L`ancien doyen de la faculté de Droit, a saisi, dimanche, l`occasion de la journée d`hommage au président de la République à Dahiepa-Kehi pour rompre le silence qu`il s`était imposé. Il est revenu sur la crise qu`il a vécue au Fpi, ses rapports avec Laurent Gbagbo, l`état de la refondation…Nous vous proposons de larges extraits d`un discours riche.
1-Le sentiment de devoir!
Mon intervention de ce jour va s`articuler autour du sentiment de Devoir. Et le matériau composite de ce sentiment de devoir se décompose en trois éléments, à savoir: le devoir de générosité, le devoir d`oubli et de pardon et le devoir de gagner. (…)
2-Le devoir d`oubli et du pardon
(…) Durant ces longues années d`exil intérieur, j`ai beaucoup appris. Que d`interrogations sur la victime expiatoire? A dessein, on a voulu faire de moi un démissionnaire du parti- Un militant transhumant.
Un traître-Un rebelle-Un assaillant-Un Ivoirien de circonstance, etc.
Au quotidien, en se nourrissant de ces faux préjugés et mensonges, certains de nos heureux et nouveaux militants, qui, autrefois, de façon éhontée, nous vilipendaient publiquement, croient exiger de moi, la preuve de ma ferveur militante. Quelle audace !
Faut-il ou non éluder ces interrogations? Ou bien, dans le souci d`informer, afin de rassurer, ne serait-il pas plus juste de les élucider, sans forcément s`enliser dans des détails? En pareil cas, le silence aurait été de règle. Le silence, c`est en fait, rester passif. Rester passif, c`est avaler sa langue.
Mais a-t-on vraiment le droit d`avaler sa salive et laisser altérer la vérité par le silence, même si à la longue, la vérité finit toujours par triompher du mensonge? La vérité, d`après Blaise Pascal «triomphe enfin de ses ennemis parce qu`elle est éternelle». Charles Péguy ne dit pas autre chose, lorsqu`il nous fait remarquer que « Taire la vérité, n`est-ce pas déjà mentir » ? Enfin, selon Saint Jacques, ch. 3, versets 14 et 16 « ... Si vous avez dans votre cœur un zèle amer et un esprit de dispute, ne glorifiez pas et ne mentez pas contre la vérité… Car là où il y a un zèle amer et un esprit de dispute, il y a du désordre et toutes sortes de mauvaises actions ». A fortiori, ce n`est pas forcément une vertu de tout supporter sans rien dire.
Certes, la passion de la vérité peut se révéler fort dangereuse. Mais, sans la vérité, pardonner n`est qu`une illusion, une fuite en avant. Car porter un jugement sur un homme, suppose, selon Blaise Pascal, que l`on « a un point fixe pour juger », Mais où ceux qui n`ont aucun sens moral, du fait qu`ils souffrent d`une cécité morale, prendraient-ils ce point dans la morale? En fait, quand on manque de preuve, on se garde de juger. Du moins, on se tait.
Chers parents,
Pour une plus grande transparence dans nos relations actuelles et futures, le devoir de vérité exige de moi de rompre le silence, de sorte que soit substitué au verbe éluder, le verbe élucider. Toutefois, s`enfermer dans le piège de l`oubli d`insultes, dans un instant d`oubli, ne serait que vanité.
Ce faisant, mon devoir est d`évacuer définitivement le résidu de mon passé qui divise. C`est ainsi que, malgré l`esprit de réconciliation qui m`habite, le devoir de vérité m`oblige à réaffirmer ce qui est. Ma part de vérité.
Oui, j`ai démissionné en 1995 de mon poste de Secrétaire Fédéral du FPI de Gagnoa.
J`assume entièrement cette démission, même si cela n`est plus à refaire. De bonne foi, c`était pour moi, une manière vertueuse de me conformer au respect des valeurs républicaines auxquelles je reste profondément attaché. Il est donc faux et même absurde d`affirmer que j`ai démissionné du FPI et que je serais, à l`occasion de cette cérémonie, en train d`amorcer un retour.
(…) Retenons que du point de vue de la sémantique, revenir, c`est venir à nouveau. C`est s`inscrire dans un mouvement inverse ou contraire de celui de l`aller. De ce fait, il ne peut y avoir revenir sans l`aller. Dans ce jeu de mots, il est frappant de constater que le mensonge cohabite avec la vérité, qu`il tend à supplanter. Et, pour Blaise Pascal « Il y a des gens qui mentent simplement pour mentir ». On ment par plaisir. Au pire, certains d`entre nous s`engluent volontairement dans le cycle infernal du mensonge. Ces mythomanes croient abusivement à leurs mensonges, dans l`espoir vain, qu`à force d`être répété, le mensonge deviendrait la vérité.
Est-ce cela la politique? La politique serait-elle « l`art de tromper les hommes» comme nous le fait remarquer d`Alembert? Or, selon Simone de Beauvoir « la politique n`est pas un vice, ni un jeu».
(…) On peut toujours craindre que certains faits, comme « Le blasphème contre l`esprit ne sera pas pardonné» ou se pardonne difficilement. Néanmoins, selon Alfred de Musset, «A défaut de pardonner, laisser venir l`oubli ». Or, sans le pardon, l`oubli n`est que fuyant.
Fuyant, l`oubli s`évanouit et s`épuise dans l`espoir mensonger. De ce fait, dès lors que le président de la République a « sonné le pardon national », mon devoir n`est pas d`ignorer le pardon et laisser uniquement venir l`oubli. Mon devoir est de transcender les rancœurs. Mon devoir est de dominer les frustrations et surmonter les déceptions. Alors, je ne peux qu`oublier et je ne peux que pardonner, même si toutes les passions, d`après Descartes, « aiment ce qui les nourrit ». Entre frères et sœurs, entre camarades, on doit pouvoir oublier et pardonner.
En tout premier lieu, qu`il me soit permis d`exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui m`aiment et qui ne m`ont jamais abandonné.
C`est aussi mon devoir de rassurer ceux qui doutent. Je comprends ceux qui ont douté.
Mais si le doute est permis et légitime, il ne faut pas se laisser plus longtemps dans le doute.
Le doute devient pernicieux lorsqu`il est entretenu par la médisance. Devenu pernicieux, il brouille notre vision. Il consume notre intelligence. Par ses effets corrosifs, il altère notre raison. Il déforme notre jugement.
D`autres au contraire, nourris et rongés par la vermine de la haine, sont allés au-delà du doute. En usant à souhait de la grandeur de la mauvaise foi et du mensonge, dans l`intention de tromper et de nuire, ils ont délibérément franchi le Rubicon. Il est inutile de m`attarder sur ce qui relève en fait de l`infantilisme.
A l`inverse de ces derniers, ceux qui portent encore les séquelles physiques, corporelles, visibles et cachées de la répression; ceux qui ont eu un jour à perdre injustement leur liberté pour une cause noble; ceux qui, au nom de la liberté et la démocratie, ont souffert au quotidien; ceux qui n`ont pas eu de jeunesse durant ces longues et difficiles années de clandestinité, eux, au contraire des autres, ne peuvent souffrir de troubles d`amnésie. Devoir de mémoire et de vérité oblige! Que « la sincérité soit », dira André Gide.
