30 % de femmes aux postes de nomination
La solution que je propose est simple. Laissons le soin au couple de choisir lequel des deux conjoints doit pouvoir bénéficier des dégrèvements fiscaux. Selon que c’est l’un ou l’autre qui gagne, la solution n’est pas la même. Je pense que nous sommes à un niveau suffisamment élevé où les couples peuvent discuter et voir comment cela peut être géré. Il faudrait qu’au plan politique, un coup de pouce soit donné aux femmes. Je sais que beaucoup d’entre elles ne sont pas d’accord. Je suis pour le système des quotas. Pour la simple raison que hommes et femmes ne sont pas partis sur un pied d’égalité. Les hommes ont d’abord été scolarisés et les filles sont arrivées après. Même ceux qui ne sont pas scolarisés ne méritent pas moins d’être à certains postes. On parle des femmes Gouro qui vendent dans les marchés. Mais les premières n’ont pas été à l’école.
Elles gagnent bien plus que nous qui avons passé plusieurs années à faire des études. Pourquoi ne verra-t-on pas ces dames devenir député, conseiller économique et social? On a des hommes analphabètes qui sont députés. Cela ne choque personne. Mais dès qu’on va dire qu’on prend cette dame-là qui n’a pas été à l’école pour être leader, on dira qu’on revoit le titre au rabais. Je suis pour que 30% de femmes soient aux postes de nomination, dans le gouvernement. Si je suis élue, ça va être une première en Côte d’Ivoire. Parce que le dernier gouvernement compte deux femmes sur 28 membres. Nous avons reculé. Cela nous ramène en 1986. Jeanne Gervais est la première femme qui est entrée au gouvernement en 1976 après l’année internationale de la femme. Dieu merci que l’Onu existe. Par ce biais, elle amène les Etats à avancer. Je rends hommage à cette pionnière qui est toujours vivante. Après cela, il a fallu attendre dix ans, plus exactement 1986, pour avoir deux femmes au gouvernement : Mmes Aka Anghui et Odette Kouamé. Et puis en 1990, il y a eu trois femmes jusqu’à ce qu’aujourd’hui en 2010, nous n’ayons que deux femmes dans le gouvernement. Tout cela pour dire que les femmes doivent elles-mêmes se battre pour améliorer leurs conditions sociales.
Pas un autre accord en dehors de l’Apo
Selon l’Apo, le désarmement doit être fait deux mois avant les élections. Ce que je ne comprends pas- et cette question, je ne peux la poser qu’aux signataires de l’Accord de Marcoussis et à ceux qui se réunissent dans le cadre du Cpc, au dernier Cpc, il a été indiqué un certain nombre de conditions à remplir pour arriver à l’élection présidentielle. Cependant, on n’a nullement parlé de désarmement. Pourquoi? Alors même qu’à l’annexe n° 3 de l’Accord de Ouagadougou, il est bien précisé que le désarmement doit se faire deux mois avant le scrutin. Pourquoi donc, le dernier Cpc du 3 décembre 2009, a-t-il entériné les étapes suivantes : «Décembre 2009 : gestion du contentieux ; janvier 2010 : production et publication de la liste électorale définitive ; février 2010 : distribution des cartes ; fin février- début mars 2010 : 1er tour de l’élection présidentielle» ? On ne parle pas du désarmement. En revanche, il est dit au point 11 : «Exprimant leurs préoccupations concernant la sécurisation du processus électoral, les membres du Cpc ont exhorté, à nouveau, le gouvernement, les Fds et les Fafn à poursuivre leurs efforts pour l’opérationnalisation complète du plan global de sécurisation sous l’autorité effective du Cci doté des moyens». Quand on a signé un accord, qu’on a été au Cpc et que ces décisions y ont été prises, je ne comprends pas très bien le débat qui, en ce moment, a cours. Ou alors on constate que les conditions ne sont pas réunies pour respecter les clauses, car il faut par exemple savoir qu’il faut donner 500 000 Fcfa pour chaque démobilisé, et on le dit clairement. Les Ivoiriens sont quand même des gens intelligents qui pourraient comprendre qu’il n’y a peut-être pas d’argent. Mais on en est plutôt à se lancer la balle. D’où l’intérêt de la question sur la confiance et la foi aux hommes politiques. Je considère qu’il faut achever la crise avec l’Apo. Nous n’irons pas à un autre accord! Nous en avons suffisamment signé, depuis près de huit années, il faut, définitivement, en sortir. C’est une question de volonté politique, à mon sens.
