Dans ce numéro des Causeries de vendredi, le secrétaire national chargé des élections au FPI, le député Martin Sokouri Bohui, parle de l’éventuelle candidature unique du RHDP. Pour lui, candidature unique ou pas, le président Gbagbo gagnera l’élection présidentielle au premier tour. Notre Voie : La marche des jeunes du RHDP n’a pas tenu ses promesses. Elle a été un échec sur toute la ligne. Qu’est-ce qui, à votre avis, explique un tel fiasco ? Martin Sokouri Bohui : Cette marche ne pouvait qu’échouer, parce qu’elle s’est déroulée dans des conditions qui n’étaient pas prévues par les organisateurs. Les marcheurs n’étaient pas dans leur eau. Celle de la violence. Habitués qu’ils sont à la violence, il est évident qu’une marche pacifique ne pouvait pas connaître de succès avec eux. En lançant le mot d’ordre de marche le 26 janvier 2010, veille de la visite annoncée du président de la Banque mondiale, les organisateurs de la marche espéraient l’interdiction de celle-ci pour s’en servir comme prétexte pour créer la chienlit. En n’interdisant pas cette marche, le ministre de l’Intérieur les a totalement désarçonnés. Mieux, en les recevant pour définir ensemble les modalités de la marche (point de rassemblement, itinéraire, point de chute, encadrement par les forces de l’ordre), le ministre a totalement désarmé les jeunes du RHDP. Il les a confinés dans les règles de l’art pour l’organisation d’une marche pacifique. Or ce n’est pas leur terrain. Leur terrain, c’est celui de la violence. Cela dit, je me réjouis de ce que la marche se soit passée sans la moindre violence. C’est tout à l’honneur des jeunes du RHDP que je félicite au passage. Espérons que ce soit le début d’une nouvelle ère pour eux et le RHDP dans son ensemble. Je félicite également le ministre de l’intérieur pour les initiatives prises et les forces de l’ordre qui ont exécuté leur mission d’encadrement avec professionnalisme. C’est le lieu de rappeler aux jeunes que l’avenir du pays leur appartient. Ils doivent donc agir en ayant toujours à l’esprit l’intérêt national. Cette marche organisée sans violence a contrarié les noirs desseins des dirigeants du RHDP qui espéraient semer des troubles à l’effet de détourner l’opinion de l’affaire Mambé. N.V. : De l’affaire Mambé avez-vous parlé. Alors à quel niveau en est-on ? M.S.B. : Pour le FPI, Mambé, c’est du passé. Nous exigeons son départ et la radiation de Jean-Baptiste Gomis. Parce que ce dernier est le cerveau de la fraude à la CEI. Et donc, pour le FPI, le feuilleton Mambé est clos. Il n’est plus le président de la CEI. Nous attendons de nouvelles négociations pour la désignation d’un nouveau président qui, pour nous, doit être acceptable pour tous. C'est-à-dire une personnalité non marquée qui n’appartient donc pas à une direction d’un parti politique. Les négociations doivent aussi permettre de rééquilibrer la CEI. Parce que la CEI, dans sa composition et son fonctionnement actuels, a montré qu’elle ne peut pas être impartiale. Or il faut une CEI impartiale et véritablement indépendante pour aller à des élections justes et transparentes qui nous éviteront une autre guerre. N.V. : Parlant justement de guerre, Ouattara demande aux Ivoiriens de pardonner, parce que lui Ouattara a pardonné. Etes-vous dans les mêmes dispositions ? M.S.B. : Quand Ouattara prend la parole, tout ce qu’il dit sonne faux. Tous les Ivoiriens le savent et ils se moquent souvent de lui. C’est dommage que lui-même ne s’en rende pas compte. Quand il dit qu’il a pardonné, qu’est-ce qu’il a pardonné ? Qu’est-ce qu’on lui a fait et qu’il a pardonné ? Il était tranquilement dans son Burkina natal, et pour des raisons de politique interne, Houphouet lui a fait appel hier, en 1988 seulement. Il y a donc à peine 22 ans que les Ivoiriens le connaissent. Le président Houphouet a d’abord fait de lui gouverneur de la BCEAO dont il a auparavant était vice-gouverneur pour le compte du Burkina Faso, son pays d’origine. Ensuite, il l’a nommé Premier ministre en 1990. Deux postes prestigieux dans un pays qui n’est pas le sien et dont il aurait donc pu se contenter. Au lieu de cela, il a eu l’idée d’être candidat à l’élection présidentielle, alors qu’il savait très bien qu’une telle idée (diabolique) serait porteuse de troubles et de violences, parce que, être premier ministre ne donne pas droit automatiquement à la candidature à une élection présidentielle dans tous les pays du monde, seuls les nationaux sont concernés par l’élection présidentielle. Et il le sait très bien. Alors qu’est-ce qu’on lui a fait et qu’il pardonne ? Lui Ouattara, qui du fait de ses origines douteuses ne devrait pas être candidat à l’élection présidentielle, et qui s’est imposé par la guerre qui a fait tant de mal aux Ivoiriens, qu’est-ce qu’on lui a fait et qu’il pardonne. Depuis qu’il est arrivé dans ce pays, les Ivoiriens ne connaissent plus la paix. Qu’est-ce qu’on lui a fait et qu’il a pardonné ? Je veux savoir. Si la Côte d’Ivoire a connu