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Économie Publié le mardi 30 juin 2009 | Le Nouveau Navire

Dossier de la semaine : Ports et développement (suite et fin) - Comment l’Industrie maritime et portuaire se développe sans l’Afrique

En Asie, la Corée du Sud et la Chine soutiennent financièrement leurs chantiers dans cette période de crise. Les Sud-Coréens ont débloqué 18.2 milliards UB$ de prêts et de garanties bancaires, notamment sous forme de réserve disponible pour racheter les navires dont les commandes sont annulées. Le gouvernement chinois en fait de même et incite les armements nationaux comme Sinotrans ou la Cosco à racheter les navires en défaut de paiement en cours de construction dans les chantiers chinois. Les pays plus petits comme le Vietnam ou l’Indonésie tentent aussi d’aider leur industrie navale.

Sur les 492 annulations de commandes relevées en mai 2009, 194 concernent des chantiers sud-coréens et 160 des chantiers chinois. En revanche, le Japon et l’Union européenne sont opposés à ce type de mesures qui génère des distorsions de concurrence. Les chantiers est-européens ont bénéficié d’aides structurelles dans les années 90, mais cette démarche touche à sa fin. Les dernières aides fournies par le gouvernement polonais pour assister les chantiers de Gdynia et Szczecin ont été déclarées illégales par la Commission européenne qui a sommé les chantiers à rembourser les 3.8 milliards US$ de prêts. Dans l’impossibilité d’y faire face, les sites de construction sont mis en vente. La Turquie offre au contraire l’exemple d’une construction navale très dynamique aux portes de l’Europe. En s’appuyant sur un tissu d’armements nombreux, les chantiers ont aussi su convaincre les Européens par les prix offerts et la qualité sur le marché des chimiquiers et des transporteurs de produits raffinés ; de petits modèles donc (inférieurs à 50000 tpl), mais très demandés. La Roumanie a d’ailleurs réorganisé sa production en direction des petits pétroliers. En revanche, les pays émergents d’Europe de l’Est ont vu leur part dans les commandes mondiales se stabiliser, voire se contracter depuis 200. C’est le cas en Pologne (-3.7 points de pourcentage), en Roumanie (0.6 points), en Croatie (-1.3). Depuis une petite dizaine d’années, on observe aussi une tendance à la sous-traitance des chantiers des pays développés vers les chantiers des pays émergents, qui va de pair avec une internationalisation des groupes de construction qui s’implantent en Europe de l’Est et en Asie du Sud-Est. STX Shipbuiding (Corée du Sud) est présent de la sorte en France, en Ukraine. De même, certains chantiers sous-traitent la partie coque métallique pour se concentrer sur l’assemblage et les appareillages techniques.

