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Politique Publié le vendredi 15 janvier 2010 | L’expression

Dérives et partialité de la RTI : En attendant un comité de suivi pour libérer les médias d’Etat

Le péché originel de l’Accord politique de Ouagadougou, c’est d’avoir maintenu sur la question des médias d’Etat, une équipe décriée qui avait déjà montré ses limites dans la gestion d’une ligne éditoriale consensuelle et ouverte à tous les partis politiques. L’arrangement politique de la capitale burkinabé a certes mis l’accent sur les médias d’Etat, mais trois ans après, on est toujours au stade des intentions. Pis, les récriminations de l’opposition se font entendre de plus belle dans un contexte de conflit permanent où Laurent Gbagbo est l’homme orchestre. Ce manque de volonté a entrainé un laisser-aller au niveau du paysage audiovisuel. On est revenu 30 ans en arrière, au temps où le « père de la Nation » arrosait la TV de son image, de ses citations et de ses réalisations de prestige. La Rti, c’est la Pravda. Et le public habitué aux journaux, émissions et débats télévisés professionnels, découvre une maison de propagande et un instrument de destruction politique au service d’un individu, d’un seul camp. Le culte de la personnalité revient en force sur nos antennes. On chante les louanges d’un seul individu. Une coterie accapare un instrument de service public. Bref, la télévision est devenue la caisse de résonnance du Fpi où tous les bulletins présidentiels et les édits du Cojep de Blé Goudé ou les oukases de Bro Grébé passent comme lettre à la poste, tandis que les meetings de l’opposition sont censurés ou traités insuffisamment. Il faut regretter l’ère Kébé, du nom de l’ancien directeur général, qui, sous le magister de l’ancien Premier ministre, Charles Konan Banny, avait réussi, à faire un subtil dosage dans le traitement de l’information politique et dans la distribution du temps d’antenne aux partis politiques. Guillaume Soro qui a réussi à assainir le climat politique doit se saisir personnellement de ce dossier, qui pourrait, si rien n’est fait, remettre en cause les acquis de cette transition. Adieu alors la cohésion et la réconciliation nationales.

Aujourd’hui, la télévision nationale, singulièrement, amplifie les frustrations, les inégalités et les injustices de la société politique dont les gardiens demeurent incontestablement le chef de l’Etat et le Premier ministre, Guillaume Soro. Elle sert de relais au CeCos devenu la police politique du camp présidentiel, notamment dans la gestion du contentieux électoral où des populations sont présentées comme des « fraudeurs » sur la nationalité. Les dérives identitaires, les insultes et la haine contre une frange de la population en rajoutent aux antagonismes politiques sur le terrain. L’enlèvement de 18 personnes à Williamsville par des éléments du Cecos, les arrestations de personnes à Dabou, Sikensi, Kokomian (Koun-Fao) pour les mêmes motifs montrent bien que la télé ne sert plus la sortie de crise. Elle est orientée vers la satisfaction des intérêts et des calculs de la mouvance présidentielle décidée à l’utiliser comme une arme de déstabilisation de ses adversaires. La gestion de la crise à l’Alliance pour la nouvelle Côte d’Ivoire (Anci) par la Rti traduit clairement les inquiétudes des partis de l’opposition. Jean Jacques Béchio adoubé par le Fpi et le camp présidentiel, dans une crise qui l’oppose à Zémogo Fofana, se voit ouvrir les antennes de la télé nationale. Sur le plateau du JT de 20 heures, Béchio, le secrétaire général, s’autoproclame président et crache sa bile…La Direction de la maison bleue refuse de donner la parole à son président pour qu’il s’explique. Zémogo est interdit jusqu’à ce jour d’antenne.
La complicité ou l’indifférence du Conseil national de la communication audio-visuelle (Cnca) sur la partialité des médias d’Etat, la mollesse de la Commission électorale indépendante doivent conduire la Primature, maître d’œuvre du processus de paix, à se saisir du dossier « Médias d’Etat ». Autant il a décidé de l’installation d’un comité de suivi dans la crise à la Cei, autant il est impératif de mettre en place un comité de suivi pour rendre les médias d’Etat impartiaux. C’est, ne l’oublions pas, un critère de certification des élections. Ce comité dont les décisions seraient exécutoires impliqueraient les partis politiques, l’Onuci, le Cnca, l’organe de régulation, le ministère de la Communication, les partenaires au développement. L’enjeu à moyen terme est de professionnaliser un secteur envahi par le tout politique au détriment de questions sociales et économiques importantes.

Assoumane Bamba
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