A quelques mois de la prochaine présidentielle, les rumeurs de décès des grands candidats se multiplient, entrainant la confusion dans le pays. Le manque de transparence sur la santé des grands leaders, dont se nourrit la rumeur, ne facilite pas les choses.
Longtemps nous avons hésité, à «Nord-Sud Quotidien», à briser ce tabou relatif à la santé de nos dirigeants politiques. Mais depuis la transparence affichée par M. Alassane D. Ouattara après son malaise du 3 août à Gagnoa et les révélations d`avant-hier du chef de l`Etat sur son opération de chirurgie dentaire au Maroc, nous estimons que le tabou a été levé par les intéressés, et que nous pouvons aborder la question. Commençons par une image forte, celle relative au malaise du candidat Bédié, pendant son meeting pré-électoral à Tiapoum : « Stade municipal de Tiapoum. Mercredi 14 janvier. Il est 16 h 11 quand Henri Konan Bédié met fin à son allocution qu`il a commencée à 15 h 50. «Merci», dit-il à la population sortie massivement l`écouter. Mais le mot est à peine audible. Le président du Pdci-Rda s`affaiblit. Tout le monde retient son souffle. L`orateur, lui, perd, visiblement, son souffle. Ses jambes le lâchent. Henri Konan Bédié manque de s`effondrer. Silence total sur le stade. Ses gardes, très vigilants, le soutiennent aussitôt. Un attroupement de proches collaborateurs se fait autour du leader du Pdci. Les médecins du Samu se dépêchent. Les visages se crispent. Ils le font asseoir dans son fauteuil. Le roi des Adouvlè, Kouloutchi III, se lève de sa chaise royale et rejoint le groupe. Les organisateurs du meeting demandent à la cabine technique de jouer de la musique. » (in Fraternité Matin du 15 janvier 2009).
Tous assassinés par la rumeur!
Le malaise de Bédié aura duré en tout et pour tout 4 minutes. Face à ce qui était apparent, le Pr agrégé de médecine Maurice Kakou Guikahué, membre de la direction du Pdci-Rda trouvera une autre explication. «Je précise que c`est quand il quittait le pupitre, il reculait, il a fait le faux pas (…). Il n`y a pas eu de malaise. Je le confirme. J`ai pris ses pouls de tension. Il ne présente pas de signe d`un malade», a-t-il soutenu dans une interview publiée par le quotidien «Le Nouveau Réveil». Avant cela, le 28 octobre 2008, à Bouaflé, Bédié qui terminait sa tournée dans la Vallée du Bandama n`a pu achever son discours devant le pupitre qui lui a été apporté jusque dans la tribune. Il peinait à lire et toussotait légèrement. Ses proches ont annoncé qu`il avait une grippe dont il se défaisait difficilement. Nous passons outre, car peu crédibles, les révélations d`une partie de la presse indiquant qu`il avait été victime d`un malaise dans l`avion d`Air France qui l`emmenait d`Abidjan à Paris, au mois de juillet dernier. Le 3 août au stade municipal de Gagnoa, le président du Rdr a été victime d`un malaise consécutif à un accès palustre. Devant près de 40.000 personnes, il s`est lentement affaissé et est resté allongé pendant environ une dizaine de minutes. Avant de se relever et de s`adresser à la foule. « Depuis hier, je faisais un palu. La direction de campagne avait proposé que je reporte ce meeting. Mais, au vu de votre mobilisation, je ne pouvais pas vous faire cela », a-t-il expliqué. Le même jour, il est revenu en personne, en détails, sur ce malaise face à la presse.
Quant à Gbagbo, selon « Jeune Afrique», le 25 janvier 2007, à Syrte, il a quitté la cérémonie d`ouverture du sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens, à cause d`un « état de somnolence ». Là encore la grippe a été évoquée.
Ces derniers mois, certainement à cause des effets pervers de la pré-campagne électorale, des rumeurs de décès suite à des maladies ont couru, concernant les trois principaux candidats à la présidence de la République. Il y a deux jours, tout Abidjan était secoué par la rumeur du décès du candidat Alassane Ouattara à Paris, où il séjourne actuellement. Il y a une semaine, l`on donnait Gbagbo décédé pendant une intervention chirurgicale au Maroc. Pour ce qui concerne Bédié, c`est régulièrement que Radio-Rumeur le donne pour mort à Paris, ou le signale à l`agonie. Derrière toute cette malveillance, il y a bien sûr le désir refoulé de voir disparaître un adversaire redouté. Mais il y a aussi et surtout l`absence totale de transparence des candidats eux-mêmes. Opacité encouragée par la presse et tolérée par l`opinion, au nom d`une certaine pudeur.
