Le modèle ivoirien : enjeux et visions de l’aube de l’indépendance
Un modèle ivoirien d’arbre des compétences a bel et bien existé de Houphouët à Bédié. Les universitaires du FPI se sont acharnés à secouer cet arbre pour l’ébranler afin de s’installer, bien avant la turbulence politique que nous traversons aujourd’hui avec ses conséquences économiques, sociales et géopolitiques funestes. Mais le FPI n’a pas encore réussi à le déraciner pour refonder, ni aux présidentielles de 2000 (le PDCI avait été écarté du combat par des galipettes politico-juridiques), ni aux législatives (le PDCI en est sorti majoritaire), ni aux municipales (le FPI a été très largement minoritaire), ni aux conseils généraux. La secousse était planifiée avec l’utilisation de moyens violents, mais toutes les défaites subies par le FPI n’ont pas rabattu le caquet de son président, l’ex premier ministre, plus loquace que jamais. Les arguments pour combattre le système PDCI-RDA et son bilan reposent le plus souvent sur des idées reçues, développées par nos refondateurs pour soutenir une campagne de dénigrement.
Paradoxalement, alors qu’ils tiennent les rênes du pouvoir dans les ministères clés et les sociétés d’Etat les plus importants du pays depuis bientôt 10 ans qui permettraient de nous faire avancer, notre avenir n’a jamais été aussi incertain, et les incertitudes ne font que s’aggraver. Il faut s’attendre à la recrudescence des discours destructeurs venant d’une formation politique aux abois. Les cognées de ses bûcherons redoubleront dans leurs désirs refoulés d’abattre (dans une logique freudienne du parricide) ceux qui ont planté et entretenu l’arbre ivoirien. Pourtant, pendant quatre décennies, cet arbre a donné à la Côte d’Ivoire, troisième force économique en Afrique au sud du Sahara après l’Afrique du Sud et le Nigéria, une audience internationale aujourd’hui largement entamée. C’est l’élan donné par le PDCI-RDA qui permet encore au pays de tenir debout aujourd’hui malgré tous les efforts accomplis pour démolir son oeuvre.
L’indépendance formelle a donné l’opportunité à Houphouët-Boigny de mettre en place les premiers jalons pour planter l’arbre de l’élaboration d’une nation. Dans cette phase initiale, les cadres institutionnels et juridiques de l’héritage colonial et même son modèle social n’ont pas été rejetés en bloc, en 1960. Les racines, le tronc et les fruits de l’arbre planté par le colonisateur (infrastructures éducatives, sociales, administratives, équipements divers, mais aussi la culture, la vision du monde et de la modernité), et tous les germes de changement étrangers à nos civilisations traditionnelles ont servi comme premiers leviers pour amorcer la construction de la nouvelle Côte d’Ivoire. Ce fut une attitude pleine de sagesse et d’humilité qui relevait d’une appréciation réaliste de la faiblesse de nos moyens (scientifiques, techniques, économiques, militaires, diplomatiques) pour entrer dans le concert des nations modernes.
La vision et l’enjeu, en 1960 étaient, pour Houphouët et ses pairs, de faire, avec de petits moyens, mieux que le colonisateur ; d’apporter un plus à l’héritage métropolitain, de le bonifier pour la sécurité des Ivoiriens. Car garantir la sécurité des citoyens est le premier devoir régalien de tout Etat. Chez nous, la colonisation n’avait d’autre mobile que d’extraire et d’emporter à vil prix tout ce qui pouvait enrichir le trésor français pour la sécurité des Français. Nous n’avons jamais été dupes sur ce point. Mais au terme de son parcours, Houphouët a laissé un arbre chargé de beaux fruits à la postérité dans le jardin ivoirien, à l’intérieur d’un territoire accidentellement et artificiellement découpé dans le continent africain par les rivalités entre Européens. Ce qui frappe l’observateur dans une rétrospective sur le développement de la Côte d’ivoire de Houphouët et de Bédié et que les jeunes générations doivent retenir de l’œuvre de nos pionniers, c’était l’ambition légitime d’un rameau du RDA, à travers le PDCI, de se positionner au premier rang dans tous les domaines du progrès et de la modernité dans notre sous-région.
Houphouët et ses compagnons ont pétri et modelé au départ le territoire ivoirien en se fondant sur leur propre philosophie de l’action, avec un capitalisme d’Etat dans lequel le social a occupé une place très importante à l’aube de l’indépendance. Après Houphouët, les Chantiers de l’Eléphant d’Afrique de Bédié affichaient eux aussi, clairement, avec un style différent, mais avec la même détermination, la ferme volonté de continuer à repétrir l’espace ivoirien dans une stabilité dynamique et pacifique pour renforcer le rôle et la place de la Côte d’Ivoire dans l’espace CEDEAO, l’Afrique et le monde. Dans la mouvance de la continuité de l’Etat, qu’est devenu aujourd’hui l’arbre ivoirien planté par le PDCI-RDA? Cette question se pose et se posera de manière récurrente tant que la Côte d’Ivoire existera car, du PDCI en passant par le FPI, jusqu’à l’infini du futur, chaque parti politique qui aura à assumer le pouvoir au nom des Ivoiriens aura la responsabilité de cultiver un jardin dont les fondations demeurent pour le moment le premier arbre des compétences du pays planté par le parti sexagénaire. Le jardin de Houphouët et du PDCI-RDA s’est voulu au départ un jardin de la Paix.
lLes racines et le tronc de l’arbre ivoirien
L’histoire des quatre premières décennies de notre indépendance révèle les choix fondateurs qui ont permis d’organiser le nouvel Etat indépendant. Ces choix reposaient avant tout sur des valeurs qui se voulaient universelles et humanistes. Ils ont accroché les Ivoiriens, les populations des pays limitrophes et le monde occidental. La croissance économique continue pendant 20 ans (1960-1980) qui a fait émerger un pôle régional n’est pas indépendante de ces choix. La finalité de l’action des pionniers du PDCI-RDA était de bâtir un pays prospère et pacifique. Pour y parvenir, le développement du capital humain fut le premier des soucis de Félix Houphouët-Boigny, parmi les leviers devant jeter les bases (racines) du progrès de ce pays pacifique. Il anticipa et donna, quatorze ans avant l’indépendance, un signal très fort en envoyant en France un premier contingent de 150 jeunes Ivoiriens aux frais de la colonie triés sur le volet dans toutes les régions du pays sur un projet initial de 300, convaincu « Qu’il n’est de richesse que d’hommes». Partis à la conquête du savoir, ces jeunes gens et jeunes filles se sont baptisés eux-mêmes compagnons de l’aventure, en 1946, l’année où le PDCI-RDA naissait. Au début de l’indépendance, Houphouët a consacré la moitié du budget de l’Etat à l’éducation et à la formation de la jeunesse, la priorité parmi les priorités du pays. Son modèle était la Suisse qui s’est développée sans recourir à une puissance de feu. Il a équipé progressivement par la suite le pays en infrastructures éducatives et mis en place des établissements et des centres de recherche prestigieux, notamment ceux de Yamoussoukro, pour la formation scientifique et technique d’une élite. Dans la sphère de l’économie et du développement, il a anticipé également et projeté son pays à l’horizon 2000 (étude prospective Côte d’Ivoire 2000 en 1973-1974), et cet horizon lui a permis de tracer sa feuille de route pour une génération. Il a opté pour le capitalisme d’Etat, afin de mettre son pays à l’abri d’un libéralisme sauvage. Et il a mis enfin les Ivoiriens au travail dans la discipline en y veillant avec une dictature bonhomme.
Le basculement actuel du capitalisme dans les pays des plus ardents défenseurs du libéralisme et également le basculement de l’ordre mondial avec l’émergence de nouveaux pôles après le Japon (Chine, Inde, Corée du Sud, Brésil, Venezuela) montrent la hauteur de la vision du père fondateur du PDCI-RDA partagée de son vivant par la majorité des Ivoiriens. Houphouët a géré un régime politique basé sur le parti unique en toute connaissance de cause, en cherchant à regrouper toutes les forces vives du pays autour de ce parti par prudence, à une époque où la culture démocratique des masses rurales et des citoyens du pays en général était très faible. La construction de la démocratie et d’un Etat de droit était vue comme un processus exigeant un temps long face à cette faiblesse. Les leviers pour construire la démocratie à l’ivoirienne étaient le Dialogue, la Non-violence (la force la plus puissante contre les pires dictatures), la tolérance et la recherche du Consensus pour construire un pays stable, d’hospitalité et de fraternité dans un environnement de relations non conflictuelles, non seulement entre citoyens d’un même pays, mais aussi entre Ivoiriens et les citoyens des pays voisins et le reste du monde. Les racines de l’arbre ivoirien planté par Houphouët et le PDCI-RDA révèlent ainsi un homme et un Parti pénétrés d’une conviction : ce sont les valeurs qui mobilisent un peuple, et non pas les réalisations matérielles et artificielles ou la bravoure du premier des citoyens. Ces choix fondateurs, ces idéaux et valeurs honorent le passé de notre pays. Sont-ils périmés aujourd’hui ? Et que nous a-t-on proposé de mieux pour progresser dans la Côte d’Ivoire refondée?
L’arbre des compétences de la Côte d’Ivoire intègre également tout ce qui a été entrepris au niveau organisationnel pour actualiser une vision en réalisant des projets concrets et en mobilisant les Ivoiriens autour d’une volonté collective mise au service du progrès économique et social et de l’intégration nationale. Ce sont, outre les efforts consentis en faveur du développement du capital humain, l’’aménagement du territoire et son équipement en infrastructures plus importantes et plus performantes que celles du régime colonial. Oui, Il faut le dire sans complexe, Houphouët et le PDCI-RDA ont fait plus et mieux que le colonisateur sur ce plan. Nos réseaux de communication en 1999 n’avaient rien à voir avec les 600 Km de bitume en 67 ans de régime colonial. Un plan routier a été exécuté avec des objectifs précis de désenclavement. Le système de production, centré au départ sur l’agriculture comme moteur de croissance, a diversifié les cultures d’exportation et stimulé un important secteur agro-industriel et de nombreuses industries de substitution. Rappelons-nous en particulier le rôle des émissions matinales sur la coupe nationale du progrès pour mobiliser le monde rural. Tout cela a été possible grâce à la régulation du macro-système ivoirien par un ministère de l’Economie et des finances, un ministère du Plan et un ministère de l’Agriculture très forts au début de l’indépendance et une planification souple du développement. Au cours de cette phase qu’on a qualifiée d’âge d’or de la planification ivoirienne, toutes les options stratégiques ont été soutenues grâce à un BSIE alimenté par des ressources internes (surtout celles de la Caisse de Stabilisation) et des appuis extérieurs. Le parlement votait des plans quinquennaux et des programmes pluriannuels budgétisés et régionalisés, et les dépenses publiques n’émanaient pas d’ordonnances présidentielles ; les chefs de l’Etat (Houphouët et Bédié) ne se taillaient des budgets de souveraineté faramineux Le budget de Gbagbo est quatre fois plus important que celui de Bédié. Le budget de souveraineté de ce dernier qui avait été très fortement critiqué par le FPI était également inférieur à celui de l’actuelle primature en période de crise économique aiguë.
