Portée sur les fonts baptismaux en 1996, l`Ong Notre Nation s`est fixé pour objectif de faire de la Côte d`Ivoire une Nation, au sens plein du terme. Dans cet entretien, son premier responsable explique comment il s`y prend, sans oublier les difficultés qui sont les siennes, et jette un regard sur les élections à venir.
Comment se porte l`Ong Notre Nation ?
Je dirais assez bien. Je suis l`administrateur principal de l`Ong. Nous n`avons pas de président pour ne pas faire de concurrence déloyale à l`autre Président (ndlr, le Président de la République). Figurez-vous si on dit président de " Notre Nation ", ça peut faire désordre. L`Ong existe depuis 1996. On est un peu à l`image du pays. Nos activités à un moment donné, ont été freinées parce que la situation était difficile pour tout le monde. Mais on a repris pleinement, avec un certain nombre d`activités en cours.
Comment définissez-vous la Nation ?
La Nation pour nous, c`est une entité sociologique, un groupe de personnes, un territoire où tout le monde considère qu`il n`y a pas de salut en dehors de ce groupe. On ne peut pas envisager qu`un groupe puisse se lever pour réclamer sa spécificité ou même parfois son indépendance. On arrive à un tel point de cohésion entre les groupes constitutifs que l`idée même des groupes séparés n`arrive pas. C`est cela une Nation, pour nous.
Parlant de la Côte d`Ivoire, peut-on parler de Nation ?
C`est une vision. Je dis toujours que la parole est prophétique. Ce qu`on proclame a toutes les chances d`arriver. Quand nous disons Notre Nation, c`est une façon pour nous de proclamer, de prophétiser que la Côte d`Ivoire sera une Nation. C`est-à-dire une entité sociologique où aucun des membres constitutifs ne peut envisager son existence en dehors du " tout ". Nous voulons que la Côte d`Ivoire atteigne un stade où tout le monde se sent Ivoirien, où on est d`abord Ivoirien avant d`être Agni, Bété, Baoulé etc., où on est d`abord Ivoirien avant d`être du Sanwi ou de l`Ouest. En proclamant Notre Nation, nous pensons que ce que nous avons hérité de la colonisation, qui est un Etat multiethnique va se transformer progressivement en Nation. Nous avons tous besoin de travailler à cela. Quand je dis "nous", c`est l`Etat, c`est la société civile, ce sont les partis politiques. Il faut que ce soit un objectif. L `Etat a tellement de choses à faire que souvent, on oublie cet aspect. Ce sont les problèmes économiques, les problèmes de société qui sautent aux yeux. Une Nation, c`est tellement théorique que les gens ne comprennent pas toujours ce que cela veut dire, ni son importance. Nous avons pour mission d`entreprendre des actions pour aller dans ce sens, pour que la Côte d`Ivoire devienne une Nation, pour éviter tout risque de dislocation de cette entité.
La Côte d`Ivoire vit une crise depuis septembre 2002. Quelles sont, selon vous, les causes de cette fracture sociale ?
Il y a beaucoup de raisons. Mais je considère que la raison la plus importante c`est la façon de faire la politique. Et nous l`avons dit, c`est pour cela que nous avons créé notre Ong en 1996, et notre premier événement, c`était une conférence à la bibliothèque nationale, qui avait pour thème "rôle et responsabilité de la presse, des organisations confessionnelles et des partis politiques dans le maintien de l`harmonie ethnique en Côte d`Ivoire". Parce que nous avions eu cette vision que la manière dont on était en train de faire de la politique pouvait conduire à une dislocation, à une crise profonde basée sur la manipulation électoraliste que pourraient faire les hommes politiques qui n`ont pas des idées claires et qui veulent prendre des raccourcis en jouant sur la corde ethnique, en jouant sur la fibre religieuse. De notre point de vue, c`est cela la première cause de la crise. La deuxième cause, c`est l`environnement général. Nous sommes partis d`un Etat parti, donc un parti unique, où il y avait une cohésion apparente. Parce qu`il y avait un leadership fort. A l`intérieur de ce parti, on avait très peu de marge de manoeuvre. Ce qui donnait l`impression qu`il y avait une cohésion. A partir du moment où le multipartisme est arrivé, il fallait pouvoir le gérer. Il fallait quelqu`un qui a de l`autorité, qu`on respecte comme arbitre. Malheureusement, on n`a pas pu bénéficier de cet encadrement. Ce n`est pas si simple de gérer les gens. La technocratie et la politique sont deux choses différentes. On a confondu tout cela. On n`a pas voulu prendre le temps d`apprendre. Et on a fait croire qu`il y avait une division au plan ethnique, au plan religieux simplement par la manipulation à des fins électoralistes.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre mission de recoudre le tissu social ?
