Sam Mohamed Gichi se fait appeler également Sam l’Africain. Ivoirien d’origine libanaise né il y a une cinquantaine d’années en Côte d’Ivoire, il est le président de la Nouvelle alliance de la Côte d’Ivoire pour la patrie (NACIP). Mouvement créé en 2008, qui s’est donné pour objectif, en cette période électorale, de sensibiliser les populations afin qu’elles réélisent le président Laurent Gbagbo, le 29 novembre prochain, à la tête du pays. Dans cet entretien, Sam l’Africain livre son opinion sur tout. Avec un franc-parler décapant. Notre Voie : L’opinion publique connaît Roland Dagher et Elie Hallassou comme les Ivoiriens d’origine libanaise très actifs sur le front politique. Depuis le début de cette année 2009, on vous voit surgir. Pourquoi cette subite apparition ? Où étiez-vous tout ce temps? Sam l’Africain : Merci pour votre question. J’ai toujours dit à ceux qui s’interrogent à mon sujet que je ne viens pas d’arriver en politique. Dans les années 90, j’ai soutenu l’action d’Houphouet-Boigny dans le Nord du pays. Puis je l’ai fait plus tard pour Gbagbo. De nombreuses personnalités du FPI et de l’entourage actuel du président Gbagbo me connaissent et savent que mon soutien à l’homme politique Laurent Gbagbo date de l’opposition. Tenez, par exemple, j’étais avec le président Gbagbo en octobre 2000 lorsqu’il s’apprêtait à faire sa déclaration au terme de sa victoire à l’élection présidentielle. C’est moi-même qui ais noué sa cravate. C’est vous dire que je ne viens pas d’arriver. Peut-être que je n’ai pas voulu me faire voir. N.V. : Pourquoi avez-vous choisi de demeurer si longtemps dans l’ombre ? S.A. : Lorsque le président Laurent Gbagbo a pris le pouvoir, il s’est tout de suite posé un problème de positionnement entre nous qui l’entourions. C’est une situation propre d’ailleurs à tous les chefs d’Etat. Je le voyais aussi sous Houphouet. Je n’ai pas voulu me mêler à ce combat. Je me suis donc mis à l’écart. Aujourd’hui, le temps est arrivé de montrer chacun de son côté, ce dont on est capable pour que le président Gbagbo soit réélu. C’est un tel combat que j’ai décidé de mener. N.V. : Les postes et autres nominations ne vous intéressent pas ? S.A. : Non, pas du tout ! Et puis les places auprès du président de la République, ça se mérite. Regardez le cas du Dr. Issa Malick Coulibaly, c’est la force tranquille. Il ne fait pas de bruit, mais travaille avec efficacité. Le président l’a remarqué et lui a fait confiance en lui confiant sa campagne. Le plus important aujourd’hui, c’est la victoire du président Gbagbo afin qu’il ait le temps libre pour appliquer son programme pour le bonheur des populations de Côte d’Ivoire. Tout ce que nous voulons, c’est cela. Ce que je demande également, c’est que l’histoire retienne ma contribution dans ce combat pour la dignité de notre pays. N.V. : Que cachent, en réalité, tous ces meetings que vous effectuez pour Gbagbo, de jour comme de nuit, à travers le pays ? S.A. : (rires) Ces meetings ne cachent rien. Venez avec moi et vous le verrez. C’est vrai, je cours pour Laurent Gbagbo. Mais, je cours aussi pour la Nation, pour tout le peuple. Le président Gbagbo n’est pas le seul ivoirien victime de la crise qui sévit depuis septembre 2002. Ce sont tous les Ivoiriens. Alors mon combat est pour tous ceux qui trouvent que le pays a été injustement attaqué. N.V. : Laurent Gbagbo n’est pas l’unique candidat à l’élection présidentielle à venir. Il y a, entre autres, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara. Pourquoi votre choix s’est-il porté sur Gbagbo ? S.A. : Comme je l’ai dit, j’ai choisi Laurent Gbagbo il y a longtemps, même si, pendant un temps, on ne me voyait pas. J’étais avec des amis partisans d’Houphouet lorsqu’à la fin des années 80, Laurent Gbagbo a intensifié son combat contre la politique d’Houphouet. J’ai dit à ces amis-là, à cette époque, que Gbagbo sera celui qui pourra diriger véritablement la Côte d’Ivoire après Houphouet. Parce qu’il a eu le courage avec ses idées de dire “NON” à Houphouet. A ce temps-là personne ne pouvait le faire. C’est Gbagbo seul qui a proposé une nouvelle Côte d’Ivoire face à Houphouet. Malgré toutes les brimades (prison, etc.) que ses camarades, son épouse, son fils et lui-même ont vécues, il n’a pas faibli. Le combat qu’il mène depuis longtemps est celui de la liberté et de la justice. Je crois que c’est un combat pour tous les Africains. C’est pourquoi je l’ai choisi. S’agissant de l’ex- président Bédié, il a eu le pouvoir sur un plateau d’or qu’il n’a pas su gérer. Quand il a pris le pouvoir, son premier acte a été de balayer tout ce qui rappelait Houphouet. Il a passé le reste de son temps en train de faire des palabres à l’ex- Premier ministre, Alassane Ouattara. Pour un président de la Côte d’Ivoire, c’est surprenant que tu t’en prennes à un individu comme si c’est lui seul qui vivait dans ce pays ! N.V. : Pourquoi n’avez-vous pas donné de la voix à cette époque-là pour dénoncer les agissements de Bédié ? S.A. : Je ne l’avais certes pas fait publiquement, mais