Houphouët et le PPCI-RDA, sous le parti unique, n’ont donc rien fait au hasard et ne sont pas parvenus à positionner notre pays comme un pays leader par le jeu dans l’improvisation. La place de la recherche scientifique et des études innombrables effectuées et surtout les performances des instituts de recherche agronomique est souvent occultée quand on parle des performances de la Côte d’Ivoire d’hier. L’université d’Abidjan devenue par la suite université nationale y a pris une part active avec une faculté des sciences médicales phare. L’ensemble du tissu de la recherche a donné une certaine autonomie de pensée de décision et d’action aux pouvoirs publics pour construire l’avenir de notre pays. Ces leviers scientifiques et une coopération intelligente avec l’ex colonisateur ont favorisé l’actualisation de la vision ivoirienne. Le rôle de la France par ses appuis scientifiques n’a pas de prix.
On ne soulignera jamais assez le rôle de l’agriculture qui a permis de dessiner un nouveau pays économiquement et humainement. Il n’y a plus aujourd’hui un seul espace ethnique homogène comme au temps colonial en en milieux rural KROU et AKAN à cause des déplacements inter-régionaux du monde paysan à la recherche de numéraire. L’agriculture et le désenclavement ont déclenché le mouvement irréversible de l’intégration des hommes et des cultures, et les velléités ethnocentristes ne pourront absolument rien contre cette tendance lourde irréversible malgré ses enjeux fonciers, en ville (tout l’espace atchan autour de la métropole abidjanaise), et à la campagne (tous les espaces akan et krou). Le pays est à jamais multiethnique et cosmopolite dans tous ses compartiments au sud de l’axe Bondoukou-Séguéla. L’activation du système économique ivoirien et de l’intégration nationale aurait été impossible sans l’implication directe et massive de l’Etat avec les moyens opérationnels mis en œuvre, notamment les moyens des SODE (sociétés d’Etat). Les ajusteurs structurels leur attribuent tous nos maux. Observons le modèle chinois en pleine expansion : « pour autant, la planification n’a pas disparu, non plus que le rôle très important des entreprises d’Etat. Conservons l’ancien, adaptons le nouveau…» (Pierre Gentelle, 2006).
Les ajusteurs structurels nous ont fait liquider ou privatiser hâtivement ce qui avait fait notre force en stimulant nos paysans. Nous préférons parler d’appropriation, de capture, de prédation de nos entreprises par le jeu de la circulation de flux financiers internationaux à la recherche de profits colossaux avec la globalisation de l’économie mondiale, en occultant la dimension développement de nos espaces ruraux et le social, très important dans le plan de Houphouët et de ses ministres. Bédié le financier, Diawara le planificateur, Sawadogo qui repétrissait les milieux ruraux traditionnels, Usher qui véhiculait de par le monde les fondements idéologiques et politiques des choix stratégiques de la Côte d’Ivoire et les autres ministres exerçaient leurs ministères sous une impulsion sociale-démocrate, dans un régime politique libéral. Cette attitude marquait le début d’une autonomie réelle de l’Etat.
Depuis le début des années 1980, la logique et la force de l’idéologie de Bretton Woods, puis la déréglementation, le braquage des entreprises des pays en développement comme seule solution aux problèmes de mauvaise gestion des entreprises publiques, la déconstruction des Etats etc. doivent être intégrées dans les contraintes imposées par le rouleau compresseur de la mondialisation libérale pour interpréter les ajustements structurels en Côte d’Ivoire et dans les autres pays non encore développés. Nous n’avions pas senti et compris à l’époque la nouvelle dynamique du monde qui était en train de basculer ; nous n’avions pas eu le temps de nous arrêter pour réfléchir au bilan des vingt premières années d’actions volontaristes de développement public, avec ses forces et ses faiblesses, et les opportunités et menaces du nouvel environnement de la globalisation, avant de privatiser en cascade tout ce qui nous avait donné un élan et une forte personnalité sur le plan africain et mondial. Que serait la Côte d’Ivoire de 2009 avec les seules réalisations des initiatives du secteur privé si l’on efface ce que les SODE, la Caisse de stabilisation et la SONAFI nous ont permis de capitaliser de 1960 à 1980 ? Que nous ont rapportées la nouvelle dynamique du libéralisme triomphant et la loi du marché et du laisser-faire dans le domaine du développement, de la réduction de nos inégalités et la sécurité globale du citoyen ivoirien, raison d’être de l’action gouvernementale ? Soulignons au passage que le taux de pauvreté de la Côte d’Ivoire en 1985 était de 10% (INS, 2008). Il est de 50% aujourd’hui. La rupture avec l’autonomie de la réflexion nationale de l’aube de l’indépendance correspond, à notre sens, à l’abandon de la croyance en notre propre fétiche dans la conception du combat avec l’ange du développement. Nicolas Sarkozy a bien eu raison de dire que nous ne sommes pas rentrés dans l’histoire, (du futur) n’en déplaise à ceux qui s’accrochent à la fierté du passé de l’Afrique avec son très haut degré d’inerties. La Côte d’Ivoire telle qu’elle était partie devait être aujourd’hui au niveau de la Corée du Sud pour entrer dans l’histoire. Hélas !
Houphouët-Boigny, «cerveau politique de premier ordre (Charles de Gaulle), un modeste ?médecin africain? et non un docteur des facultés de la métropole, avait pensé et organisé son pays sans faire une fixation sur les affres de la colonisation. Et pourtant, les Ivoiriens ont souffert, et nous avons souvenance que les garde-cercles bottaient les fesses des papas devant leurs poupons, violaient parfois nos mamans, chicotaient nos oncles qui traçaient les routes et le chemin de fer pour l’évacuation des produits agro-forestiers. Houphouët avait fait mettre un terme aux travaux forcés sans heurts et sans affronter le colon, par la loi, avant de coopérer intelligemment avec l’ex métropole, surtout dans le domaine de la formation du capital humain et de la recherche scientifique au service du développement. Houphouët fut ainsi notre chance dans la plantation de l’arbre des compétences de la Côte d’Ivoire.
lDérives refondatrices et agressions de l’arbre ivoirien
C’est une très grave aberration que les universitaires du FPI aient pu écrire sans vergogne au vu de ce qui précède l’énormité suivante : les performances de la Côte d’Ivoire sous Houphouët relevaient d’un «bilan sans projet» (Laurent Gbagbo dans la préface de «gouverner autrement la Côte d’Ivoire ». Non! Monsieur le Président ! Combien de pays autour de nous ont-ils reçu un héritage économique aussi lourd et précieux que celui de la Côte d’Ivoire à la suite d’un coup d’Etat ? Vous, et vos autres savants et idéologues de gauche, qu’avez-vous fait de cet héritage envié autour de nous ? Vous ne pouviez pas ne pas avoir lu, vu et entendu ce qui a été fait pour votre promotion personnelle et pour notre pays par Houphouët et le PDCI-RDA. Et quel est votre plan d’action dans le brouhaha de la refondation et son catalogue irréaliste de propositions, pour quel horizon ? Nombreux sont, parmi vous, ceux qui sont de mauvaise foi sur l’histoire du développement de la Côte d’Ivoire falsifiée dans votre projet pour Gouverner autrement la Côte d’Ivoire. Il n’était pas bon de se gausser de ses prédécesseurs alors qu’on n’avait encore rien accompli soi-même. Il n’était pas bon également d’occulter la valeur et les mérites d’une formation politique dans un contexte où le pays avait moins de 50 cadres ayant terminé des études supérieures dans l’approche du développement qui est forcément intergénérationnelle. Vous aviez l’héritage le plus consistant de l’ex AOF et des milliers d’universitaires à votre disposition à la différence de Houphouët. Quelle utilisation en avez-vous fait en préférant des demi-lettrés pour certaines hautes fonctions? Les Refondateurs n’ont vraiment pas compris le paradigme houphouétiste du développement. Houphouët était un social-démocrate qui ne se préoccupait pas de gloser sur les concepts. Il parlait peu et agissait méthodiquement et avec finesse et un sens élevé de l’honneur et de la compétition pour tout ce qui concernait l’avenir de son pays.
La sagesse, l’expérience et surtout la force des Présidents Houphouët et Bédié et des autres ministres et hauts responsables des deux premières générations de l’indépendance trouvent leur explication dans leur préparation préalable à l’exercice de leurs missions sans complexe nègre. Houphouët a participé à plusieurs gouvernements successifs dans une grande puissance mondiale et a même exercé la fonction de ministre d’Etat. Autour de lui dans la phase de l’indépendance, ses ministres et surtout ses ambassadeurs étaient préparés à l’exercice de la fonction diplomatique avec rigueur (lire l’ouvrage de Camille Alliali : Disciple d’Houphouët-Boigny). Gravir à l’époque coloniale des échelons jusqu’à de hauts niveaux dans un environnement politique européen qui ne tolère pas la médiocrité ne pouvait qu’honorer Boigny et son pays d’origine. Si la Côte d’Ivoire a évité des errements dans ses choix politiques à l’aube de l’indépendance, c’est sans doute parce qu’elle a eu la chance d’avoir des dirigeants parvenus au sommet du pouvoir après avoir franchi des étapes qui forgent le sens de l’Etat, la responsabilité, et la pitié du citoyen pour sa sécurité qui est son premier droit humain. Aujourd’hui, le malaise ivoirien ne vient-il pas en partie de ce que, sous la seconde république, de très lourdes charges nationales et internationales sont attribuées à des citoyens sans étoffe, parfois même à des demi-lettrés, sans compétence aucune et sans préparation préalable, ou sans autre qualification que les titres académiques pour ceux qui les ont, avant d’être propulsés au sommet d’institutions prestigieuses ?
