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Politique Publié le jeudi 14 janvier 2010 | Le Patriote

Dossier: Caporalisation des médias d’Etat (1) : La RTI, un instrument de propagande pour Gbagbo

La Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) est sous les feux de la rampe. Surtout en cette période pré- électorale où tous les quartiers généraux des candidats déclarés aux différentes joutes électorales sont sur le terrain. Malheureusement, c’est cette période hautement sensible que la RTI choisit pour afficher une partialité favorisant le camp de Laurent Gbagbo, candidat à sa propre succession, au détriment de celui de l’opposition majoritaire, représentée par Alassane Ouattara (RDR), Henri Konan Bédié (PDCI), Albert Mabri Toikeusse (UDPCI) et Innocent Anaky Kobéna (MFA). Nous faisons une incursion dans ce qu’il convient d’appeler dorénavant, le royaume de Gbagbo ou la chasse-gardée du camp présidentiel. Une RTI à la solde « des jeunes patriotes ».

Jeanne – Marie Sagoé est étudiante en Licence de Mathématiques à l’Université de Cocody. Elle habite la cité "Quatre Etages" d’Abobo avec ses parents. Rentrée de Port- Bouët, ce samedi- là, en début de soirée, elle n’avait d’yeux que pour le cadran de sa montre. Soudain, elle se surprend de constater qu’il est 19h 58. Jeanne- Marie abrège alors sa conversation avec son oncle paternel et son épouse, venus faire leurs civilités à M. et Mme Sagoé, malheureusement absents et elle prend place sur l’un des vieux canapés du salon après avoir mis la télé en marche. Pour rien au monde, elle ne voudrait rater le « 20h » de ce jour. Surtout que durant la journée, elle s’est rendue à Port- Bouët, en compagnie des milliers de jeunes du quartier, pour communier avec son candidat, Alassane Dramane Ouattara qui rencontrait via un meeting géant " les ADO Boys and Girls".

Vu l’impressionnante mobilisation, la communion parfaite entre celui qu’elle qualifie de « candidat des jeunes» et la jeunesse ivoirienne, ce jour-là, et surtout qu’à plusieurs reprises, l’équipe de reportage de la Radiodiffusion Télévision Ivoirienne (RTI) a fixé des images de Ouattara et de la foule compacte, Mlle Sagoé pensait pouvoir voir le compte-rendu de ce rassemblement au journal télévisé.

Mais, quelle fut son étonnement et sa stupéfaction de voir que, nulle part, cet élément n’a été présenté. Tout au long du journal télévisé, elle a scruté l’écran du poste téléviseur de ses parents en vain. Ce ne sont que les reportages ayant trait à l’agenda du chef de l’Etat ; les activités, les tournées du directeur de campagne de Laurent Gbagbo, la visite de la première dame dans un temple à Yopougon, la remise d’un chèque de cinquante millions de Francs CFA à une structure de micro-finance à Bonoua, dans son village ; la visite de Blé Goudé, de Fologo et autres qui envahissent l’écran pendant les 30 mn et plus que dure le journal. « Ça ne va pas continuer comme cela ! Ce que Gbagbo lui- même a dénoncé, lorsqu’il était opposant, c’est ce qu’il fait. Si ce n’est pas lui qui donne l’ordre pour ça, c’est que les journalistes et responsables de la RTI font du zèle inutile ! Et il y a de quoi à ne plus payer la redevance à la RTI », dit- elle avec un air de dépit.

Déçus, les Ivoiriens se paient les chaînes cryptées

Cette déception de Jeanne- Marie Sagoé est aujourd’hui celle de millions d’Ivoiriens à l’encontre de la RTI, cet organe d’utilité publique. Les récriminations des Ivoiriens sont surtout dirigées vers la première chaîne de télévision nationale devenue la vitrine et l’instrument de propagande du candidat Laurent Gbagbo. Des Ivoiriens ne manquent pas de la taxer de "la chaîne des grands énervements". La deuxième chaîne de télévision (TV2), la chaîne nationale de la radio et Fréquence II, quant à elles, font un minimum d’effort pour ouvrir leurs antennes à des sensibilités politiques autres que le FPI de Laurent Gbagbo.

