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Politique Publié le lundi 29 mars 2010 | Le Nouveau Réveil

Après sa sortie du gouvernement / Hamed Bakayoko : “Nous allons remettre de l’ordre en Côte d’Ivoire”

Ancien ministre des Ntic, Hamed Bakayoko fait partie des personnalités du Rhdp qui ont été récusées par Gbagbo dans le cadre de la formation du nouveau gouvernement. Dans cet entretien, il nous fait des confidences sur son départ du gouvernement, sa nouvelle vie et se prononce sur des questions brûlantes de l'actualité nationale. Une interview pleine de vérités qui risque de faire rougir des yeux…

Monsieur le ministre vous avez servi aux NTIC depuis 7 ans. Les Ivoiriens ont été un peu surpris de vous voir sur la liste des partants lors de la mise en place du nouveau gouvernement.

Comment cela est-il arrivé ? Comment avez-vous personnellement appris la nouvelle ?

Mais le plus simplement du monde. Je crois que les Ivoiriens ont été témoins des derniers évènements politiques, à savoir la dissolution de la Cei et du gouvernement. Il y a eu des négociations pour le rétablissement de ces institutions. Tout le monde sait plus ou moins les conditions dans lesquelles le nouveau gouvernement a été mis en place. Le président Gbagbo a récusé des personnalités. Nous n'avons pas voulu, au niveau de l'opposition, lui donner, par une résistance, quelques raisons supplémentaires de prolonger les souffrances des Ivoiriens qui veulent aller aux élections. Nous devons quand même en retenir quelques enseignements. Quand Gbagbo déclare qu'il n'a pas la mainmise sur son gouvernement, qu'il n'est pas responsable de la situation actuelle ou que ce gouvernement lui échappe, on voit bien après ce qui vient de se passer que c'est lui qui décide. Au-delà même de la nomination des ministres, on voit aussi que les activités des ministres sont rythmées par son bon vouloir. Des actions qui sont bloquées, retardées ou qui ne peuvent pas avancer. Je trouve que cela est dommage pour le pays parce qu'il y a des ministres qui étaient sur des chantiers importants. Comme le ministre Achi Patrick qui gérait des dossiers urgents, la route, l'eau, les autoroutes, le 3ème pont, les choses avançaient très bien. Interrompre tout ça sans raison, c'est dommage.

L'autre argument qui revient pour expliquer les récusations, c'est la politique. Mais je crois bien que c'est le Président Gbagbo qui nous informait qu'il était 100% candidat et 100% président. Mais pourquoi il empêche des gens d'être 100% ministres et 100% acteurs politiques, 100% ministreset 100% responsables de campagne ? Je pense qu'il faut un minimum de fair-play et d'élégance en politique. Gbagbo a manqué de fair-play, ça montre qu'il n'est pas serein, il panique, je le dis en connaissance de cause. Mais je crois que dans l'ensemble, nos responsables ont bien géré la situation. Le président Bédié, le président Ouattara et leurs collègues du Rhdp ont bien géré la situation. Parce que faire un bras de fer sur ces questions de nomination nous aurait fait perdre beaucoup de temps, inutilement. L'essentiel pour nous, c'était de vider cette crise par un processus électoral crédible. Et c'est là qu'on attend Gbagbo.

Y a-t-il un problème Hamed Bakayoko-Gbagbo ?

Non, il n'y a pas de problème à ma connaissance. La preuve, je ne vous le cache pas, je lui ai parlé au téléphone le jour de ma passation. Je lui ai même dit lors de son passage à Séguéla qu'il faut qu'on arrive à faire la part des choses entre les relations humaines, la fraternité et les relations politiques. Parce que le Président Gbagbo peut être un homme sympathique, un ami, un grand-frère mais il n'est pas forcément le leader politique qu'on a choisi pour gouverner la Côte d'Ivoire. On ne fait pas assez la part des choses et c'est dommage. Donc moi, je n'ai pas de problème particulier avec le chef de l'Etat.

Je suis militant du RDR qui s'est choisi un champion, le président Alassane Dramane Ouattara qui part à la conquête du pouvoir dans une synergie d'action avec le Rhdp. Je mène cette bataille avec conviction, avec détermination, avec sérieux. Mais cela ne m'empêche pas d'avoir des contacts ou des amitiés avec des gens qui ne partagent pas forcement cette vision politique.

Quittez-vous le gouvernement la mort dans l'âme ou sans regret. Il se murmure aussi que votre point de chute serait la Primature où le Premier ministre voudrait vous engager comme conseiller ?