Les difficultés que nous rencontrons, je vais vous étonner, ce n`est pas le manque de moyens. Ça existe, mais nous avons démontré que nous pouvons surmonter le manque de moyens. C`est l`attentisme des Ivoiriens. Il est très difficile de sensibiliser les Ivoiriens sur les choses d`intérêt national. Les Ivoiriens sont trop particularistes. On est trop nombriliste, trop porté sur nos intérêts personnels. Quand j`ai commencé l`Ong, j`ai produit " brassage ". Par mois, elle me coûtait 500000 Fcfa qui étaient pris sur mon salaire. C`était presque 40% de mon salaire. C`est parce que j`avais une conviction. Moi, j`ai beaucoup reçu de la Côte d`Ivoire. J`ai étudié aux Etats-Unis grâce à une bourse de l`Etat de Côte d`Ivoire. Durant 7 ans, j`ai été boursier de l`Etat. Je voudrais mettre le peu que j`ai au service de la Côte d`Ivoire. J`ai créé une association des consommateurs parce que j`ai remarqué qu`il y avait beaucoup d`abus dans ce domaine. Quand on appelle les Ivoiriens pour venir s`informer, ils ne viennent pas. Ils ne sont pas informés et ils critiquent. Quand ils viennent, c`est qu`il y a de l`argent à prendre. S`ils viennent, il faut payer le transport. S`ils viennent, c`est que ça été financé par quelqu`un qui a des intentions politiques. Les Ivoiriens ne peuvent pas comprendre qu`on peut faire quelque chose de manière bénévole pour l`Etat. C`est cela notre plus grosse difficulté.
Rencontrez-vous les leaders politiques pour échanger avec eux ?
Très souvent. En 1999 quand nous avons fait signer la charte de l`harmonie interethnique, tous les partis politiques significatifs d`alors étaient là. Et nous avons noué des contacts avec les hommes politiques. Nous les côtoyons. De temps en temps, certains nous appellent, parce qu`ils pensent s`appuyer sur nous, peut-être dans le dessein de nous manipuler. Mais on est vigilant. Vous avez raison, il est indispensable que nous soyons en contact avec les hommes politiques, les partis politiques. Parce qu`une partie de notre mission, c`est de les sensibiliser pour qu`il fasse la politique autrement. Et qu`ils développent en eux le fair-play en politique. C`est-à-dire de jouer selon les règles et d`accepter les résultats. Sans toujours vouloir tricher. Parce que ce sont les tentatives de tricherie qui envoient toujours le désordre.
Un an après la signature de la charte interethnique, en 2000, des troubles secouaient le pays. N`avez-vous pas le sentiment que le poids des ethnies prime encore sur l`idée d`une Nation ?
Je voudrais revenir un peu sur 1999. En octobre 1999, nous avions écrit au président Bédié. Quand le code électoral d`alors était sur le point d`être adopté. Nous avons conseillé un referendum. Parce que c`était une décision importante qui pouvait s`avérer conflictuelle. Il ne fallait pas qu`il prenne sur lui cette lourde responsabilité. On nous a répondu de façon laconique, sans attacher un crédit à notre courrier. Déjà, nous, nous pensions que les germes du conflit étaient là-dedans. Il fallait donc faire attention. On n`a pas été surpris qu`en 1999, il y ait d`abord le coup d`Etat, ensuite, la transition qui s`est mal déroulée. Tout cela débouchant sur la crise armée. Nous l`avions vu venir.
Quelles sont pour vous les conditions idoines des prochaines élections pour que la Nation puisse survivre après ces consultations ?
