x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le lundi 15 février 2010 | L’expression

L’Editorial : Sortir de la cage à pigeons

C’est Claude Levis Strauss, l’un des plus grands spécialistes des sciences humaines qui l’affirme. Il y a un penchant chez les individus et les groupes dominants à passer de l’exercice du pouvoir à celui de la puissance. Le pouvoir est encadré ; soumis à des limites et des règles. La puissance ne l’est pas. La puissance, avance le célèbre anthropologue français, on la perçoit quand le chat tient une souris dans un cercle et lui laisse l’impression de pouvoir disposer de sa liberté. Chaque fois que le pauvre rongeur essaie de sortir du cercle, il est rapidement rattrapé et remis là d’où il n’est pas autorisé à partir. Autre image, se rapportant à la pratique de la puissance, la cage à pigeon. Une fois dans celle ci, l’oiseau dispose d’un semblant de liberté. Mais cette liberté est définie par son maître qui lui dessine la superficie dont il peut user. A quelque chose près, le discours de Laurent Gbagbo le vendredi dernier, par lequel le chef de l’état a annoncé la dissolution du gouvernement et de la commission électorale indépendante met les ivoiriens, partis politiques, Forces Nouvelles, syndicats et organisations de la société civile dans la posture du chat et de la souris dont parle Claude Lévis Strauss. A la différence notable de ces pauvres bêtes écrasées et dominées par des maitres, les ivoiriens voient le cercle et la cage. Ils ont la capacité d’accepter leur sort ou de le refuser. Et comme un autre intellectuel de renom, Jean Paul Sartres, compatriote de l’auteur de « Race et Histoire » qui disait devant des consciences éberluées que « les français n’ont jamais été aussi libres que sous l’occupation », ceci pour indiquer qu’ils avaient le choix entre résister où collaborer avec l’Allemagne nazie, puissance occupante, il est juste de noter que les ivoiriens ont une occasion idoine d’exercer leur liberté ou d’y renoncer. En réalité, le discours du vendredi dernier de Laurent Gbagbo n’est rien d’autres qu’une série de cages. La première est ouverte à l’endroit de l’ancien et nouveau premier ministre Soro Guillaume. L’allocution radio télévisée de Laurent Gbagbo annonçant la fin du gouvernement et de la commission électorale jusque là en place marque également la fin du consensus politique entamé depuis Marcoussis en France en 2003. C’est ce consensus, avec des aménagements résultants des arrangements pour surmonter les difficultés d’application qui a donné naissance à l’accord politique de Ouagadougou signé le 4 mars 2007. Les forces politiques ivoiriennes acceptent ainsi, une fois de plus, de conduire la transition ensemble, de façon concertée. C’est le sens de la mise sur pied du cadre permanent de concertation, et d’aller à des élections sous l’autorité de la commission électorale indépendante. Tels sont les piliers de l’accord de Ouaga. Tout cela a été cassé par le chef de l’état qui a certes fait allusion à cet accord mais, il a en fait dessiné un nouveau cadre institutionnel pour la suite du processus politique. Le pouvoir, Gbagbo veut désormais l’exercer dans le cadre unique de la constitution ivoirienne. Particulièrement de l’article 48 qui lui confère des prérogatives quasi monarchiques. Dans cette logique, le gouvernement qu’il annonce au pas de course pour aujourd’hui et son chef, tout comme la nouvelle commission électorale à laquelle il rêve, ne seront que des instruments à sa solde pour uniquement se faire réélire. Du coup, Soro, s’il accepte de conduire un gouvernement dans ce nouveau cadre unilatéralement fixé par le chef de l’état accompagnerait Gbagbo dans son aventure. Il sera une simple caution pour un système qui met à la poubelle les acquis de la lutte pour la justice et le traitement égalitaire des citoyens ivoiriens. Une perspective lourde de conséquence pour le patron des forces Nouvelles. La cage en direction de l’opposition politique vise à contraindre celle ci à renoncer à tout espoir d’alternance. Elle doit comprendre que les institutions et leur domaine de compétence sont à la merci du chef de l’état. Gbagbo peut en tout temps et sur tout frapper comme il le veut. Commission électorale et gouvernement sont donc à sa merci. Si elle plie l’échine et s’accommode de la nouvelle donne telle qu’elle se présente l’opposition ivoirienne, le Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix en particulier doit renoncer à conquérir le pouvoir. Les ivoiriens, société civile et syndicats, voient donc se mettre en place avec ce qui a débuté ce vendredi funeste un nouvel ordre politique où la force sous les couleurs de la loi règne en maitre. Les libertés et la démocratie n’ont jamais paru aussi gravement en danger dans le pays.

D. Al Seni
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