Le président du Rdr a enfin déposé sa candidature pour une joute électorale en Côte d`Ivoire après près d`une quinzaine d`années de controverse profonde et sanglante que celle-ci a suscitée... Retour sur un combat acharné.
Quelque chose s`est passée hier en Côte d`Ivoire. Un évènement qualifié d`historique par nombre d`observateurs : Alassane Dramane Ouattara a déposé sa candidature pour une élection présidentielle. Et le ciel n`a pas grondé. La terre n`a pas frémi. Dans un pays où sa simple évocation pouvait valoir, il y a quelques années, une gifle à celui qui osait l`envisager publiquement, cette candidature devenue aujourd`hui effective a toutes les raisons de ne pas passer inaperçue. Elle est l`aboutissement d`un compromis douloureusement arraché (l`Accord de Prétoria en 2005) après une quinzaine d`années que la Côte d`Ivoire aura passé dans les tumultes que la lutte pour l`éligibilité du «brave tchê» a occasionnés.
Le 7 décembre 1993, le décès du père fondateur, Félix Houphouët Boigny a ouvert en Côte d`Ivoire une guerre de succession que Henri Konan Bédié (le dauphin constitutionnel installé au trône) a tournée en sa faveur en s`appuyant sur ce que ses conseillers avaient qualifié de «points faibles» chez son adversaire, Alassane Dramane Ouattara. Il s`agit de sa nationalité et de son éligibilité. C`est le départ d`une longue crise. En 1995, le concept de l`Ivoirité inventé pour barrer la route à sa formation permet de déclarer inéligible aux législatives le premier secrétaire général du Rdr, Djéni Kobina (accusé d`être Ghanéen). Cette décision manque de tout faire basculer. Mais l`absence du Rdr aux joutes présidentielles du 22 septembre 95 (l`opposition les ayant boycottées pour dénoncer le manque de transparence) évite une aggravation du sentiment d`exclusion naissant. C`est à l`approche de l’élection présidentielle de 2000 que le pays découvrira la profondeur du malaise autour des questions de nationalité et d`éligibilité du patron du Rdr jusque là visé indirectement. Refusant de lui céder le passage, Henri Konan Bédié l`accuse cette fois ouvertement de n`être pas ivoirien tout comme son secrétaire général. Dans «Les chemins de ma vie», un livre autobiographique publié en mai 1999, Bédié dira à propos de l`ancien gouverneur de la Bceao : «De toute façon, il était burkinabé par son père et il possédait toujours la nationalité du Burkina Faso, il n`avait donc pas à se mêler de nos affaires de succession». Une sortie qui montrait clairement que le «Sphinx de Daoukro» n`envisageait jamais ouvrir les consultations populaires à son rival. En décembre 1999, le coup d`Etat du général Robert Guéi qui renverse Bédié laisse penser que le démon de la division suscité par cette volonté affichée d`exclusion est éloigné définitivement. Que non ! Pendant la transition militaire, le général qui nourri aussi des ambitions politiques reprend quasiment pour son compte les thèses de l`ivoirité. En février 2000, après des tournées à l`intérieur du pays, il fait le point dans les colonnes du quotidien Notre Voie (édition du 28 février 2000) en affirmant : «L`Ivoirité est un bon concept». Le disant, Guéi s`alignait ainsi progressivement sur les positions du Fpi de Laurent Gbagbo qui s`opposait radicalement à la candidature de Ouattara. Un rassemblement des femmes du parti à la rose et aux deux doigts les 12 et 13 février au Palais des sports de Treichville sous la présidence de Simone Gbagbo exigeait «que le candidat à l`élection présidentielle ait pour épouse une ivoirienne de naissance, de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d`origine» (In Notre Voie du 15 février 2000).
Nationalité, Eligibilité...