Je voudrais profiter de cette question pour revenir en arrière. En 2008, l`Ong Notre Nation a attribué le prix de la cohésion nationale à son excellence Blaise Compaoré. Pour son rôle de facilitateur dans la crise ivoirienne. Nous avons estimé qu`il a accepté de s`impliquer dans la résolution de cette crise, alors qu`il aurait pu dire " on m`a accusé, donc je préfère ne pas m`immiscer ". Malgré tout ce qui a été dit, il a accepté et grâce à son action, on avance à grand pas vers la sortie de crise. Par ce prix, nous avons voulu lui dire merci et l`encourager à aller jusqu`au bout parce que le travail n`est pas terminé. Pour revenir à votre question, je voudrais dire que je ne suis pas de ceux qui pensent qu`il faut reprendre l`Indentification. Maintenant, il faut aller au croisement des fichiers sereinement. Il ne faut pas brusquer les choses. Si on a des listes propres avant le 29 novembre (ndlr, 2009), on peut aller aux élections le 29 novembre 2009. Mais si on doit aller un ou deux mois au-delà, pour des élections crédibles, nous n`y voyons pas d`inconvénients. Tout le monde est pour les élections en novembre 2009. Mais si elles n`nt pas lieu, le ciel ne nous tombera pas dessus. Il vaut mieux réunir les conditions idoines pour qu`on ne retombe pas dans la crise.
Vous venez de mettre à l`écran de Tv2, un film intitulé Rouge et noir. Peut-on en savoir davantage ?
Vous savez que la Côte d`Ivoire regorge des talents au plan artistique. L`Ong Notre Nation qui s`est donné pour mission de promouvoir l`Ivoirien, de contribuer à l`avènement d`un Ivoirien de type nouveau, un Ivoirien qui se prend en charge, qui est compétitif au plan international, nous avons pris le pari de soutenir l`art en Côte d`Ivoire. Il y a 4 ans, nous avons lancé un concours de scénario qu`on a appelé " génie ivoirien ". A partir de ce moment, nous avons produit les vainqueurs. Nous avons ainsi amené au Fespaco, une série télévisée appelée " Boomerang " qui a été retenue par Cfi, aussi diffusée sur les télévisions en Côte d`Ivoire et un peu partout en Afrique. C`est dans cet esprit que nous nous sommes rendu compte du travail de Gbi de Fer qui est un artiste comédien talentueux. Et nous avons décidé de produire un scénario qu`il avait produit, il y a 4 ans. Donc ce n`est pas nouveau. On dit que Dieu fait toute bonne chose en son temps. C`est maintenant que le temps de diffusion est arrivé. Nous l`avons proposé à Tv2 qui a accepté de le diffuser maintenant.
Dites-nous en quelques mots le synopsis de cette série...
Il s`agit d`un ancien combattant au chômage. Du reste, il dit être un ancien combattant, affirmation sur laquelle il y a des doutes. Son frère qui avait une maison dans la banlieue abidjanaise décède. Il devient héritier et prend possession de la maison de son frère. L`histoire tourne autour des frasques de ce retraité, ancien combattant. Dans ce village, il y a le mensonge, la manipulation, l`ivrognerie. Bref, toutes les intrigues qu`on peut voir dans une communauté périurbaine. Et Gbi de Fer, le nom de ce général à la retraite, qui a deux épouses, une de teint noir, l`autre de teint clair, les appelle Rouge et noir. Pour lui, c`est affectueux. Il décide de prendre une troisième épouse. Entre-temps, son fils qui étudiait à l`étranger arrive. Ce dernier dit être conseiller du Président de la République. Ce qui reste à vérifier. Toutefois, ce dernier courtise la fille que son père envisage de prendre pour troisième épouse. Ça fait un imbroglio dans un village où tout le monde se connaît. C`est un peu le décor qui est campé dans cette série.
Combien d`épisodes comporte cette série ?
Cette série comprend 26 épisodes de 26 minutes.
Peut-on avoir une idée du coût ?
Nous sommes dans un monde commercial qui est concurrentiel. Il n`est pas sage de révéler ses coûts de production. Parce qu`il y a d`autres structures de production, il y a des négociations commerciales qui se font. Mais ceux qui sont habitués aux productions d`oeuvres télévisuelles savent combien coûtent 26 épisodes de 26 minutes.
A travers la série, quel message voulez-vous faire passer auprès des Ivoiriens ?
