Les Ivoiriens attendent toujours une date pour la tenue de l’élection présidentielle. Ils l’espéraient avec la dernière réunion du Cadre Permanent de Concertation à Ouaga, sous la facilitation du Président Blaise Compaoré. Cependant, à la veille de cette rencontre importante pour la suite du processus de paix, Laurent Gbagbo a plombé les travaux, en affirmant que Ouaga n’a pas pour ambition de fixer une date. Au finish, le consensus a été fait sur la période fin février, début mars. Les Ivoiriens pourraient se réjouir pour cette date, s’ils n’avaient pas en tête que l’ancien opposant historique a déjà pris de nombreux décrets qui sont demeurés inopérants. S’ils sont heureux du dénouement, ils ne sont pas pour autant euphoriques. En ce sens que, selon de bonnes sources, proches du régime, Laurent Gbagbo, contrairement à la grande majorité de ses compatriotes, a un calendrier secret, des cartes sous la table, à sortir, pour troubler la vie nationale. En clair, il est traversé par une sorte de rêve. Il mijote un autre plan, comme à son habitude. La mine grise qu’il a affichée après la rencontre de Ouaga, est un indicateur probant. De sources sûres, le candidat socialiste entend user et abuser de manœuvres, pour s’éloigner davantage de l’élection présidentielle. Dans son entendement, et dans celui de ses partisans, il n’a pas de bilan, parce qu’il n’est pas parvenu à gouverner. Les dix ans passés à la tête du pays ne comptent que pour du beurre. Il veut des mandats supplémentaires. Ne pas avoir de bilan, lui pèse comme une chape de plomb. Il n’a rien fait quand bien même selon ses propres dires, il avait en charge « la Côte d’Ivoire utile », où la guerre n’a rien détruit. Secrètement, il entend donc tenir des rendez-vous et achever des travaux, avant de se décider à affronter le suffrage de ses concitoyens. En termes d’œuvres, il entend finir l’autoroute du Nord, l’axe Paillet- Abobo, les ponts reliant L’Ile Boulay à Yopougon, Marcory à la Riviera et finir le transfert effectif de la capitale à Yamoussoukro. S’agissant des rendez-vous à ne pas manquer, il y a la Coupe du Monde en Juin prochain et surtout la célébration du cinquantenaire de la Côte d’Ivoire, le 7 Août 2010. Pour ce faire, il a mis en place un comité d’organisation dirigé par l’Ambassadeur Pierre Kipré, qui est plus en Côte d’Ivoire qu’à son poste à Paris, et qui rend régulièrement compte à Gbagbo. Si vous n’avez pas compris, sachez que l’homme a une claire idée de sa marche. Il parait même magnifique, pour avoir arrêté sa date. Il l’a dit lors du discours à la nation, à l’occasion de la fête de l’indépendance en Août 2009. Il sera à la célébration du cinquantenaire de notre pays. Décrypté, cela donne ceci : « je ne ferai pas d’élection avant cette manifestation ». Il aura donc bouclé ses dix ans à la tête du pays. Après un premier mandat de cinq ans, il achève un second, comme pour dire aux uns et aux autres qu’il est le seul à détenir les leviers du commandement. Un autre plan de ce calendrier secret, est la remise en cause de l’Accord Politique de Ouagadougou, qu’il a pourtant initié à travers le « dialogue direct » avec les Forces Nouvelles du Premier ministre Guillaume Kigbafori Soro. Ce signal est perceptible, avec la demande de la dernière convention du Front Populaire Ivoirien à Yamoussoukro, qui a exigé le désarmement des Forces Nouvelles avant la tenue de la présidentielle. Malgré le consensus du dernier CPC, l’idée ne cesse de faire son chemin dans le microcosme politique. Qu’on ne se méprenne pas. Le FPI et ses relais ne disent pas autre chose que la volonté de Laurent Gbagbo. En opérant cette volte-face, Gbagbo et les siens ne tentent rien d’autre que de tuer l’Accord de Ouaga, pour remettre en scelle la Constitution si porteuse de germes de conflit. On le voit par son obstination à donner toutes les prérogatives au Conseil Constitutionnel de son ami Paul Yao N’dré alias Pablo. Il l’a dit récemment, la Commission Electorale Indépendante n’aura que pour rôle de « ramasser » les bulletins et laisser toute la place au Conseil Constitutionnel, pour proclamer les résultats. Le « démocrate » veut ainsi retourner les choses, pour solder des comptes avec ses adversaires politiques tenus pour responsables de ces dix années d’obscurité et de mal gouvernance. Un confrère exerçant en France, disait à juste titre que « Gbagbo est l’un des rares politiciens à toujours dire ce qu’il va faire, en pire comme en bien. Et il tient chaque fois parole notamment quand il s’agit du pire. De plus, cet homme, en dépit du costume de démocrate qu’il se taille, est de loin, l’un des derniers rescapés de la race des rancuniers politiques. Il a la rancune chevillée au corps et celle-ci est pour lui, ce que le sang est à l’organisme ». On ne cesse de le dire. Le rêve est permis à chacun mais la réalité s’impose à tous. Un homme seul ne peut pas continuer, pour des intérêts bien partisans, à prendre en otage pendant dix ans, le destin d’une nation. On peut rêver, même debout, avec pour seule conséquence, de faire un cauchemar. La crise ivoirienne a largement dépassé le cadre ivoirien. Elle implique de nombreux partenaires, notamment la communauté internationale si regardante de notre sortie de conflit. Qui plus est, l’embellie économique, notamment l’éligibilité à l’initiative PPTE est conditionnée à la tenue rapide et démocratique de la présidentielle. Les bailleurs de fonds ne cessent de le dire et le président Nicolas Sarkozy vient de le rappeler au numéro un ivoirien. Bien plus, le peuple ivoirien ne se laissera pas balader de report en report. Il est la première victime de ces constants louvoiements. Il faut espérer que ces petits calculs qui se sauraient prospérer, restent à l’état de rêve et que la compétition tant attendue prenne toute sa place, pour départager enfin, les différents leaders de la vie politique nationale. Au nom de la démocratie et du peuple de Côte d’Ivoire.
Bakary Nimaga
Bakary Nimaga