S’il y a, ces derniers temps, quelqu’un sur la scène politique ivoirienne, qui montre des signes ostensibles de bonheur, d’extase, voire même de plaisir quasi physique, c’est le sieur Paul Yao N’Dré. Sa joie est telle qu’on aurait dit – ce n’est évidemment pas le cas - un enfant à qui son père a offert des jouets auxquels il ne s’attendait pas. L’homme ne tient plus sur ses deux pieds. Il est dans les nuages et, pour peu qu’il redescende sur terre, court dans tous les sens.
Qu’est-ce qui a transformé ce Professeur agrégé de droit en véritable feu follet de notre espace politique ? Eh bien, vous l’aurez deviné, sa nomination le 8 aout dernier, au poste de président du Conseil constitutionnel par Laurent Gbagbo.
Il y a peut-être de quoi grimper les murs pour ce véritable exhumé de la scène politique, qui, après avoir été, courant 2002, ministre de l’Intérieur, en remplacement – s’il vous plait – de feu le grand Boga Doudou, était quasi réduit ces dernières années, à inaugurer les rares chrysanthèmes défraichis de Hiré-Wata, une bourgade perdue dans le département de Divo d’où il est originaire et où il a été élu député et président du Conseil général. Une traversée du désert au goût d’autant plus amer, qu’éconduit de ce ministère de souveraineté, « Pablo » n’avait pas connu meilleur sort à la direction de l’ENA d’où, Gbagbo en personne l’avait à nouveau évincé pour pratiques peu orthodoxes à relent népotique et clientéliste.
Dès lors, comment ne pas comprendre la joie d’un tel homme à qui, alors qu’il s’y attendait le moins, on vient offrir, non plus un ministère, mais une institution de la République ! Gloire, décadence et, à nouveau, gloire ! Qui aurait résisté à un tel scénario idyllique ?
En tout cas, ce n’est pas Paul Yao N’Dré. Surtout que depuis sa prise de fonction, il ne se passe plus de jour sans que la presse ne parle de lui. Sans que la télé ne le montre dans toutes ses coutures. Il faut dire que l’homme y contribue fort. Lui qui a entrepris depuis lors de parcourir, sans qu’on ne l’y ait invité, les autres institutions de la République, les sièges de partis politiques, de groupements syndicaux, de confessions religieuses, etc. Il est au four et au moulin, et les feux de la rampe avec lui. Il a une telle idée de l’importance, voire de la prépondérance de sa nouvelle fonction sur les autres, qu’il refuse de se murer dans la réserve que lui exige celle-ci et qu’il avait lui-même humblement reconnu lors de son investiture ; « Notre position, disait-il alors, nous incline à adopter la neutralité, l’impartialité et l’ouverture. Au non du Conseil constitutionnel, nous sommes à la disposition de la République ».
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de cette belle profession de sagesse, et, passé les moments de réjouissance, voici que l’irréparable auquel on s’attendait plus ou moins se produit : Paul Yao N’Dré a attrapé la grosse tête ! L’ivresse du pouvoir a tellement eu raison de lui que ce monsieur n’est plus loin de se considérer comme celui par qui le destin de la Côte d’Ivoire, qui négocie un tournant décisif de son histoire, doit passer.
Pablo est convaincu d’une chose : s’il a été nommé président du Conseil constitutionnel en ce moment précis, c’est-à-dire, à la veille d’échéances électorales considérées comme les plus importantes de l’histoire récente de notre pays, c’est qu’il est lui-même important. Et un homme important, ça s’impose, ça donne des leçons, ça prend le contre-pied de ce qui est décidé par l’ensemble. Un homme important, c’est celui dont la décision balaie toutes les autres prises auparavant.
Voici l’état d’esprit dans lequel Yao N’Dré se trouve en ce moment. L’état d’esprit de Superman. L’état d’esprit d’un homme incontournable et auquel personne, ni en Côte d’Ivoire ni ailleurs ne peut imposer ses vues.