Gbi de Fer est avant tout un comédien. La série vise donc à détendre les Ivoiriens. J`avoue qu`en produisant cette série télévisée, je n`ai pas de visée philosophique. Nous étions en crise, et les Ivoiriens avaient besoin de relaxation pour oublier les difficultés de la vie quotidienne. C`était cela notre objectif. On a fait d`autres films de sensibilisation, tels que Quitte dans ça ou Boomerang qui ont des portées philosophiques de moralisation. Mais Rouge et noir, c`est pour détendre les Ivoiriens.
Envisagez-vous de la vendre aussi à une chaîne étrangère?
Il y a un investissement qui a été fait dans le but de le rentabiliser. Je n`ai pas honte de le dire. C`est pourquoi, je suis allé voir les sponsors potentiels pour le leur proposer. C`est vrai que jusque-là, on n`a pas signé d`accord, mais on espère pouvoir le rentabiliser et produire d`autres films. Parce qu`il y a du talent en Côte d`Ivoire. Mais les moyens sont limités. On veut aller un peu plus loin. Par exemple, Koffi Gombo que nous avons produit a été enregistré au droit d`auteur aux Etats-Unis. Là-bas, je l`appelle Mister Biz. J`espère que d`ici là, on aura les moyens pour aller faire un film Mister Biz aux Etats-Unis.
Pouvez-vous dire avec certitude que les 26 épisodes sont déjà en boîtes ?
Vous savez qu`il se pose une question de confiance. Parce que la télévision s`est trouvée plusieurs fois dans des situations où des producteurs ont signé des contrats qu`ils n`ont pas pu honorer. Ils n`ont pas pu livrer tous les épisodes sur lesquels ils s`étaient engagés. Parce qu`ils attendaient l`argent des sponsors pour produire la suite. Fort heureusement, nous, nous avons déjà produit les 26 épisodes. J`ai montré toutes les cassettes à la télé. Je n`ai pas voulu les déposer à cause de la piraterie. Si je donne les 26 épisodes à quelqu`un, il peut dire qu`il en est le producteur. On le leur donne au fur et à mesure pour diffusion.
Un appel ?
Je voudrais féliciter Gbi de Fer pour sa créativité. Pour son talent. Parce que c`est lui qui a eu l`idée. C`est lui qui a été le directeur artistique de la production. Merci à Barthélemy Inabo parce que c`est lui qui m`a mis en contact avec Gbi de Fer à l`époque, lorsque je cherchais à produire un film.
Réalisée par : Tché Bi Tché
Comment se porte l`Ong Notre Nation ?
Je dirais assez bien. Je suis l`administrateur principal de l`Ong. Nous n`avons pas de président pour ne pas faire de concurrence déloyale à l`autre Président (ndlr, le Président de la République). Figurez-vous si on dit président de " Notre Nation ", ça peut faire désordre. L`Ong existe depuis 1996. On est un peu à l`image du pays. Nos activités à un moment donné, ont été freinées parce que la situation était difficile pour tout le monde. Mais on a repris pleinement, avec un certain nombre d`activités en cours.
Comment définissez-vous la Nation ?
La Nation pour nous, c`est une entité sociologique, un groupe de personnes, un territoire où tout le monde considère qu`il n`y a pas de salut en dehors de ce groupe. On ne peut pas envisager qu`un groupe puisse se lever pour réclamer sa spécificité ou même parfois son indépendance. On arrive à un tel point de cohésion entre les groupes constitutifs que l`idée même des groupes séparés n`arrive pas. C`est cela une Nation, pour nous.
Parlant de la Côte d`Ivoire, peut-on parler de Nation ?
C`est une vision. Je dis toujours que la parole est prophétique. Ce qu`on proclame a toutes les chances d`arriver. Quand nous disons Notre Nation, c`est une façon pour nous de proclamer, de prophétiser que la Côte d`Ivoire sera une Nation. C`est-à-dire une entité sociologique où aucun des membres constitutifs ne peut envisager son existence en dehors du " tout ". Nous voulons que la Côte d`Ivoire atteigne un stade où tout le monde se sent Ivoirien, où on est d`abord Ivoirien avant d`être Agni, Bété, Baoulé etc., où on est d`abord Ivoirien avant d`être du Sanwi ou de l`Ouest. En proclamant Notre Nation, nous pensons que ce que nous avons hérité de la colonisation, qui est un Etat multiethnique va se transformer progressivement en Nation. Nous avons tous besoin de travailler à cela. Quand je dis "nous", c`est l`Etat, c`est la société civile, ce sont les partis politiques. Il faut que ce soit un objectif. L `Etat a tellement de choses à faire que souvent, on oublie cet aspect. Ce sont les problèmes économiques, les problèmes de société qui sautent aux yeux. Une Nation, c`est tellement théorique que les gens ne comprennent pas toujours ce que cela veut dire, ni son importance. Nous avons pour mission d`entreprendre des actions pour aller dans ce sens, pour que la Côte d`Ivoire devienne une Nation, pour éviter tout risque de dislocation de cette entité.
