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Politique Publié le mardi 5 janvier 2010 | L’expression

Intrusion de certains chefs de village dans le contentieux - Le virage dangereux

Le phénomène prend de l’ampleur. Des chefs de villages s’invitent dans la gestion du contentieux sur la liste électorale provisoire par la plus mauvaise des manières.
Etre chef d’un village donne-t-il à un citoyen le droit de vie ou de mort sur les autres villageois ? Assurément non, si on se place dans une République civilisée et dans un Etat de droit. Mais à y voir de près, c’est la prouesse que veulent réaliser les refondateurs avec certains chefs aux ordres comme celui de la bourgade de Kokomian à Koun Fao. Ce sexagénaire nommé Koffi Adingra qui suspecte 72 personnes d’être des étrangers, porte plainte et se fait débouter par la justice (lire son interview ci-dessous). Il a été incapable d’apporter au juge la moindre preuve que les personnes qu’il accuse d’avoir volé la nationalité ivoirienne sont des gens venus du Burkina Faso alors que ces derniers se réclament de Kong. Fou de rage, il se propose de bannir du village les 72 personnes rétablies dans leurs droits par le juge. Si on devait appliquer à ce chef la rigueur de la loi, logiquement, il devrait aller en prison pour dénonciation calomnieuse, mensonges et délit de faciès. Les personnes qui l’ont mandaté pour les dénonciations devraient lui expliquer que toutes les personnes qui sont sur la liste électorale provisoire ont subi les croisements de 11 fichiers historiques pour extraire les étrangers. Ils devraient lui expliquer également que le fait de ne pas parler une ethnie de Koun-Fao ne signifie pas qu’on est étranger et que la Côte d’Ivoire est très vaste. De même, il aurait fallu démontrer à ce chef les différentes façons de devenir ivoirien au terme de la loi. Il y a lieu de lui expliquer qu’en tant que chef, que son rôle est de fédérer les énergies, rassembler ses concitoyens et non les diviser. Il faut également le prévenir que, s’il bannit les 72 personnes, le sang risque de couler dans son village parce que ces personnes et leurs familles voudront défendre leurs biens et plantations.
“ A Kong, chez eux”
S’il réussit, malgré tout, à les faire «repartir à Kong », les autres Ivoiriens peuvent bannir ses parents, frères et sœurs, comme le ministre de la Culture et de la Francophonie, Komoé Kouadio, originaire de Kokomian, qui sont éparpillés ailleurs en Côte d’Ivoire. Chacun restera chez lui et il n’y aura plus d’Etat, ni de sous-préfet ni de président de la République. A lire l’interview que le chef Koffi Adingra a accordée hier à notre confrère Notre Voie, on se rend compte qu’il constitue un vrai danger pour l’unité de ce pays. Malheureusement, les hommes qui raisonnent comme lui sont encore nombreux. D’autres chefs sont en train de s’inviter dans la gestion du contentieux en se substituant aux juges et à l’administration. A Dabou, certains chefs ont inventé un papier baptisé « certificat de reconnaissance de nativité », un papier qui n’existe nulle part dans l’ordonnancement juridique de la Côte d’Ivoire en vue de régler le cas de certaines personnes introuvables sur tous les fichiers historiques. En lieu et place des certificats de nationalité et la preuve de leur filiation, c’est avec cette trouvaille qu’ils veulent devenir électeurs. Peut-on, en plein match, changer les règles du jeu ? C’est de commun accord que tous les acteurs du processus de sortie de crise ont déterminé la procédure à suivre pour l’enrôlement et la gestion du contentieux. Il faut que les gens soient conséquents avec eux-mêmes. La zizanie des chefs de village ne saurait avoir droit de cité. Pendant que certains d’entre eux luttent pour extraire des listes de personnes qui ont des papiers et fourni la preuve de leur nationalité ivoirienne, d’autres chefs se battent pour faire enrôler, par des méthodes peu scrupuleuses, des gens dont l’existence entière n’a laissé aucune trace dans les archives du pays. En définitive, on n’est pas obligé de s’aimer, mais on est obligé de respecter les textes qui fondent la République. Sinon c’est la jungle, le no man’s land ! Les textes du pays ont prévu une place pour les chefs de villages. Il faut qu’ils s’y conforment.