Je pense vraiment qu’il faut que cet Accord de Ouagadougou nous amène à la fin de la crise. Nous avons essayé beaucoup de résolutions, d’accords, etc. Mais celui-là au moins a le mérite de nous avoir fait avancer. C’est vrai que tout ça devait être fait dans 10 mois initialement ; nous en sommes à trois ans et nous n’avons pas encore eu les élections, parce que tout simplement il y a eu quelques problèmes de dernière heure. Et vous savez aussi que ces problèmes doivent pouvoir être résolus. On ne sort pas d’une guerre comme on sort d’un gala. Ça aussi, c’est important. Parce que des habitudes ont été prises, il faut se battre contre ces habitudes-là. Ce n’est pas facile. Mais cela dit, il y a quand même des signataires de cet accord, et on ne comprend pas que ces signataires n’arrivent pas à s’entendre sur ce que l’accord dit. Lorsqu’on nous dit que le désarmement doit se faire avant, certains disent deux mois avant les élections, d’autres un mois après, mais j’ai l’Accord complémentaire de Ouagadougou, qui dit bien que le désarmement se fait deux mois avant les élections.
Ma candidature a créé la surprise
Aussi bien les femmes que les hommes ont été surpris par ma candidature. Passée la surprise, ce furent des questionnements: qui est derrière elle? Pour qui roule-t-elle? On a cité le Premier ministre Banny qui serait mon financier, le Président Bédié et bien d’autres. Sauf moi-même. Pour ceux qui me connaissent, je ne peux pas être le faire-valoir de quelqu’un. Je suis candidate à l’élection présidentielle au même titre que tous les autres candidats. En me voyant sur le terrain, ils ont commencé à comprendre la portée de ma candidature. Les femmes, la surprise passée, ont commencé à comprendre et à se dire: «Il faut y aller». Je vais donc vers elles, sur les marchés, notamment, et voyez un peu l’accueil qui m’est réservé.
Je ne dis pas que je ferai l’unanimité au niveau des femmes, car l’unanimité n’existe nulle part. Ceux qui sont chrétiens savent que même Jésus a été combattu par les siens. Je n’ai donc pas la prétention de rassembler toutes les femmes. Mais je pense que la majorité d’entre elles se sent concernée parce que, tout simplement, c’est une ouverture ; l’ouverture d’une voie qui profitera à beaucoup d’autres.
Cei locales
Après la dissolution de la Cei et tous les problèmes qui en ont résulté, j’ai dû hausser le ton pour demander que les deux camps se rapprochent, fassent des sacrifices car les populations sont excédées. Nous autres, candidats indépendants, ne sommes pas représentés dans cette commission électorale parce qu’elle a été mise en place après des accords. Bref, nous n’exigeons plus notre entrée dans cette commission, même s’il s’agit d’élection, mais nous demandons aux deux autres camps de faire des sacrifices. C’est ainsi que nous avons exhorté le Rhdp à écarter les personnes qui ont été mises en cause. Je ne suis pas représentée à la Cei, mais toujours est-il qu’à partir du moment où cette affaire bloque le système et qu’il y a un manque de confiance, il vaut mieux que l’on mette ces personnes de côté et qu’on en désigne d’autres.
Au camp présidentiel, je dis que le sacrifice à faire, c’est de laisser la commission dans le format actuel pour avancer. Et c’est à cette solution qu’a abouti le facilitateur lorsqu’il est venu. A partir du moment où cela a été fait, on devrait pouvoir avancer, mais voilà que d’autres voix s’élèvent pour demander que les Cei locales soient recomposées. Je considère que le problème est parti de la Cei centrale et s’il est réglé, je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir d’autres blocages. Les Ivoiriens sont fatigués et voudraient qu’on sorte de cette longue crise.
