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Politique Publié le mardi 6 octobre 2009 | Nord-Sud

Contentieux de l`inscription sur la liste électorale provisoire : La guerre de la nationalité reprend

Avant même que la liste électorale provisoire ne soit affichée, une guerre qui s'annonce féroce, s'annonce sur la question du contentieux de l'inscription sur la liste électorale. Avec en toile de fond la question de la nationalité.

Il y a cette phrase terrible : « C'est vrai qu'on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, mais à l'allure où vont les choses il est à parier que la population électorale de 2009 soit inférieure à celle de 2000; tellement les chiffres sont effarants. Sur un peu plus de six millions de personnes enrôlées, il y a plus de deux millions qui sont suspectes et menacées de radiation». Elle a été écrite par notre confrère «Fraternité Matin» dans sa parution d'hier lundi 5 octobre. Selon donc «Fraternité Matin», il se peut que la prochaine élection présidentielle ait lieu avec seulement deux millions sept cent mille électeurs, voire trois millions au grand maximum. En 2000, la Côte d'Ivoire avait 16 millions d'habitants et comptait cinq millions quatre cent mille électeurs (5.475.143, pour être précis). En 2009, soit dix ans après, elle compte environ 20 millions d'habitants et l'on veut nous faire croire qu'elle pourrait aller aux urnes avec seulement 3 millions d'électeurs. Entre-temps, il y a eu l'opération des audiences foraines qui ont permis d'inscrire dans l'état-civil ivoirien neuf cent mille personnes supplémentaires ! Une seule chose pourrait expliquer cela. La grande majorité des majeurs ivoiriens des deux sexes aurait été décimée par une épidémie, un cataclysme chimique ou naturel, une guerre… Et donc, il n'y aurait que de nouveaux nés ou des préadolescents inaptes, pour le moment, à exercer leur droit de vote. Autrement, on comprendrait difficilement qu'un pays multiplie le nombre de ses habitants et diminue, inversement, le nombre de ses majeurs. Cela dit, une logique est en train de se dessiner : celle du retardement au maximum de la période du contentieux. S'il faut contester la citoyenneté d'environ 2 millions de personnes, combien de temps faudrait-il aux tribunaux pour se prononcer sur ces cas litigieux ? Tous les tribunaux de Côte d'Ivoire réunis, toutes affaires mises ensemble, ne traitent pas 2 millions de dossiers par an. Et on leur demande maintenant de se saisir de deux millions de cas de contestations de nationalité, de les examiner, de convoquer les parties plaignantes, de les auditionner, de mener des enquêtes, d'instruire ces affaire, de les juger et de rendre leur décision en … un mois !

Deux millions de jugements à rendre en un mois, c'est une tâche largement au-dessus des forces d'Hercule. L'affaire va donc durer au moins trois mois, voire plus. Le Fpi qui a commencé à crier au loup depuis le jeudi 1er octobre, jour de remise de la liste électorale provisoire sur support numérique au Premier ministre, a bien préparé son affaire. En effet, le lendemain de la remise de cette liste, «Notre Voie» titrait, en Une : « Liste électorale provisoire : Près de 3 millions de suspects ». Moins de cinq heures après la remise de cette liste au Premier ministre, en pleine nuit, par un nombre très restreint de membres de la Cei pour éviter les fuites, le journal de la Refondation avait examiné, analysé, décompté les 6 millions d'inscrits et découvert qu'il y avait 3 millions de cas suspects, qu'il qualifie aussitôt de «fraudeurs». La manœuvre est si grosse qu'elle n'abuse personne. Elle sent la préméditation à pleins nez.

A la Cei, l'on sait tout. L'on imagine que derrière cette intrigue se cache un partenaire bien connu de l'identification, cette structure contrôlée par les frontistes. Et qui, pendant des mois, s'est battue lors des séances de travail avec la Cei, pour que l'on radie des milliers d'Ivoiriens parce qu'elle n'arrivait pas à trouver une argumentation technique ou politique pour s'opposer à leur présence sur les fichiers électoraux. Alors que ces milliers d'ivoiriens avaient tous produit des extraits d'actes de naissance authentiques et originaux. D'autres parmi eux, avaient produit les fameuses expéditions, donnant la preuve de leur enregistrement au cours des audiences foraines.

Quelle logique préside à cet accès d'urticaire du camp présidentiel, au moment où il revendique pas moins de quatre millions d'inscrits sur les listes électorales ? Que veut-on prouver en disant qu'en 2000, 51% des personnes inscrites sur le fichier électoral, l'ont été indûment ? N'est-ce pas le fichier de 2000 qui a conduit la Côte d'Ivoire aux élections présidentielle, législatives, municipales et des conseils généraux ? Toute la classe politique ivoirienne actuelle, à commencer par Laurent Gbagbo lui-même, serait donc le fruit d'élections illégales ? En délicatesse avec la loi, ils seraient tous en train d'exercer des fonctions constitutionnellement usurpées.

Par conséquent, il faudrait tous les démettre. Ne serait-on pas, par nos inconséquences puériles, en train d'ouvrir la voie à des Dadis Camara ivoiriens en puissance? Si nous affirmons que nos institutions n'ont aucune légitimité, que nous reste-il à part les démettre ? Accepterions-nous, en toute conscience, qu'un hors-la-loi soit assis sur le fauteuil présidentiel et nous gouverne ?

Ceux qui s'agitent, savent en réalité que le recensement électoral n'a pas été fait sur la base de la liste électorale de 2000. C'est ce que Gbagbo avait proposé, pour gagner du temps. Il avait souhaité que l'on considère comme d'office éligibles tous les inscrits figurants sur la liste de 2000 et de ne recenser que les nouveaux majeurs et tous les omis. Cette proposition avait été rejetée par l'ensemble de la classe politique parce qu'on soupçonnait feu Boga Doudou d'avoir, après la présidentielle, tripatouillée cette liste pour la rendre favorable au Fpi. Et que c'est ce tripatouillage qui aurait permis à ce parti politique de remporter la majorité des Conseils généraux. Le recensement actuel n'a donc rien à voir avec le listing électoral de 2000. C'est un recensement entièrement nouveau, qui a été fait, qui a duré neuf mois et dont les résultats ont donné 6. 500.000 personnes enrôlées. Après vérifications, 300.000 personnes ont été retirées du lot des enrôlés. Et le fichier provisoire qui a été produit n'est destiné qu'à vérifier et à corriger les erreurs marginales (noms mal orthographiés, date de naissance inexactes, lieu de naissance mal indiqués, nom d'un parent mal écrit etc.). L'agitation que l'on veut soulever ne vise qu'une et une seule chose : retarder au maximum les échéances électorales. Stratégier ainsi, pensons-nous, c'est prendre un pari risqué avec l'avenir de ce pays qui, depuis une décennie, danse sur les volcans.

Touré Moussa
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