Selon l’accord signé en décembre 2008 avec l’Union européenne (UE), la Côte d’Ivoire devrait ouvrir son marché à l’Europe à partir d’aujourd’hui. Dans les coulisses du ministère de l’Intégration, négociateur de l’accord de partenariat économique (APE) pour la Côte d’Ivoire, c’est le silence total sur la question. La seule certitude est que les autorités ivoiriennes se sont inscrites dans la dynamique de l’intégration régionale en privilégiant l’accord régional global. C’est-à-dire que l’accord intérimaire paraphé par la Côte d’Ivoire disparaît si un accord global est signé. Pourtant, les choses ne semblent pas avancer au niveau de la sous-région. De ce fait, la Côte d’Ivoire est aujourd’hui prise entre l’enclume du respect de l’engagement pris et le marteau du pays qui aura fait exploser l’intégration régionale.
En tout état de cause, deux solutions se présentent. Soit la Côte d’Ivoire signe un accord individuel, soit la Côte d’Ivoire dénonce sa signature et décide d’attendre la signature de l’accord global.
Scénario 1 : la Côte d’Ivoire signe un accord individuel
«Quand le tonnerre gronde, chacun pose sa main sur sa tête», indique un proverbe africain. Un tel scénario présente pour la Côte d’Ivoire l’avantage de s’éloigner de la menace du Système généralisé de préférences (SGP). Le pays sauvegarde ainsi son accès au marché européen sans aucune perte de recettes en prime. Pour un pays dont l’essentiel des recettes d’exportation provient des matières premières agricoles, il n’y a pas à se poser mille questions. C’est d’ailleurs ce qui explique le paraphe de l’accord intérimaire le 7 décembre 2008 afin que la Côte d’Ivoire ne perde pas ses recettes fiscales évaluées à près de 200 milliards FCFA. Cette transition va permettre d’éviter que les principaux produits d’exportation ivoiriens vers les marchés européens ne soient soumis à des droits des douanes à partir du 1er janvier 2008.
Mais on doit toujours avoir à l’esprit les propos sibyllins du délégué de la Commission de l’UE pour la Côte d’Ivoire, Michel Arion : «Tout indique que nous sommes sur la bonne voie pour parvenir à un accord de partenariat économique global dans les mois qui suivent». Il faut lire entre les lignes.
Ce scénario a le lourd inconvénient de mettre en péril l’intégration régionale. L’Europe n’a plus d’interlocuteur unique dans la région. Mieux, elle gagne un accès au marché dans les autres pays à travers son point d’entrée obtenu avec la Côte d’Ivoire pour les pays de l’Uemoa. Du coup, les autres pays vont aussi fermer l’accès des produits ivoiriens sauf à payer des droits de douane. Autant dire à revenir à la période pré-Cedeao-Uemoa. Désormais, chaque pays va essayer de tirer son épingle du jeu à travers sa politique commerciale propre, car l’Europe va se présenter devant une région où vont cohabiter trois accords (APE, SGP et TSA «Tout sauf les armes»). De plus, la signature de la Côte d’Ivoire va affaiblir énormément le pouvoir de négociation de l’Afrique de l’Ouest vis-à-vis de l’UE.
Le pire est que, si le Ghana et le Nigeria en font autant, il ne sera plus possible de relever le Tarif extérieur commun (TEC) de l’Uemoa et de la Cedeao. Dans ce schéma, les pertes fiscales dues à l’alignement du TEC de la Cedeao sur celui de l’Uemoa seraient trois fois supérieures à celles d’un APE qui aurait été signé en autorisant l’Afrique de l’ouest à conserver un taux de protection de 37% sur ses importations de l’UE, soit un taux de libéralisation totale dans les deux sens (importations + exportations) limité à 82%.
