Le gouvernement ivoirien doit faire face à un autre problème très sérieux. Le ré-enrôlement des citoyens qui ont, pendant des décennies, fait usage d’extraits d’actes de naissance appartenant à autrui. Si l’on peut s’accorder sur l’amnistie proposée par le juge Yua Koffi, il est toute fois à craindre que le président de la Commission nationale de supervision de l’identification (CNSI) installe un doute sérieux quand il rejette de facto la thèse de fraude sur l’identité. Et propose la voie administrative, comme unique recours.
La pratique était bien connue, mais personne n’osait jusque-là aborder la question. L’utilisation d’un extrait de naissance appartenant à autrui, s’opérait au vu et au su de tous. La méprise débute déjà en classe de CP1pour des enfants qui n’ont pas eu la chance, comme leurs amis, d’aborder l’école dans la fourchette d’âge de 6 à 10 ans. C’est à 12-15 ans que les parents cherchent un extrait d’acte de naissance appartenant à un cousin ou un frère du village. A ce stade déjà, il y a intention de fraude et leurs auteurs en ont clairement conscience. Mais il faut concéder que le bénéficiaire, le mineur de 12-15 ans ne peut répondre d’une telle option parentale. Il faut avouer que ces cas de figure sont bien rares. La fraude prend des proportions importantes au niveau de la classe de CM2. A l’époque, il fallait absolument réussir au concours d’entrée en 6è, avant de dépasser ce niveau d’instruction. Pas question de financer une école secondaire privée, comme c’est la coutume de nos jours. De sorte que des écoliers malchanceux ou nuls pouvaient reprendre quatre fois la classe de CM2, pour se voir exclus au bout du compte. Nombreux sont rejetés dans la nature pour grossir le rang des déchets scolaires et aborder la vie active. Une fois réarmés et outillés, ils reprennent le chemin de l’école à l’âge 20 ans, réduit à 13-14 ans, avec un extrait fabriqué à la Sous-préfecture locale, ou appartenant à un cousin ou frère du village, qui lui est condamné à la vie paysanne. La même technologie est souvent utilisée en classe de 3è pour obtenir le BEPC ou en Terminale pour prétendre au Bac et aux études supérieures. Il est ainsi clairement établi que l’intention de fraude sur l’identité est manifeste. La pratique a gagné du terrain et servi d’astuces à des non Ivoiriens pour acquérir des extraits d’acte de naissance appartenant aux nationaux. Le chef de famille qui donne volontairement, en contrepartie d’espèces sonnantes et trébuchantes, les extraits de ses progénitures et protégés à des étrangers est-il innocent, comme tente de faire croire le président de la CNSI, quand il affirme : « Ce ne sont pas des cas de fraude. Quand quelqu’un qui avait à peine neuf ou dix ans partait à l’école, et que ses parents ont voulu bien faire en lui trouvant un extrait d’acte de naissance, ce n’est pas la fraude. Vous savez, c’est l’Afrique ; nous tenons compte des réalités africaines » (In Fraternité Matin du mardi 05 janvier 2010). Comment le juge Yua Koffi peut-il faire une telle affirmation aujourd’hui ? Plusieurs milliers de citoyens ivoiriens ou ressortissants des pays de la CEDEAO, qui avaient perdu tout espoir, ont pu figurer dans le registre de la Fonction publique de Côte d’Ivoire in extremis grâce à ces pratiques. La justice a été maintes fois saisie des querelles de personnes qui partagent le même extrait de naissance ou des cas avérés de fraude sur l’identité. Des individus ont même été jugés et condamnés à des peines de prison. Il est normal qu’il faille trouver une solution à ces cas de doublons révélés. Toutefois, la vérité et la clarté constituent une base saine. De sorte que de notre point de vue, la solution administrative qu’il préconise va laisser la porte grandement ouverte à toutes sortes de dérives et de nouvelles fraudes. La voie judiciaire, conformément aux dispositions pertinentes en vigueur, quoique certainement lente, longue et même onéreuse, paraît la mieux indiquée. En ayant bien à l’esprit qu’il s’agit ici de corriger des fautes. Il n’est pas indiqué d’en commettre d’autres, sous quelque prétexte que ce soit. Surtout qu’ici, rien n’urge.