En effet, depuis 1990 et surtout depuis 2000, une partie de l`opinion a été alimentée par la rumeur selon laquelle Laurent Gbagbo serait épileptique. Et qu`à ce titre, il est frappé d`incapacité à gouverner avec la pleine possession de ses facultés. «Voyez, il ne se déplace jamais sans le Dr Blé, son médecin personnel» affirment ces rumeurs comme preuve de la véracité de leurs informations. Depuis que je suis étudiant, j`ai lu et entendu cela, sans jamais avoir un démenti définitif du candidat ou de son parti. Quand Henri Konan Bédié est devenu président de la République en 1993, la rumeur a aussitôt diagnostiqué chez lui une cirrhose du foie à un stade avancé, due à un abus d`alcool. On lui donnait même moins de deux ans à vivre. Seize ans après, Bédié est toujours là, et apparemment destiné à vivre centenaire.
Leucémique ? Epileptique ? Alcoolique ?
Quant à Alassane Ouattara, dès qu`il a quitté le FMI pour entrer en politique et que sa candidature à la présidence de la République est devenue inéluctable, la même rumeur a aussitôt décrété qu`il était atteint d`une leucémie et qu`il avait moins d`un an à vivre. Depuis 1999 ADO dirige le Rdr et est toujours bon pied, bon œil. Leucémique ? Epileptique ? Alcoolique ? Personne ne sait en réalité, car en Afrique, la santé des chefs est un tabou. Surtout celle des chefs d`Etats. Ainsi, au Cameroun, l`avocat général près de la cour d`appel de la province du Littoral, avait déclaré à Pius Njawé, directeur de publication du quotidien «Le Messager », au cours d`un de ses procès : « Monsieur Njawé, même si le président de la République est malade, vous devez écrire qu`il est en parfaite santé ! » C`est dire ! Les hommes politiques, notamment ceux qui nous gouvernent, bien qu`ils aient un mental et une force de caractère largement au-dessus de la moyenne humaine, sont, biologiquement, des humains. Donc sujets à des bactéries, à des fatigues, à des traumas, au stress. Ils peuvent tomber malades. Ceci dit, au nom de leur statut particulier, ils ont l`obligation morale d`informer le peuple de leur état général. Dans nos républiques à régime présidentiel renforcé, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d`un seul homme. En principe, sa puissance régalienne est illimitée. La question que l`on se pose donc, de plus en plus, est celle-ci : doit-on accepter qu`un chef d`Etat possédant une telle puissance puisse se soustraire à un contrôle régulier de sa santé physique et mentale ? C`est certainement dans cet esprit que la Constitution de la Deuxième République, en son article 35, parmi les dix conditions à remplir pour être candidat à la présidence de la République, exige : « Le candidat à la Présidence de la République doit présenter un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins désignés par le Conseil constitutionnel sur une liste proposée par le Conseil de l`Ordre des Médecins. Ces trois médecins doivent prêter serment devant le Conseil constitutionnel. »
La bonne gouvernance commande que l`on ne mente pas à ses concitoyens. Surtout sur sa santé. On peut être malade physiquement et garder l`intégralité de ses capacités intellectuelles et sa faculté à commander. Les exemples, à ce niveau sont légion. En voici un. En 1941, Winston Churchill est frappé brutalement par un petit infarctus, alors qu`il rend visite à Franklin Roosevelt à la Maison-Blanche. Cela ne l`a pas empêché d`être pendant la Seconde Guerre mondiale le seul chef d`État européen à organiser, avec une acuité morale exceptionnelle, la lutte contre l`hégémonie nazie. Et à en triompher. Aux États-Unis, depuis les années 1970, tous les présidents américains décrivent leur santé en long, en large et en travers dans des bulletins très détaillés. On peut même retrouver dans la presse des reproductions de l`électrocardiogramme du président. Sans aller jusque-là, ce que nous demandons à nos dirigeants et à nos futurs dirigeants, c`est la transparence. Et rien d`autre.
