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Politique Publié le jeudi 11 février 2010 | Nuit & Jour

Au seuil de l’irréel

« Flambée de violence dans le pays, les juges responsables du chaos » a barré à sa UNE hier un journal de la place, Nord-Sud Quotidien, pour ne pas le nommer. C’est une accusation qui peut paraître excessive à première vue. Mais, à la vérité, le confrère n’a fait que rapporter une réalité dont de nombreux Ivoiriens sont ou ont été témoins. Quelle autre preuve pour illustrer le titre sus-mentionné que l’attitude du juge Tié Bi Foua, président du Tribunal de Divo ? Il a ordonné la radiation de 252 personnes de la liste provisoire. Or, la demande de radiation des 252 personnes s’est faite en flagrante violation des textes de loi en la matière. Ces textes qui stipulent que toute demande de radiation ou dénonciation doit au préalable être visée par la CEI locale concernée. En clair, celle-ci doit être obligatoirement saisie de tout cas litigieux ou dolosif. Avant que la justice ne se prononce sur le fond sur la demande de radiation. Ainsi donc, pour qu’une personne soit radiée de la liste électorale, il est utile et indispensable qu’elle soit entendue. C’est une démarche élémentaire dont l’observance devrait prévenir les abus et autres dérives. Mais, en dépit de l’irrecevabilité de la demande de radiation introduite par de tierces personnes, le juge Tié Bi Foua a fait droit à la requête des dénonciateurs. Conséquence, 252 personnes ont vu leurs noms radiés de la liste électorale et ont perdu de facto leur titre d’électeurs. L’attitude de ce juge est d’autant plus surprenante que les dénonciateurs ont été convaincus de tromperie puisqu’ils avaient justifié le recours direct au Tribunal par le fait que la CEI locale aurait refusé de statuer sur le cas des personnes incriminées. Mais, de leur confrontation avec les responsables de cette CEI, il est clairement ressorti qu’ils ont abusé le Tribunal. Il n’empêche, le juge Tié Bi Foua a fait droit à leur demande. « Ce n’est pas mon problème » a-t-il lancé après que la preuve a été faite que la demande de radiation ne pouvait prospérer en l’espèce.
Autre théâtre, même décision. A Bonoua aussi, ont été radiées de la liste électorale provisoire ,300 personnes. Sans aucune preuve, l’accusatrice, une haute personnalité de ce pays, a demandé la radiation de ces personnes. Mais, au rebours du juge Tié Bi Foua du Tribunal de Divo, le commissaire Aubin Pierre de Bonoua a voulu entendre certaines personnes figurant sur la liste rouge (les personnes à radier). L’interrogatoire est à la limite de l’impensable. Qu’on en juge. Entre autres questions aussi incongrues les unes que les autres, nous avons retenu les plus remarquables.
-Pourquoi tu te comportes comme une femme burkinabé (sic) ?
-Pourquoi tu as épousé un étranger (sic) ?
Ce sont des questions qui n’ont aucun sens mais qui ont cependant un mérite. Celui de dévoiler le vrai visage du questionneur. Et c’est là qu’on doit donner raison au ministre Sidiki Konaté qui, en voulant attirer l’attention des uns et des autres sur les graves dangers que font courir à la nation ces radiations abusives, a parlé de ‘’Rwanda-bis’’.
De fait, au pays de Paul Kagamé, les choses n’ont pas commencé autrement. Demander à une personne pourquoi elle se comporte comme une femme burkinabé, c’est implicitement reléguer la femme burkinabé à un rang inférieur. Un rang de ‘’cancrelats’’, de ‘’cafards’’, de ‘’moustiques’’ ou autres insectes condamnés à être écrasés. Et lorsque la même personne poursuit pour demander à la même femme pourquoi elle ‘’a épousé un étranger’’, on peut très sérieusement avoir peur et craindre le pire. Dans son entendement, il est clair qu’une femme qui se marie à un étranger commet un délit, un crime dont elle doit répondre. Visiblement, nous sommes au seuil de l’irréel, de l’impensable et de l’irréparable. Surtout que certaines villes (Divo, Man, Vavoua) sont déjà à feu et à sang !
Et si rien n’est fait pour appeler les uns et les autres à la raison et à la mesure, on pourrait basculer dans le chaos. Comme au Rwanda. Même si certains esprits malins essaient de pratiquer la politique de l’autruche en refusant de regarder la vérité en face. Et surtout en refusant de donner à nos maux les mots idoines. Oui, le Rwanda n’est pas loin ! Oui, nous devons prendre garde à ne pas verser dans les excès et les outrances !
Cela n’arrive pas qu’aux autres. Souvenons-nous. Avant le 19 septembre 2002, aucun Ivoirien n’avait jamais imaginé que son pays pouvait être confronté à un conflit fratricide. Les négociations et les accords de paix, de même que les véhicules frappés du sigle ‘’UN’’ c’étaient pour les autres. Les Ivoiriens se contentant de suivre tout cela sur le petit écran. Jusqu’à ce que le conflit éclate et les ramène à leur dimension de mortels semblables aux autres mortels. Ne retombons pas dans la même suffisance. Car, c’est connu, les peuples qui oublient leur histoire se condamnent à la revivre. Ressaisissons-nous et vite !

JHK
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