Marie-France Océane
La pratique était bien connue, mais personne n’osait jusque-là aborder la question. L’utilisation d’un extrait de naissance appartenant à autrui, s’opérait au vu et au su de tous. La méprise débute déjà en classe de CP1pour des enfants qui n’ont pas eu la chance, comme leurs amis, d’aborder l’école dans la fourchette d’âge de 6 à 10 ans. C’est à 12-15 ans que les parents cherchent un extrait d’acte de naissance appartenant à un cousin ou un frère du village. A ce stade déjà, il y a intention de fraude et leurs auteurs en ont clairement conscience. Mais il faut concéder que le bénéficiaire, le mineur de 12-15 ans ne peut répondre d’une telle option parentale. Il faut avouer que ces cas de figure sont bien rares. La fraude prend des proportions importantes au niveau de la classe de CM2. A l’époque, il fallait absolument réussir au concours d’entrée en 6è, avant de dépasser ce niveau d’instruction. Pas question de financer une école secondaire privée, comme c’est la coutume de nos jours. De sorte que des écoliers malchanceux ou nuls pouvaient reprendre quatre fois la classe de CM2, pour se voir exclus au bout du compte. Nombreux sont rejetés dans la nature pour grossir le rang des déchets scolaires et aborder la vie active. Une fois réarmés et outillés, ils reprennent le chemin de l’école à l’âge 20 ans, réduit à 13-14 ans, avec un extrait fabriqué à la Sous-préfecture locale, ou appartenant à un cousin ou frère du village, qui lui est condamné à la vie paysanne. La même technologie est souvent utilisée en classe de 3è pour obtenir le BEPC ou en Terminale pour prétendre au Bac et aux études supérieures. Il est ainsi clairement établi que l’intention de fraude sur l’identité est manifeste. La pratique a gagné du terrain et servi d’astuces à des non Ivoiriens pour acquérir des extraits d’acte de naissance appartenant aux nationaux. Le chef de famille qui donne volontairement, en contrepartie d’espèces sonnantes et trébuchantes, les extraits de ses progénitures et protégés à des étrangers est-il innocent, comme tente de faire croire le président de la CNSI, quand il affirme : « Ce ne sont pas des cas de fraude. Quand quelqu’un qui avait à peine neuf ou dix ans partait à l’école, et que ses parents ont voulu bien faire en lui trouvant un extrait d’acte de naissance, ce n’est pas la fraude. Vous savez, c’est l’Afrique ; nous tenons compte des réalités africaines » (In Fraternité Matin du mardi 05 janvier 2010). Comment le juge Yua Koffi peut-il faire une telle affirmation aujourd’hui ? Plusieurs milliers de citoyens ivoiriens ou ressortissants des pays de la CEDEAO, qui avaient perdu tout espoir, ont pu figurer dans le registre de la Fonction publique de Côte d’Ivoire in extremis grâce à ces pratiques. La justice a été maintes fois saisie des querelles de personnes qui partagent le même extrait de naissance ou des cas avérés de fraude sur l’identité. Des individus ont même été jugés et condamnés à des peines de prison. Il est normal qu’il faille trouver une solution à ces cas de doublons révélés. Toutefois, la vérité et la clarté constituent une base saine. De sorte que de notre point de vue, la solution administrative qu’il préconise va laisser la porte grandement ouverte à toutes sortes de dérives et de nouvelles fraudes. La voie judiciaire, conformément aux dispositions pertinentes en vigueur, quoique certainement lente, longue et même onéreuse, paraît la mieux indiquée. En ayant bien à l’esprit qu’il s’agit ici de corriger des fautes. Il n’est pas indiqué d’en commettre d’autres, sous quelque prétexte que ce soit. Surtout qu’ici, rien n’urge.
Marie-France Océane