Recherche
On peut avoir trois universités en Côte d’Ivoire, on peut même avoir une université par région, et surtout, spécialiser les universités. Si nous avons une région productrice de pétrole et de gaz, l’université doit se spécialiser dans ce domaine. Pour éviter que nous soyons toujours en train d’exporter nos matières premières de façon brute. Il faut que nous apprenions à transformer cela. Nous avons le fer et tout ça, du côté de l’ouest. Mais pourquoi ne pas créer une université pour réfléchir à ça et en même temps créer une usine qui va donner du travail aux gens? Donc vous voyez que les infrastructures doivent suivre, et pour que les infrastructures suivent, il faut encore qu’on revienne à la paix et qu’on fasse les élections.
L’école, c’est pareil. Il faut non seulement que les écoles soient restaurées, parce que je vous assure que quand vous voyez certaines classes, vous vous dites est-ce que vraiment les enfants qui s’y trouvent ne vont pas attraper des maladies ? Donc il y a la restauration des établissements scolaires qu’il faut faire, et la création d’autres établissements. Il faut rapprocher l’école des populations. Mais alors en les rapprochant, il ne faut pas oublier également qu’il faut créer des internats. Si aujourd’hui je suis devant vous et je vous parle, c’est parce que je suis un pur produit de l’internat, depuis la 6e jusqu’à la Terminale. Et les cadres femmes que vous voyez aujourd’hui sont passées par là. Mais pourquoi aujourd’hui nos filles n’avancent pas beaucoup? Mais tout simplement parce qu’il n’y a plus d’internat ; il n’y a plus cet encadrement rigoureux. Les parents sont au village, les filles sont dans la sous-préfecture ou dans le chef-lieu, livrées à elles-mêmes. Elles se mettent à deux, trois dans une piaule. Trois mois après, elles sont toutes enceintes. Elles retournent au village. On perd. Vous rigolez! C’est vrai qu’il faut introduire l’éducation sexuelle à l’école, mais en même temps, il faut un minimum d’encadrement. C’est pourquoi moi je propose que les conseils généraux, qui ont pour objectif de faire du développement, fassent à chaque fois des internats pour que nos filles puissent avancer, parce qu’à l’heure où nous sommes, nous reculons.
Équipe de travail
Je suis candidate indépendante. Ça veut dire que je suis indépendante de tous les partis. Mais en même temps, je suis Ivoirienne et je sais qu’étant candidate, si je suis élue, je serai Présidente de tous les Ivoiriens. A partir de ce moment-là, j’aurais besoin de compétences, de personnes pour travailler, que ce soient des hommes ou des femmes de partis politiques. Mais ces personnes-là, elles sont là individuellement. Ce que je ne ferai pas, je n’irai pas demander à un parti politique de me donner une liste de cadres. Ça, je ne le ferai pas. D’ailleurs, vous voyez le gouvernement des partis politiques, c’est un échec ! Mais je demanderais par exemple à ma voisine, voilà, pour tel ou tel élément, je souhaiterais qu’elle vienne travailler avec moi. Si elle me dit qu’elle doit aller consulter son parti, je lui dis merci. Ça veut dire que vous n’êtes pas prête. Par contre, si elle vient travailler avec moi, ça veut dire qu’elle est compétente, qu’elle veut servir son pays. A partir de ce moment-là, on avance. Donc sur ce chapitre-là, je voudrais vous dire qu’il y a plein d’Ivoiriennes et d’Ivoiriens qui aiment leur pays et qui sont prêts à se mettre à son service et à travailler. Parce que jusqu’à nouvel ordre, je n’ai pas vu un seul parti politique payer des études à des Ivoiriennes et à des Ivoiriens. Si vous avez eu une bourse, c’est l’Etat de Côte d’Ivoire qui vous l’a donnée. Et nous devons tous, à quelque niveau que nous nous situons, être prêts à servir notre pays.
