Chargé par le peuple de veiller au strict respect des conditions d`éligibilité stipulées par la Constitution, le Conseil constitutionnel se permet des libertés avec la Loi fondamentale, qui font douter de son impartialité en tant que juge des élections.
Dans la clameur de satisfaction générale qui a suivi la publication de la liste des candidats à la présidentielle prochaine, personne ne semble s`émouvoir du fait que le Conseil constitutionnel marche allègrement sur la loi. Et notamment sur la Loi fondamentale : la Constitution. En effet, le 28 octobre 2009 dernier, l`institution dirigée par le Pr. Paul Yao N`Dré, a, par décision n°CI-2009-EP-026/28-10/CC/SG, rendu publique la liste des pièces exigibles des candidats à l`élection présidentielle. Ce sont :
● Une déclaration personnelle de candidature revêtue de la signature du candidat
● Une lettre d`investiture du ou des parti(s) politique(s) qui parraine(nt) la candidature s`il y a lieu
● Le reçu d`un cautionnement de vingt millions de francs CFA
● Un extrait d`acte de naissance du candidat ou le jugement supplétif en tenant lieu
● Une attestation de régularité fiscale ou tout autre document permettant de s`acquitter de ses impôts.
C`est donc sur la base de ces documents que les 14 prétendants au magistère suprême ont vu leurs candidatures validées. En se limitant à cela, le Conseil constitutionnel choisit d`appliquer la Constitution, qui fonde son existence même, de façon partiale et partielle. La Constitution du 1er août 2000, en son article 35, définit dix conditions pour être accepté comme présidentiable. Cet article dit clairement ceci :
« Article 35 :
Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n`est rééligible qu`une fois.
Le candidat à l`élection présidentielle doit être âgé de quarante ans au moins et de soixante quinze ans au plus.
Il doit être ivoirien d`origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d`origine.
Il doit n`avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne.
Il ne doit s`être jamais prévalu d`une autre nationalité.
Il doit avoir résidé en Côte d`Ivoire de façon continue pendant cinq années précédant la date des élections et avoir totalisé dix ans de présence effective.
L`obligation de résidence indiquée au présent article ne s`applique pas aux membres des représentations diplomatiques et consulaires, aux personnes désignées par l`État pour
occuper un poste ou accomplir une mission à l`étranger, aux fonctionnaires internationaux et aux exilés politiques.
Le candidat à la Présidence de la République doit présenter un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins désignés par le Conseil Constitutionnel sur une liste proposée par le Conseil de l`Ordre des Médecins.
Ces trois médecins doivent prêter serment devant le Conseil Constitutionnel.
Il doit être de bonne moralité et d`une grande probité. Il doit déclarer son patrimoine et en justifier l`origine. »
Comme on peut le constater, le Conseil constitutionnel n`a pas fait vérifier la bonne santé physique et mentale de ceux qui aspirent à nous gouverner, nous les 20 millions d`habitants du carré éburnéen. Y`a-t-il parmi eux des aliénés mentaux, des psychopathes en puissance, des malades d`Alzheimer, des malades en phase terminale d`une affection chronique… Personne ne sait. Serons-nous gouvernés par un président à demi lucide comme ce fut le cas en Russie sous la présidence de Boris Eltsine ? Le collège des médecins, qui aurait pu détecter cela, n`a pas été nommé par Yao N`Dré et ses amis.
Allons nous confier le Trésor public à une fripouille ?
En outre, la Loi fondamentale exige de chacun des postulants qu`il nous fasse l`état de ses biens et, surtout, qu`il nous explique comment il a pu se procurer ses biens-là. On dit que le poisson pourrit toujours par la tête. La gangrène de la corruption s`installe inéluctablement dans un pays s`il est dirigé par une fripouille, un bandit. Un candidat qui a passé sa vie à accumuler des richesses de façon interlope aura du mal à justifier la provenance de cette richesse-là. Si nous ne procédons pas à cette vérification minimale en démocratie, comment pourrions-nous savoir s`il ne se cache pas dans nos candidats un forban qui, une fois élu, fera main basse sur le Trésor public ? Les exemples récents dans notre pays montrent que la probité et l`intégrité n`ont pas toujours été le fort de nos dirigeants. En doutez-vous ? Faites un tour à la prison centrale d`Abidjan. Référez-vous à la chronique des personnes qui, jusqu`au cœur du pouvoir central, ont été arrêtées pour escroquerie, malversations et détournements en tous genres.