Scénario 2 : la Côte d’Ivoire dénonce son accord intérimaire
Si l’intégration régionale est sauvée, il n’en demeure pas moins que ce scénario a l’inconvenient de placer la Côte d’Ivoire dans le SGP. Il faudra alors faire jouer à fond la solidarité régionale pour sauver le pays. Or, le mécanisme de compensation qui fonde le renouveau de la solidarité régionale entre les PMA et les pays en développement (PED) peine à être effectif car reposant sur un paradoxe économique évident : les PMA n’ont pas les moyens de supporter un budget de compensation. Et les plus pauvres sont suffisamment pauvres pour ne pas avoir la prétention de trouver des solutions financières à des pays comme la Côte d’Ivoire, locomotive de la sous-région. Les institutions régionales ne sont pas les plus loties, elles qui vivent des prélèvements communautaires. Le financement du mécanisme de compensation est au-dessus de leur force. Du coup, les promesses d’une solidarité économique et financière régionale ne peuvent pas se matérialiser. En un mot, la Côte d’Ivoire ne peut pas financièrement compter sur la région. Donc…
Que faire ?
Le 25 mars dernier, l’UE et la Côte d’Ivoire ont signé un protocole d’accord visant à «ménager» le gouvernement ivoirien jusqu'aux élections. En voici quelques extraits : «La Commission de l’UE :
10. exprime le souhait qu'un gouvernement responsable et démocratiquement élu soit instauré dans les plus brefs délais en Côte d'Ivoire; salue par conséquent l'ensemble du travail préparatoire effectué par la Commission électorale indépendante (CEI) mais prie instamment la CEI de publier dans les plus brefs délais un nouveau calendrier électoral réaliste; estime que le soutien du Parlement à un APE complet entre l'Union et la Côte d'Ivoire devrait tenir compte de l'organisation d'élections et de la désignation d'un gouvernement responsable et démocratiquement élu en Côte d'Ivoire; demande à être consultée dès que possible;
14. souligne que l'éventuel APE régional avec l'Afrique de l'ouest ne doit en aucun cas mettre en péril la cohésion des pays concernés ni affaiblir leur intégration régionale;
24. estime qu'un APE complet bénéficiera pleinement aux citoyens de la Côte d'Ivoire si un gouvernement responsable et démocratiquement élu est mis en place dans ce pays; exprime le souhait qu'un tel gouvernement soit, à terme, instauré en Côte d'Ivoire».
Tout porte à croire que tout va se décider après les élections.
J-S Lia
En tout état de cause, deux solutions se présentent. Soit la Côte d’Ivoire signe un accord individuel, soit la Côte d’Ivoire dénonce sa signature et décide d’attendre la signature de l’accord global.
Scénario 1 : la Côte d’Ivoire signe un accord individuel
«Quand le tonnerre gronde, chacun pose sa main sur sa tête», indique un proverbe africain. Un tel scénario présente pour la Côte d’Ivoire l’avantage de s’éloigner de la menace du Système généralisé de préférences (SGP). Le pays sauvegarde ainsi son accès au marché européen sans aucune perte de recettes en prime. Pour un pays dont l’essentiel des recettes d’exportation provient des matières premières agricoles, il n’y a pas à se poser mille questions. C’est d’ailleurs ce qui explique le paraphe de l’accord intérimaire le 7 décembre 2008 afin que la Côte d’Ivoire ne perde pas ses recettes fiscales évaluées à près de 200 milliards FCFA. Cette transition va permettre d’éviter que les principaux produits d’exportation ivoiriens vers les marchés européens ne soient soumis à des droits des douanes à partir du 1er janvier 2008.
Mais on doit toujours avoir à l’esprit les propos sibyllins du délégué de la Commission de l’UE pour la Côte d’Ivoire, Michel Arion : «Tout indique que nous sommes sur la bonne voie pour parvenir à un accord de partenariat économique global dans les mois qui suivent». Il faut lire entre les lignes.