Après Houphouët, le projet de l’Eléphant d’Afrique de Bédié était aussi ambitieux que celui de son prédécesseur. Ceux qui ont pris la peine de le parcourir y découvrent une vision, des visées précises et des vecteurs pour donner, à travers «Le progrès pour tous et le bonheur pour chacun», une nouvelle dimension à notre pays à l’horizon d’une génération. Nous disons bien horizon d’une génération et non en deux ou cinq ans. Son objectif n’était pas seulement de garantir trois repas aux Ivoiriens par jour et de lutter contre la pauvreté. Il l’a répété à Williamsville ; son projet est plus profond. Il se garde d’apparaitre comme le super homme qui a seul la capacité de transformer par un coup de baguette magique, en un an comme le très compétent et Matamore du développement, l’actuel président du FPI, la vie des Ivoiriens. Son projet de l’Eléphant d’Afrique participe d’une approche intergénérationnelle. Les Ivoiriens doivent donc relire son adresse à la nation du 26 août 1995 à la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour juger en toute sérénité si son redéploiement avec des retouches adaptées au nouvel environnement national, à notre environnement intermédiaires (l’UEMOA et la CEDEAO) et l’environnement mondial avec ses basculements actuels serait du réchauffé.
Les ivoiriens doivent savoir raison garder et mettre, dans la balance de leur jugement pour le choix de notre futur président, la faisabilité des promesses des candidats, leur compétence et celles de leur parti ainsi que celle des nouveaux et jeunes acteurs qui devront entourer le vainqueur aux élections. Nos candidats déclarés sont tous vieux au sens biologique du terme. La communauté internationale et les Ivoiriens auront l’occasion de juger dans les semaines et mois qui viennent de la pertinence, du réalisme, de la congruence et de la sincérité des idées et propositions des candidats quand les projets de société et les programmes de gouvernement auront été déballés dans leur intégralité. La campagne qui a commencé sonnera sans aucun doute le glas des improvisateurs patentés et vendeurs d’illusions qui n’ont pu rien faire d’autre que des monuments hideux, lugubres et des jardins éphémères et inondables qui paralysent la circulation et enlisent des autobus à chaque pluie avec plus de 14000 milliards engloutis on ne sait où dans la moitié de « Côte d’Ivoire utile », selon leurs propres termes, qu’ils avaient la responsabilité de gérer.
Le PDCI-RDA est incontestablement la formation politique nationale la mieux dotée en potentiel de femmes et d’hommes jeunes, d’adultes et d’expériences anciennes avérées, tous enthousiastes, et prêts à servir pour réactiver une histoire nationale capable de nous faire revivre l’ambiance des « vingt glorieuses » (années 1960 1980). Il n’y avait rien de miraculeux pourtant à l’époque. C’était tout simplement un pays pensé avec foi et amour par les Ivoiriens eux-mêmes sans pression extérieure, organisé, et au travail selon la vision du Grand Félix. Des ex collaborateurs de cet homme providentiel pour les Ivoiriens sont encore vivants, pétris d’expérience à revendre, et encore pimpants de jeunesse pour certains d’entre eux dans les pensées politique, économique et sociale qu’ils publient. Parmi eux figurent Ekra Mathieu, Henri Konan Bédié, Abdoulaye Sawadogo, Konan Lambert et ses nombreux ingénieurs qu’il contribua à faire former et qui éclairèrent le pays, Hortense Aka Anghui, Zadi Kessy, Alliali Camille, Abdoulaye Koné, Banny le brillant avocat et Banny l’ex premier ministre et gouverneur de la BCEAO, Essy Amara, Duncan, Moulo, etc. etc. etc. Et j’en passe. Quelle société ou régime sérieux occulterait, face à la sévérité d’une crise, de telles capacités intellectuelles parce que ces hommes seraient ?vieux? (plus de 60 à 70 ans), afin de remettre un pays sur le chemin du développement? Voter pour tout ce monde autour de Bédié, c’est redonner sa chance à la Côte d’Ivoire.
Le plan d’action que Duncan avait la lourde responsabilité d’exécuter n’avait rien de vieillot. A l’examiner de près et sans état d’âme, la paire Bédié-Duncan et l’équipe gouvernementale qui l’entourait avaient stabilisé et relancé l’économie et tous étaient en train de renforcer le poids régional de la Côte d’Ivoire lorsque survint le stupide coup d’Etat qui nous fait faire des bonds en arrière chaque année. Nos partiales forces de défense n’ont pas, elles aussi, pitié pour la sécurité globale des Ivoiriens. L’image actuelle d’Abidjan, « métropole de plus en plus dégradée et anarchique » (Jeune Afrique 2001), l’état de nos infrastructures et l’audience de notre pays auraient été bien meilleurs aujourd’hui avec l’organisation mise en place et les moyens déjà acquis si ce coup d’Etat de 1999 n’avait pas interrompu brutalement les travaux de l’Eléphant d’Afrique. Dans sa visée, le projet de Bédié allait au-delà de la lutte contre la pauvreté : sa finalité à l’horizon d’une génération, était de forger un pays émergent créateur de richesses et soucieux de la promotion de l’homme ivoirien et de notre culture nationale. Le coup d’Etat a repoussé les échéances de plus de10 ans dans le futur, mais les générations actuelles, mieux outillées scientifiquement et techniquement que les anciennes, pourront parachever l’œuvre de Houphouët et Bédié, et elles le feront avec le nouveau départ que le PDCI-RDA insufflera au pays en revenant au pouvoir. On ne demande pas aux Ivoiriens de voter un homme, mais pour celui qui rassemblera, dans l’intérêt supérieur des Ivoiriens, l’équipe la plus compétente, la plus rassurante pour son expérience, et la pacifiste.
Les fruits de l’arbre ivoirien
L’arrêt sur quelques images fortes des actions de Houphouët et de Bédié dévoile les fruits de l’arbre des compétences hérités du PDCI-RDA. Tout ce que les Français nous ont légué : écoles, centres de recherche, routes, ports, villes, agriculture, industrie, communications, hôpitaux, habitat etc. avait été bonifié, et cela permettait aux Ivoiriens d’afficher une légitime fierté quand ils étaient loin de leur pays. C’était la dimension psychologique de notre ivoirité que partageaient MANDE, VOLTAÏQUES, KROU et AKAN et des millions d’immigrés concentrés en zone forestière et dans nos villes, dans l’espace le plus attractif, le plus cosmopolite, le plus disputé, le plus partagé, et le plus intégrateur de la CEDEAO. Cette terre d’Espérance avec ses 26% d’étrangers en 1998 est une création du PDCI dans l’esprit RDA de rassemblement des Africains. Nos premiers dirigeants ont ainsi rempli les engagements pris sur les bords du Niger, en 1946, au pays de Soundjata. Nos parents se reconnaissaient d’ailleurs le plus souvent par leur appartenance au RDA avec ses démembrements dans l’ex AOF et l’ex AEF. Paradoxalement, aujourd’hui, les Ivoiriens fuient de plus en plus vers les pays du Nord et les Etats limitrophes. Ces départs sont des indicateurs de l’échec du FPI et de la dégénérescence de l’arbre des compétences de notre pays. Les refondateurs sont en train de le rabougrir.
Pour une culture de la résilience
Quatre décennies de stabilité et le progrès économique et social avaient donné un poids géopolitique régional à la Côte d’ivoire, grenier du cacao mondial, grand exportateur de matières premières agricoles, premier bassin industriel de l’UEMOA et premier centre d’affaires régional de cet ensemble géopolitique. La côte d’Ivoire a totalisé 26 années de croissance sur 39 ans de règne du PDCI, soit 66,6% de son parcours en temps de croissance positive et au-dessus de la croissance démographique. Le PIB du pays s’est accru de près de 40 % de 1994 à 1999, après les années de résultats économiques mitigés entre 1980 et 1993. Le pays était en train de regagner ce qui avait été perdu au cours des six années de présidence de Bédié. Par ailleurs, 51% des étudiants dans le cycle supérieur des huit pays de l’UEMOA se concentraient en Côte d’Ivoire au moment où la crise se déclenchait en 1999. Ces performances, et surtout celles concernant le développement du capital humain sont mal appréciées par la frange des jeunes ivoiriens qui n’avaient que 10 ans lorsque prenait fin, par la force des armes et non par la voie des urnes, le régime du PDCI-RDA. Leur attention continue d’être détournée par la campagne insidieuse de dénigrement contre le PDCI-RDA. Et voilà que malgré le désastre dans lequel l’école ivoirienne se trouve, l’on nous proclame qu’il faut accorder la priorité à l’équipement du pays en armes, plutôt qu’à la construction d’écoles et d’hôpitaux. On engloutit des centaines de milliards dans la construction de monuments et de bâtiments publics à Yamoussoukro en regardant se délabrer les prestigieuses infrastructures de formations existantes et notre beau réseau routier. Jeunes Ivoiriennes et Ivoiriens, paysannes et paysans, ouvrières et ouvriers, vous l’avez entendu. L’école, l’emploi et la santé ne seront pas les priorités des dirigeants du FPI si vous faites l’erreur de les maintenir au pouvoir. Ils se proposent d’ériger une forteresse militaire pour protéger une économie fantôme et des monuments.
Dans les Etats du Nord dont les modèles économiques et sociaux continuent d’inspirer nos pays africains, ce sont les valeurs qui sont mobilisatrices, et qui permettent de dégager une énergie collective. Cette vérité universelle permet de mesurer et de comprendre l’importance et la constance dans les efforts que le parti sexagénaire a toujours accordés à la jeunesse en lui consacrant la priorité parmi ses priorités. Sans fanfaronnade, sans triomphalisme, et sans promesses mirifiques. Pour réactiver l’histoire de la Côte d’Ivoire gagnante et revenir aux années glorieuses, et pour éviter à terme une autre crise morale grave, il est absolument nécessaire que nous fassions la promotion de la culture de la résilience, c’est-à-dire mettre à profit, en synergie, nos capacités individuelles et collectives pour positiver les traumatismes que nous avons subis, ainsi que nos échecs et humiliations. C’est possible si nous nous faisons mutuellement confiance. Ce facteur psychologique nous aidera à gérer et à réduire la corruption, sans nous illusionner toutefois sur les chances de la faire disparaître totalement, pour restaurer un Etat de droit et la puissance de notre Etat.