L`intégrité certes, mais aussi la bonne moralité. On peut ne pas être un délinquant économique mais se trouver être un parfait débauché, un pervers sexuel, un ivrogne qui ne cache aucun secret d`Etat lorsqu`il est enivré. Rappelez-vous ce jeune chef d`un Etat voisin qui passe son temps à draguer des journalistes femmes au téléphone, à les harceler même. Ou cet ancien « Léopard » qui ravissait toutes les femmes qui lui plaisait dans son pays, fussent-elles mariées ou non. Ou cet autre Général-président, tellement accro à la cocaïne et au whisky qu`il a laissé son pays sombrer entre les mains des narcotrafiquants.
La plus grave méprise du Conseil constitutionnel est celle relative à la non-exigence d`un casier judiciaire. On peut avoir été condamné et gracié, mais il est bon que les électeurs le sachent. De plus, c`est une exigence de la loi. Le Code électoral stipule : « Art. 54. - La déclaration de candidature est obligatoirement et dûment légalisée;
● Un extrait d`acte de naissance ou de jugement supplétif en tenant lieu;
● Un certificat de nationalité;
● Une déclaration sur l`honneur de non renonciation à la nationalité ivoirienne;
● Un extrait du casier judiciaire;
● Un certificat de résidence;
● Une attestation de régularité fiscale.
● Ces pièces doivent être établies depuis moins de trois mois.
La déclaration doit en outre être accompagnée le cas échéant, d`une lettre d`investiture du ou des partis ou groupements politiques qui parrainent la candidature. »
Vous aurez remarqué que Yao N`Dré n`a exigé des candidats que deux pièces sur les sept qu`impose la loi : la déclaration de candidature, l`extrait d`acte de naissance et l`attestation de régularité fiscale. Exit donc le casier judiciaire du candidat, son certificat de résidence, son certificat de nationalité, sa déclaration de non renonciation à la nationalité ivoirienne !
Quel verdict sera rendu le jour des élections ?
Et la dernière atteinte grave à la Loi fondamentale est le fait que le Conseil constitutionnel ait publié la liste des candidats alors que personne ne connaît encore la date des élections. La loi pourtant est claire sur ce point. Le Code électoral, en son article 56 dit ceci : « (…) Le Conseil constitutionnel établit la liste des candidats après vérification de leur éligibilité. Il arrête et publie la liste définitive des candidats quinze jours avant le premier tour du scrutin. » Pourquoi Yao N`Dré a-t-il publié la liste des candidats alors qu`il ne sait pas quand auront-lieu les élections ? La publication de la liste des candidats a pour conséquence immédiate que si n`importe lequel de ces hommes et femme se trouve «empêché» de quelque manière que ce soit, l`élection présidentielle doit être immédiatement reportée. Ceci est clairement dit l`article 37 de la Constitution : « Si, avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, le Conseil Constitutionnel prononce le report de l`élection.»
Il est vrai que la Côte d`Ivoire traverse une période exceptionnelle de son histoire, mais l`exception ne doit pas devenir la règle. Surtout pour une fonction aussi importante que la présidence de la République. Il y a les grands candidats, n`en déplaise aux petits candidats. Ces grands candidats sont au nombre de trois : Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara. Pour ceux-là, une décision présidentielle a été prise, qui les soustraits, de façon exceptionnelle à la totalité des conditionnalités exigées pour être candidats. Mais aucune faveur juridique n`existe pour les autres. Ils sont, en principe, soumis aux rigueurs de la Loi. C`est le principe du deux-poids, deux-mesures, mais adossé à un texte légal que notre Constitution fortement présidentialiste permet de prendre. Pourquoi alors le Conseil constitutionnel ne fait-il pas respecter la constitution, raison pour laquelle il a été institué ? Si Yao N`Dré peut se permettre d`inférer dans le processus électoral comme bon lui semble, il y a péril en la demeure. Son rôle, en la matière, qui est de vérifier la conformité des candidatures avec la loi et de s`assurer que les résultats proclamés par la Cei correspondent à la vérité des suffrages recensés, est en train d`être dévié. Le Conseil constitutionnel décide désormais des pièces qu`il faut exiger, des conditions qu`il faut appliquer aux candidats. Peut-être demain dira-t-il s`il accepte ou non la vérité des urnes.