(…) Ceux qui savent combien j`honore la vertu, comprennent aisément que je n`ai pas à rougir du déshonneur de celui qui se sent coupable. Croyez-moi, sur la courbe des âges, je n`ai jamais perdu pied, au point de couler à pic et me noyer dans un crachat. Ma morale n`a jamais été ni flexible ni intermittente. Nullement malléable, elle ne souffre d`aucune flexuosité.
En clair, sachez que la morale n`est pas une succession d`incertitudes, de confusions et de lâchetés. Et s`il est vrai, selon le philosophe Emmanuel Kant, que «La dignité s`oppose au prix », alors soyez moralement certains de mon innocence. Je me sens moralement innocent.
À mon âge, suivant le sentier de la vertu, on ne change pas de nature, de manière à souiller sa réputation. A la limite, suivant le chemin de la vertu; on peut s`adapter à l`évolution et au changement de son temps, et vivre de son temps, sans pour autant se laisser emporter par les intempéries du moment.
Cependant, avec le recul du temps, je reconnais avec humilité, que je n`aurais pas dû démissionner de mon poste de Secrétaire fédéral. Alors je demande pardon à tous ceux qui m`aiment et ont souffert de cette démission.
Pour cette erreur commise de bonne foi, je renouvelle mes sincères et profonds regrets au frère et camarade, président de la République, Laurent Gbagbo. Merci M. le Président, d`avoir su comprendre et pardonner mon erreur de jugement. Aujourd`hui, je mesure amplement la grandeur de cette erreur de jugement. Merci d`avoir contribué au plan moral et matériel à la réussite du mariage de mon fils. Mais, quelles que soient les vicissitudes de la vie, vous ne pouvez longtemps M. le Président, et j`en suis convaincu, douter ni de ma sincérité ni de ma fidélité.
A vous, chers parents,
Après l`accueil chaleureux au mois d`avril dernier dans mon village natal, je tiens particulièrement à l`honneur d`être parmi vous. Et les mots me manquent pour vous traduire fidèlement ce que je ressens. En fait, cette cérémonie, faite de symboles, me relève des déchéances injustes. Cette cérémonie d`hommage au président de la République, me blanchit.
Cette cérémonie m`innocente. Cette cérémonie me lave des souillures imméritées. Cette cérémonie me rétablit dans l`estime publique. Cette belle cérémonie de fraternité et de réconciliation, croyez-moi, me réhabilite à juste titre auprès de mes parents.
Pour tout dire, j`ai cru entendre et comprendre que vous me demandez de me réactiver et retrouver ma vitalité. Ma réponse est « oui ». C`est un «oui» franc et sincère. Ce n`est pas un «oui» de regret et d`amertume. C`est un «oui» fait d`oubli et de pardon sincère. Mon
« oui» est un «oui ».Mon «oui» n`est pas un «non ».Du fait que mon «non» est un « non ». Et, selon Gustave Flaubert, « Il faut de chaque malheur tirer une leçon et rebondir». Et, puisque je suis encore debout, je ne peux donc désespérer. Car d`après Antoine de Saint-Exupéry, les échecs, quels qu`ils soient, « fortifient les forts »,
Chers parents, Chers camarades,
Ensemble, dans l`amitié et la fraternité loyales et sincères, je suis convaincu que nous pouvons éternellement rester débout. Car rester débout, c`est rêver ensemble. Rêver ensemble, c`est pouvoir rebondir. Rebondir, ce n`est pas se mettre à plat ventre pour se montrer servile et s`humilier. Rebondir, c`est plus tôt, emprunter irrésistiblement le chemin de l`espérance. Emprunter le chemin de l`espérance, c`est triompher de la division et de l`adversité.
Triompher de la désunion et de l`infortune, c`est faire bouger des lignes, afin de soulever dans l`union et la fraternité, les montagnes du sous-développement. Comment s`y prendre pour vaincre la pauvreté? A vrai dire, dans ce domaine, notre effort aurait été vain, si cela ne se traduisait pas par notre devoir de gagner.
3- Le devoir de gagner
(…) Dans un instant d`oubli, peu importe que le FPI, dans sa volonté de conquérir le pouvoir d`Etat, s`adapte aux réalités du terrain, de sorte à ratisser large, et devienne un «Parti attrape-tout ». Car les voix des militants sont aussi nécessaires que celles de simples sympathisants et admirateurs de notre candidat. Nous avons besoin de leurs voix pour gagner.
Mais les sympathisants et autres admirateurs n`ont pas besoin d`être des militants du parti.
Fondamentalement, ils ne sont pas des nôtres. On ne construit pas l`avenir avec de simples passants. On ne peut refonder la Côte d`Ivoire avec des voltigeurs. Certains d`entre eux, connus sous l`appellation de «loups-garous », sont des êtres malfaisants. Éternellement changeants, ils se distinguent particulièrement par leur extrême mobilité. Sans répit, ils papillonnent dans l`espace politique ivoirien.
En fait, dans la quête des électeurs, on assiste de plus en plus à un faible enracinement idéologique dans notre parti. Les clivages idéologiques y sont désormais moins prononcés ou inexistants. En effet, dans sa reconversion de s`orienter vers la recherche systématique des électeurs, on tend à récuser l`idéologie. Dans la recherche de l`efficacité électorale, on abandonne notre référent originel. L`idéologie de la « social démocratie» est reléguée au second rang. On se préoccupe moins de la formation de nos militants dont la plupart sont des laissés-pour-compte. On ne se préoccupe guère des vertus sociales. On s`enlise dans des querelles de personne. On s`ankylose par l`absence ou l`immobilisme idéologique. «Parti attrape-tout» ou « Parti d`électeurs» pour le besoin des élections, il n`est point nécessaire de le demeurer, en tout temps et en toute circonstance.
Pis encore, certains de nos camarades, autrefois véritables tribuns, sont désormais pris à l`étau de la carrière. Ils se réfugient dans une« cachette murée ». Prisonniers du piège de cette ambition personnelle trop soutenue et devenue geôlière, ils se murent. Rien!
Absolument rien ne doit, en pensée, en parole, par action et par omission, trahir leur vécu quotidien. Risquer la moindre erreur qui puisse contrarier ou tourmenter leur ascension sociale devient suicidaire. Coûte que coûte, on s`accroche à son destin. Pris dans cet engrenage d`ambition personnelle, on se fabrique des illusions, des fantasmes. C`est ainsi que l`étau de l`ambition personnelle trop soutenue et geôlière, finit par empoisonner l`essor du parti.
Enfin, les ambitions personnelles souvent mal contenues, affectent dangereusement le levain de notre espérance. En rêvant sans cesse de fortune, on oublie la vertu. Or, rêver à la vertu serait déjà à demi vertu. C`est dire que le couple pouvoir/vertu, peut se comporter autrement que le mouvement balancier du sablier.