Chaîne généraliste, à vocation nationale et régionale, la première chaîne de la télévision nationale est diffusée par satellite sur l’ensemble du territoire.

La RTI, devenue une société d’Etat, le 24 décembre 2004 a, bien avant cette réforme, successivement été érigée en Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial (EPIC), en Société d’Economie Mixte de Type Particulier (SEMTP-RTI), en Société Anonyme (SA). Avec ce statut de société d’Etat, la RTI, se caractérise par une autonomie de gestion. Placée sous la double tutelle politique et financière des Ministères de la Communication et de l’Economie et des Finances, la société RTI, avec un capital de six milliards de francs (6 000 000 000 F CFA) fonctionne sous l’autorité directe d’un Conseil d’Administration présidée par Honoré Guié et d’une Direction Générale régentée par un Brou Amessan Pierre Israël qui ne cache pas sa haine viscérale contre l’opposition majoritaire ivoirienne. Suivez le journal télévisé du jeudi soir et vous verrez, en lieu et place d’un journaliste, un maître de cérémonie annonçant les activités du Chef de l’Etat et de ceux de son clan.

A l’origine, selon le cahier de charges, les missions essentielles de la RTI sont, entre autres, contribuer à la consolidation de l’unité nationale,
Répondre aux aspirations de la population en matière d’information, de culture, d’éducation et d’illustration des valeurs de la civilisation,
Assurer une présentation équilibrée des différents courants artistiques et culturels…
Au regard de tout cet arsenal de dispositions, les Ivoiriens s’étonnent que la RTI soit caporalisée à ce point.

Journalistes partisans

Selon nos sources, la présidence de la République pèse de tout son poids dans le fonctionnement de la RTI. Surtout dans la sélection des reportages politiques liés aux activités de l’opposition majoritaire. Nos sources confirment que les éléments filmés lors des meetings de Ouattara, Bédié et autres leaders de l’opposition, sont systématiquement passés au crible et visionnés à la présidence de la République avant d’être remis à la RTI pour diffusion. «Souvent, les notes que nous prenons sur les lieux de reportages ne servent à rien. Puisque lorsqu’on arrive, la bande est automatiquement acheminée à la présidence. A des moments, la cassette revient avec un texte d’accompagnement auquel personne n’a le droit d’enlever une seule virgule.

Le bouchon est même souvent poussé trop loin en faisant intervenir les fins limiers. A titre d’exemple, avant la 7ème édition du Festival de la route des Reines et des Rois (FESTIROIS 2009), le Professeur Urbain Amoa, Recteur de l’Université Charles Louis de Montesquieu et promoteur de ce festival a été interpellé et soumis à un interrogatoire à la Police judiciaire. Il en a été de même après le Festirois. Le crime de M. Amoa est d’avoir eu Dr Alassane Dramane Ouattara comme parrain de ce festival. La cerise sur le gâteau, c’est que l’équipe de reportage qui a filmé le festival a été également entendue. Entre autres questions qui leur ont été posées, on enregistre celles-ci : «Qu’est-ce que vous avez vu à Kong ; qu’est-ce qui a été dit au nom de Ouattara à Kong ?.. ». Mon frère, le professionnalisme s’arrête au portail de la RTI», rapporte notre source. Lorsque les éléments sont retournés à la maison bleue de Cocody, là encore se trouvent d’autres obstacles. Des journalistes partisans qui ne cachent pas leur militantisme zélé à la télévision et qui font la pluie et le beau temps dans la maison, prennent sur eux de faire la programmation. « Si c’est un film qui a trait au camp du PR (Ndlr, le Président de la République), le passage le même jour est assuré. S’il doit passer un jour après, le temps est multiplié par deux voire trois. Si c’est alors un élément de l’opposition, la date est à la convenance des patrons. Il peut passer plusieurs jours voire plusieurs semaines, sinon des mois après », explique notre interlocuteur qui rapporte aussi qu’un meeting de M. Bédié ou de M.Ouattara peut être filmé aujourd’hui et présenté, s’il a de la chance, deux à trois semaines après. Alors que la visite d’un Blé Goudé dans un "Agora" (lieu de regroupement de jeunes désœuvrés que manipule le FPI pour invectiver l’opposition, d’honnêtes citoyens ou casser des entreprises), aussitôt filmé est projeté le même jour. « Même à quelques minutes du journal, si "le général" (Blé Goudé) appelle l’un des patrons pour lui dire qu’il veut passer sur le plateau, le présentateur est obligé de réaménager son conducteur. Personne d’autre ne peut trouver à redire », explique celui qui se veut notre "partenaire", qui dit « en avoir gros sur le cœur».

