Un problème est sur le point de naître en Guinée. Le capitaine Moussa Dadis Camara qui avait promis de céder le pouvoir aux civils après avoir mis de l’ordre dans la maison ne semble plus prêt à partir. Il a pris goût au pouvoir et n’exclut plus de se présenter à la prochaine présidentielle qu’il a fixée à la fin de janvier 2010. Comme Robert Guéi en Côte d’Ivoire en 2000. Après le long règne de Lansana Conté, un autre régime militaire se met peu à peu en place au pays de Sékou Touré. Et de l’avis de nombreux observateurs, c’est le chaos qui se perpétue ainsi dans ce pays d’Afrique occidental qui avait infligé un “non” retentissant au général De Gaulle en 1958. «Nous préférons la pauvreté dans la liberté à l’opulence dans l’esclavage», avait répondu Sékou Touré au général De Gaulle qui n’en croyait pas ses oreilles. La Guinée était alors un modèle et beaucoup d’africains en lutte contre les forces colonialistes y ont trouvé refuge. Cinquante années plus tard, il faut le dire tout net, la désillusion est totale. Pour les Guinéens. La pauvreté a fait perdre toute dignité à la majorité des Guinéens. Et le vrai drame, c’est que la voix de la France compte plus que jamais dans le jeu politique guinéen. Lors de son récent séjour à Conakry, le secrétaire d’Etat français à la coopération, Alain Joyandet ne s’est pas du tout gêné pour demander aux autorités guinéennes d’organiser au plus vite les élections si elles souhaitaient bénéficier d’un appui financier plus important. Hier encore, le même Alain Joyandet s’ingérait de façon flagrante dans les affaires guinéennes en déclarant que Moussa Dadis Camara n’avait pas le droit de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Qu’à cela ne tienne, Dadis Camara, lui, sait observer les choses. Il sait que la France entretient aujourd’hui d’excellentes relations avec un putschiste qui a troqué son treillis contre la veste de politicien en Mauritanie. Et le ciel n’est pas tombé sur la Mauritanie. Pourquoi ce qui a été permis en Mauritanie serait-il interdit en Guinée ? Récemment, le Nigérien Tandja Mamadou a réalisé un bel exploit en faisant adopter une nouvelle constitution pour contourner l’ancienne qui l’empêchait de rester au pouvoir à souhait. Et le Niger continue sa marche. Et ses relations avec la France n’en sont pas pour autant sérieusement affectées. Dadis Camara sait que le chien aboie mais la caravane passe. L’erreur que les hommes politiques guinéens ne doivent pas commettre, c’est de croire que la France et la communauté internationale vont faire le travail à leur place. La communauté internationale fait ce qu’elle juge nécessaire à un moment donné et en fonction des intérêts de ses membres. Elle peut aller jusqu’à soutenir la déstabilisation d’un régime. Parce que telle puissance sent ses intérêts menacés. Mais jamais, elle ne le fait dans l’intérêt des nationaux. Reste maintenant à savoir si Moussa Dadis Camara et les autorités françaises ne cherchent pas à tourner le peuple de Guinée en bourrique. Car, après tout, on peut bien s’accommoder d’un militaire qui sait ménager les intérêts des uns et des autres. Surtout quand il combat les narcotrafiquants. Augustin Kouyo augustinkouy@yahoo.fr
International Publié le mercredi 26 août 2009 | Notre Voie