Un groupe de magistrats a décidé, au nom d'impératifs politiques, de radier des centaines de milliers d'Ivoiriens de la liste électorale. Et partant, de les rejeter hors de la citoyenneté ivoirienne.
« Si ce pays explose, ne cherchez pas du côté des politiciens. Ils ne sont pas aussi puissants qu'on le dit. Si le pays brûle, ce sera par la faute des magistrats. Les décisions de justice qui sont en train d'être rendues, et qui privent, à vie, des citoyens ivoiriens de leur nationalité et de leur identité feront plus de ravages que les armes. Je vous le dis, monsieur le journaliste, c'est une future rébellion que ces juges-là sont en train de fabriquer de toutes pièces sous nos yeux. Ces gens-là ne font pas du droit mais de la politique ». Voici la sentence prononcée hier, avec une pointe de mépris, par un juriste face à la tournure sanglante que prend l'affaire des radiations illégales auxquelles s'adonne un groupe de magistrats. Il n'est plus un secret pour personne que les localités de Kokomian, Abengourou, San Pedro, Grand-Bereby, Divo, Man, Katiola et Vavoua hier, ont été le théâtre d'affrontements sanglants entre des Ivoiriens. Des tirs d'armes à feu ont été déclenchés contre des manifestants par des gendarmes et policiers appelés en renfort, notamment à Divo. Et c'est désormais sous une protection policière massive que les «juges de la mort » bannissent, à vie, des Ivoiriens de la citoyenneté nationale et en font des apatrides. Ces juges ne sont pas sans histoire. A Katiola, le magistrat dont les décisions de radiation ont mis la ville à sac, est notoirement connu pour son allégeance au Fpi. Il se nomme N'Draman Kablan Fidèle. Chaque fois que Coulibaly Gervais, le porte-parole de Gbagbo se rend dans la région, il fait ostensiblement partie de sa délégation. Il se montre partout aux côtés de ce dernier pendant ses opérations de propagande politique. Ce faisant, il a perdu aux yeux de tous, sa neutralité et son impartialité en tant que juge. Pis encore, ce qui a fait déborder le vase à Katiola, c'est que le chef de l'équipe des avocats du Fpi, est un fils de la région. Il se nomme Me Kpanpi Etienne. C'est lui qui est allé remettre au juge Kablan, la liste des milliers de «tagbanas» à radier définitivement. Et contre tout bon sens, après avoir porté plainte contre ces gens, il a demandé au juge de lui donner une ordonnance de compulsoire, c'est-à-dire, une autorisation lui permettant d'aller fouiller dans les registres d'état-civil pour chercher la preuve que les accusés sont des étrangers. Comprenez-bien. Ces avocats saisissent le juge pour accuser des personnes d'êtres des voleurs. Et ils demandent ensuite au juge l'autorisation d'aller chercher quelque chose qui pourrait expliquer que ces gens sont bel et bien les délinquants qu'on les accuse d'être. Quand Me Kpanki s'est rendu à la mairie avec son ordonnance, il avait peut-être oublié que c'était une mairie Rdr. Il s'est fait jeter dehors. Et les habitants, alertés, se sont sentis trahis, blessés par le fait que ce soit un de leurs fils qui, aujourd'hui, pour des raisons politiques, vienne accuser ses parents d'être des étrangers. La suite, on la connaît.
Des décisions rendues sous la dictée des politiques
A Divo, le décor est le même. Là encore, à l'origine, des violences, il y a un juge, Tié Bi Foua Gaston. Ce dernier, selon toutes nos sources, fait montre d'un zèle militant, indigne d'un magistrat. En effet, comme tout magistrat affecté dans une ville, il rend une visite de courtoisie aux autorités locales pour signaler son arrivée. Tié Bi Foua Gaston, lui, a choisi de réserver sa première visite… au Fédéral Fpi de la ville ! Partout, il clame sans gêne son amour pour le Fpi et son admiration pour Laurent Gbagbo. A ce titre, nous indique-t-on, il a été plusieurs fois rappelé à l'ordre puis sanctionné par le Conseil supérieur de la Magistrature. Qui a demandé son déplacement. Selon nos sources, les militants Fpi de la ville, ne voulant pas perdre un camarade d'une telle importance, sont allés se plaindre à un autre haut cadre de la ville, le Pr Paul Yao N'Dré, devenu président du Conseil constitutionnel, afin qu'il pèse de tout son poids pour le maintien en poste du magistrat-militant. Yao N'Dré s'est acquitté de cette mission avec une certaine efficacité, puisqu'il n'a pas eu beaucoup de peine à convaincre Gbagbo de ne pas suivre les recommandations du Conseil supérieur de la magistrature. Résultat des courses : Tié Bi Foua est toujours à son poste et renvoi aujourd'hui l'ascenseur à son bienfaiteur.