la guerre qui est à la base de la misère des Ivoiriens ; si notre pays qui, jadis havre de paix, est aujourd’hui cité parmi les pays à risque ; si la Côte d’Ivoire est vue de l’extérieur comme un pays infréquentable, tout ceci est l’œuvre diabolique de Ouattara. C’est lui qui devrait demander pardon aux Ivoiriens. Au lieu de cela, il nargue les populations qui ont tant souffert de sa guerre. Les Ivoiriens attendent toujours le pardon de Ouattara pour le prendre au sérieux. Tant qu’il n’aura pas eu l’humilité de le faire et qu’il se mettra dans la position de victime, alors que tout le monde sait que c’est lui le bourreau, il lui sera difficile de s’intégrer dans notre société. N.V. : Et pourtant, Ouattara dit toujours inlassablement mon pays, mon pays parlant de la Côte d’Ivoire ? M.S.B. : C’est justement ça qui montre qu’il n’est pas de ce pays. Est-ce que quand Bédié parle, il dit mon pays, mon pays ? Est-ce que quand Wodié parle, il dit mon pays, mon pays ? Est-ce quand Mabri parle, il dit mon pays, mon pays ? Est-ce que quand Anaky parle, il dit mon pays, mon pays ? Toutes ces personnalités politiques qui sont toutes candidates à l’élection présidentielle n’ont pas besoin de dire à longueur de journée mon pays, mon pays, justement parce qu’ils savent qu’ils sont Ivoiriens. Ils n’ont rien à démontrer sur ce point. Ne dit-on pas que le tigre ne crie pas sa tigritude ? Quand Ouattara crie mon pays, mon pays, c’est une action de communication qu’il déploie, mais qui passe mal, car tout le monde sait très bien qu’il force le destin. N.V. : Alors doit-on désespérer de Ouattara ? M.S.B. : Je ne le pense pas. Quand un homme politique fait des critiques, c’est pour que celui à qui ces critiques s’adressent s’améliore ou change. Ouattara est sur une ligne qui le dessert. Il s’en rendra compte à l’élection présidentielle où sa défaite sera retentissante. Je crois qu’après cette défaite prévisible, il changera un jour. N.V. : Et qu’est-ce qu’il en est de Bédié, l’autre candidat du RHDP ? M.S.B. : J’ai toujours dit de Bédié qu’il n’est pas sage. Parce qu’à 76 ans, il devrait être assis à Daoukro, son village natal, et pousser les jeunes loups de son parti à la bataille présidentielle pour que ceux-ci fassent aussi leurs preuves et que les Ivoiriens les retiennent comme présidentiables. Mais, au lieu de cela, lui qui a tout eu au PDCI et dans ce pays s’accroche désespérément à une candidature à une époque qui n’est plus la sienne. Nous sommes à l’ère de la démocratie. C’est donc l’ère des débats démocratiques. Où, pour être président, il faut convaincre par un argumentaire très souvent improvisé, mais cohérent. C’est dans ce type d’exercice que le peuple voit la valeur intrinsèque de celui qui aspire à le gouverner. Or, sur ce terrain, Bédié montre beaucoup de lacunes. Que ce soit au cours d’un meeting ou une cérémonie quelconque, Bédié est toujours accroché à un discours écrit. Les quelques rares fois où il ne lit pas, c’est la catastrophe. Un tel leader n’est bon que pour le parti unique. Or l’ère du parti unique est révolue. Nous entrons dans une ère où les chefs d’Etat doivent de plus en plus être alertes et capables de défendre les intérêts de leur pays dans tous les forums où on n’a pas toujours besoin de discours écrit à l’avance. Et, sur ce plan, Bédié montre chaque jour ses limites. Et cela l’éloigne de plus en plus du peuple. Pour répondre à votre question, bien que je ne sois pas de son parti, je constate que Bédié est le véritable obstacle au retour du PDCI au pouvoir. N.V. : Mais il y a qu’au RHDP, l’idée d’une candidature unique fait son petit bonhomme de chemin. M.S.B. : Candidature unique ou pas au RHDP, la majorité présidentielle remportera l’élection présidentielle au premier tour. Je viens de démontrer que les deux principaux candidats ne font pas le poids. Mais, avec une candidature unique, nous gagnerons avec un score plus éclatant. Car il n’est pas évident qu’entre Bédié et Ouattara, celui qui renoncera à sa candidature au profit de l’autre soit suivi par les militants de son parti. Je ne crois pas du tout que les militants du PDCI voteront aveuglément Ouattara, l’auteur du coup d’Etat du 24 décembre 1999 contre Bédié. Tout comme je ne crois pas non plus que les militants du RDR acceptent même l’idée du retrait de leur mentor au profit de Bédié, père de l’ivoirité et auteur du mandat d’arrêt international contre Ouattara. Mais, même si par extraordinaire, cela arrivait, la majorité des militants RDR ne voterait pas pour Bédié. Vous voyez donc que, dans un cas comme dans l’autre, le président Gbagbo n’a personne en face de lui. Son seul adversaire, c’est la fraude. C’est pour cette raison que nous nous battons pour que nous ayons des élections transparentes. Parce que si les élections sont transpa-rentes, le président Gbagbo gagne la présidentielle dès le 1er tour.
Interview réalisée par Boga Sivori bogasivo@yahoo.fr
Interview réalisée par Boga Sivori bogasivo@yahoo.fr