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Politique Publié le lundi 4 janvier 2010 | Nord-Sud

Affaire « présumée fraude sur la nationalité » : Des victimes racontent leur calvaire

Après leur arrestation musclée en fin de semaine dernière par le Centre de commandement des opérations de sécurité (CeCos), certains des prévenus racontent ce qui s'est réellement passé..

Ouattara Tiéregnimin, 57ans: “Nous avons été violentés lors de l'interpellation”

Vers 3 heures, nous avons entendu deux coups de feu, quelqu'un taper violemment au portail et crié: « Venez ouvrir ! Venez ouvrir ! Si vous n'ouvrez pas et qu'on réussi à entrer, vous allez voir ! Vous êtes tous morts ». Nous avons pensé à des bandits. Chacun est resté enfermé dans sa maison. On a vu quelqu'un escalader la clôture, il est descendu dans la cour avant d'ouvrir le portail à d'autres personnes. C'était des gendarmes, ils sont passés devant chaque porte en disant : « sortez ! Sortez ! Sinon, on va casser toutes les portes ». Quand j'ai entendu la menace, j'ai ouvert ma porte. Je suis donc sorti. Mes voisins en ont fait de même. Le gendarme qui est venu vers moi m'a dit de sortir avec toute ma famille. Nous nous sommes exécutés. On nous a rassemblé tous au milieu de la cour. Il m'a ensuite demandé de décliner mon identité. Ce que je fis. Ceux qui trainaient les pieds ont été roués de coups. Dehors, il a distribué des gifles à certain avant de dérouler un bout de papier sur un air de menaces: « Celui qui va entendre son nom et qui ne va répondre sera responsable de ce qui va lui arriver ». Il a dit : « Traoré Siaka », avant de nous demander si on le connaissait. Poursuivant l'appel, il a cité à trois reprises Sogodogo Aboubacar. Là encore, personne n'a répondu. Alors, je lui ai expliqué que j'ai un fils qui se prénomme Aboubacar mais qu'il se nomme Ouattara. C'est ainsi qu'il a dit Ouattara Aboubacar ou Sogodogo Aboubacar, c'est la même chose. Mon fils s'est présenté quand il l'a réclamé. C'est un enfant de 16 ans il est en classe de 3ème. Il lui a dit de se coucher par terre. Auparavant, quand je lui avais dit que c'est mon fils, il m'a giflé à deux reprises. Il a enlevé son ceinturon et frappé l'enfant. Avant de me porter main, il a dit que j'avais l'âge de son papa. Mais, comme il est gendarme alors il va me frapper. Ce qu'il a fait. Il nous a tous roués de coups. « C'est donc vous la famille qu'on cherchait. On a tous les renseignements sur vous », a lancé le gendarme. Ma carte d'identité qu'il m'avait prise ne m'avait pas été rendue. Au moment où nous sortions de la cour, des éléments du Commissariat de police du 11èmearrondissement sont arrivés. Ils ont eu un bref échanges avec les gendarmes avant de se retirer. Nous sommes arrivés en bordure de la route où était stationné leur cargo. Il portait l'inscription : Cecos (Centre de commandement des opérations de sécurité, Ndlr). Cela m'a rassuré car je savais qu'on avait affaire aux forces de l'ordre et non pas à des bandits. Aux environs de 3 h 25mn nous avons embarqué. Nous étions au nombre de sept personnes, c'était toute ma famille. On a entendu leur chef dire à un interlocuteur au téléphone : « Patron, j'ai réussi à pêcher le gros lot. Il reste les autres. Comme ils sont éparpillés, on va aller les chercher rapidement ». Et puis, on a vu d'autres gendarmes venir avec des personnes à bord d'un camion. Ils ont dit aux accompagnateurs de se rendre le lendemain au siège du Cecos. Nous sommes arrivés au Cecos où nous avons été enregistrés. J'ai approché un agent à qui j'ai demandé le motif de notre interpellation. Il m'a dit que notre arrestation était en rapport avec l'enrôlement. Finalement, c'est à 14 h que nous avons été reçus. Nous n'avons été ni enfermés ni violentés. Pour finir, leur chef ne nous a rien reproché. Selon lui, ils sont à la recherche de la famille Sogodogo. Donc, c'est par erreur que nous avons été interpellés. Ils ont dit qu'on devait nous libérer le mercredi à 16h. Nous avons été relaxés à 23 h34, après notre audition à 18 h.


