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Politique Publié le vendredi 22 mai 2009 | Le Repère

L’éditorial : Le prétexte des vauriens

Avec la fixation à l'arraché de la date très théorique du premier tour de l'élection présidentielle, l'on est en droit de penser que la campagne électorale est ouverte. Je continue certes de douter de la bonne foi des deux principaux membres de l'exécutif et principalement de Laurent Gbagbo, mais l'ambiance préjuge de ce que nous approchons de l'élection présidentielle. Ma conviction demeure aussi que la date de novembre 2009 est un gros bluff signé Laurent Gbagbo qui s'est enfermé dans une logique de fuite permanente de la confrontation électorale. Bref.

En attendant qu'on y arrive, l'un des principaux arguments brandis par le camp Gbagbo pour expliquer l'échec parfaitement cuisant de son mandat est que ce dernier a été empêché de travailler. Les tenants de cette thèse politiquement subtile dans sa démarche propagandiste évoquent l'idée bien réelle de la rébellion, comme facteur ayant sclérosé la gouvernance du champion de la refondation. D'un certain point de vue, ils n'ont pas tort. La rébellion est la forme la plus violente et certainement la plus abjecte des contestations politiques. Elle est une conséquence directe de la guerre des héritiers et/ou des bénéficiaires du putsch " républicain " de noël 99, pour reprendre le qualificatif de " l'opposant historique ".

On peut certes épiloguer sur le caractère nocif de la rébellion, comme on peut longuement disserter sur les assurances en janvier 2001 (après le complot de la Mercedes noire) du pouvoir du Front populaire ivoirien (FPI) sur les capacités militaires et humaines (subites) de la Côte d'Ivoire à faire face à n'importe quelle agression intra et extra muros. De mon point de vue, le prétexte de ce que la rébellion a empêché Laurent Gbagbo et son équipe de travailler ne tient pas la route pour plusieurs raisons.

Premièrement, c'est Laurent Gbagbo qui a inauguré les contestations politiques et sociales violentes sous le régime de Félix Houphouët-Boigny. C'est lui qui, d'une certaine manière, a préparé Guillaume Soro, son filleul, son élève et son apprenti, à prendre les armes. Il n'a laissé ni Houphouët ni Bédié (cf boycott actif, marches quasi hebdomadaires qui paralysaient Abidjan) " travailler " et une loi fort simple de la vie impose que très souvent c'est " tel est pris qui croyait prendre ".

Si Houphouët-Boigny ou Henri Konan Bédié brandissaient le prétexte des contestations sociopolitiques (certes différentes de la rébellion mais ayant à des degrés divers, les mêmes conséquences économiques et politiques) pour expliquer leurs faiblesses, il est clair que la première personne qui les aurait traités de vauriens serait incontestablement Laurent Gbagbo. Ce dernier agirait ainsi tout simplement parce qu'en politique, du moins sous nos tropiques de luttes épiques et inconséquentes (euphémisme pour dire idiotes), les plus farouches opposants politiques ne laissent presque jamais un chef d'Etat arrivé au pouvoir, surtout après un quiproquo de sang, " travailler " tranquillement. C'est d'ailleurs la deuxième raison de mon raisonnement.
De tous les hommes d'Etat ivoiriens, Laurent Gbagbo était le mieux placé pour savoir que son mandat n'aurait jamais été une sinécure. Pourquoi ? Parce qu'il n'a pas fait des mandats successifs de ses prédécesseurs une balade de santé. Troisième raison.

Mais, en admettant que la contestation militaire du 19 septembre 2002, parce qu'elle était surprenante par sa violence, a rendu Laurent Gbagbo hémiplégique dans sa conception globale de la gouvernance, on a du mal à expliquer que des gestes élémentaires de bonne gouvernance aient été envoyés aux calendes grecques par la refondation au motif que Guillaume Soro et ses hommes sont venus contrarier leurs bonnes intentions. Des exemples simples me convainquent dans ce sens et confortent ma position. Prenons l'exemple de l'impunité presque absolue dont jouit la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (Fesci) dans l'espace scolaire et estudiantin. En quoi la rébellion empêche la police de faire la lumière sur les divers assassinats depuis le meurtre gratuit de Habib Dodo à la récente décapitation d'un militant de ce mouvement à Daloa, par des éléments présumés de ce même mouvement ? En quoi la rébellion empêche les autorités académiques de l'université de Cocody dirigée par Téa Gokou, un baron du FPI (qui n'est pas du tout pressé de faire faire la lumière sur la disparition dans ses caisses de 513 millions Fcfa), à mettre de l'ordre dans cette institution ? En quoi la rébellion (qui n'avait pas encore commencé) a poussé Laurent Gbagbo à signer plusieurs décrets, à des fins géopolitiques suspectes, pour créer d'abord le fonds de développement et de promotion café cacao (FDPCC) en remplacement de la caisse de stabilisation dissoute par le général Robert Guéi, puis la Bourse café cacao (BCC), puis le Fonds de régulation café cacao (FRC), puis l'Autorité de régulation café caco (ARCC) ? En quoi la rébellion a poussé le chef de l'Etat à nommer à des postes de très haute responsabilité en 2001, une secrétaire de direction comme PCA du FRC ou un demi analphabète comme PCA de la BCC ? Est-ce Guillaume Soro et ses hommes qui ont contraint Laurent Gbagbo à nommer à la présidence du conseil d'administration de la Sicogi, une dame dont on ne connaît aucun diplôme universitaire si ce n'est un militantisme politique certes acharné ?
Les exemples de ce type peuvent être multipliés par cent. Les actes de gestion posés dès son élection, par Laurent Gbagbo telle l'impunité flagrante accordée aux responsables du charnier de Yopougon, laissaient déjà présager d'une dérive de gouvernance que la rébellion est venue amplifier pour finalement l'expliquer. La rébellion est en définitive le prétexte idéal pour tous ces vauriens qui continuent d'écrire de leurs agissements criminels, l'histoire ensanglantée de la deuxième république.

par André Silver Konan (kandresilver@yahoo.fr)
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