je le disais aux proches de Bédié. Et puis, je n’étais pas le seul à dénoncer cela. Même ses proches partageaient ma vision des choses. Vous savez, Bédié n’écoutait personne. Il agissait comme bon lui semblait. On ne peut pas diriger un pays tel que la Côte d’Ivoire comme s’il s’agissait d’une cellule familiale. La Côte d’Ivoire est trop puissante et très importante en Afrique. Il faut la respecter. N.V. : Vous êtes un homme d’affaires. Et bien souvent les personnes de votre corporation optent pour ceux qui détiennent le pouvoir. N’est-ce pas par opportunisme d’homme d’affaires que vous avez choisi le camp du président Gbagbo qui a de fortes chances de se succéder à lui-même ? S.A. : Chaque tournée politique me coûte plus de 8 millions de fcfa. J’en ai fait de nombreuses depuis le début de l’année et je continuerai d’en faire jusqu’à la réélection du président Gbagbo. Je ne me suis jamais rendu auprès du chef de l’Etat pour solliciter une quelconque aide financière pour aller en meeting à Séguéla, Odienné ou Touba. Ces meetings me coûtent beaucoup d’argent, mais je suis fier, puisque je le fais par conviction. Il faut que le président Gbagbo sache qu’il n’est pas seul. Son peuple est avec lui. Un peuple divers, mais uni derrière lui. N.V. : Vous ne recherchez pas de parapluie politique et institutionnel pour vos affaires ? S.A. : Je ne suis pas ce genre de personnes. Le président Gbagbo ne connait rien aux affaires. C’est un génie politique, voilà tout! Il ne peut rien m’apporter en affaires. Sachez aussi qu’un bon homme d’affaires ne mêle pas son business à la politique. Pour moi, la ligne de démarcation est nette. Je suis Gbagbo parce que son combat est juste. C’est pour l’avenir des enfants de Côte d’Ivoire. Et moi, mes enfants sont des Ivoiriens. J’ai donc le droit de défendre leur avenir. N.V. : Vous êtes d’origine libanaise. Pourquoi ne menez-vous pas la sensibilisation en faveur de votre candidat Laurent Gbagbo au sein de la communauté libanaise où l’on compte de nombreux naturalisés ivoiriens ? S.A. : Les gens disent beaucoup de choses sans véritablement rien savoir. Moi, je connais la position des Libanais naturalisés Ivoiriens vis-à-vis du président Gbagbo. Et je sais pour qui ils vont voter le 29 novembre prochain. C’est un travail déjà acquis. N.V. : C’est-à-dire ? S.A. : Je vous dis que je sais pour qui ils vont voter. N.V. : Pour qui vont-ils voter alors ? S.A. : Aujourd’hui, tous les Ivoiriens sont convaincus que la solution de la Côte d’Ivoire, c’est Gbagbo. Puisque vous voulez le savoir, je vous dis qu’ils vont voter pour Gbagbo. C’est vrai qu’ils sont libres de leur choix, mais je vous assure qu’ils voteront majoritairement pour Gbagbo. Ils savent où se trouvent leurs intérêts. N.V. : Votre candidat est, depuis le 16 octobre dernier, dans la course pour la magistrature suprême. Comment comptez-vous mener la campagne ? S.A. : Moi, ma stratégie, c’est le corps-à-corps avec les populations. J’anime des meetings et je visite les familles. Je serai à 60% au Nord du pays pour y poursuivre la campagne. N.V. : Vous aviez récemment sillonné des localités du Nord du pays pour parler de Laurent Gbagbo. Qu’est-ce que les populations vous ont dit ? S.A. : J’ai été surpris de constater que de nombreuses populations sont mobilisées derrière le président Gbagbo. La crise qui a frappé le pays a eu un côté positif, c’est celui à la longue d’avoir éveillé les consciences. D’avoir révélé la vérité. Les populations ont compris qu’elles ont été trompées sur le compte du président Gbagbo. Je vous le dis, les résultats du candidat Laurent Gbagbo au Nord vont surprendre le monde. Le 29 novembre, le Nord va surprendre les gens. Partout où je suis passé dans le Nord, les populations m’ont dit avec sincérité qu’elles soutiennent le président Gbagbo. Elles disent qu’elles voient son combat et il est juste. Il y a même un village au Nord qu’on appelle Ouragahio 2 (allusion à la ville natale du chef de l’Etat, ndlr). N.V. : Et les ex-rebelles qui sont encore maîtres au Nord vous ont-ils facilité les choses ? S.A. : Ils sont inscrits dans le processus de paix. Je n’ai rien à dire sur eux. Le monde entier verra le raz-de-marée (le score) avec lequel le président Gbagbo sera réélu. Cette crise injuste, la Côte d’Ivoire l’a subie parce que Gbagbo a refusé de donner 80% des richesses du pays à des puissances étrangères. N.V. : D’où tenez-vous cette information ? S.A. : Nous sommes tous dans ce pays. On sait beaucoup de choses. On sait ce que les gens veulent. Quand tu refuses de le leur donner, ils s’activent à t’enlever du pouvoir pour y installer quelqu’un d’autre. On n’ignore pas tout ça. Il faut laisser aux Africains la liberté de choisir leurs chefs. On ne doit plus leur imposer des personnes. Ce temps-là est révolu. Je demande donc aux Ivoiriens de se mobiliser le 29 novembre, afin de redonner le pouvoir au président Gbagbo qui a été injustement attaqué. Entretien réalisé par Didier Depry et Didier Kéi
Politique Publié le mercredi 28 octobre 2009 | Notre Voie