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Politique Publié le samedi 12 décembre 2009 | Nord-Sud

Présidentielle 2010 - Gbagbo - Bédié - Ado : les artistes choisissent leurs camps

Les artistes ivoiriens s'impliquent de plus en plus dans la politique. Les attaches qu'ils prennent avec les chefs des partis politiques leur sont souvent préjudiciables. Mais ils ne s'engagent pas sans avantages.

La précampagne pour l'élection présidentielle bat son plein. A travers concerts et prestations d'artistes, elle prend un volet culturel. L'engouement des artistes en général et des chanteurs en particulier pour les prochaines échéances électorales est réel. Leur engagement aux côtés des différents candidats en est l'expression. Cela se traduit par des dévouements exclusifs pour un candidat, la création de clubs de soutien pour un autre ou la mise sur le marché de chansons invitant à voter son leader, « son choix ». Tout est bien orchestré pour gagner la sympathie des postulants à la magistrature suprême. De Laurent Gbagbo à Alassane Ouattara en passant par Henri Konan Bédié, tous les chefs de parti politique ont leurs bardes. Alpha Blondy, Djoss Kézo, Don Mike le Gourou, Antoinette Allany, N'Guess Bon Sens, Savan'Alla sont engagé de plain-pied dans le soutien à leurs candidats. La première grosse star à faire publiquement son coming-out politique, est Alpha Blondy. « Mon candidat se nomme Laurent Gbagbo. Je demande à tous mes bramôgôs, à tous les Ivoiriens épris de démocratie véritable de voter le 30 novembre (2008, ndlr) prochain pour lui. Il faut que nous donnions une leçon aux va-t-en-guerre» déclarait-il dans les colonnes de « Notre Voie », l'organe d'information du parti au pouvoir. Quand on lui demande les motivations d'une telle prise de position politique, lui un artiste censé rassembler les fans de différentes obédiences sous sa bannière, sa réponse est incisive : « Moi Alpha Blondy, j'ai un parti-pris. Je voterai pour Gbagbo afin que les uns et les autres comprennent que seules la démocratie et les urnes peuvent nous aider. Pas les armes. Ce n'est pas parce que je suis un artiste que je ne dois pas avoir de choix politique. Je suis pour la démocratie et pour Laurent Gbagbo. »

Chez les politiques, l'on se convainc que Tiken Jah Fakoly, originaire d'Odienné, précisément de Gbéléban, le village maternel d'Alassane Ouattara roule pour ce dernier. Il a même fait une chanson spécialement pour lui, dans laquelle il rappelle les propos élogieux d'Houphouët-Boigny à l'endroit de son Premier ministre. A l'inverse, dans une chanson intitulé « Awouli », il passe Gbagbo à la tronçonneuse. Sur ces accusations, l'artiste s'est voulu clair : «Parmi les politiciens, je n'ai pas d'amis, même si d'aucuns affirment que je roule pour Alassane Ouattara. Le jour où il accédera au pouvoir d'État, vous verrez que je vais tirer sur lui s'il ne respecte pas ses engagements".

Cela soulève la question du rôle social de l'artiste. Quel doit être le mode d'engagement d'un artiste ? Quel but recherche-il en s'alliant aux politiciens? Que gagne-il concrètement ? Quel doit être le rôle d'un artiste dans une situation de sortie de crise comme c'est le cas en Côte d'Ivoire ? Autant de questions dont les réponses pourront de façon objective, situer le citoyen qui, très souvent, s'identifie à ces personnes populaires.


