Le Cheick Aima Boikary Fofana président du Conseil supérieur des imams est un des artisans de la présence des principaux leaders politiques à la première commémoration de la cérémonie de la flamme de la paix à Bouaké le 30 juillet 2008. Un an après, il dresse son bilan et se prononce sur les conditions du succès de l`élection présidentielle.
• Le 31 juillet 2008, vous et d`autres guides religieux avez réussi à faire venir les leaders politiques à la commémoration de la cérémonie de la flamme de la paix à Bouaké. Comment êtes-vous parvenus à cet exploit ?
Nous avons pris des contacts avec chacun des responsables politiques . Avec Mgr Ahouana (Ndlr : Archevêque de Bouaké), nous sommes allés à la rencontre du président Bédié et des autres pour qu`ils soient tous présents. Si les religieux restent dans leur domaine, ils peuvent jouer un grand rôle. Tous les acteurs politiques prient dans une église, une mosquée ou dans un temple quelque part. Si les religieux prennent leur courage religieux et qu`ils parlent aux gens ensemble dans le pays, je crois que la paix va revenir. Aujourd`hui, on ne peut négliger aucune dimension de la vie. Les hommes politiques ne sont pas des extra-terrestres. Ce sont des hommes comme nous. Le religieux a le devoir de moraliser la pratique de la politique. Si la morale disparaît d`un domaine, la confiance n`y est plus. Le désordre s`installe et c`est le chaos. Il n`y aura pas mariage sans morale, tout comme il n`y a pas de contrat de travail sans morale.
• N`avez-vous pas rencontré de résistance chez certains leaders ?
Nous n`avons connu aucune difficulté. Tout le monde comprend que la guerre n`est pas la solution. Elle peut être une étape, mais quand elle prend fin, c`est fini. Attaquons nous aux vrais problèmes de la population qui souffre.
• Aujourd`hui, avec la pré-campagne, on assiste à une certaine tension entre les différents leaders ? Pensez-vous que ce que vous avez réussi l`année dernière serait possible actuellement ?
Je ne pense que cela ne soit pas possible. Je ne pense pas qu`un acteur politique oserait dire aujourd`hui qu`il est contre la paix. Si nous les appelons, tout le monde viendra. Chacun mène librement ses activités politiques. Chacun a travaillé pour faire enrôler ses supposés électeurs. L`essentiel, c`est qu`il y ait la liberté pour tous.
• A Bouaké, vous avez surtout demandé le désarmement des cœurs ? Avez-vous constatez un changement à ce niveau ?
Depuis lors, nous n`avons pas senti un réchauffement du climat social d`une manière particulière. Je pense que les illusions tombent et qu`on va de plus en plus vers un réalisme. Les Ivoiriens sont fatigués de la crise. Ils veulent tous la paix aujourd`hui. Personne ne veut la guerre. C`est la preuve que les cœurs se sont désarmés. Toujours est-il que la rancœur est une maladie qu`on ne guérit pas du jour au lendemain. La guérison se fait progressivement. En réalité, il n`y avait aucun problème entre Ivoiriens. La guerre a fini par être une guerre politicienne. La véritable guerre n`a duré qu`un mois ou un mois et demi. Le reste, c`était une guerre politicienne. Je pense que les politiciens ont commencé à se rencontrer, à se parler et à résoudre à chaque fois le problème qui se présente.
• Avez-vous déjà entamé des démarches pour rééditer cette année le coup que vous avez réussi l`année dernière ? Avez-vous été approchés dans ce sens par les autorités?
Nous n`avons pas encore été approchés et nous n`avons pas encore pris d`initiative. Mais, l`esprit demeure. Chacun travaille dans ce sens à mon avis. En ce qui me concerne, je voyage pratiquement tout le temps et je me rends dans toutes les régions. Les cœurs ne sont pas qu`Abidjan, ils sont partout. Il suffit qu`on leur parle. Les hommes politiques dépendent de la population. Si les populations mettent leur foi dans l`affaire, je pense que personne ne peut aller dans une aventure de guerre, Si c`est la puissance militaire qui pouvait résoudre le problème, il serait terminé. Allons régler nos problèmes ivoiriens, en Côte d`Ivoire, il n`y a pas de problèmes. S`il y a un problème, c`est dans la tête des hommes politiques. Ce qui était dangereux, c`était que les religieux s`en mêlent. Mais, je pense qu`ils ont compris que ce n`est pas leur espace. Quand le religieux entre dans la guerre, au lieu d`être politique, elle devient passionnelle.
