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Politique Publié le samedi 9 janvier 2010 | Nord-Sud

Menaces sur le processus electoral : Mambé accusé de fraude

Selon certaines informations, le président de la Cei aurait fait faire un croisement parallèle clandestin qui a permis de repêcher près de 450 ?00 personnes qu’il voulait insérer en catimini sur la liste électorale définitive. Le Fpi est décidé à avoir sa tête.

C’est un énorme scandale qui secoue actuellement la Commission électorale indépendante (Cei). Sous l’apparence calme et rassurante des acteurs politiques et techniques du processus électoral, un tsunami est en train de prendre corps, qui risque de faire des ravages jusqu’au sommet de la Cei. Depuis environ une semaine, les membres de la commission centrale de la Cei et tous ceux qui sont dans le secret des dieux essaient de gérer avec une omerta quasi sicilienne, le scandale d’environ 450.000 électeurs ajoutés frauduleusement à la liste électorale définitive. Que l’on s’apprêtait à publier dans une vingtaine de jours au plus tard. Ce demi-million de personnes environ n’a pas été créé ex-nihilo. Il existait dans le fichier de 1, 3 millions de personnes, figurant sur la liste noire des enrôlés qui n’ont pas été repêchés. Si ces personnes existent bel et bien dans le fichier des enrôlés, elles ont cependant été frauduleusement requalifiées pour être inscrites sur la liste électorale définitive, sans passer par la phase du croisement populaire. Et sans accord de l’ensemble des membres de la commission centrale de la Cei.

L’affaire en elle-même est terriblement simple. Comme chacun sait, à l’issue des 9 mois d’enrôlement, un croisement des 6 millions de personnes enregistrées par les opérateurs techniques a été fait avec les 11 fichiers historiques retenus, pour confrontation des données recueillies avec celles existantes. Ce croisement a rejeté environ 2,7 millions de personnes, dont un grand nombre d’Ivoiriens, parce que les algorithmes de la Sagem et de l’Ins ne permettaient pas de les qualifier comme étant des nationaux. A l’issue de ce rejet massif, une polémique nationale s’est engagée entre tous les membres de la société politique, de la société civile sur la manière et les procédures qu’il convenait d’adopter face à ces rejets beaucoup trop importants. Deux positions se sont affrontées : l’une défendue par la quasi-totalité des partis de l’opposition, qui estimaient que ces personnes devaient être retenues d’office sur la liste électorale. Parce qu’à l’enrôlement, elles ont produit des documents administratifs ou juridiques qui autorisaient leur prise en compte. La deuxième posture, celle adoptée par le camp présidentiel, préconisait l’affichage des noms des personnes concernées sur une liste à part, pour qu’à l’issue d’un croisement populaire, elles viennent attester de leur citoyenneté. Face à la polémique, le Premier ministre, qui a en charge la conduite du processus de sortie de crise, a tranché en adoptant une position médiane. Avec la technologie avancée et les logiciels de dernière génération que la Côte d’Ivoire a acquis à prix d’or, il est possible d’écrire de nouveaux algorithmes pour repêcher le maximum d’Ivoiriens sur la liste noire. Il a défendu cette position devant le chef de l’Etat et a emporté son assentiment, malgré les réticences du camp présidentiel. Les techniciens se sont mis au travail et ont proposé 22 critères pertinents sur la base desquels l’ont pouvait enclencher les procédures de repêchages.

450.000 personnes repêchées clandestinement

Après débats, la Cei en a retenu trois. Et ces trois critères de croisements supplémentaires étaient relatifs aux ascendants du pétitionnaire. A l’issue de cette opération de repêchage, il restait environ 1,33 millions de personnes. Ce sont ces personnes inscrites sur les listes noires, devenues entre-temps grises, qui ont fait l’objet du récent contentieux. Chacune devait venir, selon la procédure établie par la Cei, avec un certain nombre de documents pour que l’on répare l’erreur dont elle était victime.
Et c’est là que le scandale intervient. Pendant que cette opération de croisement populaire était en cours, selon des témoignages émanant de la Cei, un croisement technique parallèle a été ordonné aux techniciens. Il leur a été demandé de croiser les 1,3 millions de personnes non repêchées en tenant compte cette fois-ci, des 19 autres critères proposés par les techniciens et qui avaient été rejetés. Toutes les personnes croisées positivement selon ces critères supplémentaires auraient été inscrites directement sur la liste électorale définitive. Sans passer par la phase du contentieux administratif ou juridique. Ce croisement parallèle a permis de repêcher environ 450.000 personnes sur les 1,3 millions sujets à vérifications supplémentaires. Cette opération, selon nos sources à la Cei, avait été proposée à la Commission centrale par le président Beugré Mambé. Il l’avait présentée comme une possibilité technique à examiner. Cela avait été rejeté par l’ensemble des commissaires qui ont estimé, quasiment à l’unanimité, qu’il fallait prendre cette décision avant. Et non pas au moment où le croisement populaire était lancé et se déroulait bien. L’affaire en était restée là. Du moins c’est ce que croyaient les autres. Selon les commissaires qui ont soulevé cette affaire, Beugré Mambé aurait mis le vice-président Charles Gomis en mission pour faire exécuter cette tâche par les techniciens, malgré tout. Le demi-million de personnes a ainsi été repêché électroniquement.
Ce travail accompli, des techniciens ont été envoyés sur le terrain, auprès des 415 Cei locales, avec les Cd-Rom des nouveaux inscrits, pour les insérer dans le listing définitif. Etonnés par cette procédure qui ne correspondait pas à celle à laquelle ils ont été formés, ces commissaires ont commencé à en parler entre eux. Puis à appeler certains membres de la commission centrale à Abidjan pour connaître les raisons de cette dérogation. C’est ainsi que le pot aux roses aurait été découvert. Car les commissaires centraux ne se sont pas contentés de murmurer entre eux. Ils l’ont fait à haute voix et cela est parvenu aux oreilles du Premier ministre et du chef de l’Etat. On imagine la transe de Gbagbo quand il a appris cette nouvelle. En marge de la cérémonie de présentation des vœux au chef de l’Etat, il a eu un conclave avec le Premier ministre. Il l’a enjoint de tirer cette affaire au clair.