On est dedans même si…

En général, les prises de position politiques d'un artiste ne lui sont pas toujours favorables. Certains fans de Serge Kassy le boudent depuis qu'il roule pour le camp présidentiel. Mais, cette attitude ne semble pas décourager l'auteur de ''Cabri mort''. «Dans toute vie, on ne peut pas faire l'unanimité. Je ne pense pas que mon public m'ait lâché. Mon engagement aux côtés des patriotes a été voulu. J'ai estimé que pour mon pays, je n'avais pas que des droits. J'avais aussi des devoirs. C'est en réponse à ces devoirs que je me suis engagé à défendre les institutions de la République. Si des personnes pensent que pour cet engagement elles me laissent tomber, moi je n'en ai rien à cirer», a tranché l'artiste. Le chanteur a foi à ce qu'il fait et assume ses actes. C'est le même credo et la même réaction chez Alpha Blondy. Souvenons-nous : son dernier festival, le FestaRRR, censé être la plus grosse manifestation musicale de Côte d'Ivoire, a peiné à remplir l'espace qui y a été consacré à Azuretti, malgré un déplacement du chef de l'Etat en personne sur le site, pour lui apporter son appui. Des commentateurs y ont vu une désaffection du public eu égard aux déclarations politiques fracassantes de l'artiste. Mais Alpha Blondy tient à mettre les points sur les i. Parlant de ses supposés fans déçus de ses prises de position, il se veut clair : « Ce n'est pas parce qu'ils aiment ce que je fais que je deviens prisonnier de leur amour. Ça, je dis non ! Ceux qui veulent se fâcher, je crois qu'ils se fâcheront. C'est pas grave ! Mais ils comprendront plus tard que j'avais raison de choisir Laurent Gbagbo. Je respecte le choix de chacun. Je demande qu'on en fasse autant pour moi. » Argument presque similaire pour N'Guess Bon Sens, qui s'est rangé du côté du Pdci Rda. Seulement, le chanteur est moins radical pour justifier sa prise de position. «Si moi je soutiens un parti politique, ce n'est pas pour autant que ceux qui aiment ma musique ne vont plus m'aimer. Les chefs des partis politiques, eux-mêmes, ont des frères dans les autres partis. Ce n'est pas pour autant qu'ils les abandonnent », justifie-t-il. La crainte de perdre certains fans n'inquiète pas les créateurs qui s'investissent en politique. Au contraire, ils arguent qu'on peut partager ou non leur choix, mais que cela devrait être dissocié de l'art qu'ils pratiquent, de leur talent musical lui-même. « Dans la vie, chacun est libre de suivre qui il veut. Cela n'a rien à voir avec la musique. Je chante toujours aux côtés d'ADO. Mes fans me voient avec lui, mais ils ne me quittent pas pour autant. Si on aime une personne et que cet amour est profond, on ne tient pas compte de qui elle suit », s'élève ainsi Antoinette Allany contre ceux qui semblent ne pas comprendre son combat auprès du « brave-tchê ». Mais comme les africains s'inspire toujours d'une situation occidentale, les récentes élections américaines se prêtent bien comme justificatif.

Les Etats-Unis comme exemple

Les dernières élections au pays de l'oncle Sam servent d'argument aux artistes ivoiriens. Ces derniers disent s'inspirer des soutiens qu'a apportés le monde de l'art des Etats-Unis au candidat Obama. « Je suis libre de soutenir qui je veux. Aux Etats-Unis, des artistes ont soutenu le président Obama durant les élections. Pourquoi en Côte d'Ivoire cela poserait-il un problème ? », s'interroge la mère de Kédjévara Dj. Alpha Blondy ne dit pas autre chose : « Bruce Springsteen est un artiste américain célèbre. Il a demandé récemment à ses concitoyens de voter pour son candidat Barak Obama. En France, avant l'élection présidentielle, Johnny Hallyday, aussi célèbre, avait demandé de voter pour Nicolas Sarkozy. Pourquoi cela serait-il interdit à Alpha Blondy? » Concernant les menaces de mort qu'elle a reçues suite à son engagement auprès d'Ado, Antoinette Allany ne cache pas son indignation : « Ceux qui profèrent des menaces ne comprennent rien à la politique. Les hommes politiques sont des frères. Ils se parlent. Pourquoi nous qui sommes au bas de l'échelle, nous ne pouvons pas faire pareil ? ». N'Guess Bon Sens, pour ce qui le concerne, pense que c'est une question qui ne mérite même pas d'être posée. « Dans tous les pays du monde, les artistes soutiennent des candidats. Même chez les Blancs, ça se fait. Comme nous copions tout sur eux, moi je ne trouve pas de problème au fait qu'un artiste choisisse un camp. C'est une pratique qui existe depuis longtemps, et moi je n'ai rien inventé », déclare-t-il contre d'éventuels détracteurs. Tous les clubs artistiques de soutien à la candidature du chef de l'Etat brandissent cet argument, que ce soit « 2A pour Gbagbo », « All stars for Gbagbo », « Assaba » (Association des artistes Baoulé). Les responsables de ces structures citent les exemples français et américain pour légitimer leur engagement. Mais lorsqu'on aborde leur militantisme au sein des partis politiques, ils sont unanimes : « C'est un homme qu'on soutient et non pas un parti politique ».

