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Politique Publié le vendredi 24 juillet 2009 | Nord-Sud

Sondage de l`institut Sofres : Gbagbo vainqueur de la présidentielle…

Selon un sondage d'opinion réalisé par l'institut français TNS-Sofres, Laurent Gbagbo partirait largement favori pour la présidentielle de novembre 2009. Analyse et tentative d'explications.

Ce n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, mais cela y ressemble diablement. Le sondage réalisé par la Société française d'études par sondages (Sofres) sur la prochaine présidentielle en Côte d'Ivoire vient bousculer bien des idées reçues et nous amène à réviser quelques évangiles politiques domestiques. Le scoop de notre confrère français «Le Point» - hebdomadaire de droite donc peu suspect d'accointance gbagboïenne - scoop éventé par « La Lettre du Continent » et «Jeune Afrique», ne surprend pas que l'Elysée. Selon donc ce scoop, le très célèbre institut de sondage TNS-Sofres (le numéro 1 en France et le 2ème dans le monde en termes de fiabilité, après l'institut américain AC Nielsen), indique que Laurent Gbagbo viendrait en tête des intentions de vote, si l'élection présidentielle se tenait le 29 novembre. Mieux que cela, il aurait une avance énorme sur ses concurrents les plus sérieux, Henri Konan Bédié et Alassane Dramane Ouattara. Une avance de 14 points sur Bédié et 15 points sur Ouattara, ce sont-là des écarts abyssaux quand on sait qu'en termes de suffrages, 10% d'écart c'est plusieurs millions de voix de différence. Dans une telle configuration, le second tour de la présidentielle, prévu pour se tenir le 27 décembre 2009, mettrait face-à-face Laurent Koudou-Gbagbo et Henri Konan Bédié. Il nous faut l'avouer : si ce sondage n'émanait pas de la Sofres, nous ne lui aurions accordé aucun crédit. Mais le hic, c'est qu'il porte le sceau de cet institut réputé et encline donc, par le fait même, à y accorder une certaine attention. Evidemment, les résultats de ce sondage ont fort opportunément fuité dans la presse parce qu'ils s'avèrent favorables au chef d'Etat sortant. Nous imaginons bien qu'il y en a eu d'autres, moins rassurants, et qui sont discrètement restés dans les tiroirs. Comme on peut le subodorer, ce sondage sera critiqué, pourfendu, stigmatisé par les rivaux du candidat Gbagbo. Mais loin de tout cela, le travail réalisé par la Sofres, s'il l'a été avec toute la rigueur scientifique requise, mérite analyse et introspection. Pourquoi Laurent Gbagbo, qui part avec de réels handicaps, pourrait distancer ADO et HKB ? Il y a d'abord la dispersion des voix au sein du Rhdp. Unis, Ouattara et Bédié pèsent 57% des intentions de vote. C'est-à-dire une victoire dès le premier tour en cas de candidature unique. Il y a ensuite la guerre et l'extrême précarité qui s'en est suivie, qui ont remodelé les mentalités et développé des réflexes de survie, des réflexes plus alimentaires. Chaque jour, Gbagbo distribue des enveloppes kaki à des gens qui ne voyaient des billets de 10.000 F Cfa que dans des photos, donne des mobylettes à des gens qui en rêvaient pour dans dix ans, électrifie des villages qui attendent depuis 40 ans, inaugure des chantiers titanesques et vend de l'espoir. Un argument pourrait être sa capacité mathématique à vendre du rêve (d'aucuns diront de l'illusion) et de l'espoir à court terme. Grâce à la guerre, il a pu créer et entretenir chez certains Ivoiriens, un sentiment de tribu assiégée. Un réflexe de Nation à défendre contre des imprécateurs (comme Sarkozy dont la dernière sortie est particulièrement maladroite) venus d'occident. Il y a également le sud, principalement la région des Lagunes, qui avec près de deux millions d'électeurs, représente le tiers de l'électorat national. Or, Abidjan, il faut le reconnaître fait l'objet d'une occupation constante par le pouvoir et ses démembrements que sont les ONGs, clubs de soutien, agoras, parlements. Dons, divers parrainage généralement argentifères et défilés en flux tendu de populations venues faire allégeance sont au menu de son action. Ensuite, la clé de cette élection, est détenue par la jeunesse qui, comme chacun sait, compte pour plus de 50% de l'électorat. Gbagbo s'est de tous temps, présenté comme le «vieux père» de ses «bons petits». Il ferme les yeux sur leurs incartades, voire sur certains de leurs crimes (la Fesci qui tue, le Gpp qui braque, les agoras qui détroussent les commerçants alentours). Il les tient en laisse par un réseau de jeunes leaders charismatiques, alimentés par des fonds apparemment inépuisables, et qui ont pour mission de redistribuer une partie de la manne présidentielle à leurs affidés. De plus, il y a que Gbagbo a su habilement se glisser dans la peau du héros libérateur, qui vient rendre à son peuple sa dignité bafouée. Un peu à l'image des pères-fondateurs, objets de vénération constante, qui ont offerts à nos pays, les indépendances il y a cinq décennies. Les héros font toujours recette auprès des jeunes, surtout quand ils sont harcelés. Ce sondage, en somme vient montrer que, contrairement à ce que nous croyions, il y a loin de la coupe aux lèvres. Et que d'un Laurent Gbagbo, dont le régime est englué dans les scandales économiques, dont les «camarades» alimentent les colonnes de la presse à scandales, peut sortir un président victorieux de la confrontation électorale de novembre 2009. Le sort joue souvent des tours.

Touré Moussa
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