• La date du 29 novembre arrêtée pour l`élection présidentielle laisse encore perplexe beaucoup d`Ivoiriens. Croyez-vous au respect de cette date ?
Je n`ai pas de raison de ne pas y croire. Ce sont des hommes responsables qui fixé ensemble cette date. Je pense qu`ils l`ont fait en toute connaissance de cause. Aujourd`hui, moi je n`ai pas de raison particulière pour ne pas y croire.
• Quelles sont selon vous les conditions du succès de cette élection ?
Je pense qu`il faut démystifier le pouvoir. Le pouvoir est une fonction comme toutes les autres. Si on l`exerce normalement, l`on ne peut pas assister à ce que nous voyons en Afrique. Il y a des élections partout dans le monde. Il n`est pas dit qu`on doit être forcément président. On peut l`être comme ne pas l`être. Si cet esprit sportif gagne les hommes politiques ivoiriens et qu`on n`en fait pas une question de vie ou de mort, notre pays sera tranquille. Mais, si on pense que : j`y suis et je dois y rester, ou bien je n`y suis pas, il faut que j`y sois forcément, on ne peut s`en sortir. Allons vers la démocratie et on gagne ou on ne gagne pas. Ne pas être au pouvoir ne signifie pas ne pas être en Côte d`Ivoire. Ne pas être au pouvoir ne signifie pas non plus que tu n`existes plus. Il faut qu`il y ait cette maturité politique et affective dans la politique.
• Que voulez-vous dire concrètement?
Que les politiques se disent que ce ne sont pas eux qui sont concernés, mais le pays et le peuple. Ils sont au service du peuple. Tu peux jouer ton rôle, quelqu`un d`autre peut jouer le sien. Si cette maturité politique arrive et qu`on arrive à détribaliser la conception politique, en quittant la conception ethnique ou confessionnelle qu`on avait donnée à notre politique, les choses changeront. Le pouvoir ne doit pas être un pouvoir du Nord, du Sud, de l`Est ou de l`Ouest. Il doit être républicain. Que tu sois un locataire ou que tu puisses en être un, on doit tous aller avec la même chance et que celui qui gagne soit le gagnant. Mais, si on en fait une question de vie ou de mort, on ne peut pas sortir de l`instabilité. Qui aurait cru voir aujourd`hui un homme comme Barack Obama aujourd`hui à la tête des Etats-Unis. Mais, à un moment donné, il a tenté et les Américains l`ont choisi. Au Ghana, il y a eu des élections, Rawlings est parti, Kufuor est venu. Celui-ci est parti à son tour et Atamils est là aujourd`hui. Au Sénégal, Abdou Diouf est parti, Wade est là aujourd`hui. Au Mali, il y avait Alpha Oumar Konaré, aujourd`hui, c`est Amadou Toumani Touré. Il faut que la Côte d`Ivoire aille dans ce sens. Il faut qu`on évite la culture du raccourci ou de la facilité. Ce que nous demandions, c`était la liberté pour tous d`être présent pour qu`il n`y ait pas de frustration.
• Qu`entendez-vous par « culture du raccourci » ?
Nous avons un beau pays. Il est riche au Nord, au Sud, au Centre, à l`Est ou à l`Ouest. Ce que la Côte d`Ivoire demande aux Ivoiriens, c`est d`être des travailleurs. Tout le monde court après l`argent, mais personne ne veut travailler. Or, l`argent, c`est le prix du travail. Il suffit d`être ministre pour être milliardaire. Si tel est le cas, personne n`acceptera de quitter son poste. Si ma simple présence en tant que ministre fait de moi un milliardaire, pourquoi voulez-vous que je quitte le poste ministériel. Il faut qu`on aborde le pouvoir avec l`esprit de contrainte et de devoir. La présence d`un Ivoirien à un poste ministériel n`est pas un droit dans un premier temps, mais un devoir vis-à-vis du contribuable. C`est avec l`argent de ce contribuable que le gouvernement fonctionne. Il est en droit d`attendre du ministre un travail pour lui. Depuis 20 ans, le pays ne bouge pas alors que les budgets sont votés chaque année. On ne sait pas où va l`argent. Il faut qu`on abandonne cette facilité parce qu`elle ne nous amènera nulle part. Elle va nous amener à la pauvreté et la pauvreté va nous amener la haine qui va nous conduire aux conflits. Il y a une mentalité ivoirienne à changer. Qu`on soit du Sud ou du Nord, du pouvoir comme de l`opposition tout le monde veut la facilité au point où personne ne peut critiquer personne aujourd`hui. Cela doit changer.