Promesses électoralistes
Tous ceux que je vois, surtout les jeunes, quand ils arrivent, ils disent: «Oui, nous sommes déçus, parce qu’on nous a promis ci, on nous a promis ça, mais rien n’est fait». C’est vrai, vous avez des raisons de douter de la classe politique. Mais justement, nous sommes là pour vous dire que le changement dont nous parlons touche également la classe politique. Il faut dire ce qu’on peut faire et le faire effectivement ; mais ne pas promettre monts et merveilles et se retrouver après dans des difficultés. La preuve, depuis que je parle, je ne vous ai pas dit que je vais donner tant de milliards à telle ou telle région, parce que je ne sais même pas quelle va être la cagnotte, comment nous allons faire pour avoir de l’argent. Par contre, ce que je propose, ce sont des choses faisables. Qu’un conseil général crée une école, un lycée et un internat, je pense que c’est faisable. Quitte à ce que cet internat-là soit semi-privé, et qu’on demande aux parents d’apporter un peu. Parce qu’en louant une petite maison pour leurs enfants, les parents apportent quand même de l’argent. Mais savoir qu’en les mettant dans un internat surveillé, c’est bien, ils le feront. Donc je pense qu’il faut absolument que la confiance revienne, parce qu’une population qui n’a pas confiance en sa classe politique, ça ne va pas. C’est la fin de l’espoir et ce n’est pas bon. Je suis venue justement pour vous apporter cet espoir. Il faut que l’on croie à la politique. Parce que la politique c’est quoi? C’est tout faire pour apporter le bien-être à ses populations. Et si on apporte ce bien-être, vous allez voir que la confiance va renaître. Ce qui suppose que lorsqu’il y a des enrichissements illicites, il faut les sanctionner. Et moi je vais combattre l’impunité. Il faut que tous, nous soyons égaux devant la loi. Et justement pour combattre cette impunité, celui qui commet une infraction doit y répondre, qu’il soit simple citoyen ou membre du gouvernement ou Président de la République. C’est la raison pour laquelle je propose que la Haute Cour de Justice soit effectivement mise en place pour éviter que les petits citoyens soient jugés, et que les autres, parce qu’ils ne peuvent pas répondre devant les juridictions de droit commun, restent dans l’impunité. L’impunité doit être combattue à tous les niveaux.
Économie et justice
Je vous ai déjà un peu brossé mon projet de société. Je vais peut-être insister sur l’aspect économique pour dire qu’on a beau faire, lorsqu’on aura consolidé la paix, qu’on aura la paix véritable, il faudra vraiment se pencher sur l’aspect économique. Ça veut dire que le choix que nous avons fait est le libéralisme économique, qui fait en sorte que chacun est libre d’entreprendre. En même temps, quand les personnes entreprennent, il faut que le cadre soit défini, que l’environnement juridique et judiciaire soit assaini. Et là, parlons de la Justice. La justice, c’est la clé de voûte d’un pays, et cette justice-là, tout le monde doit pouvoir s’y retrouver. Quand on commence à douter de la justice, c’est grave. Ça veut dire tout simplement qu’on n’aura plus affaire à la justice mais à la justice privée, et il faut éviter cela. C’est la raison pour laquelle il faut assainir l’environnement juridique, bien sûr, donner les moyens matériels à ceux-là de travailler. Dernièrement, j’ai assisté à une émission à la télévision. Des greffiers se plaignent qu’ils n’ont pas leur statut et tout. Mais il faut que le Palais de justice soit un haut lieu où lorsqu’on y va, c’est pour rencontrer soit des greffiers, soit des juges, parce qu’on est convoqué. Mais que ce ne soit pas un lieu de balade pour des gens qui n’ont rien à y faire. Vous vous rappelez, c’est justement pour éviter cela que, quand j’étais ministre de la Justice, j’ai fait faire la clôture. Et il y avait une entrée où tout le monde devait passer, parce que vous avez quelque chose à y faire. Donc tous ceux qu’on appelle «margouillat» n’ont rien à faire là; il faut absolument qu’on les vide. Et que la justice soit sereine, qu’elle puisse travailler et que l’on puisse avoir confiance. Et que le pauvre qui a raison puisse avoir raison contre le riche, et qu’on ne dise pas que c’est parce qu’il est riche qu’il a dû donner de l’argent à x ou à y pour gagner. Il faut, en d’autres termes, que le citoyen ait confiance en sa justice, et c’est ce que nous allons nous atteler à faire.
