Une vraie course contre la montre a commencé. Son objectif affiché est de sauver la présidentielle du 29 novembre. Première étape : la pression sur la Cei pour qu'elle bouge un peu. Après les coups de boutoir du chef de l'Onuci, la Commission électorale indépendante (Cei) a, enfin, accouché d'un chronogramme, rendu public jeudi. Pile le jour où le Secrétaire général de l'Onu présente devant le Conseil de sécurité son 21ème rapport sur la Côte d'Ivoire. Il avait aussi lancé le 21 juillet, à Grand-Bassam, le traitement des données de l'opération d'enrôlement, alors que tous les sites prévus à cet effet ne sont pas encore fonctionnels. En l'absence du chef de l'Etat et de son Premier ministre. Comme si les deux têtes de l'exécutif avaient voulu prendre leurs distances avec une Cei désormais qui étale ses lacunes au grand jour. L'ambassadeur de France a salué cet acte de Mambé Beugré, traduisant tout le soutien de Paris à l'institution chargée des élections. Les révélations de la presse hier sur l'entrevue entre Nicolas Sarkozy et Ban Ki-moon, à New York, confirment ce soutien. Le président Français aurait tenu des propos très durs contre son homologue ivoirien, accusé de vouloir reporter les élections. Il avait déjà chargé à Libreville, parlant de « promesses fallacieuses », à propos de la présidentielle du 29 novembre. Des sorties qui ne doivent rien au hasard, selon des sources bien informées. L'air des bords de La Seine serait devenu irrespirable pour le chef de l'Etat. « L'idée de régler les vieux comptes avec Laurent Gbagbo a ressurgi à Paris », indique un diplomate. Certaines sources parlent même désormais du retour de la « Gbagbophobie » dans certains milieux français nostalgiques de l'époque où Paris dictait la cadence du processus de paix, à coups de résolutions de l'Onu. C'est cette aversion pour Laurent Gbagbo qui a fait reporter à deux reprises le voyage de Claude Guéant à Abidjan. La présidence ivoirienne observe avec méfiance ce retour en arrière, après des efforts de normalisation qui ont vu plusieurs ministres français se succéder sur les bords de la lagune ébrié. D'autant que, selon les services du renseignement, l'opposition se prépare à des manifestations au cas où la date du 29 novembre ne serait pas respectée. Abidjan n'est pas loin de penser que la communauté internationale, conduite par la France, a donné son soutien à un scénario qui séduit certains opposants : mettre fin à la transition actuelle et aller à des élections sans le camarade Laurent. Les titres des journaux proches du pouvoir, hier, traduisent bien cette mauvaise humeur vis-à-vis de l'Elysée, soupçonné de rouler ouvertement pour l'opposition. Du côté du Palais au Plateau, l’on rappelle que c’est bien Laurent Gbagbo qui a refusé d’apposer sa signature sur la date du 4 octobre proposée par la Cei et défendue bec et ongle par l’opposition. La date du 4 octobre était-elle un piège pour éliminer le candidat du parti au pouvoir? Malgré tout, le chef de l'Etat ivoirien ne semble pas vouloir s'engager dans une polémique. Il se contente de marteler sa volonté d'en découdre le 29 novembre avec ses principaux adversaires, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara. « Le président est gonflé à bloc », soutient un de ses conseillers. « C'est devenu intenable. Ça ne peut plus durer. On va aux élections. Si on a gagné, on a gagné. Ils pensent qu'ils ont gagné. Que la campagne s'ouvre et ils verront », aurait lancé Laurent Gbagbo, très sûr de lui. « C'est une erreur de croire que c'est fini. Pendant la campagne, il va nous fatiguer », met en garde un ministre de l'opposition. C'est sûr, la prochaine campagne s'annonce épique. «Ce sera bilan contre bilan», a averti Gbagbo.
Kesy B. Jacob
Kesy B. Jacob