Dans toute démocratie, les élections jouent le rôle d’oxygénation. Ce sont elles qui permettent au peuple et aux dirigeants de souffler pour repartir de plus belle. Tout système démocratique qui n’a donc pas recours régulièrement au vote est appelé au délitement. Car l’absence de renouvellement des institutions de la République par voie démocratique, conduit inexorablement à l’autocratie. Et c’est le danger qui guette la Côte d’Ivoire. Cela fait bientôt cinq ans que la Côte d’Ivoire est enceinte des élections. Mais l’accouchement tarde à venir. Insensibles aux douleurs de l’enfantement de la mère patrie, Laurent Gbagbo et ses camarades multiplient les subterfuges pour empêcher les Ivoiriens d’élire leurs représentants. Dans ce jeu de roulette russe, tous les moyens sont bons. Hier, c’était une prétendue fraude à la Commission électorale indépendante que le FPI utilisait pour bloquer le processus électoral. Aujourd’hui, c’est le désarmement qu’on brandit pour dénier aux Ivoiriens, leur droit inaliénable de choisir leurs dirigeants de façon démocratique. De quel désarmement parle-t-on ? Et dans quel pays ? Dans un pays où la période de belligérance n’a duré que dix jours au maximum ? L’ancienne rébellion ne participe-t-elle pas actuellement au plus haut niveau, à la gestion de l’Etat ? D’où vient-il donc qu’on veuille grossir les faits pour faire peur aux Ivoiriens ? A vrai dire, le FPI et ses satellites ne veulent pas aller aux élections. Parce qu’ils savent qu’ils seront battus si les élections ont lieu. Il ne leur reste qu’à manipuler l’opinion pour se soustraire de l’épreuve de vérité que sont les élections. Il importe donc au peuple de Côte d’Ivoire de sortir du cercle vicieux dans lequel veut l’enfermer le camp présidentiel. En refusant cette énième insulte à son intelligence. Car des exemples tant en Afrique que dans le monde, montrent clairement que la question du désarmement ne doit pas faire l’objet de fixation dans un processus de sortie de crise. Au Liberia, Ellen Sirleaf Johnson a été élue alors que les armes continuaient de circuler dans le pays. Or tout le monde le sait. Le conflit qui a embrasé ce pays pendant plus d’une décennie a fait de centaines de milliers de victimes. Rien à voir avec les quelques jours de conflit que la Côte d’Ivoire a vécu. Et seulement dans quelques endroits de son territoire. Au Liberia, le conflit s’était généralisé. Les combats avaient atteint Monrovia la capitale. Pire, l’horreur était parvenu à son comble. Au point que les stigmates de la guerre sont encore visibles sept ans après que les armes se sont tues. Un peu plus au nord de ce pays, la Sierra Leone a connu une situation quasi similaire. C’est dans ce pays qu’un certain Sam Bokari dit « Mosquito » s’amusait à couper les mains et les bras pour faire à ses victimes des « manches longues » ou des « manches courtes ». Le tribunal pénal pour la Sierra Leone jugeait encore les bourreaux de cette crise sanglante au moment où les élections se tenaient. Dans ces pays, les forces onusiennes sont restées quelques années supplémentaires, même après les élections. Car tout n’était pas absolument rose lorsque ces pays sortaient de crise avec les élections. En République démocratique du Congo, malgré l’insatiabilité à l’Est de son territoire, Joseph Désiré Kabila dirige le pays après des élections démocratiques dont la transparence a été saluée par tous les observateurs internationaux et la communauté internationale. Aujourd’hui encore, les autorités de ce pays, avec l’aide des forces onusiennes continuent de procéder au désarmement des combattants récalcitrants. En Afghanistan, malgré les actions subversives des Talibans, le processus démocratique est en marche. Les Afghans sont allés aux urnes, malgré les bombes et les roquettes, pour réélire le président Hamid Karzaï. En Irak, il y a à peine une semaine, les Irakiens ont défié les attentats pour donner l’opportunité à leur pays d’exister à travers les élections législatives qui doivent désigner le futur chef de l’Exécutif. Le taux de participation, en dépit des attentats sanglants d’Al-Qaïda, était à près de 70%. Car les Irakiens, comme partout ailleurs, ont compris que seules le renouvellement des institutions de la République fait avancer un Etat. Et pour y parvenir, il faut nécessairement passer par les élections. Le reste suivra si on ne met pas la charrue avant les bœufs comme veut tenter de faire le camp présidentiel. Quand il s’agit d’aller en visite d’Etat, occasion pour gaspiller l’argent du contribuable ivoirien, on ne parle pas de désarmement. Mais quand il faut donner la parole au peuple, les voyageurs d’hier crient qu’il n’ y a pas de sécurité dans le pays. Bizarre !
Jean-Claude Coulibaly
Jean-Claude Coulibaly