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Politique Publié le mardi 27 octobre 2009 | Le Temps

Presidentielle en Cote d`Ivoire : Pourquoi Bédié est “hors course”

Pendant sa tournée dans la région d’Aboisso, Henri Konan Bédié a soutenu avoir les mains propres. Il s’est même permis de taxer les refondateurs de voleurs. Et pourtant ! Le Temps revient sur un dossier explosif proposé en son temps par
Le Temps Hebdo sur son passage à la tête de la Côte d’Ivoire. Ce monsieur est “disqualifié” pour diriger le pays.

Il y a presqu'une décennie, Henri Konan Bédié était aux affaires. Les temps ont changé, mais, sa méthode de gestion et celle du Pdci, elles, restent inchangées. C'est le président de la jeunesse de ce parti, Kouakou Konan Bertin qui le dit, il affirmait récemment, dans un journal de la place, que “le programme de gouvernement du Pdci porte toujours sur les douze travaux de l'Eléphant d'Afrique”. Ce vaste chantier avait effectivement démarré. Pour mémoire, quelques jours après le coup d'Etat, l'ex- chef de la junte militaire, feu le général Robert Guéi, s'était rendu sur un des grands chantiers, notamment le domaine privé de Bédié à Daoukro, évalué à 4,5 milliards de Fcfa dont 1,5 milliard déjà englouti.
De toute évidence, sous l'ère Bédié, le pays ne rassure pas ses partenaires extérieurs (Fmi, Banque mondiale, Union européenne, Bad, les partenaires bilatéraux). Car, au fond, la question est plus affligeante que les populations ne le pensent.

Pluie de milliards

Dès 1994, les prêts des bailleurs de fonds atteignent la coquette somme de 556 milliards de Fcfa, consécutivement à la dévaluation du Fcfa. Sur la période 1994-1997, le régime de Bédié reçoit au total plus de 1 368 milliards de Fcfa. Ajoutez à cette somme colossale 1063 milliards de gains engrangés grâce aux rééchelonnements obtenus devant le Club de Paris sur quatre ans. Le gâteau s'agrandit et devient plus appétissant. Le régime de Bédié bénéficie d'un flux total de 2 431 milliards. De mémoire de financiers, c'est une première dans la zone franc. Bédié, sa famille et le Pdci se frottent les mains. Car, indépendamment de cette générosité des partenaires, les exportations ivoiriennes progressent avec des cours orientés à la hausse. Aussi, les investissements privés reprennent. La consommation et la croissance augmentent considérablement. Hélas ! Bédié et les barons du pouvoir Pdci perdent les pédales, face aux énormes ressources financières cumulées entre leurs mains en si peu de temps. Pouvait-il en être autrement, au regard du piètre passé du porte-flambeau du plus vieux parti ivoirien. Flash back sur les traces d'un “has been”, dépassé par les réalités des temps modernes ! Alors qu’il était âgé de 30 ans, Henri Konan Bédié est nommé par Houphouët Boigny, ambassadeur de Côte d'Ivoire aux Etats-Unis. Houphouët-Boigny le nomme plus tard, en 1966, ministre de l'Economie et des Finances. Bédié avait à peine 32 ans. Il conservera ce poste de 1966 à 1977, soit 11 ans durant. Peu expérimenté, novice en gestion des affaires de l'Etat, le protégé d'Houphouët-Boigny va marquer son passage au ministère ivoirien de l'Economie et des Finances par un véritable scandale financier. C'est l'affaire des “complexes sucriers”, révélée par la presse. Le “surfactureur d'usines”, l'appelle-t-on ainsi. Mais, il bénéficie d'une grâce exceptionnelle du Président Houphouët-Boigny qui le retire momentanément des affaires de l'Etat. trois ans durant, il va exercer à la Banque mondiale. Un refuge presque doré pour quelqu'un qui est passible de poursuite judiciaire, dans un Etat de droit. Henri Konan Bédié regagne la Côte d'Ivoire en 1980. Il est élu député sous la bannière du parti unique, le Pdci-Rda, par la seule volonté du Président Houphouët-Boigny. De là, viendra l'ascension de l'homme novice. Il ignore totalement les rouages pratiques de la gestion des affaires de l'Etat. Il est propulsé président de l'Assemblée nationale en remplacement de Philippe Yacé. Et devient, du coup, le dauphin constitutionnel. Dès le 7 décembre 1993, à la mort de Houphouët-Boigny, il s'autoproclame Président de Côte d'Ivoire, en vertu de l'article 11 de l’ancienne constitution. Nourri au biberon politique, Bédié n'a jamais pu être ni un bon économiste, ni un bon gouvernant. Né le 5 mai 1934 à Pèpressou, un quartier de Diadékro, village situé à deux kilomètres de Daoukro, à 300 km au nord d'Abidjan, Henri Konan Bédié, marié à Henriette Koizan Bomo “tue” l'Etat ivoirien par sa gestion douteuse et des plus scabreuses.

