Vous êtes en retard, Mme la juge !
Ce lundi, le tribunal des flagrants délits du Plateau ressemble à une fournaise : il y fait une chaleur accablante ! En plus, cela fait près d’une heure que le public qui a pris place dans la salle, attend impatiemment le tribunal. Pas l’ombre d’un juge. Certains se soufflent avec de vieux journaux, des pochettes et souvent des documents à produire pendant le procès. Même les prévenus qui se sont installés dans leur box, s’impatientent. Normalement les audiences devraient commencer depuis 13h et il est 14h40, maintenant. Enfin, la cloche sonne. Le tribunal fait son entrée. La juge, accompagnée de ses subalternes, s’excuse.
-Le tribunal s’excuse pour le retard, il y a eu chevauchement d’audience.
Excuse accepté. Mais, c’est quoi un chevauchement d’audience ?
Pour un chargeur de téléphone !...
Ah ! elle est dure, notre société : tout est délit. C’est vrai, quoi ! On aurait pu laisser Gogoni Hermann s’en aller. Il n’a rien fait du tout : il n’a fait que voler un chargeur et le chargeur d’un téléphone. Surtout qu’il affirme à la barre, avec une innocence puérile:
-Je reconnais les faits, Mme la juge.
Honteux, mais pas grave ! Quand on pense que le garçon avait l’air gêné, il répondait aux questions de la magistrate en hochant la tête. Dans tout ceci, ce n’est même pas la peine de 15 jours fermes dont il a écopé qui laisse pantois. Ce sont les dix ans de privation de droit, 3 ans d’interdiction de voter. Tout ça pour un fichu chargeur de téléphone ! Comme le monde est cruel ! Va, Hermann !
La femme est sacrée, M’sieur !
C’était, hier, la journée mondiale de la femme. La juge des flagrants délits du tribunal du Plateau le savait. Et, ce lundi, elle est furieuse lorsqu’elle ouvre le dossier n°4 du jour. Abouna Azémian, un instituteur de 47 ans, domicilié à Abobo, est accusé des faits de coups et blessures volontaires sur une dame. La dame que nous appellerons Clémence, boitille jusqu’à la barre.
-Il m’a déshabillée, Mme la juge, il m’a frappée et a même marché sur moi, explique-t-elle.
L’instituteur habite la cour de son père avec Clémence. Selon les témoignages, c’est un homme très coléreux qui n’hésite pas à cogner pour un oui ou pour un non.
-Tu as une femme ?, lui demande la juge.
-Pour le moment, non, dit-il, très à l’aise.
-C’est pour cela que vous portez main aux femmes ?(…) Je suis choquée par votre comportement, vous ne cherchez pas à vous marier à votre âge !
A la suite des échanges et vu le comportement sans scrupule du prévenu, elle ajoute :
-ça vous fait rire ? Savez-vous que si je vous condamne à un an ferme, vous allez perdre votre emploi ?(…) Vous pensez que si vous avez des connaissances ici, on va vous libérer ? C’est moi qui ai condamné « Roro », et malgré l’intervention des gens, je suis restée sur ma décision…
Azémian a des sueurs froides. Chacun peut imaginer la peine que court cet instituteur, jugé le jour de la journée mondiale de la femme, pour avoir botté une femme. La décision est en délibérée…
Un vol = prison
Qui sait qui va se faire remonter les bretelles aujourd’hui ? C’est Jean-Camille !
-Yadi Jean Camille !, appelle la juge.
-Présent !
Jean-Camille se présente à la barre. La magistrate poursuit :
-Vous êtes élève. (…), vous avez 27 ans. Où fréquentez-vous ?
-Au collège Saint Bernard d’Adjamé, en 2nd C.
Elle ne croit pas à ses propos, vu l’allure de vagabond que présente l’accusé.
-Vous allez vraiment à l’école ?
-Oui.
Elle le teste :
-Bon. 2x=0, quelle est la valeur de x ?
Jean-Camille reste bouche bée. Soit la réponse est tellement facile qu’il trouve que c’est de la foutaise, soit qu’il ne sait rien du tout. Eh bien, quelle est la valeur de x, monsieur? Pas de réponse. Bon. On passe à nos moutons.
-Qu’avez-vous volé ?, reprend la juge.
-De l’argent : 170.000 FCfa.
-C’était 200.000 FCfa, vous avez réduit à 170.000.
2 mois fermes ! Les élèves, on les met à l’école mais ils préfèrent faire autre chose de maladroit.