Différence avec les autres candidats
Je disais la différence, c’est d’abord la personne qui va mettre le programme en application. Il faut effectivement que cette personne ait les aptitudes, aime son pays, ait les mains propres, parce que j’ai parlé de gouverner par l’exemple. Si vous-même vous arrivez et qu’on sait que vous avez déjà des casseroles, il est évident que vous n’inspirerez pas confiance. Ce sont tous ces éléments-là que nous devons mettre en jeu.
Conseillère du 1er ministre Banny
Qu’est-ce que j’ai fait pendant que j’étais la conseillère principale du Premier ministre Banny ? Vous savez dans quelles conditions il a été nommé à ce poste, avec les différentes résolutions du Conseil des Nations unies. Pour réussir, il faut l’accord de tous. Je me souviens encore, que pour pouvoir réunir tous les acteurs à Yamoussoukro, mon Dieu, cela a été la croix et la bannière parce que chacun a ses obligations et ses exigences, etc. Mais lorsqu’il y a eu l’Accord politique de Ouagadougou, nous avons vu que les choses ont démarré. Aujourd’hui encore, nous commençons à piétiner. Il faut de la volonté politique. C’est ce qui a fait défaut lorsque Banny était Premier ministre.
Sanction de la gestion des hommes
Lorsque ça ne va pas, il faut changer, et le changement que je propose montre bien qu’il y a eu un problème. La preuve, nous avons eu 20 ans sans prospérité, et nous avons reculé. Parce que justement, nous avons passé tout le temps à faire des querelles et c’est à cela qu’il faut mettre fin. Car finalement, on oublie l’essentiel, c’est-à-dire les Ivoiriens, le développement. Il faut veiller au bien-être des Ivoiriens. C’est pour cette raison que je suis candidate et si vous me faites confiance, nous allons essayer de faire changer cela.
J’ai de belles intentions, mais est-ce que je ne serai pas comme les autres? Ne me ferais-je pas prendre par le système et tout ? C’est le risque, mais cela dépend également du caractère de la personne…Déjà, je le leur dis, ils sont là (Ndlr : parlant de son équipe) : « Si vous acceptez de travailler avec moi dans les difficultés, parce que nous n’avons pas d’argent, ce n’est pas pour nous servir demain. C’est pour servir le peuple ». Je ne pense pas qu’ils s’attendent tous à être ministres, ou à avoir des postes. Ils ont cru en un idéal, et ils se battent pour que les choses aillent mieux. Je ne pense pas que le rôle du Président de la République soit de distribuer de l’argent à tout le monde. Son rôle est de créer l’environnement, pour que chacun se prenne en charge. Et je vais essayer d’y veiller.
Réalité sur le terrain
Il y a trois grands partis politiques, c’est vrai, quand on compte le nombre de leurs députés, maires, les conseils généraux qu’ils dirigent. Maintenant, les militants qu’ils ont sont-ils toujours acquis à leur cause? En tout cas, tous les jours, je reçois des hommes et femmes issus de ces grands partis politiques qui décident, pour diverses raisons, de nous rejoindre. Si je suis candidate, cela veut dire qu’il y a des hommes et femmes qui croient en l’idéal que nous soutenons. Mais, je ne peux pas vous dire, j’ai un million d’électeurs, ce sont les urnes qui vont nous permettre de le savoir.
En tant qu’indépendants, nous avons essayé de nous retrouver. Nous considérons que nous ne sommes pas bien traités. Nous avons parlé du problème de sécurité. Moi, je suis candidate et je n’ai pas de service de sécurité. Et pourtant, j’en ai fait la demande. On voit dans ce pays des gens qui n’ont aucune fonction officielle, qui ont trois, quatre, cinq gardes. Pour ce qui est de l’information, quand le Cpc se réunit, il sort un document. En tant que candidats, même si nous n’en sommes pas membres, on doit pouvoir nous l’envoyer. Nous sommes obligés de nous informer via la presse. Or, vous savez qu’elle ne rend pas bien quelquefois ce qui s’est passé. Pourquoi ne pas nous associer à la décision qui va être prise quant à la date des élections? Nous avons même demandé des audiences au Premier ministre et au président de la Cei qui sont restées jusque-là sans suite. Mais cela ne nous décourage pas. Nous, nous savons où nous allons. Et nous allons nous battre parce que ce sont les Ivoiriens et les Ivoiriennes qui ont la décision. Je leur dis que pour une fois qu’on leur donne l’occasion de s’exprimer, il faut qu’ils l’utilisent. C’est pour cela que nous continuons à nous battre, malgré ce traitement inégalitaire.