La Côte d`Ivoire vit une crise depuis septembre 2002. Quelles sont, selon vous, les causes de cette fracture sociale ?
Il y a beaucoup de raisons. Mais je considère que la raison la plus importante c`est la façon de faire la politique. Et nous l`avons dit, c`est pour cela que nous avons créé notre Ong en 1996, et notre premier événement, c`était une conférence à la bibliothèque nationale, qui avait pour thème "rôle et responsabilité de la presse, des organisations confessionnelles et des partis politiques dans le maintien de l`harmonie ethnique en Côte d`Ivoire". Parce que nous avions eu cette vision que la manière dont on était en train de faire de la politique pouvait conduire à une dislocation, à une crise profonde basée sur la manipulation électoraliste que pourraient faire les hommes politiques qui n`ont pas des idées claires et qui veulent prendre des raccourcis en jouant sur la corde ethnique, en jouant sur la fibre religieuse. De notre point de vue, c`est cela la première cause de la crise. La deuxième cause, c`est l`environnement général. Nous sommes partis d`un Etat parti, donc un parti unique, où il y avait une cohésion apparente. Parce qu`il y avait un leadership fort. A l`intérieur de ce parti, on avait très peu de marge de manoeuvre. Ce qui donnait l`impression qu`il y avait une cohésion. A partir du moment où le multipartisme est arrivé, il fallait pouvoir le gérer. Il fallait quelqu`un qui a de l`autorité, qu`on respecte comme arbitre. Malheureusement, on n`a pas pu bénéficier de cet encadrement. Ce n`est pas si simple de gérer les gens. La technocratie et la politique sont deux choses différentes. On a confondu tout cela. On n`a pas voulu prendre le temps d`apprendre. Et on a fait croire qu`il y avait une division au plan ethnique, au plan religieux simplement par la manipulation à des fins électoralistes.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre mission de recoudre le tissu social ?
Les difficultés que nous rencontrons, je vais vous étonner, ce n`est pas le manque de moyens. Ça existe, mais nous avons démontré que nous pouvons surmonter le manque de moyens. C`est l`attentisme des Ivoiriens. Il est très difficile de sensibiliser les Ivoiriens sur les choses d`intérêt national. Les Ivoiriens sont trop particularistes. On est trop nombriliste, trop porté sur nos intérêts personnels. Quand j`ai commencé l`Ong, j`ai produit " brassage ". Par mois, elle me coûtait 500000 Fcfa qui étaient pris sur mon salaire. C`était presque 40% de mon salaire. C`est parce que j`avais une conviction. Moi, j`ai beaucoup reçu de la Côte d`Ivoire. J`ai étudié aux Etats-Unis grâce à une bourse de l`Etat de Côte d`Ivoire. Durant 7 ans, j`ai été boursier de l`Etat. Je voudrais mettre le peu que j`ai au service de la Côte d`Ivoire. J`ai créé une association des consommateurs parce que j`ai remarqué qu`il y avait beaucoup d`abus dans ce domaine. Quand on appelle les Ivoiriens pour venir s`informer, ils ne viennent pas. Ils ne sont pas informés et ils critiquent. Quand ils viennent, c`est qu`il y a de l`argent à prendre. S`ils viennent, il faut payer le transport. S`ils viennent, c`est que ça été financé par quelqu`un qui a des intentions politiques. Les Ivoiriens ne peuvent pas comprendre qu`on peut faire quelque chose de manière bénévole pour l`Etat. C`est cela notre plus grosse difficulté.
Rencontrez-vous les leaders politiques pour échanger avec eux ?