Le visage que la Refondation nous a montré pendant neuf tristes années d’accroissement de notre pauvreté est diamétralement opposé à une telle vision. Les Refondateurs ont instrumentalisé notre jeunesse pour asseoir et protéger un régime totalitaire dans lequel ils se servent copieusement et en toute impunité. Le moins qu’on puisse dire après bientôt 10 ans de pouvoir FPI, c’est que ce parti a méprisé et continue de mépriser les racines de l’héritage de la Côte d’Ivoire. On le comprend avec cette idée gravée en noir et blanc dans la préface de «Gouverner autrement la Côte d’Ivoire» : «Nous nous sommes levés contre le PDCI-RDA, c’est-à-dire contre une vison de la Côte d’Ivoire, contre une politique, et contre une méthode».
L’antibédiéisme chronique, programme du FPI
Le FPI n’a pas de projet pour la Côte d’Ivoire et sa jeunesse. Dans ses agoras, on s’évertue à emballer cette jeunesse à travers un discours populiste qui rejette en bloc les fondements historiques des progrès accomplis par la Côte d’Ivoire pour la nouvelle alternative du FPI visant à « préserver le pays de l’affrontement entre hommes ; fonder une Nation Africaine démocratique et socialiste en Côte d’Ivoire ; gouverner la Côte d’Ivoire autrement». On apprécie aujourd’hui le bilan de cette promesse : deux ans après son accession au pouvoir, et après avoir obtenu les deux années de trêve demandées au peuple par l’ex-premier de nos ministres pour donner vingt ans de bonheur aux Ivoiriens, le FPI nous a amené la guerre, la pauvreté et la partition du pays en gouvernant hors normes. Ses dignitaires ne cessent cependant de goûter aux délices de certains fruits du travail de la première république servis abondamment à la table de leurs agapes. La refondation par nos professeurs nous a fait perdre le souci de la recherche du premier rang dans le progrès en Afrique en commençant par la sphère intellectuelle, alors que cette sphère intellectuelle, comme Houphouët et le PDCI l’avaient si bien compris dès le départ, « est la base de toute progression assurée et surtout le fondement de l’autonomie nationale». L’idéologie et les pratiques de nos amis professeurs de gauche pour nous gouverner autrement ont reposé sur le concept suranné de la lutte des classes qui ne fait plus recette aujourd’hui, sauf pour contester, semer la discorde, la violence, le désordre et des déchets toxiques. Ils sont en train de faire pourrir par la tête un pays hier plein de promesses au lieu d’apprendre à notre jeunesse à glorifier l’excellence. L’antibédiésme chronique est le projet du FPI. Nous attendons impatiemment son programme pour la Côte d’Ivoire de demain dans la campagne qui s’annonce. Nous serons très attentifs à ses propositions innovantes pour redonner son audience à la Côte d’Ivoire.
Pour le moment, les “choix périmés” de Bédié pour reconstruire la Côte d’Ivoire afin d’en faire un pays émergent à l’horizon d’une génération font le tour du pays et sont applaudis depuis deux ans par un peuple appauvri dans nos villes et hameaux les plus enclavés et reculés. Le dernier combat de Bédié s’organise autour de cette vision, de ses visées et de ses leviers. Une nouvelle frange de jeunes gens et de jeunes filles déterminés et enthousiastes se met en rang de bataille autour de ce projet. Ils sont issus de tous les horizons culturels du pays, de toutes les couches sociales et à tous les niveaux hiérarchiques au plan intellectuel. Ici, réside la force du PDCI-RDA rappelée à Williamsville le 6 juin 2009. Le combat de Bédié ne rompt donc pas avec la tradition houphouétiste. Il prolonge cette tradition, la réadapte pour qu’elle soit bonifiée, dans la conjoncture de l’interconnexion des économies d’un monde global et de l’accélération du changement. Bédié ne cesse de le répéter à toutes les étapes de sa tournée amorcée depuis son investiture du 11mars 2006 : ce sont la sagesse et l’expérience des anciens du parti sexagénaire, la compétence et l’enthousiasme des jeunes générations impliquées dans la dynamique du renouveau et l’assurance que donne la tradition pacifiste du parti sexagénaire qui seront les fondements de la reconstruction nationale grâce à la mutualisation de toutes ces capacités. Avec le retour prochain du PDCI-RDA à la gestion des affaires de l’Etat.
lUn nouveau départ avec le PDCI-RDA pour rentrer dans l’histoire
Nul pays n’a pu s’élever au rang de grande nation sans le levier d’une puissance éducative. Il faut donc voir à travers l’appel de Williamsville l’un des axes majeurs dans le redéploiement de notre pays ; car sans ce levier, il sera impossible de soutenir une stratégie de reconquête de notre place de leader de la sous-région et de l’Afrique. Cela transparaît en filigrane dans les adresses denses et nuancées de Bédié au peuple ; « donner à la jeunesse ses repères… », la sortir du gouffre et du marasme dans lequel elle a été enfoncée depuis 10 années déjà par l’éducation civique et morale ; l’éducation civique à caractère non militaire ; la valorisation du mérite, le retour des normes académiques et de la culture démocratique sur le lieu du savoir en lieu et place « des coups de machettes et de gourdins» ; l’assainissement de l’environnement scolaire et universitaire. Mais il faut également réhabiliter le maître et son autorité, son respect, et lui offrir des conditions de travail et de promotion dans sa carrière qui lui redonnent le goût de la formation des hommes et de la production du savoir par la recherche. Pour le PDCI-RDA, l’avenir de la jeunesse ivoirienne continuera donc d’être au centre des préoccupations prioritaires et des stratégies du futur dans le vaste projet de l’Eléphant d’Afrique.
La relance de l’économie et la recherche de moyens ne posent aucun problème technique et politique à Bédié : toutes les années durant lesquelles il a exercé les plus hautes fonctions au sommet de l’Etat ont été des années de croissance positive et d’accroissement de notre richesse nationale. Son réseau de relations pendant le temps où il a été ambassadeur, ministre, maire, président de l’Assemblée nationale, à la Banque Mondiale et Président de la République est tentaculaire. Le défi, pour Bédié, sera moins d’imaginer et de trouver des ressources pour financer notre développement que d’aider à surmonter la crise de confiance entre Ivoiriens, la crise du sens et des valeurs enracinées dans et à l’école à l’aube du troisième millénaire. La réorganisation du pays par la création d’inflexions et de ruptures qui s’imposent et le travail des Ivoiriens créeront à nouveau des richesses à partager équitablement. Comme hier, il aidera, à l’instar de Houphouët, les Ivoiriens et les jeunes en particulier à se prendre en charge en redonnant une marge d’autonomie au pays pour repenser par lui-même son avenir, afin de permettre à la Cote d’Ivoire de rentrer dans l’histoire. Dans le sens où l’entendait, sans démagogie, le président Nicolas Sarkozy dans son adresse aux Africains à Dakar. Les leçons de son éviction du pouvoir, sa haute culture, son expérience politique et sa lucidité à un âge qui n’est pas antinomique à la créativité et à l’innovation lui donnent tous les atouts indispensables pour préparer, dans son dernier combat, une nouvelle classe de jeunes Ivoiriens capables d’affronter de nouveaux défis. Sa foi en son projet (il déclarait le 26 août 1995 à la Fondation Félix Houphouët-Boigny «yes, we can : oui, nous le pouvons») et les idéaux de Houphouët-Boigny et du PDCI-RDA dont il est le conservateur ainsi que la sagesse des hommes d’expérience qui l’entourent ne le prédisposent pas à se battre pour se venger lorsqu’il aura reconquis le pouvoir. «La paix est le fruit de la justice, mais personne ne doit par la violence se faire justice à soi-même».
Le FPI n’a ni plan d’action réaliste et crédible, ni les compétences pour développer la Côte d’Ivoire depuis son accession calamiteuse au pouvoir. Il ne pourra pas le faire même si on lui donne vingt ans de plus. Nous l’avons tous constaté ; personne ne nous l’a raconté. La guerre n’est qu’un prétexte commode dans ses élucubrations pour se défendre. La triste parenthèse du règne du FPI n’a même pas osé consolider les premiers acquis de la construction nationale, dans le secteur de la l’éducation-formation, domaine de compétence des profs. L’alternative démocratique promise est quant à elle un leurre. La Côte d’Ivoire n’a jamais été aussi anti-démocratique et la culture démocratique de la jeunesse n’a jamais été aussi piteuse, du moins au niveau de nos patriotards. Le parlement et son Président sont devenus des fantômes ; les professeurs et les magistrats sont bafoués dans leur espace de travail par la nouvelle gent de patriotes ; et le pays est gouverné par ordonnance avec des budgets de souveraineté faramineux échappant depuis plusieurs années à tout contrôle. Ces remarques donnent le sens de ce que Bédié qualifie « d’échec partout et en tout » du FPI. Le dire et véhiculer ce message au nord, au sud, à l’est et au centre du pays n’est pas insulter quelqu’un, mais dénoncer tout simplement les disettes d’une organisation politique qui a promis monts et merveilles aux Ivoiriens, fait rêver la jeunesse, mais qui a révélé ses limites sur le terrain de la praxis. Le FPI a enfin, et c’est le plus grave, peur d’aller à des élections transparentes, démocratiques et crédibles pour mettre un terme à la gabegie, au règne de l’absence d’Etat, et pour restituer au peuple qui en est le vrai détenteur, son pouvoir.
Nombreux sont les jeunes qui n'ont pas encore compris l'ampleur du désastre et la gravité des gâchis de la refondation qui a placé l'école ivoirienne dans une situation désastreuse. Lorsqu'un régime tue son système éducatif, il assassine du coup, par la tête, le pays qu'il gouverne. Globalement, même dans le vaste corps des enseignants, dans la société civile et chez les parents d'élèves, la passivité est l'attitude générale observée par ceux qui ont pris conscience de la gravité des conséquences de la destruction des valeurs dans le monde scolaire et universitaire avec la démarche du FPI pour nous gouverner autrement en prenant ce monde en otage.
Une économie nationale peut être stabilisée et relancée en quelques années. Il faudrait par contre au moins une génération pour remettre l'école ivoirienne d'aplomb si un vaste consensus se dégage pour commencer à réparer dès à présent les gâchis de la refondation dans le domaine de la formation. La tendance est pour le moment au rabougrissement de notre arbre des compétences par sa base, et elle se poursuivra inéluctablement si les Ivoiriens commettaient l'erreur de confier à un parti politique sans pitié pour notre jeunesse la responsabilité de la reconstruction de notre pays.