(…) Le rôle historique qui a toujours été le nôtre et pour lequel nous avons conquis le pouvoir d`Etat ne peut se diluer dans l`insouciance des ambitions personnelles. Il ne peut se dissocier de notre capacité à faire sienne la vertu et ainsi contribuer à la gestion de la cité et à l`éducation civique du citoyen. Notre devoir dans l`exercice du pouvoir et dans la nouvelle conquête du pouvoir, est de nourrir le débat politique, de diffuser et d`exalter les valeurs de vertu sociale. Notre devoir est de tuer en nous l`égoïsme. Notre devoir est de développer en nous le sens élevé du partage, c`est-à-dire le devoir de générosité nourri par le devoir de solidarité.
En somme, au sens de la générosité nourrie par la vertu, la recherche du mieux-être social par le travail et la solidarité, est le credo de notre combat contre la pauvreté. La mentalité du gain facile est notre totem. Le vol est notre interdit. L`enrichissement illicite est notre péché.
La corruption est notre déshonneur. La tricherie est notre honte. La vertu est notre thérapie.
Cet antidote est l`ultime garant de notre espérance.
En un mot, nous devons revisiter la refondation et corriger nos erreurs. Revisiter la refondation, c`est rêver d`une Côte d`Ivoire qui travaille et excelle dans le mérite et ce, autour du triptyque «Compétence-Vertu-Dévouement ». Nous ne voulons pas d`une Côte d`Ivoire qui triche et paresse. A la limite, faire de la paresse et la triche les idéologies motrices de la refondation, c`est encourager notre jeunesse à ne pas s`élever d`elle-même. En fait, si nous n`émergeons pas de cette misère morale, le pire serait à venir. Le pire serait de se faire le complice de l`avènement d`une société profondément injuste avec une stratification sociale à deux pôles extrêmes. On aurait des « très pauvres », appauvris par des« très riches », injustement ou mal enrichis. Ce serait alors la fin du rêve de notre révolution sociale.
De cette grille d`analyse et d`évaluation, on s`aperçoit que notre devoir est d`apporter notre soutien franc, sincère et univoque au président de la République, dans sa lutte légitime, républicaine et implacable contre la racaille. A bien y regarder de près, le président de la République pouvait-il agir autrement? Son inaction ou sa passivité n`aurait-elle pas été interprétée comme un acte d`immoralité? Car, accorder le refuge ou l`asile doré aux individus sans foi ni loi, ne peut que contrarier notre conscience citoyenne. C`est en fait, violer notre foi républicaine. Or, dans son combat pour la vertu, nous ne l`avons pas suffisamment soutenu.
En effet, il n`est pas une tâche plus urgente que la moralisation de la vie publique. Dès lors, il ne faut plus se contenter de la formule impersonnelle du genre « des têtes vont tomber ».
Que les biens de ces prédateurs, acquis dans le mal et dans le déshonneur, reviennent à l`Etat.
Toutefois, le « glaive institutionnel », maillon essentiel de la justice sociale, se serait avili, abâtardi, s`il s`en prenait aux innocents, aux faibles, au point de s`apparenter à la machine infernale et aveugle de « la terreur arbitraire de la guillotine ». C`est la ligne de la honte que nous n`avons pas le droit de franchir, au risque de perdre notre crédibilité.
(…) Pourquoi devons-nous soutenir ce combat républicain? Ce combat de la refondation, de salut public et de l`espérance?
En effet, si le dictionnaire français est assez avare sur l`écriture et la définition du mot « refondation », il reste que refonder, c`est réinventer l`écriture et le sens de la refondation.
C`est en fait, remodeler, restructurer positivement le contenant et le contenu de l`existant.
Refonder, ce n`est pas masquer la réalité. Refonder, c`est pouvoir oser, afin de révolutionner avec audace et hardiesse, ce qui est. Refonder, c`est en fait, changer nos mentalités, nos comportements et nos manières de vivre. Pour ainsi dire, refonder, c`est en fait, inculquer à notre jeunesse, les valeurs du civisme, notamment les vertus sociales.
Fait de rupture, de discontinuité, de vertus sociales, donc de I`espérance, refonder se confond avec la révolution sociale. Refonder, c`est trouver la vertu réparatrice de notre société en décadence, pour résister et demeurer débout. C`est en fait, dans la recherche du mieux-être collectif, opérer une différence de nature, entre ce qui était, ce qui est, et ce qui devait être.
Faire en sorte que ce qui est, soit quantitativement et qualitativement distinct, de ce qui ne, dit pas être, ou ne devrait pas être.
Ainsi, établir une simple gradation linéaire et quantitative entre le passé et le présent, sans relation avec le progrès social, relève d`une erreur de jugement. C`est en fait, reproduire servilement notre passé honteux. Et, cette erreur de sémantique est en partie l`œuvre de nos « ouvriers de la onzième heure »,
En effet, à force de transgresser les vertus sociales, ces «Refondateurs -jouisseurs », n`ont que la verve de la refondation. Heureusement minoritaires, ces femmes et hommes de petite vertu, ces aventuriers politiques, ignorent le «Verbe » de la refondation. C`est dire que la verve, sans le Verbe, ne peut que ruiner la vertu de la refondation. Or, ignorer sciemment la vertu, c`est se perdre dans le flot de l`insouciance.
Mais hélas, au quotidien, on se rend compte, selon La Rochefoucauld, que les « vertus se perdent dans l`intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer ». Est-ce à dire que nous devons laisser la refondation se dissoudre dans le flot de l`indifférence? Dissoute dans l`absence de conscience collective, la refondation devrait-elle s`anéantir au point de s`épuiser dans le néant? La refondation serait-elle une œuvre promise à l`oubli? Que deviendrait donc l`espérance pour ceux qui aspirent à un mieux-être et que nous n`avons pas le droit de pousser jusqu`à l`oubli? A la vérité, on s`aperçoit au quotidien, que« l`espérance est le levain de toute entreprise humaine ». Mais lorsque l`horizon est fermé, d`après le dramaturge français Molière, «On finit par perdre tout espoir lorsqu`on attend sans cesse ». Bien mieux, Victor Hugo nous enseigne que « Le désespoir est un compteur, il additionne tout ». En fait, céder au désespoir, c`est se nourrir continuellement des frustrations et des rancœurs. On ne peut donc désespérer.
(…) Au quotidien, dans la perspective de l`élection présidentielle, notre devoir est d`appuyer et de nourrir la vision noble du chef de l`Etat, à savoir: la modernisation de la Côte d`Ivoire, l`amélioration du service public, le respect de l`ordre et le renforcement de l`autorité de l`Etat, l`éradication de la corruption en vue de la moralisation de vie publique, la lutte contre la pauvreté, la lutte pour l`égalité, définie comme un puissant facteur de cohésion sociale, la réforme de l`âge de la retraite, l`élaboration d`un plan spécial pour la reconstruction des zones de guerre, la promotion de la justice, la protection de la liberté, des droits de l`homme et des libertés publiques, le développement de la démocratie, la lutte pour une paix durable à travers la réconciliation des ivoiriens, la fortification de la conscience de la république: une, indivisible, laïque et citoyenne. Sinon, notre levain, notre providence, serait incompris.