Une sélection de Raphaël Tanoh
Ce lundi, le tribunal des flagrants délits du Plateau ressemble à une fournaise : il y fait une chaleur accablante ! En plus, cela fait près d’une heure que le public qui a pris place dans la salle, attend impatiemment le tribunal. Pas l’ombre d’un juge. Certains se soufflent avec de vieux journaux, des pochettes et souvent des documents à produire pendant le procès. Même les prévenus qui se sont installés dans leur box, s’impatientent. Normalement les audiences devraient commencer depuis 13h et il est 14h40, maintenant. Enfin, la cloche sonne. Le tribunal fait son entrée. La juge, accompagnée de ses subalternes, s’excuse.
-Le tribunal s’excuse pour le retard, il y a eu chevauchement d’audience.
Excuse accepté. Mais, c’est quoi un chevauchement d’audience ?
Pour un chargeur de téléphone !...
Ah ! elle est dure, notre société : tout est délit. C’est vrai, quoi ! On aurait pu laisser Gogoni Hermann s’en aller. Il n’a rien fait du tout : il n’a fait que voler un chargeur et le chargeur d’un téléphone. Surtout qu’il affirme à la barre, avec une innocence puérile:
-Je reconnais les faits, Mme la juge.
Honteux, mais pas grave ! Quand on pense que le garçon avait l’air gêné, il répondait aux questions de la magistrate en hochant la tête. Dans tout ceci, ce n’est même pas la peine de 15 jours fermes dont il a écopé qui laisse pantois. Ce sont les dix ans de privation de droit, 3 ans d’interdiction de voter. Tout ça pour un fichu chargeur de téléphone ! Comme le monde est cruel ! Va, Hermann !
La femme est sacrée, M’sieur !
C’était, hier, la journée mondiale de la femme. La juge des flagrants délits du tribunal du Plateau le savait. Et, ce lundi, elle est furieuse lorsqu’elle ouvre le dossier n°4 du jour. Abouna Azémian, un instituteur de 47 ans, domicilié à Abobo, est accusé des faits de coups et blessures volontaires sur une dame. La dame que nous appellerons Clémence, boitille jusqu’à la barre.
-Il m’a déshabillée, Mme la juge, il m’a frappée et a même marché sur moi, explique-t-elle.
L’instituteur habite la cour de son père avec Clémence. Selon les témoignages, c’est un homme très coléreux qui n’hésite pas à cogner pour un oui ou pour un non.
-Tu as une femme ?, lui demande la juge.
-Pour le moment, non, dit-il, très à l’aise.
-C’est pour cela que vous portez main aux femmes ?(…) Je suis choquée par votre comportement, vous ne cherchez pas à vous marier à votre âge !
A la suite des échanges et vu le comportement sans scrupule du prévenu, elle ajoute :
-ça vous fait rire ? Savez-vous que si je vous condamne à un an ferme, vous allez perdre votre emploi ?(…) Vous pensez que si vous avez des connaissances ici, on va vous libérer ? C’est moi qui ai condamné « Roro », et malgré l’intervention des gens, je suis restée sur ma décision…
Azémian a des sueurs froides. Chacun peut imaginer la peine que court cet instituteur, jugé le jour de la journée mondiale de la femme, pour avoir botté une femme. La décision est en délibérée…
Un vol = prison
Qui sait qui va se faire remonter les bretelles aujourd’hui ? C’est Jean-Camille !
-Yadi Jean Camille !, appelle la juge.
-Présent !
Jean-Camille se présente à la barre. La magistrate poursuit :
-Vous êtes élève. (…), vous avez 27 ans. Où fréquentez-vous ?
-Au collège Saint Bernard d’Adjamé, en 2nd C.
Elle ne croit pas à ses propos, vu l’allure de vagabond que présente l’accusé.
-Vous allez vraiment à l’école ?
-Oui.
Elle le teste :
-Bon. 2x=0, quelle est la valeur de x ?
Jean-Camille reste bouche bée. Soit la réponse est tellement facile qu’il trouve que c’est de la foutaise, soit qu’il ne sait rien du tout. Eh bien, quelle est la valeur de x, monsieur? Pas de réponse. Bon. On passe à nos moutons.
-Qu’avez-vous volé ?, reprend la juge.
-De l’argent : 170.000 FCfa.
-C’était 200.000 FCfa, vous avez réduit à 170.000.
2 mois fermes ! Les élèves, on les met à l’école mais ils préfèrent faire autre chose de maladroit.
Une sélection de Raphaël Tanoh