Touré Moussa
Dans la clameur de satisfaction générale qui a suivi la publication de la liste des candidats à la présidentielle prochaine, personne ne semble s`émouvoir du fait que le Conseil constitutionnel marche allègrement sur la loi. Et notamment sur la Loi fondamentale : la Constitution. En effet, le 28 octobre 2009 dernier, l`institution dirigée par le Pr. Paul Yao N`Dré, a, par décision n°CI-2009-EP-026/28-10/CC/SG, rendu publique la liste des pièces exigibles des candidats à l`élection présidentielle. Ce sont :
● Une déclaration personnelle de candidature revêtue de la signature du candidat
● Une lettre d`investiture du ou des parti(s) politique(s) qui parraine(nt) la candidature s`il y a lieu
● Le reçu d`un cautionnement de vingt millions de francs CFA
● Un extrait d`acte de naissance du candidat ou le jugement supplétif en tenant lieu
● Une attestation de régularité fiscale ou tout autre document permettant de s`acquitter de ses impôts.
C`est donc sur la base de ces documents que les 14 prétendants au magistère suprême ont vu leurs candidatures validées. En se limitant à cela, le Conseil constitutionnel choisit d`appliquer la Constitution, qui fonde son existence même, de façon partiale et partielle. La Constitution du 1er août 2000, en son article 35, définit dix conditions pour être accepté comme présidentiable. Cet article dit clairement ceci :
« Article 35 :
Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n`est rééligible qu`une fois.
Le candidat à l`élection présidentielle doit être âgé de quarante ans au moins et de soixante quinze ans au plus.
Il doit être ivoirien d`origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d`origine.
Il doit n`avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne.
Il ne doit s`être jamais prévalu d`une autre nationalité.
Il doit avoir résidé en Côte d`Ivoire de façon continue pendant cinq années précédant la date des élections et avoir totalisé dix ans de présence effective.
L`obligation de résidence indiquée au présent article ne s`applique pas aux membres des représentations diplomatiques et consulaires, aux personnes désignées par l`État pour
occuper un poste ou accomplir une mission à l`étranger, aux fonctionnaires internationaux et aux exilés politiques.
Le candidat à la Présidence de la République doit présenter un état complet de bien-être physique et mental dûment constaté par un collège de trois médecins désignés par le Conseil Constitutionnel sur une liste proposée par le Conseil de l`Ordre des Médecins.
Ces trois médecins doivent prêter serment devant le Conseil Constitutionnel.
Il doit être de bonne moralité et d`une grande probité. Il doit déclarer son patrimoine et en justifier l`origine. »
Comme on peut le constater, le Conseil constitutionnel n`a pas fait vérifier la bonne santé physique et mentale de ceux qui aspirent à nous gouverner, nous les 20 millions d`habitants du carré éburnéen. Y`a-t-il parmi eux des aliénés mentaux, des psychopathes en puissance, des malades d`Alzheimer, des malades en phase terminale d`une affection chronique… Personne ne sait. Serons-nous gouvernés par un président à demi lucide comme ce fut le cas en Russie sous la présidence de Boris Eltsine ? Le collège des médecins, qui aurait pu détecter cela, n`a pas été nommé par Yao N`Dré et ses amis.
Allons nous confier le Trésor public à une fripouille ?
En outre, la Loi fondamentale exige de chacun des postulants qu`il nous fasse l`état de ses biens et, surtout, qu`il nous explique comment il a pu se procurer ses biens-là. On dit que le poisson pourrit toujours par la tête. La gangrène de la corruption s`installe inéluctablement dans un pays s`il est dirigé par une fripouille, un bandit. Un candidat qui a passé sa vie à accumuler des richesses de façon interlope aura du mal à justifier la provenance de cette richesse-là. Si nous ne procédons pas à cette vérification minimale en démocratie, comment pourrions-nous savoir s`il ne se cache pas dans nos candidats un forban qui, une fois élu, fera main basse sur le Trésor public ? Les exemples récents dans notre pays montrent que la probité et l`intégrité n`ont pas toujours été le fort de nos dirigeants. En doutez-vous ? Faites un tour à la prison centrale d`Abidjan. Référez-vous à la chronique des personnes qui, jusqu`au cœur du pouvoir central, ont été arrêtées pour escroquerie, malversations et détournements en tous genres.