Une revendication qui visait implicitement ADO dont l`épouse est française. La bataille pour l`élaboration de la Constitution de la 2ème République ouverte dans ce climat de xénophobie exacerbée aboutira à l`adoption, à l`issue du référendum du 23 juillet 2000 d`un texte fondateur truffé de pièges contre le candidat du Rdr. Ce dernier se disant «visé mais pas concerné» avait commis «l`erreur» d`accepter le «et» de l`article 35 qui exige que les deux parents du candidat soient ivoiriens d`origine. Dès lors le piège pouvait se refermer sur lui. Le 6 octobre 2000, par un arrêt historique dévidé le 6 octobre à la télévision pendant deux heures d`horloge, le président de la Cour suprême, Tia Koné par ailleurs conseiller spécial du général Guéi déclare ADO inéligible pour « nationalité douteuse ». Les militants du Rdr qui descendront dans les rues le 25 octobre pour exiger la reprise des élections dont Gbagbo et Guéi se disputaient la victoire se font massacrer (155 morts, 316 blessés, 50 disparus, chiffres officiels).
Un charnier de 57 corps est découvert. A peine un mois passé, les Ivoiriens se retrouvent devant l`échéance des législatives auxquelles ADO est à nouveau candidat. Son dossier est accepté par la Cne (Commission nationale électorale) mais, dans son arrêt du 30 novembre, la Cour suprême de Tia Koné rejette une fois encore les documents fournis par le président du Rdr, candidat dans son fief de Kong au motif que ni son père, ni sa mère ne sont Ivoiriens (article 71 du code électoral). Là encore, la grosse colère des républicains sera réprimée dans le sang. Bilan : 33 morts, 216 blessés et des disparus non comptabilisés, selon le Midh. Des boucheries qui seront suivies par une série de tentative de coup d`Etat dont la dernière le 19 septembre se muera en une rébellion armée qui occupera une partie du territoire national. De Lomé à Accra en passant par Marcoussis, c`est finalement à Prétoria que le problème de l`éligibilité des candidats à l`élection trouvera règlement en 2005. Laurent Gbagbo est autorisé à faire usage de l`article 48 de la loi fondamentale pour déclarer tous les signataires de l`Accord de Marcoussis d`office candidats. C`est donc en vertu de cet arrangement repris et consolidé par l`Accord politique de Ouaga qu`ADO prendra part à la course. Enfin !
Djama Stanislas
Quelque chose s`est passée hier en Côte d`Ivoire. Un évènement qualifié d`historique par nombre d`observateurs : Alassane Dramane Ouattara a déposé sa candidature pour une élection présidentielle. Et le ciel n`a pas grondé. La terre n`a pas frémi. Dans un pays où sa simple évocation pouvait valoir, il y a quelques années, une gifle à celui qui osait l`envisager publiquement, cette candidature devenue aujourd`hui effective a toutes les raisons de ne pas passer inaperçue. Elle est l`aboutissement d`un compromis douloureusement arraché (l`Accord de Prétoria en 2005) après une quinzaine d`années que la Côte d`Ivoire aura passé dans les tumultes que la lutte pour l`éligibilité du «brave tchê» a occasionnés.