Je ne pars pas du gouvernement la mort dans l'âme. Je dirai plutôt que je pars l'âme en paix. Je considère que tout cela constitue des signes. Je crois que le Président Gbagbo nous a libérés.

Chacun de nous, en fonction de ce qu'il souhaite faire, va retrouver sa liberté d'action et va avoir une plus grande disponibilité pour son parti.

Aujourd'hui, la bataille est essentiellement politique. En ce qui me concerne, les chantiers sont nombreux et urgents. Je vais m'y atteler avec devouement et conviction.

C'est vrai que le Premier ministre m'a reçu et qu'il m'a fait part de son souhait de me voir servir comme conseiller spécial à ses côtés. C'est une fonction importante. Je suis prêt à servir là où l'Etat a besoin de mes services. Il s'agit de notre pays, il s'agit du drapeau.

Le Premier ministre s'est révelé, surtout à la faveur de la récente crise, comme quelqu'un qui rassurait. Je crois fermement qu'il faut l'accompagner, il faut l'aider. Un diplomate me confiait qu'à chaque fois qu'il voyait Gbagbo à la télévision, après ses déclarations, les Ivoiriens étaient inquiets et angoissés. Et que quand le Premier ministre intervenait, il rassurait et il apaisait. Je pense qu'il a beaucoup de mérite et s'il a besoin de moi, c'est avec pleine volonté que je repondrai et accomplirai cette tâche.

Même au gouvernement, on vous a connu comme un fonceur, un homme engagé. Cela ne va pas changer donc ?

Je crois quand même que les Ivoiriens me connaissent. Je ne triche pas, je ne sais pas faire semblant. Je suis un homme de conviction, engagé et entier dans ce que je fais. Notre pays ne va pas bien. Il nous faut agir ensemble pour le sauver. Il faut que les énergies et les intelligences se fédèrent pour transformer le chaos en ordre. Nous devons remettre de l'ordre en Côte d'Ivoire. Le pays n'est pas à l'image de ce que nous souhaitons qu'il soit. De ce que les potentialités du pays nous imposent comme image dans le concert des Nations. Il faut rependre le pays en main, le redresser. C'est un engagement, c'est un devoir. J'ai aujourd'hui la responsabilité d'accompagner les jeunes du Rdr, du Pdci, du Mfa et de l'Udpci dans leur élan de mobilisation. Je vais les soutenir et nous allons amplifier ce mouvement.

Dès votre sortie du gouvernement, un journal de la mouvance présidentielle, "Le Temps", appartenant à l'une des épouses du chef de l'Etat, brandit des dossiers sales contre vous. On vous accuse de détournements de deniers publics.

Je crois que vous voulez parler du journal de Nady Bamba.

Exactement.

Je la connais, c'est une jeune sœur, je connais également sa famille. Pour ces raisons-là, je ne répondrai pas. Je préfère la laisser avec sa conscience. L'article en question est insultant, il est diffamatoire, truffé de mensonges et d'inventions. On accuse sans début de preuve, sans même un soupçon de preuve. Quand un journal annonce un dossier à scandale, on s'attend à un dossier fouillé, des documents, des fac-similés. Mais les gens viennent dire que vous avez un budget. Où est le fait constitutif du détournement ?

Le journalisme en Côte d'Ivoire a connu une époque difficile. Ce genre d'article essaie de nous y ramener. Moi, je ne veux pas les accompagner dans cette voie.

Je leur dirai simplement que ce n'est pas bien d'attaquer gratuitement et de chercher à souiller l'image des gens de cette manière. Je la (Nady Bamba, ndlr) laisse avec sa conscience. Et dans son cas, si je peux me permettre un conseil, c'est qu'elle doit avoir le profil d'une dame comme Anne Pingeot. Qui a eu une fille, Mazarine, avec François Mitterrand et qui a toujours observé une grande discrétion. Je crois que Nady Bamba s'expose trop et ça peut indisposer le Président et ça peut indisposer tout le monde.

Elle n'a pas le monopole des agressions et des insultes, elle s'expose trop. Et dans son cas, ce n'est pas une bonne chose.

Vous lui imputez donc ces articles dirigés contre vous ?