L’omniprésence sur les écrans, seul moyen pour améliorer son image et conserver le pouvoir
Au-delà de cette caporalisation, la RTI, il faut le dire a contribué, à n’en point douter, à l’exacerbation des clivages et tensions pendant la crise militaro- civile que la Côte d’Ivoire connaît depuis le 19 septembre 2002.

Révélations spectaculaires, accusations gratuites, délations et menaces tous azimuts. Ce n’est pas le président de la CEI, Robert Beugré Mambé qui nous contredira, lui qui vient de subir un traitement spécial à la télé sans que parole ne lui soit donnée pour s’expliquer. Personne ne niera que le climat d’ultra violence qui a régné en Côte d’Ivoire au début de la crise a été exacerbé par certains animateurs des médias d’Etat. Donnant ainsi un coup de massue aux règles d’éthique et de déontologie professionnelles les plus élémentaires. Guillaume Soro, alors ministre de la Communication, en visite à la RTI a failli passer de vie à trépas. "Les jeunes patriotes" ameutés par des journalistes et agents de cette maison de la présence de Guillaume Soro en ce lieu, ont envahi la cour de la télévision à Cocody. Celui-ci n’a eu son salut qu’à l’intervention des forces de l’ONUCI.

Intoxication, libre antenne et incitation à l’émeute

Certains journalistes et responsables des médias d’Etat, surtout de la RTI, ont joué un jeu dangereux, en se transformant en de petits soldats au service de la République ( ?). Ainsi, à partir du mois de septembre 2004 jusqu’au déclenchement des opérations militaires des forces armées ivoiriennes contre le Nord, le 4 novembre, dans les éditions des journaux télévisés ou des émissions créées de toutes pièces par des "journalistes patriotes", les leaders de l’opposition Alassane Ouattara ou Henri Konan Bédié et Guillaume Soro, chef de file des Forces Nouvelles étaient systématiquement qualifiés de " hors-la-loi". Des chants guerriers, des appels aux meurtres tel que celui de Jean- Yves Dibopieu, membre de la galaxie patriotique « A chacun son petit Français » a été, malheureusement amplifié par le canal de la RTI. Et tout le monde connaît la suite : casse et cambriolage de domiciles de citoyens français. Ce qui a nécessité le rapatriement de plusieurs milliers de Français de la Côte d’Ivoire vers leur mère patrie, abandonnant le fruit de plusieurs années de dur labeur à Abidjan. Et a provoqué la mise en chômage de nombreux Ivoiriens. La télévision première chaîne ne concourt en rien ni à la cohésion sociale ni à l’expression de la pluralité des opinions. Elle ne respecte pas son cahier de charges. Elle est devenue un instrument de propagande entre les mains de Laurent Gbagbo celui qui se présente pourtant comme un démocrate et qui se tague d’avoir lutté pour le retour du multipartisme en Côte d’Ivoire.

Jean- Antoine Doudou
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