Le voila donc, depuis quelques jours, qui se met à défier tout le monde. A multiplier les déclarations, toutes aussi « confligènes » les unes que les autres. Lui qui avait juré la main sur le cœur, lors de ses rondes au sein des différents états-majors politiques, que seules la paix et la concorde au sortir des élections guideraient son action, tient aujourd’hui un discours aux antipodes de cette belle disposition d’esprit.
Alors qu’il avait reconnu sa tâche aisée du fait que l’accord de Marcoussis avait réglé le cas d’un certain nombre de candidats – en l’occurrence Ouattara et Bédié – le voilà qui embouche la trompète du reniement de la parole donnée : « les accords ne désignent pas les candidats », lance-t-il à qui veut l’entendre. Sous-entendu : « je mets les différents accords politiques sous le boisseau, seule la constitution compte pour moi ». C’est le même Yao N’dré qui ose exhumer le débat sur le désarmement avant les élections, que tout le monde avait fini par lâcher du fait qu’il avait été solutionné par l’Accord complémentaire 4 de Ouagadougou. Yao N’Dré parle sans discontinuer et, tout porte à croire qu’il a retrouvé la verve et la haine que tout le monde lui connaît dans ce pays, s’agissant surtout des opposants dont un certain Ouattara. Tout porte surtout à croire que le feu vert lui a été donné par celui qui l’a nommé pour passer à l’offensive et afficher les vrais desseins qui animent le pouvoir Gbagbo s’agissant des élections à venir : parvenir coûte que coûte à confisquer le pouvoir, d’une façon ou d’une autre.
Et pourtant, ce monsieur, tout président du Conseil constitutionnel qu’il est, n’est pas vraiment l’homme puissant qu’il croit être. L’institution qu’il dirige n’est qu’une chambre d’enregistrement qui n’a aucune primauté sur les Accords politiques. Yao N’Dré, malgré le grand bruit qu’il fait, n’a pas pouvoir d’invalider une candidature adoubée par l’Accord de Pretoria. Il n’a pas, non plus, le pouvoir de remettre en cause un résultat d’élection que la CEI aura entériné. L’image à laquelle cet homme fait penser est celle de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Le risque, on le voit, est de ne pas exploser à force de pousser…
KORE EMMANUEL
Qu’est-ce qui a transformé ce Professeur agrégé de droit en véritable feu follet de notre espace politique ? Eh bien, vous l’aurez deviné, sa nomination le 8 aout dernier, au poste de président du Conseil constitutionnel par Laurent Gbagbo.
Il y a peut-être de quoi grimper les murs pour ce véritable exhumé de la scène politique, qui, après avoir été, courant 2002, ministre de l’Intérieur, en remplacement – s’il vous plait – de feu le grand Boga Doudou, était quasi réduit ces dernières années, à inaugurer les rares chrysanthèmes défraichis de Hiré-Wata, une bourgade perdue dans le département de Divo d’où il est originaire et où il a été élu député et président du Conseil général. Une traversée du désert au goût d’autant plus amer, qu’éconduit de ce ministère de souveraineté, « Pablo » n’avait pas connu meilleur sort à la direction de l’ENA d’où, Gbagbo en personne l’avait à nouveau évincé pour pratiques peu orthodoxes à relent népotique et clientéliste.
Dès lors, comment ne pas comprendre la joie d’un tel homme à qui, alors qu’il s’y attendait le moins, on vient offrir, non plus un ministère, mais une institution de la République ! Gloire, décadence et, à nouveau, gloire ! Qui aurait résisté à un tel scénario idyllique ?