Très souvent. En 1999 quand nous avons fait signer la charte de l`harmonie interethnique, tous les partis politiques significatifs d`alors étaient là. Et nous avons noué des contacts avec les hommes politiques. Nous les côtoyons. De temps en temps, certains nous appellent, parce qu`ils pensent s`appuyer sur nous, peut-être dans le dessein de nous manipuler. Mais on est vigilant. Vous avez raison, il est indispensable que nous soyons en contact avec les hommes politiques, les partis politiques. Parce qu`une partie de notre mission, c`est de les sensibiliser pour qu`il fasse la politique autrement. Et qu`ils développent en eux le fair-play en politique. C`est-à-dire de jouer selon les règles et d`accepter les résultats. Sans toujours vouloir tricher. Parce que ce sont les tentatives de tricherie qui envoient toujours le désordre.
Un an après la signature de la charte interethnique, en 2000, des troubles secouaient le pays. N`avez-vous pas le sentiment que le poids des ethnies prime encore sur l`idée d`une Nation ?
Je voudrais revenir un peu sur 1999. En octobre 1999, nous avions écrit au président Bédié. Quand le code électoral d`alors était sur le point d`être adopté. Nous avons conseillé un referendum. Parce que c`était une décision importante qui pouvait s`avérer conflictuelle. Il ne fallait pas qu`il prenne sur lui cette lourde responsabilité. On nous a répondu de façon laconique, sans attacher un crédit à notre courrier. Déjà, nous, nous pensions que les germes du conflit étaient là-dedans. Il fallait donc faire attention. On n`a pas été surpris qu`en 1999, il y ait d`abord le coup d`Etat, ensuite, la transition qui s`est mal déroulée. Tout cela débouchant sur la crise armée. Nous l`avions vu venir.
Quelles sont pour vous les conditions idoines des prochaines élections pour que la Nation puisse survivre après ces consultations ?
Je voudrais profiter de cette question pour revenir en arrière. En 2008, l`Ong Notre Nation a attribué le prix de la cohésion nationale à son excellence Blaise Compaoré. Pour son rôle de facilitateur dans la crise ivoirienne. Nous avons estimé qu`il a accepté de s`impliquer dans la résolution de cette crise, alors qu`il aurait pu dire " on m`a accusé, donc je préfère ne pas m`immiscer ". Malgré tout ce qui a été dit, il a accepté et grâce à son action, on avance à grand pas vers la sortie de crise. Par ce prix, nous avons voulu lui dire merci et l`encourager à aller jusqu`au bout parce que le travail n`est pas terminé. Pour revenir à votre question, je voudrais dire que je ne suis pas de ceux qui pensent qu`il faut reprendre l`Indentification. Maintenant, il faut aller au croisement des fichiers sereinement. Il ne faut pas brusquer les choses. Si on a des listes propres avant le 29 novembre (ndlr, 2009), on peut aller aux élections le 29 novembre 2009. Mais si on doit aller un ou deux mois au-delà, pour des élections crédibles, nous n`y voyons pas d`inconvénients. Tout le monde est pour les élections en novembre 2009. Mais si elles n`nt pas lieu, le ciel ne nous tombera pas dessus. Il vaut mieux réunir les conditions idoines pour qu`on ne retombe pas dans la crise.
Vous venez de mettre à l`écran de Tv2, un film intitulé Rouge et noir. Peut-on en savoir davantage ?
Vous savez que la Côte d`Ivoire regorge des talents au plan artistique. L`Ong Notre Nation qui s`est donné pour mission de promouvoir l`Ivoirien, de contribuer à l`avènement d`un Ivoirien de type nouveau, un Ivoirien qui se prend en charge, qui est compétitif au plan international, nous avons pris le pari de soutenir l`art en Côte d`Ivoire. Il y a 4 ans, nous avons lancé un concours de scénario qu`on a appelé " génie ivoirien ". A partir de ce moment, nous avons produit les vainqueurs. Nous avons ainsi amené au Fespaco, une série télévisée appelée " Boomerang " qui a été retenue par Cfi, aussi diffusée sur les télévisions en Côte d`Ivoire et un peu partout en Afrique. C`est dans cet esprit que nous nous sommes rendu compte du travail de Gbi de Fer qui est un artiste comédien talentueux. Et nous avons décidé de produire un scénario qu`il avait produit, il y a 4 ans. Donc ce n`est pas nouveau. On dit que Dieu fait toute bonne chose en son temps. C`est maintenant que le temps de diffusion est arrivé. Nous l`avons proposé à Tv2 qui a accepté de le diffuser maintenant.