Pr KOBY Assa Théophile, Secrétaire national, chargé des Etudes et prospectives du Pdci-Rda
Un modèle ivoirien d’arbre des compétences a bel et bien existé de Houphouët à Bédié. Les universitaires du FPI se sont acharnés à secouer cet arbre pour l’ébranler afin de s’installer, bien avant la turbulence politique que nous traversons aujourd’hui avec ses conséquences économiques, sociales et géopolitiques funestes. Mais le FPI n’a pas encore réussi à le déraciner pour refonder, ni aux présidentielles de 2000 (le PDCI avait été écarté du combat par des galipettes politico-juridiques), ni aux législatives (le PDCI en est sorti majoritaire), ni aux municipales (le FPI a été très largement minoritaire), ni aux conseils généraux. La secousse était planifiée avec l’utilisation de moyens violents, mais toutes les défaites subies par le FPI n’ont pas rabattu le caquet de son président, l’ex premier ministre, plus loquace que jamais. Les arguments pour combattre le système PDCI-RDA et son bilan reposent le plus souvent sur des idées reçues, développées par nos refondateurs pour soutenir une campagne de dénigrement.
Paradoxalement, alors qu’ils tiennent les rênes du pouvoir dans les ministères clés et les sociétés d’Etat les plus importants du pays depuis bientôt 10 ans qui permettraient de nous faire avancer, notre avenir n’a jamais été aussi incertain, et les incertitudes ne font que s’aggraver. Il faut s’attendre à la recrudescence des discours destructeurs venant d’une formation politique aux abois. Les cognées de ses bûcherons redoubleront dans leurs désirs refoulés d’abattre (dans une logique freudienne du parricide) ceux qui ont planté et entretenu l’arbre ivoirien. Pourtant, pendant quatre décennies, cet arbre a donné à la Côte d’Ivoire, troisième force économique en Afrique au sud du Sahara après l’Afrique du Sud et le Nigéria, une audience internationale aujourd’hui largement entamée. C’est l’élan donné par le PDCI-RDA qui permet encore au pays de tenir debout aujourd’hui malgré tous les efforts accomplis pour démolir son oeuvre.
L’indépendance formelle a donné l’opportunité à Houphouët-Boigny de mettre en place les premiers jalons pour planter l’arbre de l’élaboration d’une nation. Dans cette phase initiale, les cadres institutionnels et juridiques de l’héritage colonial et même son modèle social n’ont pas été rejetés en bloc, en 1960. Les racines, le tronc et les fruits de l’arbre planté par le colonisateur (infrastructures éducatives, sociales, administratives, équipements divers, mais aussi la culture, la vision du monde et de la modernité), et tous les germes de changement étrangers à nos civilisations traditionnelles ont servi comme premiers leviers pour amorcer la construction de la nouvelle Côte d’Ivoire. Ce fut une attitude pleine de sagesse et d’humilité qui relevait d’une appréciation réaliste de la faiblesse de nos moyens (scientifiques, techniques, économiques, militaires, diplomatiques) pour entrer dans le concert des nations modernes.
La vision et l’enjeu, en 1960 étaient, pour Houphouët et ses pairs, de faire, avec de petits moyens, mieux que le colonisateur ; d’apporter un plus à l’héritage métropolitain, de le bonifier pour la sécurité des Ivoiriens. Car garantir la sécurité des citoyens est le premier devoir régalien de tout Etat. Chez nous, la colonisation n’avait d’autre mobile que d’extraire et d’emporter à vil prix tout ce qui pouvait enrichir le trésor français pour la sécurité des Français. Nous n’avons jamais été dupes sur ce point. Mais au terme de son parcours, Houphouët a laissé un arbre chargé de beaux fruits à la postérité dans le jardin ivoirien, à l’intérieur d’un territoire accidentellement et artificiellement découpé dans le continent africain par les rivalités entre Européens. Ce qui frappe l’observateur dans une rétrospective sur le développement de la Côte d’ivoire de Houphouët et de Bédié et que les jeunes générations doivent retenir de l’œuvre de nos pionniers, c’était l’ambition légitime d’un rameau du RDA, à travers le PDCI, de se positionner au premier rang dans tous les domaines du progrès et de la modernité dans notre sous-région.
Houphouët et ses compagnons ont pétri et modelé au départ le territoire ivoirien en se fondant sur leur propre philosophie de l’action, avec un capitalisme d’Etat dans lequel le social a occupé une place très importante à l’aube de l’indépendance. Après Houphouët, les Chantiers de l’Eléphant d’Afrique de Bédié affichaient eux aussi, clairement, avec un style différent, mais avec la même détermination, la ferme volonté de continuer à repétrir l’espace ivoirien dans une stabilité dynamique et pacifique pour renforcer le rôle et la place de la Côte d’Ivoire dans l’espace CEDEAO, l’Afrique et le monde. Dans la mouvance de la continuité de l’Etat, qu’est devenu aujourd’hui l’arbre ivoirien planté par le PDCI-RDA? Cette question se pose et se posera de manière récurrente tant que la Côte d’Ivoire existera car, du PDCI en passant par le FPI, jusqu’à l’infini du futur, chaque parti politique qui aura à assumer le pouvoir au nom des Ivoiriens aura la responsabilité de cultiver un jardin dont les fondations demeurent pour le moment le premier arbre des compétences du pays planté par le parti sexagénaire. Le jardin de Houphouët et du PDCI-RDA s’est voulu au départ un jardin de la Paix.
lLes racines et le tronc de l’arbre ivoirien
L’histoire des quatre premières décennies de notre indépendance révèle les choix fondateurs qui ont permis d’organiser le nouvel Etat indépendant. Ces choix reposaient avant tout sur des valeurs qui se voulaient universelles et humanistes. Ils ont accroché les Ivoiriens, les populations des pays limitrophes et le monde occidental. La croissance économique continue pendant 20 ans (1960-1980) qui a fait émerger un pôle régional n’est pas indépendante de ces choix. La finalité de l’action des pionniers du PDCI-RDA était de bâtir un pays prospère et pacifique. Pour y parvenir, le développement du capital humain fut le premier des soucis de Félix Houphouët-Boigny, parmi les leviers devant jeter les bases (racines) du progrès de ce pays pacifique. Il anticipa et donna, quatorze ans avant l’indépendance, un signal très fort en envoyant en France un premier contingent de 150 jeunes Ivoiriens aux frais de la colonie triés sur le volet dans toutes les régions du pays sur un projet initial de 300, convaincu « Qu’il n’est de richesse que d’hommes». Partis à la conquête du savoir, ces jeunes gens et jeunes filles se sont baptisés eux-mêmes compagnons de l’aventure, en 1946, l’année où le PDCI-RDA naissait. Au début de l’indépendance, Houphouët a consacré la moitié du budget de l’Etat à l’éducation et à la formation de la jeunesse, la priorité parmi les priorités du pays. Son modèle était la Suisse qui s’est développée sans recourir à une puissance de feu. Il a équipé progressivement par la suite le pays en infrastructures éducatives et mis en place des établissements et des centres de recherche prestigieux, notamment ceux de Yamoussoukro, pour la formation scientifique et technique d’une élite. Dans la sphère de l’économie et du développement, il a anticipé également et projeté son pays à l’horizon 2000 (étude prospective Côte d’Ivoire 2000 en 1973-1974), et cet horizon lui a permis de tracer sa feuille de route pour une génération. Il a opté pour le capitalisme d’Etat, afin de mettre son pays à l’abri d’un libéralisme sauvage. Et il a mis enfin les Ivoiriens au travail dans la discipline en y veillant avec une dictature bonhomme.
Le basculement actuel du capitalisme dans les pays des plus ardents défenseurs du libéralisme et également le basculement de l’ordre mondial avec l’émergence de nouveaux pôles après le Japon (Chine, Inde, Corée du Sud, Brésil, Venezuela) montrent la hauteur de la vision du père fondateur du PDCI-RDA partagée de son vivant par la majorité des Ivoiriens. Houphouët a géré un régime politique basé sur le parti unique en toute connaissance de cause, en cherchant à regrouper toutes les forces vives du pays autour de ce parti par prudence, à une époque où la culture démocratique des masses rurales et des citoyens du pays en général était très faible. La construction de la démocratie et d’un Etat de droit était vue comme un processus exigeant un temps long face à cette faiblesse. Les leviers pour construire la démocratie à l’ivoirienne étaient le Dialogue, la Non-violence (la force la plus puissante contre les pires dictatures), la tolérance et la recherche du Consensus pour construire un pays stable, d’hospitalité et de fraternité dans un environnement de relations non conflictuelles, non seulement entre citoyens d’un même pays, mais aussi entre Ivoiriens et les citoyens des pays voisins et le reste du monde. Les racines de l’arbre ivoirien planté par Houphouët et le PDCI-RDA révèlent ainsi un homme et un Parti pénétrés d’une conviction : ce sont les valeurs qui mobilisent un peuple, et non pas les réalisations matérielles et artificielles ou la bravoure du premier des citoyens. Ces choix fondateurs, ces idéaux et valeurs honorent le passé de notre pays. Sont-ils périmés aujourd’hui ? Et que nous a-t-on proposé de mieux pour progresser dans la Côte d’Ivoire refondée?
L’arbre des compétences de la Côte d’Ivoire intègre également tout ce qui a été entrepris au niveau organisationnel pour actualiser une vision en réalisant des projets concrets et en mobilisant les Ivoiriens autour d’une volonté collective mise au service du progrès économique et social et de l’intégration nationale. Ce sont, outre les efforts consentis en faveur du développement du capital humain, l’’aménagement du territoire et son équipement en infrastructures plus importantes et plus performantes que celles du régime colonial. Oui, Il faut le dire sans complexe, Houphouët et le PDCI-RDA ont fait plus et mieux que le colonisateur sur ce plan. Nos réseaux de communication en 1999 n’avaient rien à voir avec les 600 Km de bitume en 67 ans de régime colonial. Un plan routier a été exécuté avec des objectifs précis de désenclavement. Le système de production, centré au départ sur l’agriculture comme moteur de croissance, a diversifié les cultures d’exportation et stimulé un important secteur agro-industriel et de nombreuses industries de substitution. Rappelons-nous en particulier le rôle des émissions matinales sur la coupe nationale du progrès pour mobiliser le monde rural. Tout cela a été possible grâce à la régulation du macro-système ivoirien par un ministère de l’Economie et des finances, un ministère du Plan et un ministère de l’Agriculture très forts au début de l’indépendance et une planification souple du développement. Au cours de cette phase qu’on a qualifiée d’âge d’or de la planification ivoirienne, toutes les options stratégiques ont été soutenues grâce à un BSIE alimenté par des ressources internes (surtout celles de la Caisse de Stabilisation) et des appuis extérieurs. Le parlement votait des plans quinquennaux et des programmes pluriannuels budgétisés et régionalisés, et les dépenses publiques n’émanaient pas d’ordonnances présidentielles ; les chefs de l’Etat (Houphouët et Bédié) ne se taillaient des budgets de souveraineté faramineux Le budget de Gbagbo est quatre fois plus important que celui de Bédié. Le budget de souveraineté de ce dernier qui avait été très fortement critiqué par le FPI était également inférieur à celui de l’actuelle primature en période de crise économique aiguë.