Ce scénario a le lourd inconvénient de mettre en péril l’intégration régionale. L’Europe n’a plus d’interlocuteur unique dans la région. Mieux, elle gagne un accès au marché dans les autres pays à travers son point d’entrée obtenu avec la Côte d’Ivoire pour les pays de l’Uemoa. Du coup, les autres pays vont aussi fermer l’accès des produits ivoiriens sauf à payer des droits de douane. Autant dire à revenir à la période pré-Cedeao-Uemoa. Désormais, chaque pays va essayer de tirer son épingle du jeu à travers sa politique commerciale propre, car l’Europe va se présenter devant une région où vont cohabiter trois accords (APE, SGP et TSA «Tout sauf les armes»). De plus, la signature de la Côte d’Ivoire va affaiblir énormément le pouvoir de négociation de l’Afrique de l’Ouest vis-à-vis de l’UE.
Le pire est que, si le Ghana et le Nigeria en font autant, il ne sera plus possible de relever le Tarif extérieur commun (TEC) de l’Uemoa et de la Cedeao. Dans ce schéma, les pertes fiscales dues à l’alignement du TEC de la Cedeao sur celui de l’Uemoa seraient trois fois supérieures à celles d’un APE qui aurait été signé en autorisant l’Afrique de l’ouest à conserver un taux de protection de 37% sur ses importations de l’UE, soit un taux de libéralisation totale dans les deux sens (importations + exportations) limité à 82%.
Scénario 2 : la Côte d’Ivoire dénonce son accord intérimaire
Si l’intégration régionale est sauvée, il n’en demeure pas moins que ce scénario a l’inconvenient de placer la Côte d’Ivoire dans le SGP. Il faudra alors faire jouer à fond la solidarité régionale pour sauver le pays. Or, le mécanisme de compensation qui fonde le renouveau de la solidarité régionale entre les PMA et les pays en développement (PED) peine à être effectif car reposant sur un paradoxe économique évident : les PMA n’ont pas les moyens de supporter un budget de compensation. Et les plus pauvres sont suffisamment pauvres pour ne pas avoir la prétention de trouver des solutions financières à des pays comme la Côte d’Ivoire, locomotive de la sous-région. Les institutions régionales ne sont pas les plus loties, elles qui vivent des prélèvements communautaires. Le financement du mécanisme de compensation est au-dessus de leur force. Du coup, les promesses d’une solidarité économique et financière régionale ne peuvent pas se matérialiser. En un mot, la Côte d’Ivoire ne peut pas financièrement compter sur la région. Donc…
Que faire ?
Le 25 mars dernier, l’UE et la Côte d’Ivoire ont signé un protocole d’accord visant à «ménager» le gouvernement ivoirien jusqu'aux élections. En voici quelques extraits : «La Commission de l’UE :
10. exprime le souhait qu'un gouvernement responsable et démocratiquement élu soit instauré dans les plus brefs délais en Côte d'Ivoire; salue par conséquent l'ensemble du travail préparatoire effectué par la Commission électorale indépendante (CEI) mais prie instamment la CEI de publier dans les plus brefs délais un nouveau calendrier électoral réaliste; estime que le soutien du Parlement à un APE complet entre l'Union et la Côte d'Ivoire devrait tenir compte de l'organisation d'élections et de la désignation d'un gouvernement responsable et démocratiquement élu en Côte d'Ivoire; demande à être consultée dès que possible;
14. souligne que l'éventuel APE régional avec l'Afrique de l'ouest ne doit en aucun cas mettre en péril la cohésion des pays concernés ni affaiblir leur intégration régionale;
24. estime qu'un APE complet bénéficiera pleinement aux citoyens de la Côte d'Ivoire si un gouvernement responsable et démocratiquement élu est mis en place dans ce pays; exprime le souhait qu'un tel gouvernement soit, à terme, instauré en Côte d'Ivoire».
Tout porte à croire que tout va se décider après les élections.
J-S Lia