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Politique Publié le mardi 26 janvier 2010 | Nord-Sud

Yusuf Roger Banchi aux hommes politiques ivoiriens : “N`allez pas au suicide politique !”

Yusuf Roger Banchi, ancien ministre, ancien compagnon de lutte de Guillaume Soro, jette un regard sans concessions sur les tensions politiques de l`heure. Et donne des conseils à son «frère», le Premier ministre pour réussir la transition.

«Ivoiriens, au moment même où notre actualité politique présente un aspect des plus misérables, avons-nous le droit d`imaginer que le temps de la médiocrité va nécessairement prendre fin un jour prochain. Le temps de la médiocrité est ce temps où, le débat d`idées et l`articulation des projets de société dans une période pré-électorale, sont remplacés en importance, par des affaires de tripatouillage débouchant sur des affaires de marche insurrectionnelle… La marche insurrectionnelle, c`est passée de mode en 2010. Et grâce aux souvenirs encore très pénibles d`un passée sanglant trop récent, c`est du plus mauvais goût politique. Voila l`exemple parfait du hara-kiri (suicide) politique que ses promoteurs n`auront pas fini de regretter dans dix ans encore. Nous ne ferons pas, ici, toute honte bue, la mémoire trop courte et avec trop de zèle, le procès de la violence politique. Pour la raison, qu`en son temps, nous avons cautionné et défendu la cause de la rébellion armée. Nous nous contenterons de dire, avec humilité, qu`une génération de jeunes ivoiriens a bu, malgré elle, au calice amer de l`insurrection armée pour la cause et le compte d`aînés à la mémoire décidément trop courte. Cela a été, pour que cela ne soit plus jamais. D`entre nous, la génération sacrifiée, marquée à jamais dans la conscience par une trop lourde responsabilité, un homme veut se lever pour dire aux néo-rebelles de l`heure : « Quittez dans ça ! Quittez dans cette affaire, dont le poids est insupportable pour n`importe quelles épaules humaines ». Je pèse mes mots. Regardez seulement cet autre homme issu de cette génération. Qui, avec un courage surhumain, assume sa part incommensurable de la tache de réparation. Toute force vient de Dieu, il n`y a pas de force en dehors de Dieu. Ce que le Premier ministre Guillaume Soro s`efforce d`accomplir avec le secours divin, n`est rien de moins qu`une œuvre de rédemption pour la génération sacrifiée dont il a pris la tête. En même temps qu`un acte patriotique envers la nation qui lui a tout donné. Envers et contre tous nos désaccords et fâcheries, nos prières l`accompagnent jour et nuit. Qu`Allah agrée notre témoignage, selon sa parole : « Et quant au bienfait de ton seigneur, proclame-le », (Coran : sourate 93 verset 11). Dans le témoignage, se trouve un secret divin, diversement apprécié par les mystiques, selon leur ouverture et leurs connaissances. L`ancêtre direct de notre guide spirituel, le cheikh Ahmad Tidjani (Qu`Allah sanctifie son précieux secret), est le petit-fils du prophète Mohamad (Saw), Al Hassan Ben Ali (Qu`Allah l`agrée ainsi que son père béni et sa mère bénie). Al Hassan Ben Ali a interprété ce verset 11 comme suit : « Ce que tu fais de bien, dis-le à tes frères ». Voila donc mon témoignage du bienfait de Dieu pour ce jour : A une époque où j`étais encore chrétien catholique, je me trouvais chez moi à Paris, quand un bon matin je me retrouve réveillé, en proie à une forte agitation intérieure traversée par une énergie comparable au stress intense que provoque la peur du danger imminent. Une intuition intérieure m`incite fortement à me rendre assister urgemment à une messe matinale à l`une des églises du quartier de Passy. Messe matinale à laquelle je n`assistais pas d`habitude, familier de celle du soir. Consultant l`heure, je me rends même compte, qu`à moins de faire une toilette plus que sommaire et d`y courir vite, je ne peux qu`arriver en retard. Je suis prêt à renoncer à ce dont raisonnablement je ne mesure pas l`urgence, mais la force du sentiment intérieur me fait dépasser ces hésitations et me voilà, mal lavé, précipitamment habillé et courant de bon matin assister à une simple messe. Aussitôt arrivé, je me rends à l`autel du saint Charbel (moine chrétien libanais parvenu au très haut degré de la sainteté, un «awlya », aimé des chrétiens comme des musulmans de son pays) pour demander à Dieu son assistance par les mérites du saint, afin de porter avec moi ce pour quoi je me trouve là et que j`ignore. La messe fut intérieurement intense puis je rentrai chez moi toujours ignorant de la cause de cette urgence spirituelle. C`est en rentrant à la maison et en consultant les nouvelles, que j`ai appris que le Premier ministre Guillaume Soro et sa délégation venaient d`échapper à un terrible attentat. A cette époque, j`étais assez remonté, pour bien des raisons, contre mon frère Guillaume. Mais j`ai immédiatement compris que ce qui nous liait, dépasse de très haut mon entendement et mes jugements à son égard. Le jour de cet attentat, le Très-Haut m`a fait savoir qu`Il est puissamment intervenu pour préserver Guillaume car telle était Sa volonté de l`heure. J`ai appris, un peu plus tard, que Konaté Sidiki avait aussi survécu. Et je n`ai pu m`empêcher alors de me rappeler que Sidiki doit sa présence aux côtés de Guillaume dans ce combat par mon implication personnelle. Et Allah seul sait pourquoi il a fallu qu`il en soit ainsi. J`ai été spirituellement heureux lorsque j`ai appris la nouvelle de son premier pèlerinage à la sainte Kaaba. Que puis-je dire à ces frères laissés au front du dur combat politique pour la sortie du gouffre de la nation ivoirienne ? Sinon, de compter non pas sur leur propre force, mais sur la force divine. Mettre tout en œuvre pour préserver l`entente, la cohésion et le dialogue rassurant avec l`autre partenaire de cet accord de Ouagadougou, le président Laurent Gbagbo et par extension naturelle, le camp présidentiel. Il y a là une priorité, qui est au-dessus des autres paramètres concourant à la réussite de ce processus. Les autres paramètres peuvent bien faillir, et l`architecture de l`accord tenir. Mais si ce paramètre-là, s`écroule, tout l`édifice s`écroule. Lorsque dans le doute ou la confusion des temps à venir, on ne saurait pas comment assurer l`équilibre de tous les piliers de Ouagadougou, il ne faudrait pas oublier que les autres piliers servent seulement à embellir la bâtisse. Mais ce pilier-là, lui, soutient entièrement tout l`édifice d`un accord qui peut encore faire sortir notre pays par le haut. Monsieur le Premier ministre, mon cher frère Guillaume, ne vous laissez pas voler votre rédemption, notre rédemption, la rédemption d`une génération sacrifiée. Ne le permettez pas, de toutes les forces spirituelles et morales, que nous prions le Très-haut de vous octroyer en surcroît”.

Banchi Roger Yusuf
Ancien ministre de la République de Côte d`Ivoire
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