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Politique Publié le lundi 8 février 2010 | Le Nouveau Réveil

Blocage du processus électoral : Mieux vaut mourir que souffrir à vie ?

…Epître à un ami, à un frère, à un confrère, Paulin Criwa Zéli, président de l'Union nationale des journalistes de Côte d'Ivoire (UNJCI), qui quitte le monde des vivants au moment où le pays qui lui était si cher est secoué par une hystérie collective et généralisée…

Mieux vaut mourir que souffrir éternellement ! D'aucuns verraient dans cet énoncé un cri de découragement, un signe d'abandon face à la fatalité. Comme ils n'auraient pas tort, hélas ! Tant la société ivoirienne pue, à la fois, la misère physique, morale et spirituelle.
On a parlé d' " élections calamiteuses ! " On a aussi parlé de naïveté dans la crise que vit de la Côte d'Ivoire, depuis le 19 septembre 2002. Mais, ce dont on ne parle point, ce sont nos égarements langagiers et comportementaux, les conséquences de nos inconséquences. Voici 10 ans que cela dure. Déjà, en décembre 2000, les vrais-faux complots ont jeté sur la route de l'exil des milliers d'Ivoiriens. Parmi eux, des militaires.
Le 19 septembre 2002, éclate une crise armée. Un coup d'Etat se transforme en une rébellion qui scinde la Côte d'Ivoire en deux. Ceux qui en payeront, assurément, le plus lourd tribut, ce sont les forces de l'ordre, particulièrement les gendarmes, à qui on dira plus tard qu'ils n'auront pas un kopeck sur leurs salaires parce qu'ils n'ont pas gagné la guerre. Des millions d'Ivoiriens, baluchons sur la tête, désertent villages, maisons et plantations, abandonnent confort et certitude et partent pour l'exil interne (pour certains) et pour l'exil externe (pour d'autres). Qu'une crise éclate par la naïveté du premier d'entre nous, on peut, à la limite, s'en accommoder. Dans la traversée de la vie, surviennent des crises à des degrés divers, à plus forte raison dans la vie d'une nation. Mais, c'est dans la résolution de ces crises que chacun se dévoile, surtout le commandant en chef. Le nôtre, dans la crise qui nous frappe, aura péché par son refus du dialogue (celui direct de Ouagadougou est déjà biaisé, nous le savons tous), proposé par le PDCI-RDA, le 22 septembre 2002 (4 jours après l'éclatement de cette crise) et sa propension à tirer profit de certaines situations pour se maintenir au pouvoir. Aujourd'hui, on a l'impression que les dieux nous sont tombés sur la tête. Une succession d'événements nous pousse inexorablement vers le chaos. Le désastre sur le plan économique, social, moral, spirituel et politique est déplorable. Ces derniers temps, tout ce qui semblait nous réunir et nous unir se désagrège. Je m'interroge et avec moi certainement de millions d'Ivoiriens : qu'arrive-t-il à notre Côte d'Ivoire ? D'où mon cri : mieux vaut mourir que souffrir éternellement ! Voici 10 ans que ça dure ! Et devant mes yeux défilent des images. Où se trouve-t-il l'abbé James Wadja ? A Sousse en Tunisie, muté, pour avoir essayé de nous prévenir par ses homélies qui décrivaient si bien la réalité de notre pays. Avons-nous, pendant ces 10 ans, pensé aux épouses et aux enfants de ces 80 gendarmes tués à Bouaké ? C'est l'épouse d'un d'entre eux qui m'a d'ailleurs inspiré ce papier. Elle a été chassée il y a plus d'un an du domicile où elle vivait avec son époux. Ne pouvant plus contenir sa douleur au cours d'une réunion familiale, elle a lâché : "Mieux vaut mourir que souffrir à vie"! Elle n'est pas seule dans le cas, loin de là. La paupérisation des masses laborieuses qui ne font qu'un repas par jour ("la mort subite") est, désormais, du domaine de la routine. Si le cœur vous en dit, faites un tour au Port autonome d'Abidjan ou dans les zones industrielles de Koumassi, de Vridi ou de Yopougon. Ils viennent de Marcory, de Cocody, d'Adjamé, d'Abobo, de tous les quartiers, à pied, ces faméliques chômeurs ou sans emploi en quête de job au jour le jour. Ils s'en retournent bredouilles, tard le soir, chez eux, toujours à pied, le ventre creux pour beaucoup. Ils se disent, ces chômeurs, abonnés à la misère, sans avenir pour eux-mêmes, ni pour épouses et enfants, sous le régime des refondateurs, qu'il vaut certainement mieux mourir que souffrir éternellement. L'histoire de ce chef d'entreprise, prospère avant l'arrivée des Refondateurs, qui a préféré la solution extrême, le suicide, plutôt que de voir son œuvre de 30 ans de vie péricliter. Et ce n'est pas un cas isolé de nos jours. Du côté des hôpitaux, la situation est plus alarmante. Cette dame qui, pour une ordonnance de 5.000 francs, a abandonné son époux sur un lit d'hôpital pour disparaître à jamais. On a vu des malades se laisser mourir rien qu'à lire la souffrance de ceux qui s'occupaient d'eux. Et ce père, incapable d'assurer les frais des soins de son bébé malade et qui ne s'est plus réveillé un matin.