Interview réalisée par Cissé Sindou
• Le 31 juillet 2008, vous et d`autres guides religieux avez réussi à faire venir les leaders politiques à la commémoration de la cérémonie de la flamme de la paix à Bouaké. Comment êtes-vous parvenus à cet exploit ?
Nous avons pris des contacts avec chacun des responsables politiques . Avec Mgr Ahouana (Ndlr : Archevêque de Bouaké), nous sommes allés à la rencontre du président Bédié et des autres pour qu`ils soient tous présents. Si les religieux restent dans leur domaine, ils peuvent jouer un grand rôle. Tous les acteurs politiques prient dans une église, une mosquée ou dans un temple quelque part. Si les religieux prennent leur courage religieux et qu`ils parlent aux gens ensemble dans le pays, je crois que la paix va revenir. Aujourd`hui, on ne peut négliger aucune dimension de la vie. Les hommes politiques ne sont pas des extra-terrestres. Ce sont des hommes comme nous. Le religieux a le devoir de moraliser la pratique de la politique. Si la morale disparaît d`un domaine, la confiance n`y est plus. Le désordre s`installe et c`est le chaos. Il n`y aura pas mariage sans morale, tout comme il n`y a pas de contrat de travail sans morale.
• N`avez-vous pas rencontré de résistance chez certains leaders ?
Nous n`avons connu aucune difficulté. Tout le monde comprend que la guerre n`est pas la solution. Elle peut être une étape, mais quand elle prend fin, c`est fini. Attaquons nous aux vrais problèmes de la population qui souffre.
• Aujourd`hui, avec la pré-campagne, on assiste à une certaine tension entre les différents leaders ? Pensez-vous que ce que vous avez réussi l`année dernière serait possible actuellement ?
Je ne pense que cela ne soit pas possible. Je ne pense pas qu`un acteur politique oserait dire aujourd`hui qu`il est contre la paix. Si nous les appelons, tout le monde viendra. Chacun mène librement ses activités politiques. Chacun a travaillé pour faire enrôler ses supposés électeurs. L`essentiel, c`est qu`il y ait la liberté pour tous.
• A Bouaké, vous avez surtout demandé le désarmement des cœurs ? Avez-vous constatez un changement à ce niveau ?
Depuis lors, nous n`avons pas senti un réchauffement du climat social d`une manière particulière. Je pense que les illusions tombent et qu`on va de plus en plus vers un réalisme. Les Ivoiriens sont fatigués de la crise. Ils veulent tous la paix aujourd`hui. Personne ne veut la guerre. C`est la preuve que les cœurs se sont désarmés. Toujours est-il que la rancœur est une maladie qu`on ne guérit pas du jour au lendemain. La guérison se fait progressivement. En réalité, il n`y avait aucun problème entre Ivoiriens. La guerre a fini par être une guerre politicienne. La véritable guerre n`a duré qu`un mois ou un mois et demi. Le reste, c`était une guerre politicienne. Je pense que les politiciens ont commencé à se rencontrer, à se parler et à résoudre à chaque fois le problème qui se présente.
• Avez-vous déjà entamé des démarches pour rééditer cette année le coup que vous avez réussi l`année dernière ? Avez-vous été approchés dans ce sens par les autorités?
Nous n`avons pas encore été approchés et nous n`avons pas encore pris d`initiative. Mais, l`esprit demeure. Chacun travaille dans ce sens à mon avis. En ce qui me concerne, je voyage pratiquement tout le temps et je me rends dans toutes les régions. Les cœurs ne sont pas qu`Abidjan, ils sont partout. Il suffit qu`on leur parle. Les hommes politiques dépendent de la population. Si les populations mettent leur foi dans l`affaire, je pense que personne ne peut aller dans une aventure de guerre, Si c`est la puissance militaire qui pouvait résoudre le problème, il serait terminé. Allons régler nos problèmes ivoiriens, en Côte d`Ivoire, il n`y a pas de problèmes. S`il y a un problème, c`est dans la tête des hommes politiques. Ce qui était dangereux, c`était que les religieux s`en mêlent. Mais, je pense qu`ils ont compris que ce n`est pas leur espace. Quand le religieux entre dans la guerre, au lieu d`être politique, elle devient passionnelle.
• La date du 29 novembre arrêtée pour l`élection présidentielle laisse encore perplexe beaucoup d`Ivoiriens. Croyez-vous au respect de cette date ?
