Des individus qui font montre d'un africanisme de mauvais aloi, trouvent encore des arguments pour défendre la junte au pouvoir en Guinée. Ceux-ci ne décolèrent pas contre les médias occidentaux et une bonne partie de l'opinion africaine, qu’ils accusent de clouer au pilori, sans raisons valables, les militaires qui contrôlent le pays du Fouta-Djalon. Pour les tenants de cette thèse, qui s'insurgent contre le départ de la junte, Dadis Camara est victime d'un acharnement de la part de certaines puissances étrangères. Comme Robert Mugabé qu'on dit « séquestré » par les occidentaux au profit de son illustre opposant Morgan Tviganrai, Dadis Camara serait la nouvelle bête noire, l'empêcheur de tourner en rond qu'on veut « liquider » au bénéfice de ses opposants, plus malléables, dans le but de spolier les richesses de la Guinée. Ils en veulent pour preuve, des événements qui se sont déroulés sur le continent et qui n'ont pas à leurs yeux, soulevé autant de passion à travers le monde. Les cas du Togo, du Gabon, de la Mauritanie et du Niger, des pays où la démocratie a été très souvent mise à mal, sont entre autres cités. Pour les partisans de Dadis Camara, de fait, l’on applique la formule des « deux poids deux mesures », dans l'appréciation de la situation en Guinée. Et ici, c'est principalement l'Occident, régulièrement soupçonné ou accusé d’être à l’origine de tous les maux dont l'Afrique souffre, qui est encore mis au banc des accusés. L’ACP, une O.N.G camerounaise, estime que le peuple guinéen « serait » victime d’une manipulation de mains occultes. « Combien de morts faut-il avoir après des manifestations pacifiques pour susciter un matraquage médiatique à la hauteur de celui que subissent les Guinéens et les Africains en ce moment ? Une main occulte serait derrière ces atrocités », peut- on lire dans un communiqué foireux publié il y a de cela quelque jours. Le Malien Oumar Mariko, président du parti SADI (Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance) dont les propos sont rapportés par le site internet KOACI soutient pour sa part que la France est en partie responsable des troubles en Guinée parce qu’elle veut « transformer ce pays en une sucette » pour son économie. Que dire à la suite de ces différents commentaires, provenant surtout d'une certaine élite ? En effet, comment comprendre qu’un monsieur comme Oumar Mariko - à moins qu'il ait baissé la garde - celui-là même qui a laissé à la jeunesse africaine l'image d'un militant estudiantin à cheval sur les principes démocratiques et qui en 1991 a participé activement aux manifestations contre le régime du putschiste dictateur Moussa Traoré, puisse aujourd’hui banaliser, à ce point, la volonté du peuple guinéen d’en finir avec ces longues années de dictature ? Qu'on se le dise une fois pour toutes, dans cette affaire, il est par-dessus tout question d’un massacre de civils qui voulaient user naturellement de leur liberté d’opinion. La tentative de diversion qui veut que les Guinéens soient victimes d’un plan de déstabilisation orchestré par une puissance étrangère dans le but de s'approprier leur pays ne peut donc prospérer. En effet, Il est de notoriété publique, que ce sont des Guinéens en tenue qui ont tiré sur des civils guinéens et on est amené à se demander, en quoi la France ou les puissances occidentales sont-elles impliquées dans ce massacre perpétré par l'armée dirigée par Moussa Dadis Camara ? Pour mémoire, le putschiste s’est installé dans le fauteuil présidentiel, sans avoir véritablement subi les foudres de l'opinion internationale ! En réalité, son discours de prise de pouvoir a nourri des espoirs et l’on croyait qu’il allait absolument œuvrer à l'instauration de la démocratie dans son pays. « L'homme providentiel » a eu les mains libres jusqu’à ce que soient massacrés, lâchement par ses militaires, des Guinéens qui protestaient contre son intention de se maintenir au pouvoir. C'est cela la vérité ; le reste n'est que pure affabulation. A l'orée du cinquantenaire des indépendances des pays de l'Afrique francophone, les réactions qui fusent de partout, à la suite des atrocités de Conakry, devraient être interprétées comme le signe d'un sentiment de ras-le-bol, partagé par beaucoup, aussi bien en Afrique qu'ailleurs. La situation en Guinée est assez exceptionnelle en ce qu’elle intervient à l'heure du bilan dans la plupart des pays de l'Afrique francophone. Ce massacre gratuit vient donc mettre à nu l'une des tares du continent que beaucoup voudraient désormais voir extirper. Cet « acharnement » contre la junte au pourvoir en Guinée illustre en effet la volonté des Africains de rompre irrémédiablement avec un passé chaotique. L'Afrique actuelle, après un demi-siècle « d'autonomie » aspire à s'exercer résolument à la démocratie, facteur de paix et de développement. Le continent veut dorénavant mettre un terme aux vieilles habitudes, aux coups d’Etat, et autres abus, pour se tourner définitivement vers le progrès. Ce cinquantenaire est assurément l’occasion de réfléchir sur notre condition. Qu’avons-nous fait de notre « indépendance » et qu’envisageons-nous pour l’avenir ? Des éléments de réponse se trouvent sûrement dans cette incroyable mobilisation des Africains contre la sauvagerie, manifestée en faveur de la Guinée. C’est pourquoi, nous souhaitons comme Tiken Jah, qu’il faut « que les responsabilités soient situées et surtout que les coupables soient punis pour éviter que cela se répète, parce qu’il y a trop de laisser-aller en Afrique ».
Par Axel Illary
Par Axel Illary