Des acteurs secondaires du transport maritime
Les intérêts des pays en développement contrôlent 27% du tonnage cargo, 24% du tonnage conteneurisé dans le monde. La flotte contrôlée par des intérêts chinois se place désormais en 4éme position mondiale, derrière la Grèce, le Japon et l’Allemagne. Les flottes russe, turque, indienne, Malaisienne et taïwanaise occupent le milieu du classement mondial entre la 10ème et la 20ème place, soit un niveau similaire à des pays comme le Royaume-Uni, l’Italie ou la Belgique. Pour rappel la France est à la 26ème place mondiale. Ces flottes travaillent encore souvent en relation avec l’économie nationale. La conteneurisation est un élément d’appréciation important dans la définition des pays maritimes émergents. La concentration des compagnies maritimes de lignes régulières tend à diminuer l’efficacité et l’intérêt économique des petits armements de ligne nationaux. Portée par une vision politique dans les années 1970 et 1980, la constitution d’une flotte de ligne nationale par les pays en développement a désormais perdu son caractère emblématique lié à l’indépendance. Aujourd’hui, c’est en termes de coût des échanges commerciaux que l’enjeu est posé. Et la baisse des coûts de pré-post acheminements terrestres, tout comme l’amélioration des conditions du passage portuaire sont devenus la nouvelle priorité des pays émergents. Cette tendance est d’autant plus vraie que le transport de ligne conteneurisé s’inscrit dans le cadre de réseaux mondiaux et nécessite des investissements très élevés. On rencontre donc relativement peu d’armements de ligne conteneurisés dans les pays en transition économique, à l’exception des pays émergents d’Asie. Les « tigres » et les « dragons » ont développé de larges flottes de porte-conteneurs dans les années 1980 et 1990, au moment de l’émergence des réseaux de lignes. La conteneurisation fut vraiment un outil commercial pour la Corée du Sud et le Taïwan. Aujourd’hui, les armements des pays émergents asiatiques ont une vocation régionale. Ils s’appuient sur la forte croissance des échanges dans la région insulaire asiatique et sur le feedering en expansion autour des ports de Singapour, Hong Kong, Shanghai et Busan. On observe aussi, outre le développement de lignes entre Asie du Sud-Est et Asie du Nord-Ouest, l’essor des lignes vers le sous-continent indien et le Golfe Persique. Ainsi, la capacité moyenne des navires oscille aux alentours des 2000 evp. Seule la Chine est parvenue à faire émerger une compagnie de taille mondiale, la CSCL, en quelques années seulement, tout en poursuivant l’expansion de la Cosco. Ces deux armements alignent des porte-conteneurs de 8 à 10 000 evp et plus entre la Chine, l’Europe et les Etats-Unis. La flotte cumulée de porte-conteneurs des pays émergents totalise 15% de la capacité mondiale de transport exprimée en evp, c’est-à-dire légèrement moins la capacité de transport de Maersk Line (16.5 %), la première compagnie mondiale de ligne conteneurisée. Ces flottes souffrent davantage de la crise que les grands armements mondiaux occidentaux, japonais ou sud-coréens : Navibulgar (Bulgarie) a disparu, MISC (Malaisie) abandonne les rotations Europe-Asie, CSAV (Chili) est lourdement endettée. La part des cargos polyvalents reste un indicateur assez fiable du degré de spécialisation des flottes de commerce, qui s’accentue avec l’intégration des économies dans le système industriel mondial. Les cargos sont sur-représentés face aux porte-conteneurs dans les pays en développement et encore dans les pays émergents. 42% des navires et 12 % du tonnage des pays en développement sont constitués par les cargos contre 30% des navires et 7.5% du tonnage dans les pays OCDE. A Côté des flottes de transporteurs de marchandises diverses (cargos et porte-conteneurs), les flottes de vraquiers et de pétroliers sont aussi inégalement développées. Les armements pétroliers des pays émergents exploitent généralement de petites unités vouées au cabotage et aux approvisionnements en produits raffinés et chimiques, y compris en Chine et en Inde. Seuls quelques grands pays exportateurs d’hydrocarbures se démarquent avec des compagnies de supertankers de taille mondiale. Vela (Arabie Saoudite, 30 pétroliers, 6 Mtpl, 11ème rang) alignent des VLCCs (160 000 tpl et plus) au départ du Golfe Persique. MISC (Malaisie, 62 pétroliers et méthaniers, 7 Mtpl, 9ème rang) possède des pétroliers mais surtout une des premières flottes de méthaniers au monde. Sovcomflot-Novoship (Russie, 50 pétroliers, 7 Mtpl) se place en 4ème position mondiale avec des navires de type suezmax et aframax (80 à 160 000 tpl). Les grandes flottes appartiennent donc aux pays exportateurs qui ont la volonté de maîtriser et de sécuriser une partie de leurs exportations. Ceci est particulièrement vrai pour l’Iran et la Russie. Cette politique va à l’encontre de la tendance mondiale qui voit au contraire l’augmentation du poids des échanges pétroliers mondiaux. Le secteur des vraquiers est dominé par la Chine qui contrôle 42.2 Mtpl. Les Chinois sont notamment très présents via la Cosco, qui est la plus grande compagnie de vraquiers au monde avec quelques 320 navires pour 18.5 Mtpl. Parmi les autres grands pays maritimes, on trouve la Turquie de 2.5 Mtpl. Les Philippines, la Thaïlande, le Vietnam et l’Indonésie. Contrôlent aussi des flottes respectables de 1 à 2 Mtpl. Ces navires vraquiers ont une taille moyenne de 50 000 tpl. Dans l’ensemble, ce sont des navires plutôt polyvalents, souvent grées, qui s’adaptent très bien aux conditions nautiques et d’équipement des ports des pays en développement, ainsi qu’à la taille et à la diversité des lots échangés.