Je n`ai pas de raison de ne pas y croire. Ce sont des hommes responsables qui fixé ensemble cette date. Je pense qu`ils l`ont fait en toute connaissance de cause. Aujourd`hui, moi je n`ai pas de raison particulière pour ne pas y croire.
• Quelles sont selon vous les conditions du succès de cette élection ?
Je pense qu`il faut démystifier le pouvoir. Le pouvoir est une fonction comme toutes les autres. Si on l`exerce normalement, l`on ne peut pas assister à ce que nous voyons en Afrique. Il y a des élections partout dans le monde. Il n`est pas dit qu`on doit être forcément président. On peut l`être comme ne pas l`être. Si cet esprit sportif gagne les hommes politiques ivoiriens et qu`on n`en fait pas une question de vie ou de mort, notre pays sera tranquille. Mais, si on pense que : j`y suis et je dois y rester, ou bien je n`y suis pas, il faut que j`y sois forcément, on ne peut s`en sortir. Allons vers la démocratie et on gagne ou on ne gagne pas. Ne pas être au pouvoir ne signifie pas ne pas être en Côte d`Ivoire. Ne pas être au pouvoir ne signifie pas non plus que tu n`existes plus. Il faut qu`il y ait cette maturité politique et affective dans la politique.
• Que voulez-vous dire concrètement?
Que les politiques se disent que ce ne sont pas eux qui sont concernés, mais le pays et le peuple. Ils sont au service du peuple. Tu peux jouer ton rôle, quelqu`un d`autre peut jouer le sien. Si cette maturité politique arrive et qu`on arrive à détribaliser la conception politique, en quittant la conception ethnique ou confessionnelle qu`on avait donnée à notre politique, les choses changeront. Le pouvoir ne doit pas être un pouvoir du Nord, du Sud, de l`Est ou de l`Ouest. Il doit être républicain. Que tu sois un locataire ou que tu puisses en être un, on doit tous aller avec la même chance et que celui qui gagne soit le gagnant. Mais, si on en fait une question de vie ou de mort, on ne peut pas sortir de l`instabilité. Qui aurait cru voir aujourd`hui un homme comme Barack Obama aujourd`hui à la tête des Etats-Unis. Mais, à un moment donné, il a tenté et les Américains l`ont choisi. Au Ghana, il y a eu des élections, Rawlings est parti, Kufuor est venu. Celui-ci est parti à son tour et Atamils est là aujourd`hui. Au Sénégal, Abdou Diouf est parti, Wade est là aujourd`hui. Au Mali, il y avait Alpha Oumar Konaré, aujourd`hui, c`est Amadou Toumani Touré. Il faut que la Côte d`Ivoire aille dans ce sens. Il faut qu`on évite la culture du raccourci ou de la facilité. Ce que nous demandions, c`était la liberté pour tous d`être présent pour qu`il n`y ait pas de frustration.
• Qu`entendez-vous par « culture du raccourci » ?
Nous avons un beau pays. Il est riche au Nord, au Sud, au Centre, à l`Est ou à l`Ouest. Ce que la Côte d`Ivoire demande aux Ivoiriens, c`est d`être des travailleurs. Tout le monde court après l`argent, mais personne ne veut travailler. Or, l`argent, c`est le prix du travail. Il suffit d`être ministre pour être milliardaire. Si tel est le cas, personne n`acceptera de quitter son poste. Si ma simple présence en tant que ministre fait de moi un milliardaire, pourquoi voulez-vous que je quitte le poste ministériel. Il faut qu`on aborde le pouvoir avec l`esprit de contrainte et de devoir. La présence d`un Ivoirien à un poste ministériel n`est pas un droit dans un premier temps, mais un devoir vis-à-vis du contribuable. C`est avec l`argent de ce contribuable que le gouvernement fonctionne. Il est en droit d`attendre du ministre un travail pour lui. Depuis 20 ans, le pays ne bouge pas alors que les budgets sont votés chaque année. On ne sait pas où va l`argent. Il faut qu`on abandonne cette facilité parce qu`elle ne nous amènera nulle part. Elle va nous amener à la pauvreté et la pauvreté va nous amener la haine qui va nous conduire aux conflits. Il y a une mentalité ivoirienne à changer. Qu`on soit du Sud ou du Nord, du pouvoir comme de l`opposition tout le monde veut la facilité au point où personne ne peut critiquer personne aujourd`hui. Cela doit changer.
Interview réalisée par Cissé Sindou