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Économie Publié le vendredi 19 mars 2010 | Nord-Sud

Vivriers : Une pénurie guette le marché

Le vivrier perd de sa fraîcheur. Les marchés d’Abidjan sont confrontés à des problèmes d’approvisionnement à cause des effets pervers de la saison sèche qui menace ce secteur .

Le vivrier est-il un produit de luxe ? Vu la physionomie actuelle du marché, dans la capitale économique, tout porte à le croire. Les prix sont de plus en plus intenables. Toute chose qui ne laisse pas les ménages indifférents. Une randonnée dans les marchés de la ville d’Abidjan, achève de convaincre tout acheteur sur la cherté des produits vivriers. Le grand marché de Belle ville (à Treichville) en l’occurrence, l’espace aménagé pour les vendeuses du vivrier, n’a pas fière allure ce mercredi 17 mars. Ce n’est pas l’abondance en légumes et autres produits vivriers que l’on a l’habitude de voir disposer sur les tables des commerçantes. On remarque au contraire et à divers endroits, de petits tas d’aubergines fraîches ou sèches (appelées communément gnangnan), de tomates, d’oignon, de gombo, ….etc, livrés à 200, 250 Fcfa voire plus. Le kilo de tomate, par exemple, est vendu à 600 Fcfa contre 500 Fcfa par le passé. Celui du kilogramme d’oignon est passé depuis plusieurs mois, de 300 ou 350 à 400 Fcfa.

La pluviométrie en baisse

«Le marché du vivrier ne se porte pas trop bien en ce moment. Nous avons du mal à approvisionner véritablement le marché parce que les quantités mises à notre disposition ne sont pas importantes. Les femmes du vivrier qui nous fournissent, évoquent de plus en plus la baisse de la pluviométrie», explique Djénéba Camara, vendeuse au marché de Belle ville. Elle propose aux passants des oignons et de la tomate. La commerçante reconnaît que ses clients grognent à tout moment à cause des prix qu’elle propose. Elle tente de se défendre.
«Ce n’est pas notre faute. Aujourd’hui, le sac de 100 kilos d’oignon en provenance du Niger est livré à 35.000 Fcfa au lieu de 20.000 Fcfa. Vous conviendrez avec moi que la différence est énorme. A combien dois-je revendre mon produit pour espérer réaliser un gain significatif? », s’interroge-t-elle. Le problème d’approvisionnement constaté à Treichville, touche malheureusement d’autres centres d’échanges économiques. De Cocody à Yopougon, d’Adjamé à Abobo, les lieux de vente ne sont pas véritablement fournis en produits vivriers. Le grand marché de la cité du maire Toungara, reconnu pourtant pour son flux important de vivriers, se cherche aussi. Amadou Zakaria, propriétaire d’un magasin de stockage de produits vivriers à Abobo, fait remarquer que les tracasseries routières sont l’une des causes qui ne facilitent pas le ravitaillement des marchés. «Je suis Nigérien. Je peux vous dire que l’oignon n’a pas besoin de beaucoup d’eau pour produire en masse. Aujourd’hui, le racket n’a pas cessé, à telle enseigne que certains de nos compatriotes préfèrent réorienter leurs productions vers d’autres destinations», argumente l’opérateur économique. Avant de préciser que ceux qui acceptent de venir à Abidjan, sont obligés de répercuter les frais liés au racket sur les prix. L’Office pour la commercialisation des produits vivriers en Côte d’ Ivoire (Ocpv) embouche la même trompette et estime qu’en plus des tracasseries routières qui font grimper les prix sur le marché, il y a la dégradation des pistes villageoises. Selon N’Guessan Norbert, chargé des études à l’Ocpv, «ce facteur réduit fortement les quantités destinées au marché abidjanais. D’autant que les produits vivriers sont périssables.» Selon lui, bien avant la crise, les opérateurs qui venaient du Niger, ne déboursaient pas plus de 600.000 Fcfa comme frais de route. Aujourd’hui, s’offusque-t-il, ce montant excède parfois un million de Fcfa. «C’est vraiment énorme. A Ouangolo, ils ont installé un pont-bascule mobile qui n’existait pas avant. Quel que soit le tonnage, vous payer au moins 50.000 Fcfa. Eu égard à l’ampleur de ce phénomène qui crée une hausse des prix sur le marché, nous avons instauré le certificat de provenance qui coûte 5.000 Fcfa », soutient N’Guessan Norbert. Selon lui, tout opérateur qui possède ce document, ne doit plus débourser une quelconque somme d’argent pour transporter ses produits sur Abidjan. Pour ce faire, sa structure a même affecté des agents de contrôle aux différents corridors. Malheureusement, le mal persiste. «Nous ne contrôlons pas pour le moment les zones Centre, nord et ouest. Mais, il faut reconnaître que dans la partie gouvernementale, si certains agents des forces de l’ordre respectent le certificat de provenance, d’autres, par contre, continuent de ramer à contre-courant.

Risque de famine !

C’est vraiment déplorable», dénonce-t-il. Les climatologues essaient de tirer, eux-aussi, la sonnette d’alarme. Pour Djé Kouakou Bernard, chef du département de la climatologie et de l’agro-métrologie de la Société d’exploitation et de développement aéroportuaire, aéronautique et métrologique (Sodexam), si actuellement la baisse de la production paraît un phénomène normal, «puisque nous sommes en saison sèche, force est de reconnaître que les effets du changement climatique se font ressentir malheureusement sur les cycles de production.» En effet, dira-t-il des villes comme Gagnoa ont vu leur cycle de production reculer de 31 jours, soit un mois.
Une situation préoccupante, car pour lui, si cela continue, la Côte d’Ivoire sera menacée par la famine. Pour M. Djè, la déforestation et le réchauffement climatique risquent de mettre en péril les productions agricoles nationales. Pour éviter que la situation ne s’accentue gravement, l’expert préconise une culture intensive avec l’usage d’engrais et d’autres intrants. Estimant qu’il faut encourager le reboisement. Selon les spécialistes, la production agricole ivoirienne de “type pluvial” a baissé de moitié ces dix dernières années en raison du phénomène de changement climatique. Le danger est donc là. «Le changement climatique a énormément affecté nos productions agricoles, parfois jusqu’à 50%. C’est un grand risque qui pèse sur la sécurité alimentaire si nous n’arrivons pas à prendre des mesures», avait prévenu Yo Tiémoko, directeur du Centre national ivoirien de recherche agronomique (Cnra), lors d’une rencontre nationale sur le réchauffement de la planète à Abidjan. Le Dg a rappelé que «les paysans sont aujourd’hui désorientés. Ils n’arrivent pas à caler leurs pratiques agricoles anciennes sur la bonne période. Les changements climatiques pourraient donc devenir un important facteur de pauvreté durable.» Autres solution, l’Ocpv en collaboration avec l’Agence nationale de développement rural (Anader), a participé à la mise en place des semences améliorées afin de permettre aux paysans d’accroître leur productivité. Les différents acteurs estiment que les pouvoirs publics doivent s’impliquer fortement afin que des solutions idoines soient trouvées dans les court, moyen et long termes. Mais en attendant, les ménages continuent de subir toutes sortes de spéculations sur les prix. «Le marché est intenable aujourd’hui. Si nous nous plaignons, chaque jour, c’est parce qu’on en peut plus. Nous ne reconnaissons plus notre pays à cause de la cherté sur le marché », critique Eugénie Diomandé, agent comptable dans une société à Abidjan. Pour elle, tous les consommateurs doivent manifester vigoureusement leur colère.

Cissé Cheick Ely
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