On choisit l'homme et non le parti

La plupart des artistes avouent n'être d'aucun parti politique. Leurs présences auprès de certains candidats ne sont que des cautions à des personnes qu'ils estiment objectivement capables de gouverner le pays. Membre de l'Association des artistes baoulé (Assaba), Savan'Alla dit être concernée par tout ce qui touche au président de la République. « Le chef de l'Etat a été gentil avec nous les artistes. C'est l'un des présidents qui respectent les artistes. Aussi, il nous a donné le Burida (Bureau ivoirien du droit d'auteur) et fait beaucoup pour le peuple baoulé », soutient la chanteuse. C'est semble-t-il, cette attitude du chef de l'Etat qui a amené le rossignol de la musique ivoirienne, Bailly Spinto, a créer l'Association des artistes pour Gbagbo (2a pour Gbagbo). Le chanteur à la voix grave, soutient que ce coup de pouce au Woody de Mama, est dû à l'intérêt que ce dernier manifeste à l'art en général et aux artistes chanteurs en particulier. La symphonie ne change pas de ton auprès du créateur de « All Stars for Gbagbo », Angelo Kabila. L'homme de showbiz a réussi à mettre ensemble plus de 80 peoples (personnalités célèbres) pour apporter un appui au champion du Fpi. Artistes chanteurs, hommes de radio et de télé, sportifs, tous ont été unis dans le creuset concocté par Angelo Kabila. Son argumentaire est simple : « Gbagbo nous a tout donné. C'est notre manière à nous de lui rendre un peu de ce que nous avons reçu de lui». Antoinette Allany dans sa démarche est formelle : « Moi, mon candidat, c'est Ado. Je ne suis pas politicienne. Je n'ai pas de parti. J'appartiens à toute la Côte d'Ivoire. C'est la personne d'Ado que je soutiens. C'est lui que j'ai choisi comme mon leader. Car pour moi, il s'agit de donner sa voix à quelqu'un qui a un programme consistant », clarifie l'auteur de « On gagne ou on gagne ». Quel que soit le bord politique choisi, il y a toujours des raisons pour justifier le choix d'un chanteur, surtout au plan politique.


Ne m'invitez ailleurs !