Sanogo Assata épouse Traoré Yaya, ménagère : “J'ai été harcelée …”

Ils sont arrivés devant le portail aux environs de 4h. Ils ont fracturé la fenêtre du voisin qui donne sur la route. Ils y sont entrés et ont eu accès à notre cour en grimpant à une échelle. Ils ont dit qu'ils recherchaient Traoré Yaya. Mon mari s'est alors présenté. Ils lui ont dit qu'ils voulaient voir son épouse, Sow Assata. C'est ainsi que je lui ai dit que moi je m'appelle Sanogo Assata et non Sow Assata. Ils m'ont intimé l'ordre de les suivre. Je voulais prendre mon bébé de 9 mois mais ils refusé. Nous avons été regroupés avec d'autres personnes avant de monter à bord de leur cargo. Arrivés au siège du CeCos, on a été interrogés sur notre nationalité. Je leur ai dit que je suis Ivoirienne puisque ma pièce d'identité l'atteste. J'ai ajouté que j'ai participé à l'enrôlement et que je figure sur la liste électorale. Au cours de mon audition, j'ai réitéré que je porte le nom Sanogo Assata et non Sow Assata. Nous avons passé toute la nuit du jeudi au CeCos. Nous avons été libérés le jeudi vers 16h. Ils nous ont dit de revenir le 6 janvier avec nos documents qui attestent que nous sommes bel et bien Ivoiriens. Nous avons été harcelés de questions sur notre identité. Et ce que je déplore, c'est le fait que je n'ai pas été assistée ni par mon mari ni par un avocat lors de la rédaction du procès-verbal. Analphabète, j'ignore ce qu'ils ont écrit. J'ai entendu dire que nous sommes poursuivis pour fraude sur la nationalité.


Sow Mawa, 31 ans, coiffeuse : «Nous avons été filmés»

Nous avons pensé qu'on avait affaire à des braqueurs. Car, ils ont fracturé le portail puis les fenêtres. Selon eux, ils recherchaient une certaine Assétou. C'est ma marâtre qui portait ce nom mais elle est décédée il y a longtemps. Ils nous ont dit d'ouvrir le portail sinon ils allaient rentrer par la force. Ce qu'ils ont d'ailleurs fait. Parmi les gendarmes, il y avait un qui était très violent. Il portait un tee-shirt rouge et blanc. C'est lui qui nous a brutalisés en donnant des coups de pied et de ceinturon. Selon lui, il voulait voir Sow Assita. Ce nom n'existe pas dans notre famille. Ce qui me choque, c'est que je suis Ivoirienne de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens. Nous ne sommes pas des étrangers encore moins des animaux pour qu'on nous brutalise de la sorte. Nous avons subi un traitement inhumain. On a été humilié malgré nos documents qui prouvent que nous sommes des Ivoiriens. Cela m'a trop choquée. La Télévision nationale est venue nous filmer comme des animaux. Ce n'est pas comme cela que ça se passe. Dans un premier temps, on devait nous envoyer une convocation. Nous connaissons nos droits et on sait ce qu'on fait. On m'a demandé de dire le nom de mon village. J'ai perdu mon père à l'âge de quatre ans. Lui-même, il ne connaissait pas son village puisqu'il a tout fait à Abidjan. Tout compte fait, nous sommes des Ivoiriens. On ne peut pas nous denier cela. La pauvre dame qui a été arrêtée se nomme Sanogo Assata. Il n'existe pas de Sow Assata comme on a voulu le faire croire. Je condamne vigoureusement les conditions de l'interpellation. Comment pouvez-vous comprendre qu'on vienne arrêter des gens à leur domicile à 3h. C'est du jamais vu. Fort heureusement, nous n'avons pas été brutalisés une fois au siège du Cecos. Ils nous ont dit de revenir le mercredi avec les papiers de SOS parents pour témoigner de notre nationalité. Selon eux, si on ne vient pas, ils reviendront nous chercher. Et que cette fois-ci, cela va se passer à 1h, dans des conditions plus terribles et plus traumatisantes. Nous avons tous été entendus sur procès-verbal, sans bénéficier de l'assistance d'un avocat. Il semble que l'accès lui a été refusé.

Propos recueillis Ouattara Moussa (Stagiaire)
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