Je pourrais multiplier les exemples à l'infini où le désespoir a fait dire à plus d'un Ivoiriens, aujourd'hui : mieux vaut en tout cas mourir ! Et quand cet état d'esprit s'installe dans une communauté, le dérèglement des comportements incite au pessimisme. Une disharmonie s'installe entre le vouloir-faire et le pouvoir-faire. Les meilleurs se transforment en désillusions, voire en cauchemars. Et le spectre du chaos plane et plane tous les jours. Et la vie n'a plus de sens. Tel semble être actuellement le cas de mon pays, la Côte d'Ivoire. En effet, au plus fort de la crise, le football à travers notre équipe nationale a été l'un des facteurs ayant rapproché les Ivoiriens. Il a suffi de quelques bons résultats, comme la qualification à la Coupe du monde, pour qu'on en fasse une arme de propagande et de récupération politique (" Je suis un politicien. Et tout ce qui je fais est du politique ") dixit le woody de Mama Koudou. Au lieu d'unir, notre sport roi nous divise hélas, aujourd'hui. Les résultats désastreux de notre équipe nationale, qui était pourtant considérée comme l'équipe favorite à la dernière Coupe d'Afrique des nations (Can) en Angola ont plongé tout le pays dans une sinistrose sans nom. Des personnes sont mortes ne supportant pas de souffrir éternellement. Les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Autre phénomène, presque quotidiennement, le pays brûle. En une semaine, cinq lieux de commerce, le "Black Market" à Adjamé (30 janvier), le quincaillier Bernabé en zone 4 (02 février), le marché Gouro (02 février), à Adjamé, pour ne citer ceux-là, sont partis en fumée. Faut-il s'en étonner quand on demande un mois de prières et de pénitence aux religieux, qu'on insulte et qu'on menace par la suite ?
Autre aléa : l'incompréhensible délestage qui prive des quartiers entiers, des villages entiers, des villes entières d'électricité depuis près de dix jours et qui, affirme-t-on, au ministère des Mines et de l'énergie, sans regret, durera jusqu'au mois de mai prochain. Comment la Côte d'Ivoire qui, sous le régime Bédié, il y a dix ans à peine, était exportatrice d'énergie vers cinq pays de la sous-région ouest-africaine (le Ghana, le Burkina, le Benin, le Togo, le Mali) peut-elle, aujourd'hui si brusquement, manquer d'électricité pour ses populations, et peut être demain d'eau ? Comment peut-on promettre d'envoyer l'électricité dans tous les campements du pays quand on ne voit pas plus loin que le bout de son nez pour savoir qu'il faut, au moins, entretenir l'existant à défaut d'avoir la capacité de créer d'autres sources de production énergétique ? Le ministre Théophile Ahoua N'dolly du Plan sous le président Bédié l'a dit récemment dans une grande interview: " Les dirigeants actuels du pays ne prennent pas soin de lire les dossiers qu'ils ont trouvé sur place. " Ils n'en ont pas le temps, occupés qu'ils sont à s'enrichir "vite, vite, vite", à se bâtir des châteaux, à s'offrir de grosses cylindrées ou à en offrir à leurs petites copines (saluent les champions). Sinon, les refondateurs auraient su que des plans de développement de l'électricité existent pour éviter ce qui nous arrive. C'est à notre avis une absence totale de vision économique et sociale! Aujourd'hui, à cause des coupures permanentes d'électricité, des commerçants, des hommes d'affaires sont ruinés. Comment être étonné si ces gens-là disent mieux vaut mourir que souffrir éternellement, surtout que pour certains, c'est un perpétuel recommencement à cause des " jeunes patriotes "?