Une autre ville, Man. Il y a également eu des émeutes sanglantes dans cette localité, affirment nos sources, par la faute d'un juge, Behou N'Taman Edouard. Les justiciables de ladite ville refusent de reconnaître son autorité parce qu'il a un passé qui ne plaide pas en sa faveur. En effet, lors des batailles pour le contrôle de la sous-commission Constitution de la CCCE mise en place par Robert Guéi, il faisait partie du commando envoyé par le Fpi sur le terrain pour défendre ses thèses. Il était avec d'autres illustres magistrats-militants : feu Oulaï Siéné et Désiré Tagro. Toute décision de radiation qu'il prend est immédiatement perçue comme un acte de déstabilisation des adversaires politiques du Fpi.
Ces magistrats sont d'autant plus dangereux qu'ils prononcent des milliers de radiations, clandestinement, à l'insu des personnes dénoncées. Vous êtes assis chez vous. Sachez qu'il y a peut-être quelqu'un qui ne vous aime pas, qui est allé dire en douce au juge que vous n'êtes pas Ivoirien. Et ce dernier, sans vous entendre, vous radie définitivement de la liste électorale.
Des juges qui poussent au chaos
Vous n'êtes plus ivoirien. Vous n'avez plus de pays. Plus de nationalité. Plus d'identité. Plus de racines. Plus de repères. Vous n'êtes plus rien. Un juge, d'un coup de stylo, vous fait passer du statut de vivant à celui de mort-vivant. Vous vivez sans exister. Si vous avez des papiers, tout est annulé : vos diplômes, votre passeport, votre permis de conduire, votre certificat de nationalité, votre certificat de mariage, votre bourse d'étude, votre emploi si cet emploi est réservé aux Ivoiriens, votre champ car la loi réserve la propriété foncière aux seuls Ivoiriens…
Pourtant ces magistrats, en le faisant, savent qu'ils violent outrageusement la loi. Ils savent qu'ils ont organisé un séminaire réunissant les présidents de tribunaux de première instance, les procureurs près les tribunaux de première instance, les présidents des sections de tribunaux, les substituts résidents près les sections de tribunaux, les greffiers en chef, la Cei, l'Onuci, le Pnud et le représentant spécial du facilitateur. Ce séminaire avait pour but de lire ensemble tous les textes relatifs au contentieux de la liste électorale ainsi que le code électoral, article par article, les interpréter et en avoir la même compréhension. Ce dans le but d'obtenir une jurisprudence homogène sur l'ensemble du territoire. Pour que face à des problèmes juridiques similaires, la réponse judiciaire ne varie pas selon l'humeur du magistrat. Ces magistrats-là, savent qu'à l'issue de leurs travaux, entre hommes de droit, ils ont adopté des résolutions qui ont été transformées en circulaire ministérielle, sans qu'une virgule n'y soit retirée. Ils savent qu'AUCUN INDIVIDU EN COTE D'IVOIRE NE PEUT DEMANDER LA RADIATION D'UN AUTRE, sauf si le plaignant est candidat déclaré à la présidence de la République ou membre de la Cei. Ils savent qu'aucune demande de radiation ne doit parvenir aux tribunaux si elle n'a pas été préalablement examinée par la Cei.
Mais ces juges n'en ont cure. Ils disent qu'un juge est indépendant. Qu'il n'a de comptes à rendre à personne. Or, malheureusement, en cette matière, leurs jugements sont sans recours. Si un juge décide que la tête de quelqu'un ne lui plaît pas, il peut décider que ce dernier ne sera plus jamais Ivoirien. Et cela devient infiniment plus grave quand il rend ses décisions pour obéir aux injonctions de la direction de son parti. Qui veut tailler un électoral sur mesure pour son candidat. La Côte d'Ivoire, par la faute de certains juges, s'approche dangereusement du point de non-retour.