Touré Moussa
Longtemps nous avons hésité, à «Nord-Sud Quotidien», à briser ce tabou relatif à la santé de nos dirigeants politiques. Mais depuis la transparence affichée par M. Alassane D. Ouattara après son malaise du 3 août à Gagnoa et les révélations d`avant-hier du chef de l`Etat sur son opération de chirurgie dentaire au Maroc, nous estimons que le tabou a été levé par les intéressés, et que nous pouvons aborder la question. Commençons par une image forte, celle relative au malaise du candidat Bédié, pendant son meeting pré-électoral à Tiapoum : « Stade municipal de Tiapoum. Mercredi 14 janvier. Il est 16 h 11 quand Henri Konan Bédié met fin à son allocution qu`il a commencée à 15 h 50. «Merci», dit-il à la population sortie massivement l`écouter. Mais le mot est à peine audible. Le président du Pdci-Rda s`affaiblit. Tout le monde retient son souffle. L`orateur, lui, perd, visiblement, son souffle. Ses jambes le lâchent. Henri Konan Bédié manque de s`effondrer. Silence total sur le stade. Ses gardes, très vigilants, le soutiennent aussitôt. Un attroupement de proches collaborateurs se fait autour du leader du Pdci. Les médecins du Samu se dépêchent. Les visages se crispent. Ils le font asseoir dans son fauteuil. Le roi des Adouvlè, Kouloutchi III, se lève de sa chaise royale et rejoint le groupe. Les organisateurs du meeting demandent à la cabine technique de jouer de la musique. » (in Fraternité Matin du 15 janvier 2009).
Tous assassinés par la rumeur!
Le malaise de Bédié aura duré en tout et pour tout 4 minutes. Face à ce qui était apparent, le Pr agrégé de médecine Maurice Kakou Guikahué, membre de la direction du Pdci-Rda trouvera une autre explication. «Je précise que c`est quand il quittait le pupitre, il reculait, il a fait le faux pas (…). Il n`y a pas eu de malaise. Je le confirme. J`ai pris ses pouls de tension. Il ne présente pas de signe d`un malade», a-t-il soutenu dans une interview publiée par le quotidien «Le Nouveau Réveil». Avant cela, le 28 octobre 2008, à Bouaflé, Bédié qui terminait sa tournée dans la Vallée du Bandama n`a pu achever son discours devant le pupitre qui lui a été apporté jusque dans la tribune. Il peinait à lire et toussotait légèrement. Ses proches ont annoncé qu`il avait une grippe dont il se défaisait difficilement. Nous passons outre, car peu crédibles, les révélations d`une partie de la presse indiquant qu`il avait été victime d`un malaise dans l`avion d`Air France qui l`emmenait d`Abidjan à Paris, au mois de juillet dernier. Le 3 août au stade municipal de Gagnoa, le président du Rdr a été victime d`un malaise consécutif à un accès palustre. Devant près de 40.000 personnes, il s`est lentement affaissé et est resté allongé pendant environ une dizaine de minutes. Avant de se relever et de s`adresser à la foule. « Depuis hier, je faisais un palu. La direction de campagne avait proposé que je reporte ce meeting. Mais, au vu de votre mobilisation, je ne pouvais pas vous faire cela », a-t-il expliqué. Le même jour, il est revenu en personne, en détails, sur ce malaise face à la presse.
Quant à Gbagbo, selon « Jeune Afrique», le 25 janvier 2007, à Syrte, il a quitté la cérémonie d`ouverture du sommet de la Communauté des États sahélo-sahariens, à cause d`un « état de somnolence ». Là encore la grippe a été évoquée.
Ces derniers mois, certainement à cause des effets pervers de la pré-campagne électorale, des rumeurs de décès suite à des maladies ont couru, concernant les trois principaux candidats à la présidence de la République. Il y a deux jours, tout Abidjan était secoué par la rumeur du décès du candidat Alassane Ouattara à Paris, où il séjourne actuellement. Il y a une semaine, l`on donnait Gbagbo décédé pendant une intervention chirurgicale au Maroc. Pour ce qui concerne Bédié, c`est régulièrement que Radio-Rumeur le donne pour mort à Paris, ou le signale à l`agonie. Derrière toute cette malveillance, il y a bien sûr le désir refoulé de voir disparaître un adversaire redouté. Mais il y a aussi et surtout l`absence totale de transparence des candidats eux-mêmes. Opacité encouragée par la presse et tolérée par l`opinion, au nom d`une certaine pudeur.