Incompris, notre inertie ou passivité ne peut que le fragiliser. Dès lors, comment le préserver contre ses détracteurs ?
Certes, nous respectons le choix judicieux de notre candidat. Mais le parti qui n`est, ni le doublon ni le clone de son candidat, doit pouvoir apporter une valeur ajoutée à son équation personnelle. Quelles sont donc nos analyses et quel est notre bilan de la crise actuelle? A quand notre prochain congrès? Que devient la jeunesse du parti, notre vivier? Que reste-t-il encore de OFPI? A-t-on un programme électoral susceptible de consolider celui du candidat? Quelle est notre vision du futur? En fait, on ruse et on s`use à la routine. Or, on ne gagne pas une élection présidentielle avec du réchauffé. On ne gagne pas une élection en s`abonnant à l`improvisation. Sommeilleux, éternellement attentiste, comment sortir le parti et ses démembrements de cette crise de somnambulisme, lorsque tout semble aller à vau-l`eau?
Pour gagner, le FPI a besoin de se transformer en une véritable machine électorale.
Pour ce qui est du renforcement du parti, au plan interne, notre devoir est de fédérer toutes les intelligences, afin d`assurer la cohésion du parti. Au plan externe, notre devoir est de ramener à la maison, tous ceux qui l`ont quittée ou se sont éloignés d`elle. En la matière, suivant le mouvement alternatif des quatre règles de l`arithmétique, l`addition vaut mieux que
la soustraction.
Chers parents, Chers camarades,
En dernière instance, pour gagner, nous devons construire notre victoire. Oui! « On gagne on gagne». Donc «du jamais-jamais». Mais au quotidien, qu`est-ce que je fais pour gagner et éviter le «jamais-jamais» synonyme d`échec.
Construire notre victoire, c`est, avec dévouement et persévérance, s`engager patiemment et résolument dans la campagne de proximité. C`est en fait, faire du porte-à-porte dans les villes, villages, campements et quartiers. Le jour des élections, notre devoir est de faire sortir les électeurs. De nos maisons, de nos bureaux, de nos usines, de nos chantiers, de nos universités, de nos écoles, de nos marchés, de nos champs. Notre devoir est d`aller à la rencontre des citoyens, quels qu`ils soient, en vue de faire d`eux des nôtres à l`occasion de la nouvelle conquête du pouvoir. Nous devons les séduire par l`originalité et la force de persuasion de notre programme. Pour gagner, aucune voix ne doit lui manquer. Car avec une voix en plus, on peut gagner une élection. De même, avec une voix en moins, on peut perdre une élection. Donc une seule voix suffit pour faire la différence.
Chers parents, Chers camarades,
Notre devoir est d`expliquer à tous, les enjeux de cette élection présidentielle. En effet, si l`on ne bâtit pas l`avenir avec des passants, on ne gagne pas une élection présidentielle uniquement avec des militants. Nous devons inviter les électeurs à retirer leurs cartes d`électeurs. Nous devons assister ceux qui auraient été injustement omis à l`occasion de l`opération
d`identification. Cette opération est à renouveler lors de la distribution des cartes d`électeurs.
Nous devons expliquer aux électeurs l`utilisation du bulletin unique. Nous devons leur apprendre comment voter, afin d`éviter les bulletins nuls. Nous devons combattre le danger de l`abstention. Combattre l`abstentionnisme, c`est convaincre le jour des élections, nos électeurs à aller voter massivement au même moment et non à l`heure de leur choix. Mais combien sont-ils ces électeurs de mon village, de mon campement, de mon quartier et de ma ville? Où seront demain les .différents bureaux de vote?
Enfin, d`après le poète français Jean de La Fontaine «II est bon de parler et meilleur de se taire ». S`il est bon de parler, je crois avoir suffisamment parlé. Mais d`un autre côté, il est aussi meilleur de se taire. II y a un temps pour tout. Et lorsqu`on est pénétré de repentir, notre devoir est de renvoyer nos rancœurs dans l`oubli. Alors, le moment est donc venu pour nous, de faire taire nos haines et de cesser nos divisions. Savoir taire nos querelles, c`est laisser venir l`oubli et accepter de nous pardonner. Et croyez-moi, notre gloire de gagner, synonyme de notre victoire, est à ce prix. C`est dire que notre devoir est de séduire et convaincre l`électeur le plus indécis.
Notre devoir est donc de construire ensemble dans l`union, cette victoire. Avec notre tempérament de gagneur, nous n`avons pas le droit de perdre cette élection. Notre devoir de gagner est si fort qu`il exige de nous, l`obligation de gagner. A l`évidence, les chances de réélection de notre candidat sont grandes. Toutefois, si la victoire de notre candidat laisse peu de place au doute, vous conviendrez avec moi, que cette bataille sera rude. Cette compétition ignore la pitié. Car rien n`est jamais définitivement acquis en matière électorale.
Toujours, dans sa grande lucidité, notre candidat nous rappelle qu`« aucune victoire n`est acquise d`avance».
Que ferions-nous, si la réalité du terrain nous imposait éventuellement un second tour?
Que seraient nos alliances? Comment remobiliser notre électorat populaire et éviter le second tour ?
(…) Malgré ces aléas, rien n`est impossible. Rien, mais absolument rien ne peut, avec la bénédiction de nos ancêtres, empêcher notre candidat de gagner. Rien ne peut empêcher celui qui est né sous une bonne étoile et qui a toujours su résister à toute épreuve, de gagner. Car beaucoup d`entre nous se souviennent encore de votre prophétie. En 1993, soit il y a de cela 16 ans, à cette même place, vous avez prophétisé l`élection à la présidence de la République de Côte d`Ivoire de celui qui était notre Secrétaire général du parti. C`était à notre sortie de prison, suite aux événements du 18 février 1992. Président, il l`est aujourd`hui. Président de la République, il le sera à nouveau demain. Mais Pourquoi serait-il réélu?
D` une part, sa victoire compenserait l`injustice dont il a souffert. Sa réélection serait la preuve irréfutable que l`élection reste le seul et unique mode d`accession au pouvoir démocratique. D`autre part, lui imputer la responsabilité de nos difficultés du moment relève en fait d`une vue de l`esprit. En effet, comment évaluer sa responsabilité dans un gouvernement où la plupart des membres sont irresponsables de ce dont ils sont sensés être responsables? Du moins, pourquoi devrait-il assumer la faute d`un gouvernement dont les membres sont majoritairement irresponsables de leur responsabilité?
Alors, le voir plébisciter à la présidence de la république le 29 novembre prochain est donc notre rêve collectif. Collectif, ce rêve nous rapproche de la réalité. C`est pour nous une obligation de résultat. Ainsi gagner, ne peut pas constituer pour nous un pari impossible à réaliser. Ce pari n`est pas un pari insensé. On ne peut donc renoncer à espérer. Jamais, nous ne pouvons désespérer tant que nous pouvons agir et gagner. Donc il vaincra, notre « Madou-gbi»! Oui, il sera élu, notre « Siemien ». Notre « Emmanuel» triomphera de tous ses adversaires! Oui il gagnera, notre « canégnon »! Même si c`était une Victoire à la Pyrrhus.