Mais ne demandez pas à un chanteur engagé avec le Pdci d'aller faire une prestation pour le Fpi ou le Rdr et vice-versa. Car les lignes d'engagement politique pour un artiste, ouvrent automatiquement la voie aux lignes de fracture qui les sous-tendent. Lorsqu'on fait un choix, on ne contredit pas ses propres engagements en allant animer les meetings des adversaires de son candidat. Lors du lancement de « All stars for Gbagbo », une décision du fondateur de ce mouvement avait inquiété les observateurs. Pour Angelo Kabila, un artiste ne peut pas se dire membre de son mouvement et prêter son talent à un candidat autre que Gbagbo, ne serait-ce que par une prestation ponctuelle. « Si un artiste adhère à notre association, il ne peut plus jouer pour un autre candidat », a-t-il fait savoir. Ce qui paraissait une décision extrême, n'est en réalité que l'aboutissement d'une logique développée par tous les chanteurs qui ont fait des choix politiques. « Je suis au Pdci. Des partis politiques m'ont fait appel pour animer leurs meetings. J'ai refusé. Je ne suis pas de ces artistes qui répondent à toutes les invitations. Je ne dis pas que ceux qui le font c'est mauvais, mais c'est ma vision des choses. Pour moi, je suis avec un camp ou je ne suis pas avec ce camp. S'il m'arrive un jour de vouloir changer de parti politique, je le ferai. Mais actuellement, c'est avec le Pdci que je suis », argumente le chanteur ''tradi-moderne'' baoulé N'Guess Bon Sens. Antoinette Allany aussi pense que du moment où elle a décidé d'être avec le candidat du Rdr, elle ne peut plus aller chanter pour un autre parti politique. Ces choix sont-ils sans calculs ?

L'argent n'est jamais loin…

Les artistes s'engagent-ils auprès des hommes politiques pour en retirer argent et avantages divers ? La réponse de certains créateurs est négative. Pour Serge Kassy, l'argent n'est pas au cœur de sa vision politique. « En Côte d'Ivoire, on sait qui est Serge Kassy. Tout le monde connaît mes convictions. Je ne pense pas que mon soutien à Gbagbo vise un avantage financier. Je pense que les Ivoiriens feront la différence entre ceux qui soutiennent des politiciens pour de l'argent et moi. Quand on sait tout ce que j'ai fait pour le multipartisme, ce n'est pas pour des besoins pécuniaires », se justifie-t-il. Si le chanteur-patriote se défait de toute volonté de gagner de l'argent auprès de son leader, certains de ses confrères pensent que c'est normal d'être soutenu financièrement par le politicien à qui ils prêtent une main-forte. « Aujourd'hui, la musique nourrit à peine son homme. Mes prestations ne sont donc pas gratuites. Je suis payé chaque fois que je chante à un meeting. C'est de cela que je vis. C'est mon travail. Donc je soutiens quelqu'un que j'aime dans le cadre de mon travail. Et, il me paye bien. Aujourd'hui, le Rdr loue une maison pour moi. C'est papa Ado (c'est ainsi qu'elle appelle le leader des républicains) qui paye pour moi. Lorsque ma fille a accouché, il s'est occupé de tout. Quand j'ai un problème, il est toujours là », révèle la chanteuse Antoinette Allany. Dans la même veine, l'auteur de « Violente question », N'Guess Bon Sens déclare : « La main qui demande est toujours en bas. Si les artistes le font pour avoir un peu d'argent, qu'on accepte cela. Certains hommes politiques qui ont reçu des milliards avec des partis, ont retourné leur veste après. Qu'on laisse chacun faire ce qu'il veut ». Diabo Steck, qui s'est prononcé au nom de l'Unartci (Union des artistes de Côte d'Ivoire), en l'absence de son président, Gadji Céli, dédramatise la situation. « Chaque artiste a une vision personnelle. Si l'artiste lui-même estime qu'il doit rejoindre un parti politique, pourquoi est-ce que nous devons interdire cela ? Les chanteurs ne reçoivent rien de l'Unartci. S'ils peuvent courir derrière un homme politique juste pour faire des concerts et des spectacles pour de l'argent, il y a rien d'anormal. Jouer pour le Rdr ou le Fpi ne signifie pas qu'on est Rdr ou Fpi. Ce que je dis, c'est que tout se passe dans l'isoloir et le bulletin de vote est unique. Ce qui se fait donc, ce sont des ''gombos''. Chacun le fait pour grossir. Chacun cherche à sécher son habit là où le soleil brille », approuve le porte-parole de l'Unartci.

Sanou Amadou (Stagiaire)
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