L`intégrité certes, mais aussi la bonne moralité. On peut ne pas être un délinquant économique mais se trouver être un parfait débauché, un pervers sexuel, un ivrogne qui ne cache aucun secret d`Etat lorsqu`il est enivré. Rappelez-vous ce jeune chef d`un Etat voisin qui passe son temps à draguer des journalistes femmes au téléphone, à les harceler même. Ou cet ancien « Léopard » qui ravissait toutes les femmes qui lui plaisait dans son pays, fussent-elles mariées ou non. Ou cet autre Général-président, tellement accro à la cocaïne et au whisky qu`il a laissé son pays sombrer entre les mains des narcotrafiquants.
La plus grave méprise du Conseil constitutionnel est celle relative à la non-exigence d`un casier judiciaire. On peut avoir été condamné et gracié, mais il est bon que les électeurs le sachent. De plus, c`est une exigence de la loi. Le Code électoral stipule : « Art. 54. - La déclaration de candidature est obligatoirement et dûment légalisée;
● Un extrait d`acte de naissance ou de jugement supplétif en tenant lieu;
● Un certificat de nationalité;
● Une déclaration sur l`honneur de non renonciation à la nationalité ivoirienne;
● Un extrait du casier judiciaire;
● Un certificat de résidence;
● Une attestation de régularité fiscale.
● Ces pièces doivent être établies depuis moins de trois mois.
La déclaration doit en outre être accompagnée le cas échéant, d`une lettre d`investiture du ou des partis ou groupements politiques qui parrainent la candidature. »
Vous aurez remarqué que Yao N`Dré n`a exigé des candidats que deux pièces sur les sept qu`impose la loi : la déclaration de candidature, l`extrait d`acte de naissance et l`attestation de régularité fiscale. Exit donc le casier judiciaire du candidat, son certificat de résidence, son certificat de nationalité, sa déclaration de non renonciation à la nationalité ivoirienne !
Quel verdict sera rendu le jour des élections ?
Et la dernière atteinte grave à la Loi fondamentale est le fait que le Conseil constitutionnel ait publié la liste des candidats alors que personne ne connaît encore la date des élections. La loi pourtant est claire sur ce point. Le Code électoral, en son article 56 dit ceci : « (…) Le Conseil constitutionnel établit la liste des candidats après vérification de leur éligibilité. Il arrête et publie la liste définitive des candidats quinze jours avant le premier tour du scrutin. » Pourquoi Yao N`Dré a-t-il publié la liste des candidats alors qu`il ne sait pas quand auront-lieu les élections ? La publication de la liste des candidats a pour conséquence immédiate que si n`importe lequel de ces hommes et femme se trouve «empêché» de quelque manière que ce soit, l`élection présidentielle doit être immédiatement reportée. Ceci est clairement dit l`article 37 de la Constitution : « Si, avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, le Conseil Constitutionnel prononce le report de l`élection.»
Il est vrai que la Côte d`Ivoire traverse une période exceptionnelle de son histoire, mais l`exception ne doit pas devenir la règle. Surtout pour une fonction aussi importante que la présidence de la République. Il y a les grands candidats, n`en déplaise aux petits candidats. Ces grands candidats sont au nombre de trois : Laurent Gbagbo, Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara. Pour ceux-là, une décision présidentielle a été prise, qui les soustraits, de façon exceptionnelle à la totalité des conditionnalités exigées pour être candidats. Mais aucune faveur juridique n`existe pour les autres. Ils sont, en principe, soumis aux rigueurs de la Loi. C`est le principe du deux-poids, deux-mesures, mais adossé à un texte légal que notre Constitution fortement présidentialiste permet de prendre. Pourquoi alors le Conseil constitutionnel ne fait-il pas respecter la constitution, raison pour laquelle il a été institué ? Si Yao N`Dré peut se permettre d`inférer dans le processus électoral comme bon lui semble, il y a péril en la demeure. Son rôle, en la matière, qui est de vérifier la conformité des candidatures avec la loi et de s`assurer que les résultats proclamés par la Cei correspondent à la vérité des suffrages recensés, est en train d`être dévié. Le Conseil constitutionnel décide désormais des pièces qu`il faut exiger, des conditions qu`il faut appliquer aux candidats. Peut-être demain dira-t-il s`il accepte ou non la vérité des urnes.
Touré Moussa