Lu dans Notre Voie hier/ Entretien avec le chef du village de Kokomian (Koun-Fao)
“Des gens que nous avons accueillis et installés ne peuvent pas nous narguer et se proclamer Ivoiriens”
Nanan Koffi Adingra, chef du village de Kokomian, a porté plainte contre 72 adultes burkinabè résidents de Kokomian, pour fraude sur la nationalité. Il a exprimé «son indignation et son humiliation » devant la décision de justice qui lui donne tort, alors qu’il affirme avoir « accueilli, hébergé et mis des terres à la disposition de ses frères burkinabè « Dogôssè ». Dans cet entretien, il explique pourquoi il s’est senti humilié et ce qu’il compte faire.
Chef pourquoi soutenez-vous qu’ils sont des Burkinabè ?
Mon fils, vous qui êtes journaliste, et qui avez fait de grandes études, connaissez-vous des Dogôssè dans les 60 ethnies de la Côte d’Ivoire ? Je suis indigné de constater que les mêmes Dogôssè, qui ont été accueillis à Tienkoikro, Bossognamiankro, Presso, Dogôssèkro, etc. qui sont des villages du département, se reconnaissent tous Burkinabè, et curieusement, c’est ceux de Kokomian qui veulent absolument être de Kong. Je suis désolé, mais l’ethnie Dogôssè n’existe pas en Côte d’Ivoire, et leur consul est venu ici à Kokomian le 18 novembre dernier, dans le cadre de cette affaire, pour le leur rappeler. Je ne sais pas où ils ont trouvé des extraits de naissance. Bien que dix d’entre eux soient sur la liste de 2000, tous sont des fraudeurs. Et dire que j’ai accueilli, hébergé et mis des terres à la disposition de mes frères Burkinabè Dogôssès.
Mais, pourquoi n’avoir pas présenté votre argumentaire au juge ?
Vous faites exprès ou quoi ? Vous n’étiez pas au tribunal ou bien ? J’ai expliqué. Le juge dit que c’est à moi le chef de village qu’il revient de présenter la carte consulaire des Dogôssè que j’ai reçus sur mes propres terres (Ndlr : il se met à rire, puis prend un air grave). Où vais-je trouver ça mon fils ? Mais comme c’est lui le juge, je ne peux rien dire. Sinon pourquoi a-t-on consulté les chefs de village que nous sommes lorsque des difficultés se sont posées lors de l’audience foraine, si c’était pour nous humilier après ? Si quelqu’un a volé mon anacarde, et que mes manœuvres et moi l’avons surpris, le juge va me demander d’apporter la photo où on voit le voleur en train de soulever le sac d’anacarde ? Le président du tribunal lui-même sait que ce que je dis est la vérité. Nous nous sommes rendu à plusieurs reprises dans leur village à Banfora, pour saluer ceux d’entre eux qui sont rentrés au Burkina, après avoir séjourné à Kokomian. Si vous ne me croyez pas, laissez- moi ici, et allez faire votre enquête au village. Vous êtes naïf, vous entendrez des choses.
Maintenant le juge a décidé, et c’est sans appel. Vous avez dit en sa présence que vous allez vous arranger avec eux au village. Que voulez-vous dire ?
Mais on va s’arranger ! Puisqu’ ils ne me respectent pas et me traitent de menteur, le village a rédigé une pétition que voici (Ndlr : le chef nous présente la pétition signée de lui, des principaux notables, et la caution des secrétaires de section Pdci et Fpi de Kokomian), que nous allons adresser officiellement aux différentes autorités du Zanzan. Ensuite, nous allons récupérer nos terres et les bannir du village parce que nous ne pouvons plus vivre avec des gens que nous avons accueillis et qui nous menacent.
Selon les informations reçues, vous n’êtes pas un chef belliqueux. Pourquoi brusquement un tel regain de colère ?
C’est la société qui change l’homme. Nous sommes tous pour les Accords de Ouaga que mon petit-fils Soro Guillaume a signé avec le président Gbagbo. Mais Soro n’a pas dit aux Burkinabè Dogôssè de frauder sur la nationalité. Alors, qu’ils maintiennent leur place et leur nationalité et nous continuons à vivre selon les règles du village. S’ils persistent dans le mensonge, dans ce cas de figure, je leur demande gentiment de partir « chez eux » à Kong. Mais, je doute fort que les gens de Kong les reconnaissent comme les leurs, parce qu’on fait nos palabres, mais entre nous Ivoiriens, on se connaîtn
Extrait de Notre Voie
n° 3473 du lundi 4 janvier 2010
Par Traoré M. Ahmed
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