Dites-nous en quelques mots le synopsis de cette série...
Il s`agit d`un ancien combattant au chômage. Du reste, il dit être un ancien combattant, affirmation sur laquelle il y a des doutes. Son frère qui avait une maison dans la banlieue abidjanaise décède. Il devient héritier et prend possession de la maison de son frère. L`histoire tourne autour des frasques de ce retraité, ancien combattant. Dans ce village, il y a le mensonge, la manipulation, l`ivrognerie. Bref, toutes les intrigues qu`on peut voir dans une communauté périurbaine. Et Gbi de Fer, le nom de ce général à la retraite, qui a deux épouses, une de teint noir, l`autre de teint clair, les appelle Rouge et noir. Pour lui, c`est affectueux. Il décide de prendre une troisième épouse. Entre-temps, son fils qui étudiait à l`étranger arrive. Ce dernier dit être conseiller du Président de la République. Ce qui reste à vérifier. Toutefois, ce dernier courtise la fille que son père envisage de prendre pour troisième épouse. Ça fait un imbroglio dans un village où tout le monde se connaît. C`est un peu le décor qui est campé dans cette série.
Combien d`épisodes comporte cette série ?
Cette série comprend 26 épisodes de 26 minutes.
Peut-on avoir une idée du coût ?
Nous sommes dans un monde commercial qui est concurrentiel. Il n`est pas sage de révéler ses coûts de production. Parce qu`il y a d`autres structures de production, il y a des négociations commerciales qui se font. Mais ceux qui sont habitués aux productions d`oeuvres télévisuelles savent combien coûtent 26 épisodes de 26 minutes.
A travers la série, quel message voulez-vous faire passer auprès des Ivoiriens ?
Gbi de Fer est avant tout un comédien. La série vise donc à détendre les Ivoiriens. J`avoue qu`en produisant cette série télévisée, je n`ai pas de visée philosophique. Nous étions en crise, et les Ivoiriens avaient besoin de relaxation pour oublier les difficultés de la vie quotidienne. C`était cela notre objectif. On a fait d`autres films de sensibilisation, tels que Quitte dans ça ou Boomerang qui ont des portées philosophiques de moralisation. Mais Rouge et noir, c`est pour détendre les Ivoiriens.
Envisagez-vous de la vendre aussi à une chaîne étrangère?
Il y a un investissement qui a été fait dans le but de le rentabiliser. Je n`ai pas honte de le dire. C`est pourquoi, je suis allé voir les sponsors potentiels pour le leur proposer. C`est vrai que jusque-là, on n`a pas signé d`accord, mais on espère pouvoir le rentabiliser et produire d`autres films. Parce qu`il y a du talent en Côte d`Ivoire. Mais les moyens sont limités. On veut aller un peu plus loin. Par exemple, Koffi Gombo que nous avons produit a été enregistré au droit d`auteur aux Etats-Unis. Là-bas, je l`appelle Mister Biz. J`espère que d`ici là, on aura les moyens pour aller faire un film Mister Biz aux Etats-Unis.
Pouvez-vous dire avec certitude que les 26 épisodes sont déjà en boîtes ?
Vous savez qu`il se pose une question de confiance. Parce que la télévision s`est trouvée plusieurs fois dans des situations où des producteurs ont signé des contrats qu`ils n`ont pas pu honorer. Ils n`ont pas pu livrer tous les épisodes sur lesquels ils s`étaient engagés. Parce qu`ils attendaient l`argent des sponsors pour produire la suite. Fort heureusement, nous, nous avons déjà produit les 26 épisodes. J`ai montré toutes les cassettes à la télé. Je n`ai pas voulu les déposer à cause de la piraterie. Si je donne les 26 épisodes à quelqu`un, il peut dire qu`il en est le producteur. On le leur donne au fur et à mesure pour diffusion.
Un appel ?
Je voudrais féliciter Gbi de Fer pour sa créativité. Pour son talent. Parce que c`est lui qui a eu l`idée. C`est lui qui a été le directeur artistique de la production. Merci à Barthélemy Inabo parce que c`est lui qui m`a mis en contact avec Gbi de Fer à l`époque, lorsque je cherchais à produire un film.
Réalisée par : Tché Bi Tché