La modernisation des ports de commerce
Dans le secteur portuaire, trois types de trafics sont particulièrement intéressants à suivre pour mieux distinguer les pays émergents. Il s’agit d’une part des échanges conteneurisés (produits finis), d’autre part des échanges de produits semi-finis et enfin des échanges de colis lourds. Les trafics conteneurisés sont un bon indicateur de l’intégration d’un pays dans les circuits commerciaux internationaux. Les conteneurs pleins en entrée et sortie de ports renseignent sur l’orientation commerciale du pays (importation ou exportation). Les échanges de produits semi-finis (bois, aciers, composants électroniques…) en conteneurs et en cargos témoignent du développement des industries de transformation et de l’implication du pays dans les flux « business to business » qui s’organisent à l’échelle mondiale. Enfin, une augmentation des colis lourds en import indique une phase de renforcement du rythme de l’industrialisation, ces colis lourds étant souvent des éléments d’usines en main ou de centrales. Les ports de commerce représentent généralement un problème dans les pays en développement. La vétusté et le sous-dimensionnement des infrastructures limitent l’expansion du commerce et génèrent des surcoûts logistiques. Les pays en transition économique sont engagés dans des mouvements de libéralisation de leur économie, qui se traduisent par des apports de capitaux étrangers dirigés vers la modernisation des équipements portuaires. Qui permettent de soutenir la croissance des échanges. Les ports font diversement appel aux opérateurs internationaux pour agrandir, moderniser et gérer les terminaux, en particulier conteneurs. Ces ports, dont l’activité demeure dévolue aux opérations d’import-export nationales, tentent de se transformer en plate-forme régionale, et d’acquérir une dimension de hub. Dans ce contexte, la présence d’un armement ou d’une entreprise de manutention internationale est un atout apprécié mais pas indispensable comme le démontre l’exemple des ports russes ou brésiliens. A Santos, 1er port conteneurs du Brésil, les terminaux sont gérés par des compagnies maritimes (Libra) ou des entreprises de manutention nationales (Tecondi). Les armements (MSC, CMA-CGM et hamburg Sud notamment) suivent cependant de près les opportunités d’investissements dans les ports brésiliens. Les ports du sous continent indien, d’Extrême Orient mais aussi d’Afrique de l’Ouest profitent pour leur part pleinement des capitaux et du savoir-faire des opérateurs internationaux. Cette démarche s’étend aux infrastructures de transport terrestre. En Inde, le gouvernement a lancé un plan de 320 milliards d’euros pour améliorer les réseaux de transports terrestres, ainsi que les ports et les aéroports. Sur ce total, 20 milliards doivent abonder en direction des ports. Conscient que ces fonds ne suffiront pas, le gouvernement indien encourage les co-entreprises publique-privée et nationale-internationale. Ainsi, aux côtés des 12 grands ports actuels, une demi-douzaine de nouveaux sites viennent d’entrer en service (Gangavaram, Krishnapatnam), sont en construction (Vizinjam) ou en projet (Barunei Muhan). Sans grande surprise, les économies des petits pays émergents d’Asie sont tournées vers la mer, là où les géants brésilien, russe et indien, sont davantage accaparés par leur marché intérieur. De même, le degré d’ouverture des états insulaires d’Asie est important, quand les grandes nations continentales s’appuient toujours sur leurs ressources et leurs entreprises nationales avant de faire appel au marché international. La Chine a la particularité de présenter un profil intermédiaire. Enfin, hors de la modernisation des ports, l’Afrique est la grande absente des nouvelles économies maritimes.

Ben Cissé Correspondant particulier
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