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Politique Publié le vendredi 22 janvier 2010 | L’intelligent d’Abidjan

Soromou Gbogolo, leader politique guinéen : ‘’Moussa Dadis peut rentrer à tout moment en Guinée‘’

Êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle guinéenne ?

Je suis candidat à la présidentielle mais le moment n’est pas venu pour en parler. Notre préoccupation aujourd’hui est de ramener en Guinée un climat de paix et de sérénité pour nos populations et faire en sorte que les sanctions internationales qui pèsent sur elles s’atténuent. C’est pourquoi tous les Guinéens, y compris le Chef de l’Etat y compris, se sont donnés la main pour retrouver un accord et une sortie de crise apaisée.


Il y a quelques jours est intervenue la signature d’un accord entre le Président intérimaire Sékouba Konaté et le Président Dadis Camara qui a accepté une transition de six mois. En tant qu’homme politique guinéen êtes-vous convaincu que cet accord ramènera la stabilité ?

Il n’y a pas eu d’accord signé entre le Président Dadis et le Président intérimaire Konaté. Il y a eu un accord de sortie de crise qui a été proposé par le médiateur Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso , accord auquel ont souscrit toutes les forces politiques en Guinée pour qu’ensemble nous allions dans la voie de l’apaisement pour le bonheur de notre peuple, et de ramener une sérénité et un environnement qui soient propices aux prochaines élections conformément à l’ordre constitutionnel dans notre pays. En ce qui me concerne, je suis partie prenante de cet accord. Parce que c’est la volonté de tout homme politique, de la société civile. Nous avons décidé une sortie de crise apaisée et le retour à l’ordre constitutionnel dans notre pays.


Comment les Guinéens apprécient-ils le cas du Président Moussa Dadis Camara qui a échappé à un assassinat et qui semble être en résidence surveillée à Ouagadougou ?

Il faut remettre les choses dans leur contexte en leur enlevant la passion. En toute chose la passion nous aveugle. En fait, le Président Moussa Dadis a été victime le 3 décembre d’un attentat. Et il n’y a eu que le Sénégal et le Burkina Faso qui se sont proposés pour l’évacuer afin de recevoir des soins appropriés à son état. Donc le Président Blaise Compaoré a été celui-là même qui a négocié et obtenu auprès des autorités marocaines un hôpital avec des médecins pour qu’il soit évacué. C’est ainsi qu’il s’est retrouvé au Maroc. C’est le lieu de remercier le Président Compaoré et les autorités marocaines pour ce geste de fraternité à l’égard de notre Président. Aujourd’hui si sa santé s’est nettement améliorée, il reste très affaibli. Voilà donc que bien portant, il est passé voir le Présidet Blaise Compaoré pour le remercier pour l’acte hautement humain qu’il a posé et tout le peuple du Burkina Faso. C’est ainsi que toute la classe politique s’est retrouvée auprès de lui à Ouagadougou afin de le concerter. C’est de cette concertation qu’est sorti cet accord que vous appelez accord de Ouagadougou.


Est-ce à dire que pendant les six mois, le Président Dadis se reposera à Ouagadougou avant de regagner Conakry ?

Je ne peux pas vous dire que le Président Dadis va se reposer pendant six mois à Ouaga. Ce que je peux vous dire est que son état de santé nécessite un repos. Parce que vous conviendrez avec moi que s’il parvenait à rentrer en Guinée maintenant, vu sa popularité, vu le besoin que le peuple ressent de le voir, les visites vont encore l’épuiser alors que son état de santé ne permet pas qu’on l’expose à un tel effort. En ce qui concerne la vie politique, il est bien marqué dans les accords qu’il va rester et accompagner toutes les structures de la transition jusqu’à son aboutissement heureux. Il n’est donc pas hors jeu. Il est le Président de la République de Guinée. Il y a un président par intérim qui est sur le terrain et qui va agir en concertation avec lui.


Mais un Président par intérim qui a déjà choisi un Premier Ministre (?)

Là aussi il faut recentrer les choses. Il n’a pas choisi un premier ministre. Les accords de Ouaga disent qu’il fallait qu’un premier ministre vienne des rangs de l’opposition. Que c’est l’opposition qui allait proposer à la junte le nom d’un premier ministre consensuel. C’est ce qui a été fait. Lui, il n’a fait qu’entériner le choix de l’opposition.


En tant qu’homme politique ne considérez-vous pas le retrait du Président Moussa Dadis Camara à Ouaga comme un exil ?