Gaspillage des ressources

Malgré les pluies de milliards, les relations avec les partenaires de la Côte d'Ivoire commencent à se raidir. Dès début 1997, c'est la rupture avec le Fmi. Le renouvellement du programme d'ajustement, venu à expiration en mars 1997, est bloqué. Le Fonds est en total désaccord avec les “bédéistes” à cause des “dérapages des finances publiques”. Le régime Pdci réussit l'exploit d'amener les bailleurs de fonds à rompre les relations sur des questions de gestion. Il y a des dérapages au niveau des finances publiques. Ceux-ci se caractérisent par la mauvaise performance au niveau des recettes fiscales. Au total, on dénombre des centaines de milliards de moins values. Il y a également des dérapages au niveau des dépenses tout comme l'on a déploré avec les fameux Deno (dépenses engagées non ordonnancées). Fin 1996, le Fmi dénonçait déjà près de 134 milliards de Fcfa de Deno. De 1998 à 2000, les dépenses de ce type étaient successivement de 100 milliards, 131 milliards et 121,5 milliards. Et ce n'est pas tout. Les passifs audités cumulent à 89 milliards en 2000. La gabegie est d'autant plus criante qu'il y a problème au niveau des ressources et un dérapage au niveau des dépenses. C'est “la mal gouvernance”.
Dans un tel climat délétère et de méfiance à l'intérieur comme à l'extérieur de la Côte d'Ivoire, Bédié et le Pdci font face à une équation difficile, à savoir que les recettes sont inférieures aux prévisions, et les dépenses publiques en forte hausse. Le régime Bédié reste sourd aux appels à la normalisation et aux cris de détresse des travailleurs.
Au début de l'année 1998, le Fmi émet de sérieuses réserves sur la gestion des finances publiques et considère que les conditions ne sont pas réunies pour la poursuite du programme d'ajustement en cours. Une critique en règle est dirigée alors contre la Côte d'Ivoire et aboutit à la rupture totale des relations avec les institutions financières internationales. Le régime dilapide ainsi l'héritage. De réels problèmes de gouvernance se posent. Les scandales financiers fusent de toutes parts. Ce sont, entre autres, l'affaire des 18 milliards de l'Union européenne, détournés alors qu'ils étaient destinés à soutenir le système sanitaire ivoirien, et cette autre affaire Roger Nasra qui “a soustrait 4 milliards Fcfa du trésor public par un système de fausses déclarations de Tva”, (confère Notre Voie du 27 mars 2008) des caisses de l'Etat. Derrière ce crime médiatisé, il y en a qui sont très peu connus du grand public. C'est le cas des exportateurs dits défaillants. Ils se comptent dans l'establishment du pouvoir et devaient 45 milliards à la Caisse de stabilisation et de soutien des prix aux producteurs agricoles. Que dire également de cette honteuse affaire des créances compromises ! Le montant au préjudice de l'Etat s'élève à 63,9 milliards de Fcfa à fin 1999. L'affaire concerne au total 23 dossiers de groupes d'exportateurs défaillants vis-à-vis du secteur bancaire. En définitive, la veille du coup d'Etat qui a mis fin au régime de Bédié, la situation économique était désastreuse, du fait de sa gestion chaotique. L'Administration économique et financière se trouvait dans un piètre état, et les services publics dans la tristesse et l'angoisse totale.

Le secteur privé asséché

Au niveau des entreprises, les arriérés intérieurs gonflent et provoquent de vives tensions sur la trésorerie du secteur privé, appelé pourtant à être le fer de lance de la consolidation de la croissance et de la création d'emplois. Point d'éclairci dans le secteur électrique. Après sa privatisation dans les années 1990-1991, les évolutions auraient conduit à un déficit de 50 milliards de Fcfa en 2001. Cela est dû au manque d'investissement dans ce secteur, à la hausse du dollar et des cours du baril, à la dévaluation du Fcfa. Assombri, l'est aussi le secteur des hydrocarbures. Un déficit de 40 milliards de Fcfa à fin 2000.
Le sinistre n'épargne aucun secteur, pas même la filière café-cacao, la principale ressource de l'Etat. Qu'a fait Bédié du secteur? Sous la pression des bailleurs de fonds, il procède à la libéralisation totale des filières café en 1998 et cacao en 1999. Il supprime la Caisse qui stabilisait et soutenait les prix de ces produits agricoles et crée, en lieu et place, la Nouvelle Caistab. Pressé par les mêmes partenaires, il engage la liquidation de la Nouvelle Caistab. Et c'est cette structure en liquidation qui gère la filière. Improvisation ! Absence de stratégie ! Impuissance ! Tel est l'état d'esprit de ceux qui dirigeaient la Côte d'Ivoire avec Bédié. Conséquence, les producteurs sont lâchés face aux puissances financières de la filière. Le prix au producteur passe de 508 Fcfa/kg en 1998 à 300 Fcfa/kg de cacao en 1999. Ce prix n'est pas garanti. Les produits sont invendus. Des paysans sont obligés de détruire leurs récoltes.
Pendant ce temps, la Caisse autonome d'amortissement (Caa) se trouve, elle aussi, dans un état de délabrement total : environ 196 milliards de Fcfa de créances à l'Etat. Elle est restructurée et transformée en Banque nationale d'investissement (Bni). En mars 2000, faisant le point de la situation économique sous les six dernières années d'exercice de Bédié, le professeur Mamadou Koulibaly, alors ministre du Budget du gouvernement de transition, faisait observer que l'année 1999 s’est achevée sur un déficit d'environ 197 milliards de Fcfa, soit 3% du Pib. En quelques mots, il dépeint la gestion de Bédié et du Pdci : “les gains post-dévaluation ont été gaspillés en détournements et vols au détriment des finances publiques. On parle aujourd'hui, de 197 milliards de Fcfa mais, si l'on cumule, il s'agit en réalité de plus de 500 milliards. C'est simplement la volonté express de s'enrichir, le désir de s'approprier ce qui appartient à l'État. C'est la mise en place systématique d'une mafia locale chargée de prendre ce qui appartient à l'Etat. C'est de la kleptocratie. Il existait un clan Bédié, comme existaient un clan Mobutu, un clan Suharto…”. L'houphouétisme, on n'en parlait plus. C'était banni du langage politique au profit du bédiéisme (voir encadrés 4 et 5).
R.K.
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