument plus l’impression d’être en état de guerre. » Alors, aux urnes, Ivoiriens !
François Soudan
Vu d’Abidjan, pour l’instant, le paysage local se subdivise en quatre appréciations différentes quant au respect de cette échéance. Il y a ceux qui, officiellement et de par leurs fonctions respectives, affirment y croire : le chef de l’État Laurent Gbagbo et le Premier ministre Guillaume Soro. Il y a ceux qui, adeptes de la méthode Coué, tentent de se persuader d’y croire : Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara. Il y a ceux qui, entre deux portes, confessent ne pas y croire : la plupart des chancelleries occidentales. Et il y a ceux, dont nous sommes, qui estiment que les politiciens ivoiriens n’ont pas d’autre choix que de s’y plier puisque les élections se tiendront au besoin malgré eux. Le train est lancé et le processus est à ce point « bordé » par la communauté internationale qu’en dépit des petits sabotages, des grands reports et des arrière-pensées brouillées il est devenu quasi inéluctable.
De tous les facteurs explicatifs du retard hors normes sur le calendrier constitutionnel – quatre ans – que connaît aujourd’hui la Côte d’Ivoire, il en est un trop souvent négligé, mais capital et symbolique : l’argent. Pouvoir, ex-rebelles du Nord, Commission électorale indépendante, ministres de l’opposition, fonctionnaires onusiens, de la rue aux cabinets en passant par les institutions, le statu quo est devenu une rente de situation et une source de profit génératrices de blocages honteux et d’alliances indicibles dans lesquelles chacun ou presque trouve son compte. Plus que le casse-tête du désarmement et de la démobilisation, plus que la très délicate identification électorale, c’est bien le règne de la « mangercratie » dénoncé par le chanteur Tiken Jah Fakoly, ce système du ventre à la fois transethnique et transpolitique, qui a contribué à perpétuer la crise. L’éradiquer ne sera certes pas aisé et il y faudra sans doute bien autre chose qu’une élection, fût-elle historique. Reste que, sur ce plan aussi, les lignes bougent peu à peu. À preuve, ce courriel de notre envoyée spéciale Fabienne Pompey, reçu le 15 mai : « Remarque frappante : en une semaine ici, je n’ai pas été arrêtée une seule fois à un barrage. La situation s’est considérablement apaisée et la Côte d’Ivoire ne donne absolument plus l’impression d’être en état de guerre. » Alors, aux urnes, Ivoiriens !
François Soudan