Nous ne pensons pas que ce soit un exil. Nous considérons que c’est un repos médical. Parce qu’on parle d’exil quand on est contraint de s’exiler parce qu’on a des problèmes dans son pays. Le président Dadis reste président et à tout moment il peut rentrer en Guinée quand son état de santé le lui permettra. Donc pour nous, ce n’est pas un exil.


Mais aujourd’hui, il a maille à partir avec la communauté internationale après les événements du 28 septembre 2009 qui ont fait plus de 150 morts. On parle de plus en plus de sa comparution devant le tribunal pénal international. Qu’en pensez-vous ?

Nous pensons que nous avons eu à nous prononcer sur cette situation. Je le disais récemment que la communauté internationale s’est acharnée sur la Guinée pour plusieurs motifs. Nous, en tant que guinéens nous voulons avancer. Nous ne voulons pas regarder dans le rétroviseur. Mais il faut savoir une chose. Les événements du 28 septembre ont été imputés au Président Moussa Dadis Camara parce qu’on aurait reconnu au stade son aide de camp, M.Toumba Diakité. Par conséquent si son aide de camp était au stade pendant la tuerie, cela voudrait dire que c’est lui qui avait donné l’ordre à ce dernier d’être là-bas. Pas plus d’un mois après, nous avons entendu sur les ondes de Rfi des responsables politiques guinéens qui étaient au stade ce jour-là, se dédire et apprendre que le même Toumba Diakité était au stade pour les protéger et les sauver. Et nous avons eu une commission d’enquête qui est arrivée en Guinée pour dix jours. Vous comprendrez qu’en dix jours on ne peut pas régler des dossiers sérieux de telle nature. Mais l’histoire a suivi son cours. Ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est d’œuvrer afin que la communauté internationale s’apaise pour que les souffrances de notre peuple s’exténuent, pour que les guinéens se donnent la main et relèvent le défi qui nous a été lancé par la junte, que nous sortions de cette crise et que l’ordre constitutionnel soit rétabli.


Vous souhaitez le retour de l’ordre constitutionnel avec la formation d’un nouveau gouvernement.Mais, croyez-vous que les militaires sont prêts à retourner dans les casernes en laissant le pouvoir aux civils ?

Je pense que les jalons ont été déjà posés. Les militaires étaient venus dès les premières heures du coup d’état selon eux, pas pour s’éterniser au pouvoir. Et toute la classe politique avait cru en ce discours. Chemin faisant des circonstances ont laissé entrevoir une probable candidature du président de la junte. Ce qui a été à la base de tous les problèmes que nous avons connus. Quand vous allez lire très bien les accords de Ouaga qui ont été signés vendredi (Ndlr : vendredi 15 janvier 2009), il est explicitement noté qu’aucun militaire en exercice, qu’aucun président d’institution et toutes les personnalités qui vont assurer la transition ne seront candidats aux prochaines élections. Et le Président est allé plus loin dans sa déclaration à la nation que sa candidature et celle des membres de la junte militaire était un problème révolu et réglé à jamais.


Vous qui êtes leader politique, comment vous vous y prendriez si l’on vous appelait dans le gouvernement en formation si tant est que celui qui y participe est disqualifié pour les élections présidentielles à venir, selon les termes de l’accord ?

Au niveau des états majors des partis politiques, chacun a des objectifs. Pour notre compte, nous avons des cadres qui peuvent valablement participer à la gestion de cette transition. Il n’est pas dit que le premier responsable qui est susceptible d’être candidat soit obligatoirement celui-là qui doit y participer.


A Ouagadougou, avez-vous rencontré le Président Dadis ?

Bien sûr que j’ai rencontré le Président Dadis avec qui nous avons discuté et qui m’a livré sa nouvelle vision pour notre pays. Pour cela je profite ici de cette occasion pour rendre hommage à la hauteur d’esprit de l’homme qui a su faire un dépassement de lui-même pour regarder l’intérêt supérieur de sa nation. Et c’est mon souhait que cette catharsis puisse servir à beaucoup d’autres responsables politiques pour qu’ils puissent voir l’intérêt supérieur de leur nation au lieu de voir seulement leur ombre dans la glace.


Avez-vous des liens particuliers avec le Président Dadis?

Je pense que tout homme politique qui aime sa nation doit avoir des liens avec son président de la république. C’est lui qui gère la nation. Sa santé nous intéresse. Sa vision nous intéresse. Il est donc du devoir de tout homme politique conscient et soucieux du devenir de son peuple de savoir dans quel état de santé se trouve son président de la république, de discuter avec lui de sa nouvelle vision pour son pays. Comme on le dit, la critique est facile mais l’art est difficile. Nous avons à l’époque dit qu’on ne peut pas être dans un état de belligérance tout seul. Il faut deux parties. Et il n’y a pas qu’une partie qui fait des fautes. Il faut que les deux fassent des fautes pour arriver à l’affrontement. Il y a eu affrontement chez nous et j’ai eu à m’expliquer là-dessus. Chacun à une responsabilité vis-à-vis de l’histoire de notre pays dans ce qui est passé. Mais ce qui est important pour les guinéens, c’est de regarder dans le futur comment nous pouvons mettre fin à la souffrance de notre peuple.