Mais, c'est sur le plan politique que notre cri sied le mieux. Mieux vaut mourir que souffrir tous les jours est le cri de l'indignation, de la lassitude et de détresse. De voir planer le spectre de la destruction sur la Côte d'Ivoire par la méchanceté et l'égoïsme du camp présidentiel pour la gloire d'un seul individu, Koudou Gbagbo Laurent. Aurions-nous été en octobre 2005 que nous aurions été, à la limite, accommodants, comme l'ont d'ailleurs toléré les dirigeants de l'opposition, devant l'attitude inutilement dangereuse des Refondateurs qui prouve à tout point de vue n'aiment pas la Côte d'Ivoire ! Sinon, qu'est-ce qui peut expliquer la posture actuelle du camp présidentiel de sabotage des élections ? Comment Gbagbo peut-il choisir délibérément de réduire à néant tout le travail abattu pendant toutes ces années ? Gbagbo Laurent, chacun le sait, n'a pas gagné la guerre contre la rébellion venue du Nord qui a coupé le pays en deux. Cet état de fait n'a pas empêché le chef de l'Etat et son clan de s'enrichir. Pendant que, lui, personnellement, s'octroie un budget de plus de 60 milliards, le peuple ploie sous la misère. Et cela dure depuis dix ans. Le 04 mars 2007, un accord est scellé à Ouagadougou entre lui et le Secrétaire général des Forces nouvelles. Chacun s'acquitte de sa part de travail, surtout le Premier ministre, Guillaume Soro. Même les leaders de l'opposition, accusés à tort ou à raison, de complaisance, ont accompagné le processus. Combien de fois ceux-ci n'ont-ils pas été nargués, méprisés par " S'il n'y a pas d'élections, ça fait quoi ? Il n'y a rien et il n'y aura rien ! " de la part du chef de l'Etat. Par sagesse et pour l'amour du pays, Messieurs Bédié, Ouattara, Anaky, Mabri, Wodié et tous les Ivoiriens même les plus sceptiques ont tu tout orgueil et toute fierté pour accompagner le processus subissant caprices et tribulations du chef de l'Etat Koudou Gbagbo Laurent. Aujourd'hui, on peut l'affirmer sans risque de se tromper, nous sommes au bout du rouleau. La Sagem et l'INS sont capables, à l'heure où nous parlons, de produire des papiers pour au moins six (06) millions d'Ivoiriens. Curieusement, c'est le moment que choisit le chef de l'Etat pour mettre le feu aux poudres en accusant le président de la CEI, Mambé Beugré Robert de fraude. C'est le moment que choisit donc Gbagbo de confisquer les cartes nationales d'identité de près de 6 millions de citoyens ivoiriens. Le problème Mambé est un problème politique. C'est politiquement qu'il faudra, par conséquent, le régler. Tout le juridisme creux du procureur de la République et de son substitut, Diakité Mamadou, abonné lui encore si jeune magistrat aux sales besognes, tous deux actionnés par le ministre de l'Intérieur, Désiré Tagro, n'est que de la poudre aux yeux. Il s'agit d'un complot monstrueux ourdi pour bloquer les élections. En voici d'ailleurs l'échafaudage. Le chef de l'Etat, qui est dans le secret des délibérations de la CEI par l'entremise de son représentant Alain Dogbou, savait que le président Robert Beugré Mambé de la structure chargée des élections s'en allait mettre fin au contentieux électoral le samedi 09 janvier 2010. Le 06 janvier 2010, devant le corps diplomatique, le chef de l'Etat affirme qu'il faut que tous les Ivoiriens soient sur la liste électorale. Le 09 janvier, date de la fin du contentieux électoral, son porte-parole, Gervais Coulibaly, monte sur le plateau de la télévision au journal de 20 heures pour accuser le président de la Commission électorale indépendante (CEI) de fraude portant sur 429.030 personnes. Depuis ce jour, toute la galaxie présidentielle est mobilisée pour réclamer la démission de Robert Beugré Mambé bien que le Premier ministre, Guillaume Soro ait totalement blanchi avec preuves à l'appui l'homme au sortir d'une réunion avec toutes les structures chargées des élections, déclarant, notamment : " Le dispositif ne permet aucun tripatouillage ". Au mépris de toute décence et des lois de la République, Tagro Désiré, le procureur de la République près du tribunal du Plateau, Tchimou Raymond et son petit apprenti Diakité Mamadou, aident à préparer la déflagration de la Côte d'Ivoire. A la mort de notre pays.
Devant tant de faits qui frisent l'hooliganisme politique, un peuple, digne de ce nom n'est-il pas en droit de se demander si mourir ne vaut pas mieux que souffrir éternellement surtout que cela dure plus de 10 ans et que la cause est connue ? Le problème est de savoir de quelle mort je parle. Si nous devons mourir, il nous faut mourir noblement. C'est-à-dire, acculés au mur comme le sont les Ivoiriens aujourd'hui, nous devons réagir comme l'ont fait massivement il y a quelques jours les jeunes du Rhdp devant la Rti. Il y va de l'honneur d'un peuple ; il y va de l'avenir de la démocratie ; il y va de l'avenir de nos jeunes et de nos enfants. Le premier test de notre libération, c'est l'affaire Mambé. C'est un problème, je le répète, politique. Il faut le traiter politiquement ! Si Gbagbo décrète la mort de l'Accord Politique de Ouagadougou (si cela n'est déjà fait), fait reporter encore les élections, limoge le PM Soro, on fait quoi ?
Alors, levons-nous et dressons-nous, bandons nos "intelligences" pour dire NON ! Levons-nous et dressons-nous contre tout autre report des élections. Si nous ne voulons pas souffrir éternellement ou assister à notre mort à petit feu. Nous qui avons encore la chance d'être en…vie. Par la seule grâce de Dieu, le Tout-Puissant.
Denis Kah Zion



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