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Politique Publié le samedi 26 décembre 2009 | Nord-Sud

Cheikh Gaoussou Ouattara : “Un chef ne doit pas être l`otage d`un parti”

Réunis à l'hôtel la Réserve de Ferkessédougou, après 7 ans de silence, les rois et chefs traditionnels du Grand Nord étaient en conclave depuis le dimanche 20 décembre. Soucieux de la crise que traverse la Côte d'Ivoire depuis plusieurs années, ils entendent, à l'approche de l'élection présidentielle, apporter leur contribution au renforcement de la cohésion sociale dont ils sont les garants. Dans cet entretien accordé à Nord-Sud, son éminence Cheikh Gaoussou Dramane Ouattara (82 ans), président des rois et chefs traditionnels du Grand Nord et premier vice-président du Conseil supérieur des rois et chefs traditionnels de Côte d'Ivoire, donne les raisons de ce conclave.

Eminence Cheikh Gaoussou Dramane Ouattara, pourquoi rebondissez-vous maintenant après plus de 7 ans de silence, est-ce pour des visées électoralistes ?

Non nous ne rebondissons pas maintenant. Nous avons maintenu un contact permanent avec les membres du conseil d'administration qui sont chargés, à commencer par son premier vice-président et son secrétaire général, de poursuivre le dialogue permanent de manière à éviter toute lacune dans notre travail. Cela n'a pas été fait. Voilà pourquoi nous sommes obligés aujourd'hui de relancer le mouvement, de revoir la situation actuelle et de donner des conseils conséquents.

Des conseils conséquents à qui?

Eh bien des conseils conséquents à nos rois, à nos chefs de canton, à tous ceux qui ont une responsabilité d'encadrement social et humain. C'est à ceux-là que nous lançons notre appel pour leur demander de se réveiller. L'heure est arrivée, il faut que chacun s'implique. Moi je me suis impliqué et mes camarades sont là pour le reconnaître. J'ai été victime d'une chasse des escadrons de la mort entre Abengourou, où nous étions pour une réunion, et Abidjan. Parce qu'à Abengourou, on voulait nous faire admettre que la seule personne qui pouvait gouverner était mon petit frère Gbagbo. Ils avaient monté ce complot sans nous. Quand je l'ai su, je suis allé leur dire gentiment que ce n'était pas cela. Et que nous les chefs, nous devons être des moteurs d'unification de ceux qui se battent et non pas des choix dirigés en faveur d'un individu.

Justement dans un contexte difficile et délicat comme le nôtre, quel doit être le rôle du chef traditionnel surtout que certains parmi vous ont pris fait et cause pour des candidats?

C'est une erreur très grave, nous l'avons signalé hier. Il faut que nos compatriotes, nos responsables locaux s'accrochent à l'idéal qui nous a amenés à créer l'union des rois. Je regrette que certains aient déjà choisi et ne répondent même pas à nos appels…Nous allons avec courage et respect envisager les sanctions qu'il y a lieu de prendre contre eux.

Quel appel lancez-vous à ceux qui soutiennent ouvertement des candidats ?

Nous leur demandons de se replier sur eux-mêmes.

Pourquoi ?

Mais parce que le Nord a la réputation d'un peuple digne qui a eu à faire des guerres, à faire des conquêtes contrairement aux autres régions de la Côte d'Ivoire.

Est-ce que c'est parce que le chef traditionnel doit être à équidistance des partis politiques, être l'arbitre, ne pas descendre dans la mêlée ?

Exactement, c'est ce que je suis en train de vous dire. Ils peuvent, dans un cadre familial, dans un cadre d'amitié, amener certaines personnes qui sont hostiles à notre mouvement. Après tout, ils sont rois, ils agissent en rois. Et ils doivent s'organiser de manière à effacer certaines humiliations que nous avons vécues. Ils ne doivent pas être l'otage des partis politiques. Ils sont des gens indépendants qui pensent, qui réfléchissent et qui doivent parler au nom de leur conscience, qui doivent être au-dessus et en dehors des partis politiques. Mais qui doivent se rappeler qu'il y a un problème qui les concerne, la méfiance et le rejet de leurs enfants.

