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Politique Publié le lundi 17 août 2009 | Notre Voie

Nommé récemment à la tête du Conseil constitutionnel - Pr. Paul Yao-N’Dré : “Qu’on me juge aux actes”

Le Conseil constitutionnel a depuis quelques jours, un nouveau président. Le Professeur Paul Yao-N’Dré remplace Yanon Yapo qui a bouclé ses six ans non renouvelables, à la tête de l’institution. Cette nomination a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Notre Voie a rencontré l’intéressé. Interview. Notre Voie : Monsieur le président, vous venez d’être nommé à la tête du Conseil constitutionnel. Dans quelles circonstances avez-vous appris la nouvelle ? Paul Yao-N’Dré : Comme tous les ans, en tant que ressortissant mais surtout en tant qu’élu du département de Divo, j’ai l’habitude de fêter l’indépendance dans ma région. Et, le vendredi 7 août 2009, je me suis rendu à Divo pour participer à la commémoration du 49ème anniversaire de l’indépendance de notre pays. Après le défilé, vers 13 h, j’ai eu un coup de téléphone de la Présidence de la part du ministre Désiré Tagro me demandant de me rendre d’urgence au Palais présidentiel. Je suis donc revenu à Abidjan, au Palais, à 16 heures. Après quelques moments dans la salle d’attente, SEM Laurent Gbagbo, président de la République de Côte d’Ivoire, est venu lui-même me chercher. D’ordinaire, ce sont les huissiers du Palais qui sont commis à cette tâche lorsqu’on a une audience avec le chef de l’Etat. Il y avait un certain nombre de personnalités dans la salle. Il m’a annoncé la nouvelle que le mandat du président Yanon Yapo prenait fin à minuit et qu’il fallait pourvoir à ce poste. Il m’a donc posé la question de savoir si j’étais prêt à assumer de telles responsabilités. J’ai répondu au président que, comme le disent les juristes, mon consentement est présumé. C`est-à-dire que, sans avoir dit oui, mon accord était déjà donné. Parce que lorsqu’un chef vous donne une mission à accomplir, en réalité, on ne vous demande pas votre avis. Ce sont des instructions. J’ai accepté avec bonheur cette tâche qui s’avère ardue. Mais il faut y mettre toute la bonne volonté, toutes les énergies, toute l’intelligence, tout le savoir-faire, toute la sagesse pour accomplir une telle mission de portée nationale. N.V. : Quelles ont été vos premiers actes et premières réflexions quand vous avez quitté le chef de l’Etat ? P.Y-N. : Lorsque je suis parti du Palais présidentiel, il fallait d’abord attendre que la décision sorte officiellement et, ensuite, annoncer la bonne nouvelle. Je me suis attelé quand même à faire la confidence à mon épouse. La joie dans le foyer était à son comble, mais il fallait rester discret jusqu’à l’annonce officielle de la décision. C’est ainsi que, le samedi, au journal de 20 h, le secrétaire général du gouvernement, M. Félix Tyéoulou, est venu lire le décret de nomination. Et les coups de fil de félicitations ont commencé à pleuvoir. J’étais animé d’ une grande joie, ainsi que tous les amis et connaissances, ma famille, tous les Ivoiriens au plan national mais également aux Etats-Unis, en Europe, dans la sous région, partout. C’est donc un bonheur et une joie immense qui m’ont animé à ce moment précis. Mais, au-delà de ma personne, il y a que, dans la sous- région du Sud-Bandaman, dans mon département de Divo, à Hiré et à Gogobro, mon village, c’est la joie qui a éclaté. C’était donc un moment de bonheur pour tous ceux qui me connaissent et qui m’apprécient. Même ceux qui ne partagent pas toujours mes points de vue m’ont félicité. N.V. : Justement, le lendemain vous êtes retourné à Divo. Comment s’est fait l’accueil là-bas ? P.Y-N. : Je suis retourné incognito à Divo et plus précisément à Hiré parce que le directeur de cabinet de la Première Dame, le docteur Tayoro Blaise, avait été invité à une cérémonie religieuse par les méthodistes. Je suis allé l’accueillir et l’accompagner. Partout, on me disait que c’est très bien et qu’il fallait aller remercier le président de la République vivement. J’ai vraiment été accueilli avec joie et j’ai ressenti cela comme un bonheur immense. J’ai été d’abord accueilli à bras ouverts à Hiré, ensuite au village et, enfin, à Divo où les gens ont manifesté leur joie et fêté. N.V. : Passé ces instants, il y a le poids des responsabilités qui va vous peser sur les épaules. Comment appréhendez-vous cela ? P.Y-N. : Il y a assurément une appréhension quand une telle responsabilité vous est confiée. Au plan théorique, je peux vous affirmer qu’à travers les différentes lectures que nous pouvons faire des textes de création, d’organisation, de fonctionnement, des activités et des missions du Conseil constitutionnel, nous pouvons avancer que nous en avons une certaine connaissance. Mais au plan pratique, des difficultés peuvent