Mettre fin à la souffrance des Guinéens suppose l’organisation d’élections. A quand ces élections quand on parle d’une transition de six mois ?

Nous pensons que le processus des élections présidentielles a été lancé depuis 2008. Donc de 2008 à maintenant il y a eu du travail. Après le 23 décembre 2008 date de la prise du pouvoir par la junte militaire, il était prévu qu’en décembre 2009, il y ait des élections. Des travaux ont été exécutés dans ce sens. Aujourd’hui, on donne encore six mois pour corriger simplement ces travaux et mettre tout le monde d’accord afin d’aller aux élections et pour nous c’est réalisable. Mais pour y arriver, nous avons besoin de l’aide de la communauté internationale, de l’aide des partenaires nationaux pour aider finalement la Guinée à se lancer vraiment sur la rampe d’un développement durable.


Avez-vous changé de position vis-à-vis de la communauté internationale et de la France que vous avez particulièrement traitées de tous les maux il y a quelques mois ?

Je pense que nous étions à l’époque sur un front. Nous étions surtout sur un front avec une vision particulière qui était de défendre la dignité et l’honneur de notre nation. Aujourd’hui la tension a baissé et il est extrêmement important que nous soyons porteurs de paix et que nous tenions un langage responsable qui amène tout le monde à comprendre que nous n’avons pas de position carrée et figée par rapport à la communauté internationale et particulièrement la France. Même quand j’avais des propos assez durs pour la France j’ai toujours dit que je n’étais pas antifrançais. Je disais simplement qu’aujourd’hui la dynamique veut que, l’Afrique regorgeant de cadres qui ont étudié en France et partout en Europe, nous ne réclamons que le respect pour nos pays. Nous voulons que lorsqu’on s’adresse à nous, il faut que ce soit d’intellectuel à intellectuel et qu’on ne nous parle pas de là haut. Nous savons aussi que pour des contraintes de développement, la Guinée ne peut pas vivre en autarcie. Il est donc important de faire comprendre que la coopération avec la France est nécessaire car elle peut nous apporter beaucoup. Mais dans un échange d’égal à égal, de donnant- donnant. Je n’ai absolument rien, ni contre la France ni contre la communauté internationale. Nous savons très bien que nous avons besoin de leur soutien et de la Cedeao pour que la dynamique de développement que nous voulons pour la Guinée puisse progresser. Nous avions donc déploré un certain comportement de la communauté internationale parce que nous attendions mieux d’elle. Avec la situation qui s’apaise, c’est le moment pour elle (ndlr : la communauté internationale) de nous démontrer qu’elle reste notre amie, et de nous accompagner dans notre nouveau programme et notre nouvelle vision pour la paix et pour la prospérité de notre peuple.


On retient donc que vous n’êtes plus un anti français ?
Ce n’est pas que je ne suis plus un antifrançais. Mais je n’ai jamais été un antifrançais et je le précise bien.


Mais par vos propos on vous a tout de même traité d’antifrançais ?

Par mes propos les français ont dû penser que j’étais contre eux. Mais que non ! J’étais contre l’agissement de certains cadres français qui parlaient de mon pays comme d’une arrière-cour. C’est cette dignité que j’ai voulue relever en attirant leur attention qu’ils étaient face à des gens indépendants.


Quel est votre appel aux communautés guinéennes vivant ici en Côte d’Ivoire et dans tout le monde entier ?

Je voudrais lancer un appel que je tire des discussions que nous avons eues avec le Président Dadis Camara. Cet appel est de demander aux Guinéens de mettre balle à terre. De comprendre que ce qui importe aujourd’hui, c’est la paix et la sérénité dans notre pays. Eléments sans lesquels nous ne pouvons réellement amorcer des programmes de développement pour notre pays. Donc c’est un appel que je lance à la communauté guinéenne d’ici et d’ailleurs pour dire qu’il est temps d’avoir une nouvelle vision. Le moment est bien venu. Notre président de la république vient de faire un geste hautement symbolique en décidant librement de dire que si c’est sa personne en tant que Dadis Camara qui pose problème en Guinée, il préfère se retirer afin que la Guinée se développe. Ce message doit être compris de tous.

Interview réalisée à Abidjan par Huberson Digbeu, coll : SB
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