Maintenant, s'ils ne sont pas rois, nous en tirerons les conséquences.

La liste électorale provisoire est affichée depuis quelques semaines pour le contentieux. Quelle est la part que vous entendez prendre dans la dite phase étant donné que vous êtes un leader communautaire?

Constatez d'abord que je n'ai pas de pied. Donc ne pouvant pas moi-même faire le parcours que j'avais habitude de faire, je demande à tous ceux qui nous entendent, les chefs traditionnels, les chefs coutumiers, les chefs de terre, les rois et les chefs de canton de se réveiller et qu'ils fassent en sorte que le retard que le Nord a subi soit à peu près rattrapé par le pouvoir nouveau qui va venir on ne sait pas lequel. Dans la région du Nord, la principale préoccupation aujourd'hui c'est de faire en sorte que nous soyons tous sur la liste électorale. Moi qui vous parle, je n'y suis pas encore. J'ai envoyé des émissaires vers les responsables locaux de la Cei, en leur demandant de venir car j'aimerais m'entretenir avec eux pour donner mon impression sur certains sujets qui sont d'une actualité vitale.

Que pensez-vous de ceux qui sont absents sur la liste électorale ? Et quel est votre souhait ?

Ceux qui sont absents sur la liste électorale le sont peut-être par négligence. Parce que la chose publique, prise dans son expression française, n'a jamais intéressé le Nord.

Est-ce que vous avez un appel à lancer ?

L'appel que j'ai à leur lancer est un appel permanent. Je demande à la Cei d'afficher la liste. Et je demande aux rois et chefs traditionnels de profiter de l'occasion pour faire de la sensibilisation en direction de ceux qui ne sont pas sur la liste. Je demande à tous les chefs de village, à tous les notables, à tous les imans, à toutes les organisations féminines et à toutes les organisations de jeunesse de s'impliquer parce que le travail que nous faisons, c'est pour eux que nous le faisons.

Fin février 2010-début mars 2010, c'est la date indicative pour l'élection présidentielle. Quelle est votre appréciation ?

Je suis mis devant le fait accompli, je n'ai qu'à le subir. Si cela peut nous sortir de la crise, nous souhaitons que cette date là soit définitivement choisie et qu'on ne revienne plus en arrière.

Pourquoi ?

Parce que nous risquons un nouvel évènement qui peut nous amener à une prorogation de mandat entre les mains de ceux qui ne le méritent pas. Nous avons vu à Abidjan, moi j'ai vu ici dans le Nord. Je sais ce que je dis.

En parlant de nouvel élément, à quoi faites-vous allusion?

Ecoutez un nouvel élément ça peut être une déception mortelle. Non seulement le peuple est fatigué, mais nous qui les encourageons, nous sommes hors d'haleine. Si je n'avais pas été couché pendant ces 10 dernières années, croyez-moi, j'aurai dénoncé la pléiade de véhicules dont disposent certains de nos enfants. Cela n'est pas bon. C'est ce que nous reprochions au régime de Houphouët-Boigny. C'est ce que nous reprochons à Laurent Gbagbo : c'est d'avoir des ministres trop riches à côté d'un peuple pauvre.

Pensez-vous que les chefs traditionnels que vous êtes peuvent apporter quelque chose dans ce contexte de crise ?

Notre approche est inévitable sinon nous serions des bâtards, excusez-moi du terme. Nous chefs traditionnels, nous avons encore en mémoire les vertus qui ont fait de l'Afrique un grand continent au point qu'une région comme Kong, était regardée par les Français comme un obstacle à la colonisation et ils se sont débrouillés pour nous déclarer la guerre.

Propos retranscrits par Cheick Timité à Ferkéssédougou
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