Dans votre question, vous m'avez dit que c'est son journal. Donc je note. Je remarque que depuis quelque temps, ce journal qui lui appartient s'illustre dans un acharnement contre certains cadres de l'opposition et particulièrement contre ma personne. Il y a un article qui m'a impressionné. Il a été annoncé à grande pompe de publicité. On parlait de scandale dans la filière café-cacao dans lequel je serais impliqué. Mais quand l'article est paru, il n'y avait curieusement pas mon nom. Comment vous pouvez comprendre cela ? Dans aucun paragraphe, mon nom ne figurait. Mais j'étais pourtant cité à la "Une" du journal.

Il se raconte aussi que le ministre Hamed Bakayoko sait beaucoup de choses. Qu'il en saurait même un peu trop. Et que c'est pour cette raison qu'il serait devenu un homme un peu gênant pour le Fpi. Avez-vous le sentiment d'inspirer la peur ?

Je ne crois pas que je sache plus qu'un autre. Un homme qui fait la politique a intérêt à être bien informé. La politique ne doit pas inspirer la peur. C'est un jeu, une compétition d'idées. Moi, je vois les militants du Fpi comme des adversaires politiques. Notre devoir au niveau du Rdr et du Rhdp est de sortir notre pays de la situation actuelle. Faire en sorte que le cauchemar que nous avons vécu ces dix dernières années soit un vieux souvenir. Un accident de parcours. Je suis un politicien, je crois en la politique et j'aime la politique. La politique est un art de leadership qui se fait avec des vertus et des outils. Aujourd'hui, on sort des élections régionales en France, nous avons tous suivi les débats à la télévision, les résultats. Mais on est fier et on a envie de voir la même chose chez nous. On est capable de faire cela. De s'affronter idées contre idées, à la télé, dans les journaux, devant nos populations pour gagner leur adhésion. C'est cela l'objectif de la politique. Gagner pour mettre en œuvre des programmes pour le bien-être de nos concitoyens.

Après la résolution de la crise de la Cei et du gouvernement, le Fpi élève encore les enchères, des exigences nouvelles flambent, le désarmement, la réunification du pays, l'audit de la Cei, le renouvellement des Cei locales, etc. Cela n'est-il pas de nature à nous éloigner davantage de s'élections ?

Même moi, j'avais douté un moment. J'ai pensé que le Président Gbagbo voulait aller aux élections.

Aujourd'hui avec la tournure qu'ont prise les évènements, je me suis fait la conviction que le Président Gbagbo a peur des élections. Le connaissant, je vous assure que s'il pensait pouvoir gagner, il aurait précipité ces élections. Vous vous rappelez qu'à un moment, il appelait à aller aux élections vite, vite, vite…

Tout à coup, c'est un revirement à 180 degrés. Les obstacles se succèdent. D'abord c'était un obstacle en direction des partis politiques, la Cei. Comment voulez-vous qu'un acteur, un joueur qui est partie prenante au match chasse l'arbitre du match, se donne les pouvoirs de chasser l'arbitre du match. Et comme si cela ne suffisait pas, il en rajoute en cassant le gouvernement.

Heureusement que nos leaders ont compris le fond des choses. Le vrai problème, c'est que Gbagbo est conscient qu'il n'est pas le Président qu'il aurait aimé être. Il ne jouit pas d'une légitimité pleine et entière. Il est là et maintenu dans le cadre d'accords politiques. On aurait épilogué longtemps sur ces questions. Mais nos partis ont d'abord pensé aux Ivoiriens et à leur volonté d'aller aux élections. Aujourd'hui, on nous sort d'autres alibis pour retarder le processus.

Désarmement, audit de la liste électorale, renouvellement des Cei locales, réunification. Des questions qui ont été déjà discutées, négociées et formellement résolues dans des accords signés avec les Forces nouvelles. Quand je regarde tout cela, je souris parfois parce que le Fpi se comporte comme un enfant gâté, ce sont des caprices de gosse. Or il s'agit de l'avenir de notre pays et on doit traiter ces questions avec sérieux. Je crois que Gbagbo ne doit pas trop tirer sur la corde, il n'est pas le maître du monde. Il devrait faire attention à ne pas trop forcer.

Ses partisans annoncent des jours sombres pour l'APO. On dit même que le Premier ministre serait en danger.

Aujourd'hui, tout est envisageable, tout est à envisager avec ces gens-là. Mais je pense aussi qu'il ne faudrait pas qu'ils sous-estiment les autres. Moi, je connais bien le Premier ministre, je crois que le Président Gbagbo le connaît aussi bien. Guillaume Soro n'est pas homme à se laisser surprendre.

Dans cette guéguerre entre les signataires de l'Apo, le Rhdp semble se comporter en spectateur.