Le 7 décembre 1993, le décès du père fondateur, Félix Houphouët Boigny a ouvert en Côte d`Ivoire une guerre de succession que Henri Konan Bédié (le dauphin constitutionnel installé au trône) a tournée en sa faveur en s`appuyant sur ce que ses conseillers avaient qualifié de «points faibles» chez son adversaire, Alassane Dramane Ouattara. Il s`agit de sa nationalité et de son éligibilité. C`est le départ d`une longue crise. En 1995, le concept de l`Ivoirité inventé pour barrer la route à sa formation permet de déclarer inéligible aux législatives le premier secrétaire général du Rdr, Djéni Kobina (accusé d`être Ghanéen). Cette décision manque de tout faire basculer. Mais l`absence du Rdr aux joutes présidentielles du 22 septembre 95 (l`opposition les ayant boycottées pour dénoncer le manque de transparence) évite une aggravation du sentiment d`exclusion naissant. C`est à l`approche de l’élection présidentielle de 2000 que le pays découvrira la profondeur du malaise autour des questions de nationalité et d`éligibilité du patron du Rdr jusque là visé indirectement. Refusant de lui céder le passage, Henri Konan Bédié l`accuse cette fois ouvertement de n`être pas ivoirien tout comme son secrétaire général. Dans «Les chemins de ma vie», un livre autobiographique publié en mai 1999, Bédié dira à propos de l`ancien gouverneur de la Bceao : «De toute façon, il était burkinabé par son père et il possédait toujours la nationalité du Burkina Faso, il n`avait donc pas à se mêler de nos affaires de succession». Une sortie qui montrait clairement que le «Sphinx de Daoukro» n`envisageait jamais ouvrir les consultations populaires à son rival. En décembre 1999, le coup d`Etat du général Robert Guéi qui renverse Bédié laisse penser que le démon de la division suscité par cette volonté affichée d`exclusion est éloigné définitivement. Que non ! Pendant la transition militaire, le général qui nourri aussi des ambitions politiques reprend quasiment pour son compte les thèses de l`ivoirité. En février 2000, après des tournées à l`intérieur du pays, il fait le point dans les colonnes du quotidien Notre Voie (édition du 28 février 2000) en affirmant : «L`Ivoirité est un bon concept». Le disant, Guéi s`alignait ainsi progressivement sur les positions du Fpi de Laurent Gbagbo qui s`opposait radicalement à la candidature de Ouattara. Un rassemblement des femmes du parti à la rose et aux deux doigts les 12 et 13 février au Palais des sports de Treichville sous la présidence de Simone Gbagbo exigeait «que le candidat à l`élection présidentielle ait pour épouse une ivoirienne de naissance, de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d`origine» (In Notre Voie du 15 février 2000).
Nationalité, Eligibilité...
Une revendication qui visait implicitement ADO dont l`épouse est française. La bataille pour l`élaboration de la Constitution de la 2ème République ouverte dans ce climat de xénophobie exacerbée aboutira à l`adoption, à l`issue du référendum du 23 juillet 2000 d`un texte fondateur truffé de pièges contre le candidat du Rdr. Ce dernier se disant «visé mais pas concerné» avait commis «l`erreur» d`accepter le «et» de l`article 35 qui exige que les deux parents du candidat soient ivoiriens d`origine. Dès lors le piège pouvait se refermer sur lui. Le 6 octobre 2000, par un arrêt historique dévidé le 6 octobre à la télévision pendant deux heures d`horloge, le président de la Cour suprême, Tia Koné par ailleurs conseiller spécial du général Guéi déclare ADO inéligible pour « nationalité douteuse ». Les militants du Rdr qui descendront dans les rues le 25 octobre pour exiger la reprise des élections dont Gbagbo et Guéi se disputaient la victoire se font massacrer (155 morts, 316 blessés, 50 disparus, chiffres officiels).
Un charnier de 57 corps est découvert. A peine un mois passé, les Ivoiriens se retrouvent devant l`échéance des législatives auxquelles ADO est à nouveau candidat. Son dossier est accepté par la Cne (Commission nationale électorale) mais, dans son arrêt du 30 novembre, la Cour suprême de Tia Koné rejette une fois encore les documents fournis par le président du Rdr, candidat dans son fief de Kong au motif que ni son père, ni sa mère ne sont Ivoiriens (article 71 du code électoral). Là encore, la grosse colère des républicains sera réprimée dans le sang. Bilan : 33 morts, 216 blessés et des disparus non comptabilisés, selon le Midh. Des boucheries qui seront suivies par une série de tentative de coup d`Etat dont la dernière le 19 septembre se muera en une rébellion armée qui occupera une partie du territoire national. De Lomé à Accra en passant par Marcoussis, c`est finalement à Prétoria que le problème de l`éligibilité des candidats à l`élection trouvera règlement en 2005. Laurent Gbagbo est autorisé à faire usage de l`article 48 de la loi fondamentale pour déclarer tous les signataires de l`Accord de Marcoussis d`office candidats. C`est donc en vertu de cet arrangement repris et consolidé par l`Accord politique de Ouaga qu`ADO prendra part à la course. Enfin !
Djama Stanislas