Je vous remercie.
1-Le sentiment de devoir!
Mon intervention de ce jour va s`articuler autour du sentiment de Devoir. Et le matériau composite de ce sentiment de devoir se décompose en trois éléments, à savoir: le devoir de générosité, le devoir d`oubli et de pardon et le devoir de gagner. (…)
2-Le devoir d`oubli et du pardon
(…) Durant ces longues années d`exil intérieur, j`ai beaucoup appris. Que d`interrogations sur la victime expiatoire? A dessein, on a voulu faire de moi un démissionnaire du parti- Un militant transhumant.
Un traître-Un rebelle-Un assaillant-Un Ivoirien de circonstance, etc.
Au quotidien, en se nourrissant de ces faux préjugés et mensonges, certains de nos heureux et nouveaux militants, qui, autrefois, de façon éhontée, nous vilipendaient publiquement, croient exiger de moi, la preuve de ma ferveur militante. Quelle audace !
Faut-il ou non éluder ces interrogations? Ou bien, dans le souci d`informer, afin de rassurer, ne serait-il pas plus juste de les élucider, sans forcément s`enliser dans des détails? En pareil cas, le silence aurait été de règle. Le silence, c`est en fait, rester passif. Rester passif, c`est avaler sa langue.
Mais a-t-on vraiment le droit d`avaler sa salive et laisser altérer la vérité par le silence, même si à la longue, la vérité finit toujours par triompher du mensonge? La vérité, d`après Blaise Pascal «triomphe enfin de ses ennemis parce qu`elle est éternelle». Charles Péguy ne dit pas autre chose, lorsqu`il nous fait remarquer que « Taire la vérité, n`est-ce pas déjà mentir » ? Enfin, selon Saint Jacques, ch. 3, versets 14 et 16 « ... Si vous avez dans votre cœur un zèle amer et un esprit de dispute, ne glorifiez pas et ne mentez pas contre la vérité… Car là où il y a un zèle amer et un esprit de dispute, il y a du désordre et toutes sortes de mauvaises actions ». A fortiori, ce n`est pas forcément une vertu de tout supporter sans rien dire.
Certes, la passion de la vérité peut se révéler fort dangereuse. Mais, sans la vérité, pardonner n`est qu`une illusion, une fuite en avant. Car porter un jugement sur un homme, suppose, selon Blaise Pascal, que l`on « a un point fixe pour juger », Mais où ceux qui n`ont aucun sens moral, du fait qu`ils souffrent d`une cécité morale, prendraient-ils ce point dans la morale? En fait, quand on manque de preuve, on se garde de juger. Du moins, on se tait.
Chers parents,
Pour une plus grande transparence dans nos relations actuelles et futures, le devoir de vérité exige de moi de rompre le silence, de sorte que soit substitué au verbe éluder, le verbe élucider. Toutefois, s`enfermer dans le piège de l`oubli d`insultes, dans un instant d`oubli, ne serait que vanité.
Ce faisant, mon devoir est d`évacuer définitivement le résidu de mon passé qui divise. C`est ainsi que, malgré l`esprit de réconciliation qui m`habite, le devoir de vérité m`oblige à réaffirmer ce qui est. Ma part de vérité.
Oui, j`ai démissionné en 1995 de mon poste de Secrétaire Fédéral du FPI de Gagnoa.
J`assume entièrement cette démission, même si cela n`est plus à refaire. De bonne foi, c`était pour moi, une manière vertueuse de me conformer au respect des valeurs républicaines auxquelles je reste profondément attaché. Il est donc faux et même absurde d`affirmer que j`ai démissionné du FPI et que je serais, à l`occasion de cette cérémonie, en train d`amorcer un retour.
(…) Retenons que du point de vue de la sémantique, revenir, c`est venir à nouveau. C`est s`inscrire dans un mouvement inverse ou contraire de celui de l`aller. De ce fait, il ne peut y avoir revenir sans l`aller. Dans ce jeu de mots, il est frappant de constater que le mensonge cohabite avec la vérité, qu`il tend à supplanter. Et, pour Blaise Pascal « Il y a des gens qui mentent simplement pour mentir ». On ment par plaisir. Au pire, certains d`entre nous s`engluent volontairement dans le cycle infernal du mensonge. Ces mythomanes croient abusivement à leurs mensonges, dans l`espoir vain, qu`à force d`être répété, le mensonge deviendrait la vérité.
Est-ce cela la politique? La politique serait-elle « l`art de tromper les hommes» comme nous le fait remarquer d`Alembert? Or, selon Simone de Beauvoir « la politique n`est pas un vice, ni un jeu».
(…) On peut toujours craindre que certains faits, comme « Le blasphème contre l`esprit ne sera pas pardonné» ou se pardonne difficilement. Néanmoins, selon Alfred de Musset, «A défaut de pardonner, laisser venir l`oubli ». Or, sans le pardon, l`oubli n`est que fuyant.
Fuyant, l`oubli s`évanouit et s`épuise dans l`espoir mensonger. De ce fait, dès lors que le président de la République a « sonné le pardon national », mon devoir n`est pas d`ignorer le pardon et laisser uniquement venir l`oubli. Mon devoir est de transcender les rancœurs. Mon devoir est de dominer les frustrations et surmonter les déceptions. Alors, je ne peux qu`oublier et je ne peux que pardonner, même si toutes les passions, d`après Descartes, « aiment ce qui les nourrit ». Entre frères et sœurs, entre camarades, on doit pouvoir oublier et pardonner.
En tout premier lieu, qu`il me soit permis d`exprimer ma reconnaissance à tous ceux qui m`aiment et qui ne m`ont jamais abandonné.
C`est aussi mon devoir de rassurer ceux qui doutent. Je comprends ceux qui ont douté.
Mais si le doute est permis et légitime, il ne faut pas se laisser plus longtemps dans le doute.
Le doute devient pernicieux lorsqu`il est entretenu par la médisance. Devenu pernicieux, il brouille notre vision. Il consume notre intelligence. Par ses effets corrosifs, il altère notre raison. Il déforme notre jugement.
D`autres au contraire, nourris et rongés par la vermine de la haine, sont allés au-delà du doute. En usant à souhait de la grandeur de la mauvaise foi et du mensonge, dans l`intention de tromper et de nuire, ils ont délibérément franchi le Rubicon. Il est inutile de m`attarder sur ce qui relève en fait de l`infantilisme.
A l`inverse de ces derniers, ceux qui portent encore les séquelles physiques, corporelles, visibles et cachées de la répression; ceux qui ont eu un jour à perdre injustement leur liberté pour une cause noble; ceux qui, au nom de la liberté et la démocratie, ont souffert au quotidien; ceux qui n`ont pas eu de jeunesse durant ces longues et difficiles années de clandestinité, eux, au contraire des autres, ne peuvent souffrir de troubles d`amnésie. Devoir de mémoire et de vérité oblige! Que « la sincérité soit », dira André Gide.