Touré Moussa
« Si ce pays explose, ne cherchez pas du côté des politiciens. Ils ne sont pas aussi puissants qu'on le dit. Si le pays brûle, ce sera par la faute des magistrats. Les décisions de justice qui sont en train d'être rendues, et qui privent, à vie, des citoyens ivoiriens de leur nationalité et de leur identité feront plus de ravages que les armes. Je vous le dis, monsieur le journaliste, c'est une future rébellion que ces juges-là sont en train de fabriquer de toutes pièces sous nos yeux. Ces gens-là ne font pas du droit mais de la politique ». Voici la sentence prononcée hier, avec une pointe de mépris, par un juriste face à la tournure sanglante que prend l'affaire des radiations illégales auxquelles s'adonne un groupe de magistrats. Il n'est plus un secret pour personne que les localités de Kokomian, Abengourou, San Pedro, Grand-Bereby, Divo, Man, Katiola et Vavoua hier, ont été le théâtre d'affrontements sanglants entre des Ivoiriens. Des tirs d'armes à feu ont été déclenchés contre des manifestants par des gendarmes et policiers appelés en renfort, notamment à Divo. Et c'est désormais sous une protection policière massive que les «juges de la mort » bannissent, à vie, des Ivoiriens de la citoyenneté nationale et en font des apatrides. Ces juges ne sont pas sans histoire. A Katiola, le magistrat dont les décisions de radiation ont mis la ville à sac, est notoirement connu pour son allégeance au Fpi. Il se nomme N'Draman Kablan Fidèle. Chaque fois que Coulibaly Gervais, le porte-parole de Gbagbo se rend dans la région, il fait ostensiblement partie de sa délégation. Il se montre partout aux côtés de ce dernier pendant ses opérations de propagande politique. Ce faisant, il a perdu aux yeux de tous, sa neutralité et son impartialité en tant que juge. Pis encore, ce qui a fait déborder le vase à Katiola, c'est que le chef de l'équipe des avocats du Fpi, est un fils de la région. Il se nomme Me Kpanpi Etienne. C'est lui qui est allé remettre au juge Kablan, la liste des milliers de «tagbanas» à radier définitivement. Et contre tout bon sens, après avoir porté plainte contre ces gens, il a demandé au juge de lui donner une ordonnance de compulsoire, c'est-à-dire, une autorisation lui permettant d'aller fouiller dans les registres d'état-civil pour chercher la preuve que les accusés sont des étrangers. Comprenez-bien. Ces avocats saisissent le juge pour accuser des personnes d'êtres des voleurs. Et ils demandent ensuite au juge l'autorisation d'aller chercher quelque chose qui pourrait expliquer que ces gens sont bel et bien les délinquants qu'on les accuse d'être. Quand Me Kpanki s'est rendu à la mairie avec son ordonnance, il avait peut-être oublié que c'était une mairie Rdr. Il s'est fait jeter dehors. Et les habitants, alertés, se sont sentis trahis, blessés par le fait que ce soit un de leurs fils qui, aujourd'hui, pour des raisons politiques, vienne accuser ses parents d'être des étrangers. La suite, on la connaît.
Des décisions rendues sous la dictée des politiques
A Divo, le décor est le même. Là encore, à l'origine, des violences, il y a un juge, Tié Bi Foua Gaston. Ce dernier, selon toutes nos sources, fait montre d'un zèle militant, indigne d'un magistrat. En effet, comme tout magistrat affecté dans une ville, il rend une visite de courtoisie aux autorités locales pour signaler son arrivée. Tié Bi Foua Gaston, lui, a choisi de réserver sa première visite… au Fédéral Fpi de la ville ! Partout, il clame sans gêne son amour pour le Fpi et son admiration pour Laurent Gbagbo. A ce titre, nous indique-t-on, il a été plusieurs fois rappelé à l'ordre puis sanctionné par le Conseil supérieur de la Magistrature. Qui a demandé son déplacement. Selon nos sources, les militants Fpi de la ville, ne voulant pas perdre un camarade d'une telle importance, sont allés se plaindre à un autre haut cadre de la ville, le Pr Paul Yao N'Dré, devenu président du Conseil constitutionnel, afin qu'il pèse de tout son poids pour le maintien en poste du magistrat-militant. Yao N'Dré s'est acquitté de cette mission avec une certaine efficacité, puisqu'il n'a pas eu beaucoup de peine à convaincre Gbagbo de ne pas suivre les recommandations du Conseil supérieur de la magistrature. Résultat des courses : Tié Bi Foua est toujours à son poste et renvoi aujourd'hui l'ascenseur à son bienfaiteur.