surgir, notamment ce que fait exactement le Conseil, les arcanes des procédures, le potentiel humain, les relations qu’il faut avoir pour maximiser l’effort afin d’aboutir à des résultats positifs. A ce niveau-là, il y a effectivement des appréhensions. Toutefois, je peux donc compter sur les conseillers et le personnel pour m’apporter le concours nécessaire dans l’accomplissement de cette mission difficile. Au-delà de ces ressources du Conseil constitutionnel, il y a aussi des expertises avérées à l’extérieur auxquelles nous pourrons recourir pour nous tirer d’affaire. En dehors de tout cela, je prie aussi le Seigneur de me donner la force nécessaire, l’intelligence et la sagesse pour assumer avec bonheur cette mission. N.V. : Cette mission paraît plus difficile dans la mesure où nous sommes en Côte d’Ivoire, dans une période électorale délicate. Comment comptez-vous vous y prendre ? P.Y-N. : C’est vrai, les opérations électorales constituent une autre dimension des activités du Conseil constitutionnel. Il s’agit d’abord de l’examen des candidatures aux élections présidentielles et législatives. Ensuite, il faut s’adonner au contentieux électoral dans la phase préparatoire ou dans le déroulement du scrutin. Et enfin, il y a la proclamation des résultats définitifs. Effectivement, dans un contexte électoral de bouillonnement, il y a lieu d’en appeler à la sagesse pour qu’ensemble, nous puissions assumer ces fonctions et donner le meilleur de nous-mêmes. Donc, nous pouvons compter sur tout le monde pour que cette mission soit accomplie avec sagesse, neutralité et transparence. N.V. : A propos de neutralité, le bouillant militant du FPI que les Ivoiriens connaissent peut-il faire preuve de neutralité ? P.Y-N. : Je voudrais sincèrement vous remercier pour cette question importante qui me permettra d’apaiser les uns et les autres. Les textes de la République sont clairs à souhait à ce niveau. Lorsque vous accédez à certaines fonctions, il y a ce qu’on appelle les incompatibilités. Et la fonction de président ou de conseiller du Conseil constitutionnel en appelle au renoncement aux activités politiques. A ce titre, je pourrai plus siéger à l’hémicycle et je ne pourrai plus exercer les fonctions de président du conseil général de Divo. Dans le cadre partisan, en tant que dirigeant du FPI, secrétaire national chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, je ne participerai plus aux différentes réunions du parti. Enfin, en tant que directeur départemental de campagne du président Laurent Gbagbo, je ne pourrai plus prendre part aux activités politiques pour toutes les élections à venir. En d’autres termes, je ne devrai plus m’immiscer dans le champ politique dès lors où ce rôle d’arbitre et de contrôleur m’a été dévolu. Je me dois d’être au-dessus de la mêlée, faire preuve de sagesse, de transparence et de neutralité. Il faut juger sur les faits et non s’attarder ou épiloguer sur mon appartenance politique. D’ailleurs, à part le président Yanon Yapo Germain qui n’a jamais appartenu à un parti politique, tous mes autres prédécesseurs, les présidents Lanzéni Coulibaly Poto, Koui Mamadou, paix à son âme, et Nemin Noël, sont tous du PDCI-RDA et membres des instances dirigeantes de ce parti. Mais, pour moi, on ne doit pas faire transparaître ses convictions politiques lorsqu’on est à un tel niveau de responsabilité. Si tous les Ivoiriens ont voté tel ou tel candidat et que la CEI donne provisoirement les résultats, je ne peux pas annoncer que tel candidat est élu, alors qu’il n’a recueilli que 10% des voix. Nous devons nous faire confiance. Je me dois donc de m’entourer de toutes les précautions et de faire en sorte que les conseillers soient outillés avec compétence et sagesse pour assumer cette responsabilité. C’est une mission collective des conseillers et du président du Conseil constitutionnel. N.V. :Qu’est-ce qui peut expliquer cette suspicion? P.Y-N. : Ce sont des préjugés et des précédents. Dans le passé, il y a eu des comportements qui n’étaient pas de bon aloi pour un meilleur exercice de cette mission. On a vite fait de penser que nous allons emprunter le même chemin que certains de nos devanciers. Dans le cadre des élections à venir, pour les candidatures aux présidentielles, et conformément aux accords de Marcoussis et de Pretoria une décision a été prise par le président de la République, en vertu de l’article 48, aux fins de permettre à tous ceux qui étaient présents à Marcoussis d’être candidats à l’élection présidentielle du 29 novembre. A ce niveau, la tâche du Conseil constitutionnel est allégée. Donc, nous nous en tenons à notre mission et nous demandons aux Ivoiriens et à tous ceux qui nous observent de nous voir à l’œuvre pour nous juger. N.V. : Monsieur le Président, quelles sont les missions du Conseil