(…) Ceux qui savent combien j`honore la vertu, comprennent aisément que je n`ai pas à rougir du déshonneur de celui qui se sent coupable. Croyez-moi, sur la courbe des âges, je n`ai jamais perdu pied, au point de couler à pic et me noyer dans un crachat. Ma morale n`a jamais été ni flexible ni intermittente. Nullement malléable, elle ne souffre d`aucune flexuosité.
En clair, sachez que la morale n`est pas une succession d`incertitudes, de confusions et de lâchetés. Et s`il est vrai, selon le philosophe Emmanuel Kant, que «La dignité s`oppose au prix », alors soyez moralement certains de mon innocence. Je me sens moralement innocent.
À mon âge, suivant le sentier de la vertu, on ne change pas de nature, de manière à souiller sa réputation. A la limite, suivant le chemin de la vertu; on peut s`adapter à l`évolution et au changement de son temps, et vivre de son temps, sans pour autant se laisser emporter par les intempéries du moment.
Cependant, avec le recul du temps, je reconnais avec humilité, que je n`aurais pas dû démissionner de mon poste de Secrétaire fédéral. Alors je demande pardon à tous ceux qui m`aiment et ont souffert de cette démission.
Pour cette erreur commise de bonne foi, je renouvelle mes sincères et profonds regrets au frère et camarade, président de la République, Laurent Gbagbo. Merci M. le Président, d`avoir su comprendre et pardonner mon erreur de jugement. Aujourd`hui, je mesure amplement la grandeur de cette erreur de jugement. Merci d`avoir contribué au plan moral et matériel à la réussite du mariage de mon fils. Mais, quelles que soient les vicissitudes de la vie, vous ne pouvez longtemps M. le Président, et j`en suis convaincu, douter ni de ma sincérité ni de ma fidélité.
A vous, chers parents,
Après l`accueil chaleureux au mois d`avril dernier dans mon village natal, je tiens particulièrement à l`honneur d`être parmi vous. Et les mots me manquent pour vous traduire fidèlement ce que je ressens. En fait, cette cérémonie, faite de symboles, me relève des déchéances injustes. Cette cérémonie d`hommage au président de la République, me blanchit.
Cette cérémonie m`innocente. Cette cérémonie me lave des souillures imméritées. Cette cérémonie me rétablit dans l`estime publique. Cette belle cérémonie de fraternité et de réconciliation, croyez-moi, me réhabilite à juste titre auprès de mes parents.
Pour tout dire, j`ai cru entendre et comprendre que vous me demandez de me réactiver et retrouver ma vitalité. Ma réponse est « oui ». C`est un «oui» franc et sincère. Ce n`est pas un «oui» de regret et d`amertume. C`est un «oui» fait d`oubli et de pardon sincère. Mon
« oui» est un «oui ».Mon «oui» n`est pas un «non ».Du fait que mon «non» est un « non ». Et, selon Gustave Flaubert, « Il faut de chaque malheur tirer une leçon et rebondir». Et, puisque je suis encore debout, je ne peux donc désespérer. Car d`après Antoine de Saint-Exupéry, les échecs, quels qu`ils soient, « fortifient les forts »,
Chers parents, Chers camarades,
Ensemble, dans l`amitié et la fraternité loyales et sincères, je suis convaincu que nous pouvons éternellement rester débout. Car rester débout, c`est rêver ensemble. Rêver ensemble, c`est pouvoir rebondir. Rebondir, ce n`est pas se mettre à plat ventre pour se montrer servile et s`humilier. Rebondir, c`est plus tôt, emprunter irrésistiblement le chemin de l`espérance. Emprunter le chemin de l`espérance, c`est triompher de la division et de l`adversité.
Triompher de la désunion et de l`infortune, c`est faire bouger des lignes, afin de soulever dans l`union et la fraternité, les montagnes du sous-développement. Comment s`y prendre pour vaincre la pauvreté? A vrai dire, dans ce domaine, notre effort aurait été vain, si cela ne se traduisait pas par notre devoir de gagner.
3- Le devoir de gagner
(…) Dans un instant d`oubli, peu importe que le FPI, dans sa volonté de conquérir le pouvoir d`Etat, s`adapte aux réalités du terrain, de sorte à ratisser large, et devienne un «Parti attrape-tout ». Car les voix des militants sont aussi nécessaires que celles de simples sympathisants et admirateurs de notre candidat. Nous avons besoin de leurs voix pour gagner.
Mais les sympathisants et autres admirateurs n`ont pas besoin d`être des militants du parti.
Fondamentalement, ils ne sont pas des nôtres. On ne construit pas l`avenir avec de simples passants. On ne peut refonder la Côte d`Ivoire avec des voltigeurs. Certains d`entre eux, connus sous l`appellation de «loups-garous », sont des êtres malfaisants. Éternellement changeants, ils se distinguent particulièrement par leur extrême mobilité. Sans répit, ils papillonnent dans l`espace politique ivoirien.
En fait, dans la quête des électeurs, on assiste de plus en plus à un faible enracinement idéologique dans notre parti. Les clivages idéologiques y sont désormais moins prononcés ou inexistants. En effet, dans sa reconversion de s`orienter vers la recherche systématique des électeurs, on tend à récuser l`idéologie. Dans la recherche de l`efficacité électorale, on abandonne notre référent originel. L`idéologie de la « social démocratie» est reléguée au second rang. On se préoccupe moins de la formation de nos militants dont la plupart sont des laissés-pour-compte. On ne se préoccupe guère des vertus sociales. On s`enlise dans des querelles de personne. On s`ankylose par l`absence ou l`immobilisme idéologique. «Parti attrape-tout» ou « Parti d`électeurs» pour le besoin des élections, il n`est point nécessaire de le demeurer, en tout temps et en toute circonstance.
Pis encore, certains de nos camarades, autrefois véritables tribuns, sont désormais pris à l`étau de la carrière. Ils se réfugient dans une« cachette murée ». Prisonniers du piège de cette ambition personnelle trop soutenue et devenue geôlière, ils se murent. Rien!
Absolument rien ne doit, en pensée, en parole, par action et par omission, trahir leur vécu quotidien. Risquer la moindre erreur qui puisse contrarier ou tourmenter leur ascension sociale devient suicidaire. Coûte que coûte, on s`accroche à son destin. Pris dans cet engrenage d`ambition personnelle, on se fabrique des illusions, des fantasmes. C`est ainsi que l`étau de l`ambition personnelle trop soutenue et geôlière, finit par empoisonner l`essor du parti.
Enfin, les ambitions personnelles souvent mal contenues, affectent dangereusement le levain de notre espérance. En rêvant sans cesse de fortune, on oublie la vertu. Or, rêver à la vertu serait déjà à demi vertu. C`est dire que le couple pouvoir/vertu, peut se comporter autrement que le mouvement balancier du sablier.
