Laurent Gbagbo : Victime et bienfaiteur

Le président du Rassemblement des républicains (Rdr) est, depuis hier matin, entré dans l`histoire de la manière que les populations ivoiriennes l`ont de tout temps souhaité. C`est-à-dire par la porte principale et officielle de la République. Hier donc, accompagné des membres du bureau politique, du Secrétariat général et de son conseil juridique, Alassane Dramane Ouattara est allé rendre visite à la Cei où il a déposé sa candidature à l`élection présidentielle ivoirienne prévue pour se tenir le 29 novembre prochain. C`est donc un grand pas que vient de franchir le président du Rdr. Lui qui promettait de "mélanger le pays pour le rendre ingouvernable" si sa candidature était rejetée, il n`aura plus d`alibi. Et si l`ancien Premier ministre d`Houphouët-Boigny se voit du coup soulagé d`utiliser la manière forte pour se faire entendre, il le doit bien à quelqu`un qui se trouve être son adversaire politique. C`est en effet, Laurent Gbagbo qui, soucieux de ranger aux calendres grecques l`élection "calamiteuse" d`octobre 2002, a permis à M. Ouattara d`être candidat fut-il à titre exceptionnel. Même si cela n`a pas été notifié dans la lettre, l`esprit de l`Accord de Pretoria prédisposait que Alassane Dramane Ouattara soit candidat à la future élection présidentielle et avait, à cet effet, balisé le terrain. De fait, l`article 14 de l`Accord politique de Pretoria évoquant pour la première fois, l`éligibilité à la présidence de la République relate que : "Les participants à la rencontre ont discuté de l`amendement de l`article 35 de la Constitution. Ayant écouté les points de vue des différents leaders ivoiriens, le médiateur s`est engagé à se prononcer sur ce sujet après avoir consulté le Président de L`Union africaine, Son Excellence le Président Olusegun Obasanjo et le Secrétaire général des Nations unies, Son excellence Kofi Annan. La décision issue de ces consultations sera communiquée aux leaders ivoiriens. Le médiateur fera diligence pour régler cette question". On l`a dit, les décisions et propositions arrêtées à l`issue des travaux qui ont duré trois jours - du 3 au 6 avril 2006 - ne le disent pas clairement.
Mais les jours immédiats seront déterminants pour la carrière politique de l`ancien Premier ministre d`Houphouët-Boigny. Ce dernier avait été interdit ne serait-ce que de déposer sa candidature pour postuler à l`élection présidentielle d`abord par Henri Konan Bédié du Pdci-Rda ensuite par le Général Robert Guéi de la junte militaire du Cnsp. Ce, en application de la Constitution. Bref ! Les jours qui suivent la publication dudit accord, le Président Laurent Gbagbo reçoit un coup de fil de son homologue sud-africain Thabo Mbéki ; la presse en fait écho annonçant que l`entretien a porté sur l`activation de l`article 48 de la Constitution ivoirienne. Objectif : permettre au président du Rdr d`être candidat " à titre exceptionnel ". Parce que justement cet article permet au Président de la République de prendre " les mesures exceptionnelles " après consultation obligatoire du Président de l`Assemblée nationale et de celui de Conseil constitutionnel. Voilà donc le service inestimable que Laurent Gbagbo rend à son adversaire politique du Rdr. Le dépôt de candidature de M. Ouattara sous les projecteurs des photos et caméras dans un tapage médiatique digne des campagnes américaines n`est rien d`autre que l`illustration de la reconnaissance à un homme dont la politique transcende les intérêts personnels au profit de l`intérêt général : la Côte d`Ivoire. Laurent Gbagbo cet homme dont Ouattara a volontairement " mélangé le pays et le rendre ingouvernable " a depuis longtemps, passé l`éponge sur cette parenthèse honteuse ouverte par un politicien à la petite semaine. De la victime qu`il était hier, et qu`il continue d`être parce que les ennemis de la Côte d`Ivoire le veulent hors de l`exercice du pouvoir d`Etat, Laurent Gbagbo est aujourd`hui le bienfaiteur de son principal bourreau, Alassane Dramane Ouattara.

Simplice Allard al08062317@yahoo.fr