Une action en destitution envisagée contre Mambé

Avant-hier donc, Guillaume Soro a réuni à la Primature l’ensemble des opérateurs techniques intervenants dans le processus d’enrôlement : Cei, Sagem, Ins, Oni, Cnsi. Il a invité à cette réunion Young Jin Choi et Bouréima Badini, qui représentaient la communauté internationale. Deux représentants de la présidence assistaient également à cette séance de travail, en l’occurrence M. Alcide Djédjé, le conseiller diplomatique de Gbagbo et Mme Odehouri Géraldine Brou, conseillère juridique à la Présidence.

Au cours des débats, le Premier ministre selon nos sources, a clairement interrogé Beugré Mambé et Charles Gomis sur cette affaire. Ils ont fourni des explications. Desquelles il est ressorti que les Cd-Rom incriminés existaient bel et bien, que le travail de croisement électronique parallèle avait bel et bien été effectué malgré l’opposition de la plupart des membres du bureau de la Cei et que ces Cd avaient été envoyés sur le terrain. Mais selon Beugré, il s’agissait juste d’une expérimentation pour voir les possibilités d’un croisement électronique supplémentaire. Si c’était expérimental, pourquoi les Cd ont-ils été envoyés sur le terrain, auprès des Cei locales ont demandé plusieurs participants à cette réunion.

Les membres de la communauté internationale présents à cette rencontre ont alors demandé au Premier ministre de faire en sorte que ces Cd de noms supplémentaires soient retirés du circuit et détruits. Non seulement Guillaume Soro a approuvé cette proposition, mais mieux, il a décidé que la Primature et l’ensemble des structures qui sont intervenues dans l’enrôlement auraient désormais un droit de regard sur toutes les opérations de la Cei. Pour cela, il a institué une séance de travail hebdomadaire obligatoire de toutes ces structures jusqu’à la fin des élections. Il a en outre instauré de nouveaux critères de transparence. Ainsi, il a exigé dorénavant la validation par toutes les structures techniques des inscriptions définitives sur la liste électorale. Enfin, il a recommandé au président de la Cei de réexaminer la date de fin du contentieux compte tenu de toutes les nouvelles informations qui étaient apparues.
A l’issue de cette réunion, le Fpi a tenu une réunion de guerre. Selon les informations qui nous sont parvenues, ce parti et ses alliés ont décidé de retirer leur confiance au président de la Cei et à la commission centrale de la Cei. Pis, la décision aurait été prise d’attaquer Robert Beugré Mambé devant une juridiction suprême pour fraude sur le processus électoral. L’objectif de cette action, le Fpi ne s’en cache pas, c’est d’obtenir la destitution du président de la Cei pour trahison ou manquement grave à ses obligations. Toutes les chancelleries occidentales en Côte d’ Ivoire ont été informées, ainsi que Ban Ki-moon et le facilitateur Blaise Compaoré. L’affaire est si grave que Guillaume Soro a pris un vol hier midi pour Ouagadougou afin de s’entretenir avec le Facilitateur de cette situation. Et d’examiner les voies et moyens pour que cette bataille politico-juridique qui s’annonce ne vienne pas couler les années de sacrifices consenties pour la sortie de crise. En principe, Blaise Compaoré et Laurent Gbagbo devait se parler au téléphone pour faire baisser la tension et éviter que la justice ne prononce la destitution de Beugré Mambé et de l’ensemble de la commission centrale de la Cei. Les suites de cette affaire s’annoncent terriblement importantes.

Touré Moussa
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