(…) Le rôle historique qui a toujours été le nôtre et pour lequel nous avons conquis le pouvoir d`Etat ne peut se diluer dans l`insouciance des ambitions personnelles. Il ne peut se dissocier de notre capacité à faire sienne la vertu et ainsi contribuer à la gestion de la cité et à l`éducation civique du citoyen. Notre devoir dans l`exercice du pouvoir et dans la nouvelle conquête du pouvoir, est de nourrir le débat politique, de diffuser et d`exalter les valeurs de vertu sociale. Notre devoir est de tuer en nous l`égoïsme. Notre devoir est de développer en nous le sens élevé du partage, c`est-à-dire le devoir de générosité nourri par le devoir de solidarité.
En somme, au sens de la générosité nourrie par la vertu, la recherche du mieux-être social par le travail et la solidarité, est le credo de notre combat contre la pauvreté. La mentalité du gain facile est notre totem. Le vol est notre interdit. L`enrichissement illicite est notre péché.
La corruption est notre déshonneur. La tricherie est notre honte. La vertu est notre thérapie.
Cet antidote est l`ultime garant de notre espérance.
En un mot, nous devons revisiter la refondation et corriger nos erreurs. Revisiter la refondation, c`est rêver d`une Côte d`Ivoire qui travaille et excelle dans le mérite et ce, autour du triptyque «Compétence-Vertu-Dévouement ». Nous ne voulons pas d`une Côte d`Ivoire qui triche et paresse. A la limite, faire de la paresse et la triche les idéologies motrices de la refondation, c`est encourager notre jeunesse à ne pas s`élever d`elle-même. En fait, si nous n`émergeons pas de cette misère morale, le pire serait à venir. Le pire serait de se faire le complice de l`avènement d`une société profondément injuste avec une stratification sociale à deux pôles extrêmes. On aurait des « très pauvres », appauvris par des« très riches », injustement ou mal enrichis. Ce serait alors la fin du rêve de notre révolution sociale.
De cette grille d`analyse et d`évaluation, on s`aperçoit que notre devoir est d`apporter notre soutien franc, sincère et univoque au président de la République, dans sa lutte légitime, républicaine et implacable contre la racaille. A bien y regarder de près, le président de la République pouvait-il agir autrement? Son inaction ou sa passivité n`aurait-elle pas été interprétée comme un acte d`immoralité? Car, accorder le refuge ou l`asile doré aux individus sans foi ni loi, ne peut que contrarier notre conscience citoyenne. C`est en fait, violer notre foi républicaine. Or, dans son combat pour la vertu, nous ne l`avons pas suffisamment soutenu.
En effet, il n`est pas une tâche plus urgente que la moralisation de la vie publique. Dès lors, il ne faut plus se contenter de la formule impersonnelle du genre « des têtes vont tomber ».
Que les biens de ces prédateurs, acquis dans le mal et dans le déshonneur, reviennent à l`Etat.
Toutefois, le « glaive institutionnel », maillon essentiel de la justice sociale, se serait avili, abâtardi, s`il s`en prenait aux innocents, aux faibles, au point de s`apparenter à la machine infernale et aveugle de « la terreur arbitraire de la guillotine ». C`est la ligne de la honte que nous n`avons pas le droit de franchir, au risque de perdre notre crédibilité.
(…) Pourquoi devons-nous soutenir ce combat républicain? Ce combat de la refondation, de salut public et de l`espérance?
En effet, si le dictionnaire français est assez avare sur l`écriture et la définition du mot « refondation », il reste que refonder, c`est réinventer l`écriture et le sens de la refondation.
C`est en fait, remodeler, restructurer positivement le contenant et le contenu de l`existant.
Refonder, ce n`est pas masquer la réalité. Refonder, c`est pouvoir oser, afin de révolutionner avec audace et hardiesse, ce qui est. Refonder, c`est en fait, changer nos mentalités, nos comportements et nos manières de vivre. Pour ainsi dire, refonder, c`est en fait, inculquer à notre jeunesse, les valeurs du civisme, notamment les vertus sociales.
Fait de rupture, de discontinuité, de vertus sociales, donc de I`espérance, refonder se confond avec la révolution sociale. Refonder, c`est trouver la vertu réparatrice de notre société en décadence, pour résister et demeurer débout. C`est en fait, dans la recherche du mieux-être collectif, opérer une différence de nature, entre ce qui était, ce qui est, et ce qui devait être.
Faire en sorte que ce qui est, soit quantitativement et qualitativement distinct, de ce qui ne, dit pas être, ou ne devrait pas être.
Ainsi, établir une simple gradation linéaire et quantitative entre le passé et le présent, sans relation avec le progrès social, relève d`une erreur de jugement. C`est en fait, reproduire servilement notre passé honteux. Et, cette erreur de sémantique est en partie l`œuvre de nos « ouvriers de la onzième heure »,
En effet, à force de transgresser les vertus sociales, ces «Refondateurs -jouisseurs », n`ont que la verve de la refondation. Heureusement minoritaires, ces femmes et hommes de petite vertu, ces aventuriers politiques, ignorent le «Verbe » de la refondation. C`est dire que la verve, sans le Verbe, ne peut que ruiner la vertu de la refondation. Or, ignorer sciemment la vertu, c`est se perdre dans le flot de l`insouciance.
Mais hélas, au quotidien, on se rend compte, selon La Rochefoucauld, que les « vertus se perdent dans l`intérêt comme les fleuves se perdent dans la mer ». Est-ce à dire que nous devons laisser la refondation se dissoudre dans le flot de l`indifférence? Dissoute dans l`absence de conscience collective, la refondation devrait-elle s`anéantir au point de s`épuiser dans le néant? La refondation serait-elle une œuvre promise à l`oubli? Que deviendrait donc l`espérance pour ceux qui aspirent à un mieux-être et que nous n`avons pas le droit de pousser jusqu`à l`oubli? A la vérité, on s`aperçoit au quotidien, que« l`espérance est le levain de toute entreprise humaine ». Mais lorsque l`horizon est fermé, d`après le dramaturge français Molière, «On finit par perdre tout espoir lorsqu`on attend sans cesse ». Bien mieux, Victor Hugo nous enseigne que « Le désespoir est un compteur, il additionne tout ». En fait, céder au désespoir, c`est se nourrir continuellement des frustrations et des rancœurs. On ne peut donc désespérer.
(…) Au quotidien, dans la perspective de l`élection présidentielle, notre devoir est d`appuyer et de nourrir la vision noble du chef de l`Etat, à savoir: la modernisation de la Côte d`Ivoire, l`amélioration du service public, le respect de l`ordre et le renforcement de l`autorité de l`Etat, l`éradication de la corruption en vue de la moralisation de vie publique, la lutte contre la pauvreté, la lutte pour l`égalité, définie comme un puissant facteur de cohésion sociale, la réforme de l`âge de la retraite, l`élaboration d`un plan spécial pour la reconstruction des zones de guerre, la promotion de la justice, la protection de la liberté, des droits de l`homme et des libertés publiques, le développement de la démocratie, la lutte pour une paix durable à travers la réconciliation des ivoiriens, la fortification de la conscience de la république: une, indivisible, laïque et citoyenne. Sinon, notre levain, notre providence, serait incompris.
Incompris, notre inertie ou passivité ne peut que le fragiliser. Dès lors, comment le préserver contre ses détracteurs ?
