Le président ivoirien a annoncé la dissolution du gouvernement et de la commission électorale, ce qui retarde la tenue des prochaines élections.
Vendredi soir, Laurent Gbagbo a une fois de plus, illustré ses talents hors pair de magicien du verbe et de joueur d'échec. Lors d'une allocution télévisée, il annoncé qu'il dissolvait le gouvernement et la Commission électorale indépendante (CEI), afin d'aller au plus vite aux élections. Ce faisant, il a probablement repoussé l'échéance électorale de plusieurs mois, prenant de court ses rivaux politiques et mettant la communauté internationale devant le fait accompli.
Depuis la fin théorique du mandat du chef de l'Etat ivoirien, en octobre 2005, le scrutin a déjà été repoussé à cinq reprises. Un processus d'identification et d'enregistrement des électeurs était en cours, depuis des mois, avec l'aide notamment de l'entreprise française Sagem. La dernière ligne droite était en vue quand, début janvier, le camp présidentiel fait état d'une vaste fraude au sein même de la CEI, orchestrée selon lui par son président.
Proche de l'ancien parti unique, le PDCI, Robert Beugré Mambé aurait tenté d'enregistrer en catimini 429.000 personnes, supposées acquises à l'opposition en raison de leur patronyme. Fondée ou pas, cette accusation a semé le trouble et paralysé le processus électoral.
Officiellement, pour sortir de l'impasse, le président Gbagbo vient donc de reprendre l'initiative. Il a annoncé qu'il demandait à l'ex-chef rebelle et Premier ministre sortant, Guillaume Soro, de former un nouveau gouvernement restreint pour conduire le pays aux élections. Mais l'essentiel est ailleurs. Gbagbo veut mettre en place une nouvelle Commission électorale. Sous quelle tutelle et sous quelle forme? On l'ignore pour l'instant.
La question est cruciale. Seule une liste électorale incontestable pourra, via les élections, conférer une réelle légitimité au prochain président et, ainsi, sortir le pays de la crise, ouverte il y a dix ans par des élections violemment contestées. Or le camp présidentiel a peut-être exploité habilement une réelle erreur commise par feue la CEI avec son fichier fantôme pour gagner du temps et obtenir une liste électorale plus avantageuse.
Minoritaire sur le plan ethnique, Gbagbo sait qu'il doit nécessairement faire le plein au sein de son camp, et rogner sur celui de ses deux principaux rivaux, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Or il semble que les populations susceptibles de voter pour l'opposition se soient massivement inscrites ; ce qui ne serait pas le cas des partisans de Gbagbo. Ces derniers jours, de nombreux incidents ont éclaté en province. Des partisans du chef de l'Etat tentent en effet d'obtenir la radiation par les tribunaux d'un certain nombre d'Ivoiriens qu'ils accusent d'avoir usurpé la nationalité ivoirienne, provoquant leur colère.
Avec cette double dissolution annoncée par Gbagbo vendredi soir, les élections sont à nouveau repoussées à une date indéfinie, au grand dam d'une communauté internationale lassée de financer un processus de réconciliation stérile. Le président ivoirien, que des rebelles ont voulu chasser du pouvoir en 2002, pourra vraisemblablement présider les festivités du cinquantenaire de l'indépendance ivoirienne, en août prochain, et achever son «mandat cadeau» (sans élection) en octobre 2010. C'est ce qu'on appelle, dans le langage de Gbagbo, aller aux élections «le plus vite possible».
Par THOMAS HOFNUNG
Vendredi soir, Laurent Gbagbo a une fois de plus, illustré ses talents hors pair de magicien du verbe et de joueur d'échec. Lors d'une allocution télévisée, il annoncé qu'il dissolvait le gouvernement et la Commission électorale indépendante (CEI), afin d'aller au plus vite aux élections. Ce faisant, il a probablement repoussé l'échéance électorale de plusieurs mois, prenant de court ses rivaux politiques et mettant la communauté internationale devant le fait accompli.
Depuis la fin théorique du mandat du chef de l'Etat ivoirien, en octobre 2005, le scrutin a déjà été repoussé à cinq reprises. Un processus d'identification et d'enregistrement des électeurs était en cours, depuis des mois, avec l'aide notamment de l'entreprise française Sagem. La dernière ligne droite était en vue quand, début janvier, le camp présidentiel fait état d'une vaste fraude au sein même de la CEI, orchestrée selon lui par son président.
Proche de l'ancien parti unique, le PDCI, Robert Beugré Mambé aurait tenté d'enregistrer en catimini 429.000 personnes, supposées acquises à l'opposition en raison de leur patronyme. Fondée ou pas, cette accusation a semé le trouble et paralysé le processus électoral.
Officiellement, pour sortir de l'impasse, le président Gbagbo vient donc de reprendre l'initiative. Il a annoncé qu'il demandait à l'ex-chef rebelle et Premier ministre sortant, Guillaume Soro, de former un nouveau gouvernement restreint pour conduire le pays aux élections. Mais l'essentiel est ailleurs. Gbagbo veut mettre en place une nouvelle Commission électorale. Sous quelle tutelle et sous quelle forme? On l'ignore pour l'instant.
La question est cruciale. Seule une liste électorale incontestable pourra, via les élections, conférer une réelle légitimité au prochain président et, ainsi, sortir le pays de la crise, ouverte il y a dix ans par des élections violemment contestées. Or le camp présidentiel a peut-être exploité habilement une réelle erreur commise par feue la CEI avec son fichier fantôme pour gagner du temps et obtenir une liste électorale plus avantageuse.
Minoritaire sur le plan ethnique, Gbagbo sait qu'il doit nécessairement faire le plein au sein de son camp, et rogner sur celui de ses deux principaux rivaux, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Or il semble que les populations susceptibles de voter pour l'opposition se soient massivement inscrites ; ce qui ne serait pas le cas des partisans de Gbagbo. Ces derniers jours, de nombreux incidents ont éclaté en province. Des partisans du chef de l'Etat tentent en effet d'obtenir la radiation par les tribunaux d'un certain nombre d'Ivoiriens qu'ils accusent d'avoir usurpé la nationalité ivoirienne, provoquant leur colère.
Avec cette double dissolution annoncée par Gbagbo vendredi soir, les élections sont à nouveau repoussées à une date indéfinie, au grand dam d'une communauté internationale lassée de financer un processus de réconciliation stérile. Le président ivoirien, que des rebelles ont voulu chasser du pouvoir en 2002, pourra vraisemblablement présider les festivités du cinquantenaire de l'indépendance ivoirienne, en août prochain, et achever son «mandat cadeau» (sans élection) en octobre 2010. C'est ce qu'on appelle, dans le langage de Gbagbo, aller aux élections «le plus vite possible».
Par THOMAS HOFNUNG