constitutionnel ? P.Y-N.: Le Conseil constitutionnel est une institution de régulation du fonctionnement des pouvoirs publics. Au-delà de sa fonction de régulation du fonctionnement des pouvoirs publics, le Conseil constitutionnel est juge de la constitutionnalité des lois. Il s’agit de voir si les lois ordinaires, les ordonnances, les décrets, les règlements, les arrêtés au plan interne et les traités internationaux ne sont pas contraires à la loi fondamentale. Du point de vue électoral, le Conseil constitutionnel examine les candidatures aux élections présidentielles et aux élections législatives pour voir si les conditions prévues par les textes sont respectées. Il examine donc les questions d’éligibilité. Pendant la campagne électorale, il peut y avoir des manquements au code électoral. Le Conseil exerce aussi un contrôle. C’est lui qui proclame les résultats définitifs et connaît du contentieux électoral. Donc, cette institution doit être connue des citoyens du point de vue de son organisation et de son fonctionnement, ses activités et ses missions. N.V.: N’est-ce pas là des challenges, puisque c’est loin d’être le cas actuellement? P.Y-N : C’est moins un challenge pour les animateurs du Conseil constitutionnel que pour les populations. Elles doivent s’intéresser au Conseil. C’est la chose des citoyens; ils doivent se l’approprier. C’est une institution comme la présidence de la République, l’Assemblée nationale, le Conseil économique et social, la Grande chancellerie et la Médiature. Nous allons nous atteler à faire connaître davantage cette institution. Et nous comptons sur la presse pour en faire la promotion. C’est la méconnaissance de cette institution qui fait que certains la réduisent à son président. Les interprétations donnent l’impression que le président de la République nomme un homme pour venir organiser les élections. C’est une institution et les citoyens doivent la connaître. N.V.: Jusqu’à votre nomination, vous étiez député à l’Assemblée nationale, président du conseil général de Divo, secrétaire national du FPI chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Désormais, vous êtes en congé par rapport à la politique. Ne serez-vous pas nostalgique ? P.Y-N. : Il y a toujours une pensée nostalgique lorsqu’on quitte le champ politique. Mais, au regard de la nouvelle tâche à moi confiée, il faut établir la balance entre ce qui est partisan, départemental, personnel et ce qui est national. La mission qui m’a été confiée est d’ordre national. Et, devant une telle mission, les préoccupations sous préfectorales, départementales, partisanes et personnelles doivent être reléguées au second plan. La mission est tellement d’importance que je dois m’y concentrer entièrement. Cette mission m’interdit également d’être dans l’arène politique, de faire des réunions politiques, d’exécuter des tâches politiques. Cependant, au plan social et relationnel, il n’est pas interdit d’être à des manifestations de réjouissances, d’aller à des cérémonies confessionnelles, d’aller à des funérailles soutenir un proche. La politique est importante, mais tout dans la société n’est pas que politique. Il y a d’autres champs où nous pouvons agir en tant qu’humain et qui peuvent nous conforter dans notre manière d’assumer les charges de président du Conseil constitutionnel. N.V. : N’empêche que le FPI perd un de ses plus grands débatteurs. Par ailleurs, les populations de Divo perdent leur président de conseil général qui avait ouvert de nombreux chantiers… P.Y-N. : Concernant le conseil général, les textes prévoient la solution de succession. Dans une telle situation, le premier vice-président devient d’office le président du conseil général. Il continuera donc le travail et le combat pour le développement durable. Je n’ai pas d’inquiétudes et les populations n’ont pas de quoi s’inquiéter. C’est le principe de la continuité de l’Etat qui rejaillit sur le fonctionnement du département. S’agissant du FPI, c’est un vivier de compétences. Et les interventions des cadres du parti dans les médias le démontrent quotidiennement. Lorsque vous êtes un habitué des médias, cela peut donner l’impression qu’à part vous, il n’y a personne. Ce qui ne reflète pas la réalité. N.V. : Sous quel signe placez-vous votre mandat? P.Y-N. : Le mandat que je vais assumer doit être placé sous le signe de la transparence, de la neutralité et de la sagesse. C’est un rôle primordial qui m’a été dévolu et je me dois d’inspirer confiance aux Ivoiriens et à tous les observateurs de la société ivoirienne. Mais c’est un travail collectif des six conseillers, du président du Conseil constitutionnel et des anciens présidents de la République (art. 89 de la Constitution).

Interview réalisée par Dan Opéli et Paul D. Tayoro
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