En effet, depuis 1990 et surtout depuis 2000, une partie de l`opinion a été alimentée par la rumeur selon laquelle Laurent Gbagbo serait épileptique. Et qu`à ce titre, il est frappé d`incapacité à gouverner avec la pleine possession de ses facultés. «Voyez, il ne se déplace jamais sans le Dr Blé, son médecin personnel» affirment ces rumeurs comme preuve de la véracité de leurs informations. Depuis que je suis étudiant, j`ai lu et entendu cela, sans jamais avoir un démenti définitif du candidat ou de son parti. Quand Henri Konan Bédié est devenu président de la République en 1993, la rumeur a aussitôt diagnostiqué chez lui une cirrhose du foie à un stade avancé, due à un abus d`alcool. On lui donnait même moins de deux ans à vivre. Seize ans après, Bédié est toujours là, et apparemment destiné à vivre centenaire.
Leucémique ? Epileptique ? Alcoolique ?
Quant à Alassane Ouattara, dès qu`il a quitté le FMI pour entrer en politique et que sa candidature à la présidence de la République est devenue inéluctable, la même rumeur a aussitôt décrété qu`il était atteint d`une leucémie et qu`il avait moins d`un an à vivre. Depuis 1999 ADO dirige le Rdr et est toujours bon pied, bon œil. Leucémique ? Epileptique ? Alcoolique ? Personne ne sait en réalité, car en Afrique, la santé des chefs est un tabou. Surtout celle des chefs d`Etats. Ainsi, au Cameroun, l`avocat général près de la cour d`appel de la province du Littoral, avait déclaré à Pius Njawé, directeur de publication du quotidien «Le Messager », au cours d`un de ses procès : « Monsieur Njawé, même si le président de la République est malade, vous devez écrire qu`il est en parfaite santé ! » C`est dire ! Les hommes politiques, notamment ceux qui nous gouvernent, bien qu`ils aient un mental et une force de caractère largement au-dessus de la moyenne humaine, sont, biologiquement, des humains. Donc sujets à des bactéries, à des fatigues, à des traumas, au stress. Ils peuvent tomber malades. Ceci dit, au nom de leur statut particulier, ils ont l`obligation morale d`informer le peuple de leur état général. Dans nos républiques à régime présidentiel renforcé, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains d`un seul homme. En principe, sa puissance régalienne est illimitée. La question que l`on se pose donc, de plus en plus, est celle-ci : doit-on accepter qu`un chef d`Etat possédant une telle puissance puisse se soustraire à un contrôle régulier de sa santé physique et mentale ? C`est certainement dans cet esprit que la Constitution de la Deuxième République, en son article 35, parmi les dix conditions à remplir pour être candidat à la présidence de la République, exige : « Le candidat à la Présidence de la République doit présenter un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins désignés par le Conseil constitutionnel sur une liste proposée par le Conseil de l`Ordre des Médecins. Ces trois médecins doivent prêter serment devant le Conseil constitutionnel. »
La bonne gouvernance commande que l`on ne mente pas à ses concitoyens. Surtout sur sa santé. On peut être malade physiquement et garder l`intégralité de ses capacités intellectuelles et sa faculté à commander. Les exemples, à ce niveau sont légion. En voici un. En 1941, Winston Churchill est frappé brutalement par un petit infarctus, alors qu`il rend visite à Franklin Roosevelt à la Maison-Blanche. Cela ne l`a pas empêché d`être pendant la Seconde Guerre mondiale le seul chef d`État européen à organiser, avec une acuité morale exceptionnelle, la lutte contre l`hégémonie nazie. Et à en triompher. Aux États-Unis, depuis les années 1970, tous les présidents américains décrivent leur santé en long, en large et en travers dans des bulletins très détaillés. On peut même retrouver dans la presse des reproductions de l`électrocardiogramme du président. Sans aller jusque-là, ce que nous demandons à nos dirigeants et à nos futurs dirigeants, c`est la transparence. Et rien d`autre.
Touré Moussa