Houphouët et le PPCI-RDA, sous le parti unique, n’ont donc rien fait au hasard et ne sont pas parvenus à positionner notre pays comme un pays leader par le jeu dans l’improvisation. La place de la recherche scientifique et des études innombrables effectuées et surtout les performances des instituts de recherche agronomique est souvent occultée quand on parle des performances de la Côte d’Ivoire d’hier. L’université d’Abidjan devenue par la suite université nationale y a pris une part active avec une faculté des sciences médicales phare. L’ensemble du tissu de la recherche a donné une certaine autonomie de pensée de décision et d’action aux pouvoirs publics pour construire l’avenir de notre pays. Ces leviers scientifiques et une coopération intelligente avec l’ex colonisateur ont favorisé l’actualisation de la vision ivoirienne. Le rôle de la France par ses appuis scientifiques n’a pas de prix.
On ne soulignera jamais assez le rôle de l’agriculture qui a permis de dessiner un nouveau pays économiquement et humainement. Il n’y a plus aujourd’hui un seul espace ethnique homogène comme au temps colonial en en milieux rural KROU et AKAN à cause des déplacements inter-régionaux du monde paysan à la recherche de numéraire. L’agriculture et le désenclavement ont déclenché le mouvement irréversible de l’intégration des hommes et des cultures, et les velléités ethnocentristes ne pourront absolument rien contre cette tendance lourde irréversible malgré ses enjeux fonciers, en ville (tout l’espace atchan autour de la métropole abidjanaise), et à la campagne (tous les espaces akan et krou). Le pays est à jamais multiethnique et cosmopolite dans tous ses compartiments au sud de l’axe Bondoukou-Séguéla. L’activation du système économique ivoirien et de l’intégration nationale aurait été impossible sans l’implication directe et massive de l’Etat avec les moyens opérationnels mis en œuvre, notamment les moyens des SODE (sociétés d’Etat). Les ajusteurs structurels leur attribuent tous nos maux. Observons le modèle chinois en pleine expansion : « pour autant, la planification n’a pas disparu, non plus que le rôle très important des entreprises d’Etat. Conservons l’ancien, adaptons le nouveau…» (Pierre Gentelle, 2006).
Les ajusteurs structurels nous ont fait liquider ou privatiser hâtivement ce qui avait fait notre force en stimulant nos paysans. Nous préférons parler d’appropriation, de capture, de prédation de nos entreprises par le jeu de la circulation de flux financiers internationaux à la recherche de profits colossaux avec la globalisation de l’économie mondiale, en occultant la dimension développement de nos espaces ruraux et le social, très important dans le plan de Houphouët et de ses ministres. Bédié le financier, Diawara le planificateur, Sawadogo qui repétrissait les milieux ruraux traditionnels, Usher qui véhiculait de par le monde les fondements idéologiques et politiques des choix stratégiques de la Côte d’Ivoire et les autres ministres exerçaient leurs ministères sous une impulsion sociale-démocrate, dans un régime politique libéral. Cette attitude marquait le début d’une autonomie réelle de l’Etat.
Depuis le début des années 1980, la logique et la force de l’idéologie de Bretton Woods, puis la déréglementation, le braquage des entreprises des pays en développement comme seule solution aux problèmes de mauvaise gestion des entreprises publiques, la déconstruction des Etats etc. doivent être intégrées dans les contraintes imposées par le rouleau compresseur de la mondialisation libérale pour interpréter les ajustements structurels en Côte d’Ivoire et dans les autres pays non encore développés. Nous n’avions pas senti et compris à l’époque la nouvelle dynamique du monde qui était en train de basculer ; nous n’avions pas eu le temps de nous arrêter pour réfléchir au bilan des vingt premières années d’actions volontaristes de développement public, avec ses forces et ses faiblesses, et les opportunités et menaces du nouvel environnement de la globalisation, avant de privatiser en cascade tout ce qui nous avait donné un élan et une forte personnalité sur le plan africain et mondial. Que serait la Côte d’Ivoire de 2009 avec les seules réalisations des initiatives du secteur privé si l’on efface ce que les SODE, la Caisse de stabilisation et la SONAFI nous ont permis de capitaliser de 1960 à 1980 ? Que nous ont rapportées la nouvelle dynamique du libéralisme triomphant et la loi du marché et du laisser-faire dans le domaine du développement, de la réduction de nos inégalités et la sécurité globale du citoyen ivoirien, raison d’être de l’action gouvernementale ? Soulignons au passage que le taux de pauvreté de la Côte d’Ivoire en 1985 était de 10% (INS, 2008). Il est de 50% aujourd’hui. La rupture avec l’autonomie de la réflexion nationale de l’aube de l’indépendance correspond, à notre sens, à l’abandon de la croyance en notre propre fétiche dans la conception du combat avec l’ange du développement. Nicolas Sarkozy a bien eu raison de dire que nous ne sommes pas rentrés dans l’histoire, (du futur) n’en déplaise à ceux qui s’accrochent à la fierté du passé de l’Afrique avec son très haut degré d’inerties. La Côte d’Ivoire telle qu’elle était partie devait être aujourd’hui au niveau de la Corée du Sud pour entrer dans l’histoire. Hélas !
Houphouët-Boigny, «cerveau politique de premier ordre (Charles de Gaulle), un modeste ?médecin africain? et non un docteur des facultés de la métropole, avait pensé et organisé son pays sans faire une fixation sur les affres de la colonisation. Et pourtant, les Ivoiriens ont souffert, et nous avons souvenance que les garde-cercles bottaient les fesses des papas devant leurs poupons, violaient parfois nos mamans, chicotaient nos oncles qui traçaient les routes et le chemin de fer pour l’évacuation des produits agro-forestiers. Houphouët avait fait mettre un terme aux travaux forcés sans heurts et sans affronter le colon, par la loi, avant de coopérer intelligemment avec l’ex métropole, surtout dans le domaine de la formation du capital humain et de la recherche scientifique au service du développement. Houphouët fut ainsi notre chance dans la plantation de l’arbre des compétences de la Côte d’Ivoire.
lDérives refondatrices et agressions de l’arbre ivoirien
C’est une très grave aberration que les universitaires du FPI aient pu écrire sans vergogne au vu de ce qui précède l’énormité suivante : les performances de la Côte d’Ivoire sous Houphouët relevaient d’un «bilan sans projet» (Laurent Gbagbo dans la préface de «gouverner autrement la Côte d’Ivoire ». Non! Monsieur le Président ! Combien de pays autour de nous ont-ils reçu un héritage économique aussi lourd et précieux que celui de la Côte d’Ivoire à la suite d’un coup d’Etat ? Vous, et vos autres savants et idéologues de gauche, qu’avez-vous fait de cet héritage envié autour de nous ? Vous ne pouviez pas ne pas avoir lu, vu et entendu ce qui a été fait pour votre promotion personnelle et pour notre pays par Houphouët et le PDCI-RDA. Et quel est votre plan d’action dans le brouhaha de la refondation et son catalogue irréaliste de propositions, pour quel horizon ? Nombreux sont, parmi vous, ceux qui sont de mauvaise foi sur l’histoire du développement de la Côte d’Ivoire falsifiée dans votre projet pour Gouverner autrement la Côte d’Ivoire. Il n’était pas bon de se gausser de ses prédécesseurs alors qu’on n’avait encore rien accompli soi-même. Il n’était pas bon également d’occulter la valeur et les mérites d’une formation politique dans un contexte où le pays avait moins de 50 cadres ayant terminé des études supérieures dans l’approche du développement qui est forcément intergénérationnelle. Vous aviez l’héritage le plus consistant de l’ex AOF et des milliers d’universitaires à votre disposition à la différence de Houphouët. Quelle utilisation en avez-vous fait en préférant des demi-lettrés pour certaines hautes fonctions? Les Refondateurs n’ont vraiment pas compris le paradigme houphouétiste du développement. Houphouët était un social-démocrate qui ne se préoccupait pas de gloser sur les concepts. Il parlait peu et agissait méthodiquement et avec finesse et un sens élevé de l’honneur et de la compétition pour tout ce qui concernait l’avenir de son pays.
La sagesse, l’expérience et surtout la force des Présidents Houphouët et Bédié et des autres ministres et hauts responsables des deux premières générations de l’indépendance trouvent leur explication dans leur préparation préalable à l’exercice de leurs missions sans complexe nègre. Houphouët a participé à plusieurs gouvernements successifs dans une grande puissance mondiale et a même exercé la fonction de ministre d’Etat. Autour de lui dans la phase de l’indépendance, ses ministres et surtout ses ambassadeurs étaient préparés à l’exercice de la fonction diplomatique avec rigueur (lire l’ouvrage de Camille Alliali : Disciple d’Houphouët-Boigny). Gravir à l’époque coloniale des échelons jusqu’à de hauts niveaux dans un environnement politique européen qui ne tolère pas la médiocrité ne pouvait qu’honorer Boigny et son pays d’origine. Si la Côte d’Ivoire a évité des errements dans ses choix politiques à l’aube de l’indépendance, c’est sans doute parce qu’elle a eu la chance d’avoir des dirigeants parvenus au sommet du pouvoir après avoir franchi des étapes qui forgent le sens de l’Etat, la responsabilité, et la pitié du citoyen pour sa sécurité qui est son premier droit humain. Aujourd’hui, le malaise ivoirien ne vient-il pas en partie de ce que, sous la seconde république, de très lourdes charges nationales et internationales sont attribuées à des citoyens sans étoffe, parfois même à des demi-lettrés, sans compétence aucune et sans préparation préalable, ou sans autre qualification que les titres académiques pour ceux qui les ont, avant d’être propulsés au sommet d’institutions prestigieuses ?