Or ce qui est en cause fondamentalement, ce sont les élections qui s'éloignent encore à cause du jeu de Gbagbo. Est-ce que ça va continuer ?

Mais la chance de Gbagbo, c'est qu'il a affaire à deux opposants, Bédié et Ouattara qui sont des hommes ayant une haute idée de l'Etat. Ce sont des hommes d'Etat qui, avant de prendre une décision, tiennent compte de beaucoup de paramètres.

Je sais combien de fois, face à certaines situations, ces deux leaders nous sensibilisent pour faire en sorte que nos actions soient pacifiques et non violentes. Combien de fois ils sont intervenus pour nous stopper afin qu'il n'y ait pas de clash. Parce que le plus important pour eux, c'est la Côte d'Ivoire. Gbagbo a donc la chance d'avoir une telle opposition. Mais en même temps aujourd'hui, je dis que nous sommes là aussi. Nous avons, nous, une approche un peu différente des choses. Et le mélange de tout ça va donner un fil plus difficile à tordre à Gbagbo.

Le Rhdp, finalement l'attelage Bédié Ouattara, ça donne des satisfactions et des raisons d'espérer ?

Moi, je crois en cette alliance qui doit se consolider davantage. Je le vis aujourd'hui, la relation entre le président Ouattara et le président Bédié est très forte. Ce n'est plus la politique seulement qui les lie mais ce sont des rapports d'un petit frère à un grand frère. Ils se consultent sur tous les sujets. Et je crois que les sceptiques en auront pour leurs frais.

Notre première réponse face aux provocations de Gbagbo doit être une plus grande consolidation du Rhdp. Unis, nous sommes encore plus forts. Nous avons le devoir d'aller plus loin. Nos leaders ont appelé de toutes leurs forces que nos partis deviennent un.

Je pense qu'aujourd'hui, il est plus qu'urgent de mettre en place un comité qui va travailler sur les modalités de ce rapprochement. Pour que entre les deux tours de la présidentielle, nous puissions avoir une seule équipe de campagne, en pleine synergie, en pleine convergence qui va déboucher sur la création d'un grand parti que le nouveau président élu pourra porter. Cela est nécessaire car après avoir gagné la présidentielle, nous devrons faire les arbitrages nécessaires pour gagner les élections législatives, municipales et départementales.

Nous avons les moyens de faire disparaître le Fpi de la carte politique de la Côte d'Ivoire. Je ne vois aucune localité où le Fpi peut nous battre si nous sommes ensemble et solidaires.

Même à Ouragahio ?

Mon frère, je dis que je ne vois aucune localité où ils peuvent nous battre ensemble. Donc le Rhdp est un trésor pour nous. Les refondateurs espèrent leur survie dans la désunion du Rhdp. Faisons les désespérer.

Nous, les jeunes, nous pensons que ça ne va pas assez vite, nous demandons à nos leaders d'accélérer les choses en ce qui concerne la consolidation de nos partis. C'est un chantier important pour mettre ce pays sur les rails, restaurer la paix et le développement. Et pour les jeunes, c'est très important.

Gbagbo annonce la fin prochaine du film western et de la crise ivoirienne

Oui, tout le monde a entendu. La fin de la bataille s'annonce, la fin du film est proche. Nous devons être présents, nous devons vivre cela pleinement. Parce que je pense qu'après la fin de ce film médiocre que nous avons dû offrir aux Ivoiriens et au monde, une nouvelle Côte d'Ivoire doit naître. Une Côte d'Ivoire porteuse d'espérance et qui ressemble aux Ivoiriens. Je considère que si je suis sorti du gouvernement, c'est du pain béni. Je suis plus libre et plus disponible. J'ai déjà rencontré mon jeune frère KKB, j'ai déjà rencontré Yayoro. Nous sommes en train de nous organiser pour plus de cohésion au sein de la jeunesse du Rhdp. Nous devons former un bloc plus fort. Parce que la Côte d'Ivoire ne peut plus continuer à vivre comme ça. Il nous faut mettre de l'ordre, confier le pays à des gens capables de mettre de l'ordre. Dieu merci, Gbagbo lui-même dit que la fin du film n'est plus pour longtemps. Wait and see. Je lance un appel à toute la jeunesse consciente de Côte d'Ivoire. Nous allons mettre très bientôt en place une plate-forme de large ouverture pour rassembler la jeunesse afin d'impulser le changement.

Interview réalisée par Akwaba Saint Clair
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