Certes, nous respectons le choix judicieux de notre candidat. Mais le parti qui n`est, ni le doublon ni le clone de son candidat, doit pouvoir apporter une valeur ajoutée à son équation personnelle. Quelles sont donc nos analyses et quel est notre bilan de la crise actuelle? A quand notre prochain congrès? Que devient la jeunesse du parti, notre vivier? Que reste-t-il encore de OFPI? A-t-on un programme électoral susceptible de consolider celui du candidat? Quelle est notre vision du futur? En fait, on ruse et on s`use à la routine. Or, on ne gagne pas une élection présidentielle avec du réchauffé. On ne gagne pas une élection en s`abonnant à l`improvisation. Sommeilleux, éternellement attentiste, comment sortir le parti et ses démembrements de cette crise de somnambulisme, lorsque tout semble aller à vau-l`eau?
Pour gagner, le FPI a besoin de se transformer en une véritable machine électorale.
Pour ce qui est du renforcement du parti, au plan interne, notre devoir est de fédérer toutes les intelligences, afin d`assurer la cohésion du parti. Au plan externe, notre devoir est de ramener à la maison, tous ceux qui l`ont quittée ou se sont éloignés d`elle. En la matière, suivant le mouvement alternatif des quatre règles de l`arithmétique, l`addition vaut mieux que
la soustraction.
Chers parents, Chers camarades,
En dernière instance, pour gagner, nous devons construire notre victoire. Oui! « On gagne on gagne». Donc «du jamais-jamais». Mais au quotidien, qu`est-ce que je fais pour gagner et éviter le «jamais-jamais» synonyme d`échec.
Construire notre victoire, c`est, avec dévouement et persévérance, s`engager patiemment et résolument dans la campagne de proximité. C`est en fait, faire du porte-à-porte dans les villes, villages, campements et quartiers. Le jour des élections, notre devoir est de faire sortir les électeurs. De nos maisons, de nos bureaux, de nos usines, de nos chantiers, de nos universités, de nos écoles, de nos marchés, de nos champs. Notre devoir est d`aller à la rencontre des citoyens, quels qu`ils soient, en vue de faire d`eux des nôtres à l`occasion de la nouvelle conquête du pouvoir. Nous devons les séduire par l`originalité et la force de persuasion de notre programme. Pour gagner, aucune voix ne doit lui manquer. Car avec une voix en plus, on peut gagner une élection. De même, avec une voix en moins, on peut perdre une élection. Donc une seule voix suffit pour faire la différence.
Chers parents, Chers camarades,
Notre devoir est d`expliquer à tous, les enjeux de cette élection présidentielle. En effet, si l`on ne bâtit pas l`avenir avec des passants, on ne gagne pas une élection présidentielle uniquement avec des militants. Nous devons inviter les électeurs à retirer leurs cartes d`électeurs. Nous devons assister ceux qui auraient été injustement omis à l`occasion de l`opération
d`identification. Cette opération est à renouveler lors de la distribution des cartes d`électeurs.
Nous devons expliquer aux électeurs l`utilisation du bulletin unique. Nous devons leur apprendre comment voter, afin d`éviter les bulletins nuls. Nous devons combattre le danger de l`abstention. Combattre l`abstentionnisme, c`est convaincre le jour des élections, nos électeurs à aller voter massivement au même moment et non à l`heure de leur choix. Mais combien sont-ils ces électeurs de mon village, de mon campement, de mon quartier et de ma ville? Où seront demain les .différents bureaux de vote?
Enfin, d`après le poète français Jean de La Fontaine «II est bon de parler et meilleur de se taire ». S`il est bon de parler, je crois avoir suffisamment parlé. Mais d`un autre côté, il est aussi meilleur de se taire. II y a un temps pour tout. Et lorsqu`on est pénétré de repentir, notre devoir est de renvoyer nos rancœurs dans l`oubli. Alors, le moment est donc venu pour nous, de faire taire nos haines et de cesser nos divisions. Savoir taire nos querelles, c`est laisser venir l`oubli et accepter de nous pardonner. Et croyez-moi, notre gloire de gagner, synonyme de notre victoire, est à ce prix. C`est dire que notre devoir est de séduire et convaincre l`électeur le plus indécis.
Notre devoir est donc de construire ensemble dans l`union, cette victoire. Avec notre tempérament de gagneur, nous n`avons pas le droit de perdre cette élection. Notre devoir de gagner est si fort qu`il exige de nous, l`obligation de gagner. A l`évidence, les chances de réélection de notre candidat sont grandes. Toutefois, si la victoire de notre candidat laisse peu de place au doute, vous conviendrez avec moi, que cette bataille sera rude. Cette compétition ignore la pitié. Car rien n`est jamais définitivement acquis en matière électorale.
Toujours, dans sa grande lucidité, notre candidat nous rappelle qu`« aucune victoire n`est acquise d`avance».
Que ferions-nous, si la réalité du terrain nous imposait éventuellement un second tour?
Que seraient nos alliances? Comment remobiliser notre électorat populaire et éviter le second tour ?
(…) Malgré ces aléas, rien n`est impossible. Rien, mais absolument rien ne peut, avec la bénédiction de nos ancêtres, empêcher notre candidat de gagner. Rien ne peut empêcher celui qui est né sous une bonne étoile et qui a toujours su résister à toute épreuve, de gagner. Car beaucoup d`entre nous se souviennent encore de votre prophétie. En 1993, soit il y a de cela 16 ans, à cette même place, vous avez prophétisé l`élection à la présidence de la République de Côte d`Ivoire de celui qui était notre Secrétaire général du parti. C`était à notre sortie de prison, suite aux événements du 18 février 1992. Président, il l`est aujourd`hui. Président de la République, il le sera à nouveau demain. Mais Pourquoi serait-il réélu?
D` une part, sa victoire compenserait l`injustice dont il a souffert. Sa réélection serait la preuve irréfutable que l`élection reste le seul et unique mode d`accession au pouvoir démocratique. D`autre part, lui imputer la responsabilité de nos difficultés du moment relève en fait d`une vue de l`esprit. En effet, comment évaluer sa responsabilité dans un gouvernement où la plupart des membres sont irresponsables de ce dont ils sont sensés être responsables? Du moins, pourquoi devrait-il assumer la faute d`un gouvernement dont les membres sont majoritairement irresponsables de leur responsabilité?
Alors, le voir plébisciter à la présidence de la république le 29 novembre prochain est donc notre rêve collectif. Collectif, ce rêve nous rapproche de la réalité. C`est pour nous une obligation de résultat. Ainsi gagner, ne peut pas constituer pour nous un pari impossible à réaliser. Ce pari n`est pas un pari insensé. On ne peut donc renoncer à espérer. Jamais, nous ne pouvons désespérer tant que nous pouvons agir et gagner. Donc il vaincra, notre « Madou-gbi»! Oui, il sera élu, notre « Siemien ». Notre « Emmanuel» triomphera de tous ses adversaires! Oui il gagnera, notre « canégnon »! Même si c`était une Victoire à la Pyrrhus.
Je vous remercie.