Après Houphouët, le projet de l’Eléphant d’Afrique de Bédié était aussi ambitieux que celui de son prédécesseur. Ceux qui ont pris la peine de le parcourir y découvrent une vision, des visées précises et des vecteurs pour donner, à travers «Le progrès pour tous et le bonheur pour chacun», une nouvelle dimension à notre pays à l’horizon d’une génération. Nous disons bien horizon d’une génération et non en deux ou cinq ans. Son objectif n’était pas seulement de garantir trois repas aux Ivoiriens par jour et de lutter contre la pauvreté. Il l’a répété à Williamsville ; son projet est plus profond. Il se garde d’apparaitre comme le super homme qui a seul la capacité de transformer par un coup de baguette magique, en un an comme le très compétent et Matamore du développement, l’actuel président du FPI, la vie des Ivoiriens. Son projet de l’Eléphant d’Afrique participe d’une approche intergénérationnelle. Les Ivoiriens doivent donc relire son adresse à la nation du 26 août 1995 à la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour juger en toute sérénité si son redéploiement avec des retouches adaptées au nouvel environnement national, à notre environnement intermédiaires (l’UEMOA et la CEDEAO) et l’environnement mondial avec ses basculements actuels serait du réchauffé.
Les ivoiriens doivent savoir raison garder et mettre, dans la balance de leur jugement pour le choix de notre futur président, la faisabilité des promesses des candidats, leur compétence et celles de leur parti ainsi que celle des nouveaux et jeunes acteurs qui devront entourer le vainqueur aux élections. Nos candidats déclarés sont tous vieux au sens biologique du terme. La communauté internationale et les Ivoiriens auront l’occasion de juger dans les semaines et mois qui viennent de la pertinence, du réalisme, de la congruence et de la sincérité des idées et propositions des candidats quand les projets de société et les programmes de gouvernement auront été déballés dans leur intégralité. La campagne qui a commencé sonnera sans aucun doute le glas des improvisateurs patentés et vendeurs d’illusions qui n’ont pu rien faire d’autre que des monuments hideux, lugubres et des jardins éphémères et inondables qui paralysent la circulation et enlisent des autobus à chaque pluie avec plus de 14000 milliards engloutis on ne sait où dans la moitié de « Côte d’Ivoire utile », selon leurs propres termes, qu’ils avaient la responsabilité de gérer.
Le PDCI-RDA est incontestablement la formation politique nationale la mieux dotée en potentiel de femmes et d’hommes jeunes, d’adultes et d’expériences anciennes avérées, tous enthousiastes, et prêts à servir pour réactiver une histoire nationale capable de nous faire revivre l’ambiance des « vingt glorieuses » (années 1960 1980). Il n’y avait rien de miraculeux pourtant à l’époque. C’était tout simplement un pays pensé avec foi et amour par les Ivoiriens eux-mêmes sans pression extérieure, organisé, et au travail selon la vision du Grand Félix. Des ex collaborateurs de cet homme providentiel pour les Ivoiriens sont encore vivants, pétris d’expérience à revendre, et encore pimpants de jeunesse pour certains d’entre eux dans les pensées politique, économique et sociale qu’ils publient. Parmi eux figurent Ekra Mathieu, Henri Konan Bédié, Abdoulaye Sawadogo, Konan Lambert et ses nombreux ingénieurs qu’il contribua à faire former et qui éclairèrent le pays, Hortense Aka Anghui, Zadi Kessy, Alliali Camille, Abdoulaye Koné, Banny le brillant avocat et Banny l’ex premier ministre et gouverneur de la BCEAO, Essy Amara, Duncan, Moulo, etc. etc. etc. Et j’en passe. Quelle société ou régime sérieux occulterait, face à la sévérité d’une crise, de telles capacités intellectuelles parce que ces hommes seraient ?vieux? (plus de 60 à 70 ans), afin de remettre un pays sur le chemin du développement? Voter pour tout ce monde autour de Bédié, c’est redonner sa chance à la Côte d’Ivoire.
Le plan d’action que Duncan avait la lourde responsabilité d’exécuter n’avait rien de vieillot. A l’examiner de près et sans état d’âme, la paire Bédié-Duncan et l’équipe gouvernementale qui l’entourait avaient stabilisé et relancé l’économie et tous étaient en train de renforcer le poids régional de la Côte d’Ivoire lorsque survint le stupide coup d’Etat qui nous fait faire des bonds en arrière chaque année. Nos partiales forces de défense n’ont pas, elles aussi, pitié pour la sécurité globale des Ivoiriens. L’image actuelle d’Abidjan, « métropole de plus en plus dégradée et anarchique » (Jeune Afrique 2001), l’état de nos infrastructures et l’audience de notre pays auraient été bien meilleurs aujourd’hui avec l’organisation mise en place et les moyens déjà acquis si ce coup d’Etat de 1999 n’avait pas interrompu brutalement les travaux de l’Eléphant d’Afrique. Dans sa visée, le projet de Bédié allait au-delà de la lutte contre la pauvreté : sa finalité à l’horizon d’une génération, était de forger un pays émergent créateur de richesses et soucieux de la promotion de l’homme ivoirien et de notre culture nationale. Le coup d’Etat a repoussé les échéances de plus de10 ans dans le futur, mais les générations actuelles, mieux outillées scientifiquement et techniquement que les anciennes, pourront parachever l’œuvre de Houphouët et Bédié, et elles le feront avec le nouveau départ que le PDCI-RDA insufflera au pays en revenant au pouvoir. On ne demande pas aux Ivoiriens de voter un homme, mais pour celui qui rassemblera, dans l’intérêt supérieur des Ivoiriens, l’équipe la plus compétente, la plus rassurante pour son expérience, et la pacifiste.
Les fruits de l’arbre ivoirien
L’arrêt sur quelques images fortes des actions de Houphouët et de Bédié dévoile les fruits de l’arbre des compétences hérités du PDCI-RDA. Tout ce que les Français nous ont légué : écoles, centres de recherche, routes, ports, villes, agriculture, industrie, communications, hôpitaux, habitat etc. avait été bonifié, et cela permettait aux Ivoiriens d’afficher une légitime fierté quand ils étaient loin de leur pays. C’était la dimension psychologique de notre ivoirité que partageaient MANDE, VOLTAÏQUES, KROU et AKAN et des millions d’immigrés concentrés en zone forestière et dans nos villes, dans l’espace le plus attractif, le plus cosmopolite, le plus disputé, le plus partagé, et le plus intégrateur de la CEDEAO. Cette terre d’Espérance avec ses 26% d’étrangers en 1998 est une création du PDCI dans l’esprit RDA de rassemblement des Africains. Nos premiers dirigeants ont ainsi rempli les engagements pris sur les bords du Niger, en 1946, au pays de Soundjata. Nos parents se reconnaissaient d’ailleurs le plus souvent par leur appartenance au RDA avec ses démembrements dans l’ex AOF et l’ex AEF. Paradoxalement, aujourd’hui, les Ivoiriens fuient de plus en plus vers les pays du Nord et les Etats limitrophes. Ces départs sont des indicateurs de l’échec du FPI et de la dégénérescence de l’arbre des compétences de notre pays. Les refondateurs sont en train de le rabougrir.
Pour une culture de la résilience
Quatre décennies de stabilité et le progrès économique et social avaient donné un poids géopolitique régional à la Côte d’ivoire, grenier du cacao mondial, grand exportateur de matières premières agricoles, premier bassin industriel de l’UEMOA et premier centre d’affaires régional de cet ensemble géopolitique. La côte d’Ivoire a totalisé 26 années de croissance sur 39 ans de règne du PDCI, soit 66,6% de son parcours en temps de croissance positive et au-dessus de la croissance démographique. Le PIB du pays s’est accru de près de 40 % de 1994 à 1999, après les années de résultats économiques mitigés entre 1980 et 1993. Le pays était en train de regagner ce qui avait été perdu au cours des six années de présidence de Bédié. Par ailleurs, 51% des étudiants dans le cycle supérieur des huit pays de l’UEMOA se concentraient en Côte d’Ivoire au moment où la crise se déclenchait en 1999. Ces performances, et surtout celles concernant le développement du capital humain sont mal appréciées par la frange des jeunes ivoiriens qui n’avaient que 10 ans lorsque prenait fin, par la force des armes et non par la voie des urnes, le régime du PDCI-RDA. Leur attention continue d’être détournée par la campagne insidieuse de dénigrement contre le PDCI-RDA. Et voilà que malgré le désastre dans lequel l’école ivoirienne se trouve, l’on nous proclame qu’il faut accorder la priorité à l’équipement du pays en armes, plutôt qu’à la construction d’écoles et d’hôpitaux. On engloutit des centaines de milliards dans la construction de monuments et de bâtiments publics à Yamoussoukro en regardant se délabrer les prestigieuses infrastructures de formations existantes et notre beau réseau routier. Jeunes Ivoiriennes et Ivoiriens, paysannes et paysans, ouvrières et ouvriers, vous l’avez entendu. L’école, l’emploi et la santé ne seront pas les priorités des dirigeants du FPI si vous faites l’erreur de les maintenir au pouvoir. Ils se proposent d’ériger une forteresse militaire pour protéger une économie fantôme et des monuments.
Dans les Etats du Nord dont les modèles économiques et sociaux continuent d’inspirer nos pays africains, ce sont les valeurs qui sont mobilisatrices, et qui permettent de dégager une énergie collective. Cette vérité universelle permet de mesurer et de comprendre l’importance et la constance dans les efforts que le parti sexagénaire a toujours accordés à la jeunesse en lui consacrant la priorité parmi ses priorités. Sans fanfaronnade, sans triomphalisme, et sans promesses mirifiques. Pour réactiver l’histoire de la Côte d’Ivoire gagnante et revenir aux années glorieuses, et pour éviter à terme une autre crise morale grave, il est absolument nécessaire que nous fassions la promotion de la culture de la résilience, c’est-à-dire mettre à profit, en synergie, nos capacités individuelles et collectives pour positiver les traumatismes que nous avons subis, ainsi que nos échecs et humiliations. C’est possible si nous nous faisons mutuellement confiance. Ce facteur psychologique nous aidera à gérer et à réduire la corruption, sans nous illusionner toutefois sur les chances de la faire disparaître totalement, pour restaurer un Etat de droit et la puissance de notre Etat.