En tout cas, ce n’est pas Paul Yao N’Dré. Surtout que depuis sa prise de fonction, il ne se passe plus de jour sans que la presse ne parle de lui. Sans que la télé ne le montre dans toutes ses coutures. Il faut dire que l’homme y contribue fort. Lui qui a entrepris depuis lors de parcourir, sans qu’on ne l’y ait invité, les autres institutions de la République, les sièges de partis politiques, de groupements syndicaux, de confessions religieuses, etc. Il est au four et au moulin, et les feux de la rampe avec lui. Il a une telle idée de l’importance, voire de la prépondérance de sa nouvelle fonction sur les autres, qu’il refuse de se murer dans la réserve que lui exige celle-ci et qu’il avait lui-même humblement reconnu lors de son investiture ; « Notre position, disait-il alors, nous incline à adopter la neutralité, l’impartialité et l’ouverture. Au non du Conseil constitutionnel, nous sommes à la disposition de la République ».
Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts de cette belle profession de sagesse, et, passé les moments de réjouissance, voici que l’irréparable auquel on s’attendait plus ou moins se produit : Paul Yao N’Dré a attrapé la grosse tête ! L’ivresse du pouvoir a tellement eu raison de lui que ce monsieur n’est plus loin de se considérer comme celui par qui le destin de la Côte d’Ivoire, qui négocie un tournant décisif de son histoire, doit passer.
Pablo est convaincu d’une chose : s’il a été nommé président du Conseil constitutionnel en ce moment précis, c’est-à-dire, à la veille d’échéances électorales considérées comme les plus importantes de l’histoire récente de notre pays, c’est qu’il est lui-même important. Et un homme important, ça s’impose, ça donne des leçons, ça prend le contre-pied de ce qui est décidé par l’ensemble. Un homme important, c’est celui dont la décision balaie toutes les autres prises auparavant.
Voici l’état d’esprit dans lequel Yao N’Dré se trouve en ce moment. L’état d’esprit de Superman. L’état d’esprit d’un homme incontournable et auquel personne, ni en Côte d’Ivoire ni ailleurs ne peut imposer ses vues.
Le voila donc, depuis quelques jours, qui se met à défier tout le monde. A multiplier les déclarations, toutes aussi « confligènes » les unes que les autres. Lui qui avait juré la main sur le cœur, lors de ses rondes au sein des différents états-majors politiques, que seules la paix et la concorde au sortir des élections guideraient son action, tient aujourd’hui un discours aux antipodes de cette belle disposition d’esprit.
Alors qu’il avait reconnu sa tâche aisée du fait que l’accord de Marcoussis avait réglé le cas d’un certain nombre de candidats – en l’occurrence Ouattara et Bédié – le voilà qui embouche la trompète du reniement de la parole donnée : « les accords ne désignent pas les candidats », lance-t-il à qui veut l’entendre. Sous-entendu : « je mets les différents accords politiques sous le boisseau, seule la constitution compte pour moi ». C’est le même Yao N’dré qui ose exhumer le débat sur le désarmement avant les élections, que tout le monde avait fini par lâcher du fait qu’il avait été solutionné par l’Accord complémentaire 4 de Ouagadougou. Yao N’Dré parle sans discontinuer et, tout porte à croire qu’il a retrouvé la verve et la haine que tout le monde lui connaît dans ce pays, s’agissant surtout des opposants dont un certain Ouattara. Tout porte surtout à croire que le feu vert lui a été donné par celui qui l’a nommé pour passer à l’offensive et afficher les vrais desseins qui animent le pouvoir Gbagbo s’agissant des élections à venir : parvenir coûte que coûte à confisquer le pouvoir, d’une façon ou d’une autre.
Et pourtant, ce monsieur, tout président du Conseil constitutionnel qu’il est, n’est pas vraiment l’homme puissant qu’il croit être. L’institution qu’il dirige n’est qu’une chambre d’enregistrement qui n’a aucune primauté sur les Accords politiques. Yao N’Dré, malgré le grand bruit qu’il fait, n’a pas pouvoir d’invalider une candidature adoubée par l’Accord de Pretoria. Il n’a pas, non plus, le pouvoir de remettre en cause un résultat d’élection que la CEI aura entériné. L’image à laquelle cet homme fait penser est celle de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf. Le risque, on le voit, est de ne pas exploser à force de pousser…
KORE EMMANUEL