Une autre ville, Man. Il y a également eu des émeutes sanglantes dans cette localité, affirment nos sources, par la faute d'un juge, Behou N'Taman Edouard. Les justiciables de ladite ville refusent de reconnaître son autorité parce qu'il a un passé qui ne plaide pas en sa faveur. En effet, lors des batailles pour le contrôle de la sous-commission Constitution de la CCCE mise en place par Robert Guéi, il faisait partie du commando envoyé par le Fpi sur le terrain pour défendre ses thèses. Il était avec d'autres illustres magistrats-militants : feu Oulaï Siéné et Désiré Tagro. Toute décision de radiation qu'il prend est immédiatement perçue comme un acte de déstabilisation des adversaires politiques du Fpi.
Ces magistrats sont d'autant plus dangereux qu'ils prononcent des milliers de radiations, clandestinement, à l'insu des personnes dénoncées. Vous êtes assis chez vous. Sachez qu'il y a peut-être quelqu'un qui ne vous aime pas, qui est allé dire en douce au juge que vous n'êtes pas Ivoirien. Et ce dernier, sans vous entendre, vous radie définitivement de la liste électorale.
Des juges qui poussent au chaos
Vous n'êtes plus ivoirien. Vous n'avez plus de pays. Plus de nationalité. Plus d'identité. Plus de racines. Plus de repères. Vous n'êtes plus rien. Un juge, d'un coup de stylo, vous fait passer du statut de vivant à celui de mort-vivant. Vous vivez sans exister. Si vous avez des papiers, tout est annulé : vos diplômes, votre passeport, votre permis de conduire, votre certificat de nationalité, votre certificat de mariage, votre bourse d'étude, votre emploi si cet emploi est réservé aux Ivoiriens, votre champ car la loi réserve la propriété foncière aux seuls Ivoiriens…
Pourtant ces magistrats, en le faisant, savent qu'ils violent outrageusement la loi. Ils savent qu'ils ont organisé un séminaire réunissant les présidents de tribunaux de première instance, les procureurs près les tribunaux de première instance, les présidents des sections de tribunaux, les substituts résidents près les sections de tribunaux, les greffiers en chef, la Cei, l'Onuci, le Pnud et le représentant spécial du facilitateur. Ce séminaire avait pour but de lire ensemble tous les textes relatifs au contentieux de la liste électorale ainsi que le code électoral, article par article, les interpréter et en avoir la même compréhension. Ce dans le but d'obtenir une jurisprudence homogène sur l'ensemble du territoire. Pour que face à des problèmes juridiques similaires, la réponse judiciaire ne varie pas selon l'humeur du magistrat. Ces magistrats-là, savent qu'à l'issue de leurs travaux, entre hommes de droit, ils ont adopté des résolutions qui ont été transformées en circulaire ministérielle, sans qu'une virgule n'y soit retirée. Ils savent qu'AUCUN INDIVIDU EN COTE D'IVOIRE NE PEUT DEMANDER LA RADIATION D'UN AUTRE, sauf si le plaignant est candidat déclaré à la présidence de la République ou membre de la Cei. Ils savent qu'aucune demande de radiation ne doit parvenir aux tribunaux si elle n'a pas été préalablement examinée par la Cei.
Mais ces juges n'en ont cure. Ils disent qu'un juge est indépendant. Qu'il n'a de comptes à rendre à personne. Or, malheureusement, en cette matière, leurs jugements sont sans recours. Si un juge décide que la tête de quelqu'un ne lui plaît pas, il peut décider que ce dernier ne sera plus jamais Ivoirien. Et cela devient infiniment plus grave quand il rend ses décisions pour obéir aux injonctions de la direction de son parti. Qui veut tailler un électoral sur mesure pour son candidat. La Côte d'Ivoire, par la faute de certains juges, s'approche dangereusement du point de non-retour.
Touré Moussa