Le visage que la Refondation nous a montré pendant neuf tristes années d’accroissement de notre pauvreté est diamétralement opposé à une telle vision. Les Refondateurs ont instrumentalisé notre jeunesse pour asseoir et protéger un régime totalitaire dans lequel ils se servent copieusement et en toute impunité. Le moins qu’on puisse dire après bientôt 10 ans de pouvoir FPI, c’est que ce parti a méprisé et continue de mépriser les racines de l’héritage de la Côte d’Ivoire. On le comprend avec cette idée gravée en noir et blanc dans la préface de «Gouverner autrement la Côte d’Ivoire» : «Nous nous sommes levés contre le PDCI-RDA, c’est-à-dire contre une vison de la Côte d’Ivoire, contre une politique, et contre une méthode».
L’antibédiéisme chronique, programme du FPI
Le FPI n’a pas de projet pour la Côte d’Ivoire et sa jeunesse. Dans ses agoras, on s’évertue à emballer cette jeunesse à travers un discours populiste qui rejette en bloc les fondements historiques des progrès accomplis par la Côte d’Ivoire pour la nouvelle alternative du FPI visant à « préserver le pays de l’affrontement entre hommes ; fonder une Nation Africaine démocratique et socialiste en Côte d’Ivoire ; gouverner la Côte d’Ivoire autrement». On apprécie aujourd’hui le bilan de cette promesse : deux ans après son accession au pouvoir, et après avoir obtenu les deux années de trêve demandées au peuple par l’ex-premier de nos ministres pour donner vingt ans de bonheur aux Ivoiriens, le FPI nous a amené la guerre, la pauvreté et la partition du pays en gouvernant hors normes. Ses dignitaires ne cessent cependant de goûter aux délices de certains fruits du travail de la première république servis abondamment à la table de leurs agapes. La refondation par nos professeurs nous a fait perdre le souci de la recherche du premier rang dans le progrès en Afrique en commençant par la sphère intellectuelle, alors que cette sphère intellectuelle, comme Houphouët et le PDCI l’avaient si bien compris dès le départ, « est la base de toute progression assurée et surtout le fondement de l’autonomie nationale». L’idéologie et les pratiques de nos amis professeurs de gauche pour nous gouverner autrement ont reposé sur le concept suranné de la lutte des classes qui ne fait plus recette aujourd’hui, sauf pour contester, semer la discorde, la violence, le désordre et des déchets toxiques. Ils sont en train de faire pourrir par la tête un pays hier plein de promesses au lieu d’apprendre à notre jeunesse à glorifier l’excellence. L’antibédiésme chronique est le projet du FPI. Nous attendons impatiemment son programme pour la Côte d’Ivoire de demain dans la campagne qui s’annonce. Nous serons très attentifs à ses propositions innovantes pour redonner son audience à la Côte d’Ivoire.
Pour le moment, les “choix périmés” de Bédié pour reconstruire la Côte d’Ivoire afin d’en faire un pays émergent à l’horizon d’une génération font le tour du pays et sont applaudis depuis deux ans par un peuple appauvri dans nos villes et hameaux les plus enclavés et reculés. Le dernier combat de Bédié s’organise autour de cette vision, de ses visées et de ses leviers. Une nouvelle frange de jeunes gens et de jeunes filles déterminés et enthousiastes se met en rang de bataille autour de ce projet. Ils sont issus de tous les horizons culturels du pays, de toutes les couches sociales et à tous les niveaux hiérarchiques au plan intellectuel. Ici, réside la force du PDCI-RDA rappelée à Williamsville le 6 juin 2009. Le combat de Bédié ne rompt donc pas avec la tradition houphouétiste. Il prolonge cette tradition, la réadapte pour qu’elle soit bonifiée, dans la conjoncture de l’interconnexion des économies d’un monde global et de l’accélération du changement. Bédié ne cesse de le répéter à toutes les étapes de sa tournée amorcée depuis son investiture du 11mars 2006 : ce sont la sagesse et l’expérience des anciens du parti sexagénaire, la compétence et l’enthousiasme des jeunes générations impliquées dans la dynamique du renouveau et l’assurance que donne la tradition pacifiste du parti sexagénaire qui seront les fondements de la reconstruction nationale grâce à la mutualisation de toutes ces capacités. Avec le retour prochain du PDCI-RDA à la gestion des affaires de l’Etat.
lUn nouveau départ avec le PDCI-RDA pour rentrer dans l’histoire
Nul pays n’a pu s’élever au rang de grande nation sans le levier d’une puissance éducative. Il faut donc voir à travers l’appel de Williamsville l’un des axes majeurs dans le redéploiement de notre pays ; car sans ce levier, il sera impossible de soutenir une stratégie de reconquête de notre place de leader de la sous-région et de l’Afrique. Cela transparaît en filigrane dans les adresses denses et nuancées de Bédié au peuple ; « donner à la jeunesse ses repères… », la sortir du gouffre et du marasme dans lequel elle a été enfoncée depuis 10 années déjà par l’éducation civique et morale ; l’éducation civique à caractère non militaire ; la valorisation du mérite, le retour des normes académiques et de la culture démocratique sur le lieu du savoir en lieu et place « des coups de machettes et de gourdins» ; l’assainissement de l’environnement scolaire et universitaire. Mais il faut également réhabiliter le maître et son autorité, son respect, et lui offrir des conditions de travail et de promotion dans sa carrière qui lui redonnent le goût de la formation des hommes et de la production du savoir par la recherche. Pour le PDCI-RDA, l’avenir de la jeunesse ivoirienne continuera donc d’être au centre des préoccupations prioritaires et des stratégies du futur dans le vaste projet de l’Eléphant d’Afrique.
La relance de l’économie et la recherche de moyens ne posent aucun problème technique et politique à Bédié : toutes les années durant lesquelles il a exercé les plus hautes fonctions au sommet de l’Etat ont été des années de croissance positive et d’accroissement de notre richesse nationale. Son réseau de relations pendant le temps où il a été ambassadeur, ministre, maire, président de l’Assemblée nationale, à la Banque Mondiale et Président de la République est tentaculaire. Le défi, pour Bédié, sera moins d’imaginer et de trouver des ressources pour financer notre développement que d’aider à surmonter la crise de confiance entre Ivoiriens, la crise du sens et des valeurs enracinées dans et à l’école à l’aube du troisième millénaire. La réorganisation du pays par la création d’inflexions et de ruptures qui s’imposent et le travail des Ivoiriens créeront à nouveau des richesses à partager équitablement. Comme hier, il aidera, à l’instar de Houphouët, les Ivoiriens et les jeunes en particulier à se prendre en charge en redonnant une marge d’autonomie au pays pour repenser par lui-même son avenir, afin de permettre à la Cote d’Ivoire de rentrer dans l’histoire. Dans le sens où l’entendait, sans démagogie, le président Nicolas Sarkozy dans son adresse aux Africains à Dakar. Les leçons de son éviction du pouvoir, sa haute culture, son expérience politique et sa lucidité à un âge qui n’est pas antinomique à la créativité et à l’innovation lui donnent tous les atouts indispensables pour préparer, dans son dernier combat, une nouvelle classe de jeunes Ivoiriens capables d’affronter de nouveaux défis. Sa foi en son projet (il déclarait le 26 août 1995 à la Fondation Félix Houphouët-Boigny «yes, we can : oui, nous le pouvons») et les idéaux de Houphouët-Boigny et du PDCI-RDA dont il est le conservateur ainsi que la sagesse des hommes d’expérience qui l’entourent ne le prédisposent pas à se battre pour se venger lorsqu’il aura reconquis le pouvoir. «La paix est le fruit de la justice, mais personne ne doit par la violence se faire justice à soi-même».
Le FPI n’a ni plan d’action réaliste et crédible, ni les compétences pour développer la Côte d’Ivoire depuis son accession calamiteuse au pouvoir. Il ne pourra pas le faire même si on lui donne vingt ans de plus. Nous l’avons tous constaté ; personne ne nous l’a raconté. La guerre n’est qu’un prétexte commode dans ses élucubrations pour se défendre. La triste parenthèse du règne du FPI n’a même pas osé consolider les premiers acquis de la construction nationale, dans le secteur de la l’éducation-formation, domaine de compétence des profs. L’alternative démocratique promise est quant à elle un leurre. La Côte d’Ivoire n’a jamais été aussi anti-démocratique et la culture démocratique de la jeunesse n’a jamais été aussi piteuse, du moins au niveau de nos patriotards. Le parlement et son Président sont devenus des fantômes ; les professeurs et les magistrats sont bafoués dans leur espace de travail par la nouvelle gent de patriotes ; et le pays est gouverné par ordonnance avec des budgets de souveraineté faramineux échappant depuis plusieurs années à tout contrôle. Ces remarques donnent le sens de ce que Bédié qualifie « d’échec partout et en tout » du FPI. Le dire et véhiculer ce message au nord, au sud, à l’est et au centre du pays n’est pas insulter quelqu’un, mais dénoncer tout simplement les disettes d’une organisation politique qui a promis monts et merveilles aux Ivoiriens, fait rêver la jeunesse, mais qui a révélé ses limites sur le terrain de la praxis. Le FPI a enfin, et c’est le plus grave, peur d’aller à des élections transparentes, démocratiques et crédibles pour mettre un terme à la gabegie, au règne de l’absence d’Etat, et pour restituer au peuple qui en est le vrai détenteur, son pouvoir.
Nombreux sont les jeunes qui n'ont pas encore compris l'ampleur du désastre et la gravité des gâchis de la refondation qui a placé l'école ivoirienne dans une situation désastreuse. Lorsqu'un régime tue son système éducatif, il assassine du coup, par la tête, le pays qu'il gouverne. Globalement, même dans le vaste corps des enseignants, dans la société civile et chez les parents d'élèves, la passivité est l'attitude générale observée par ceux qui ont pris conscience de la gravité des conséquences de la destruction des valeurs dans le monde scolaire et universitaire avec la démarche du FPI pour nous gouverner autrement en prenant ce monde en otage.
Une économie nationale peut être stabilisée et relancée en quelques années. Il faudrait par contre au moins une génération pour remettre l'école ivoirienne d'aplomb si un vaste consensus se dégage pour commencer à réparer dès à présent les gâchis de la refondation dans le domaine de la formation. La tendance est pour le moment au rabougrissement de notre arbre des compétences par sa base, et elle se poursuivra inéluctablement si les Ivoiriens commettaient l'erreur de confier à un parti politique sans pitié pour notre jeunesse la responsabilité de la reconstruction de notre pays.
Pr KOBY Assa Théophile, Secrétaire national, chargé des Etudes et prospectives du Pdci-Rda