Patriotisme et alliances
Tous, nous sommes patriotes. Tous ceux qui aiment leur pays sont patriotes. Je n’ai pas répondu à cette question et c’est à dessein. Et je ne vais même pas y répondre. Bro Grébé est une sœur, je crois que je vais me limiter à cela. Elle a ses convictions et j’ai les miennes. Nous n’allons pas engager une polémique. Car après, c’est encore vous qui allez dire: «Les pires ennemis des femmes, ce sont les femmes. Elles s’entre-déchirent». Moi, je ne veux pas donner ce spectacle-là. Donc vous comprenez que je ne puisse pas répondre.
Des six candidats indépendants, il y en a quatre qui ont accepté que nous nous retrouvions et discutions. Il y a MM. Eno, Adama Dahico (rires dans la salle), et le pasteur. Ne riez pas. Moi, je suis juriste, Adama Dahico est un Ivoirien, qui a été naturalisé dans les normes, et pour lequel l’Etat de Côte d’Ivoire a jugé bon de lever toutes les incapacités. Parce qu’il n’y a pas longtemps qu’il a été naturalisé. Et en principe, il n’aurait pu être ni électeur, ni éligible. Il est candidat au même titre que moi. C’est d’ailleurs ce que je disais à la diaspora burkinabé à Koumassi, lorsqu’elle m’a invitée. Je leur ai dit que quand on est étranger, on doit respecter la loi du pays d’accueil. Si l’on veut en être un national, il y a une procédure à suivre. Et c’est parce qu’Adama Dahico a suivi cette procédure qu’aujourd’hui, il est candidat au même titre que moi. Les gens rient, c’est vrai, mais c’est la réalité. En tant que juriste, je n’ai pas à décider pourquoi X ou Y est candidat. J’ai observé la liste des candidats. Nous sommes 14 dont M. Dahico. Je compose donc avec lui. C’est ainsi qu’ensemble, nous avons été rencontrer le représentant du facilitateur à qui nous avons demandé une audience. Nous avons aussi rencontré M.Choi qui est le représentant du Secrétaire général de l’Onu, et nous attendons d’être reçus par le Premier ministre. Ce sont les frustrations qui amènent les gens à se comporter d’une certaine manière. Mais nous sommes des responsables, nous n’allons pas aller prendre les armes. Nous disons que nous avons au moins notre bouche pour parler. Et c’est ce que nous faisons.
Rapports avec des leaders
En tant que candidat, je n’ai pas de relations avec eux. En dehors de cela, ce sont mes aînés, tous les quatre. J’ai eu à travailler avec le Premier ministre Ouattara et j’étais membre de son gouvernement. Je connais bien le couple Gbagbo; son épouse a été une amie. Nous avons été ensemble à la Jec (Jeunesse étudiante catholique, ndlr). Nous nous sommes retrouvées à l’université. Nous avons, dans le cadre du Front républicain -parce que j’étais Rdr- été toutes deux sur la même liste et élues députés d’Abobo. Ces relations demeurent. Le Président Gbagbo, lui, peut-être que je l’ai connu moins, mais par le biais de sa femme. Le président Bédié, je l’ai connu comme député et Président; mais je n’ai pas de rapports particuliers avec lui. Ce sont des aînés que je respecte. Le professeur Wodié, quant à lui, c’est un collègue. Nous avons été à la Fac ensemble. Il est le premier agrégé en droit public, moi la première agrégée en droit privé. Il a été doyen, je l’ai été après lui. Bref, nous continuons d’avoir des relations de collègue et d’ami. Ceci pour vous dire que je n’ai aucun problème particulier avec tous ces leaders. C’est d’ailleurs l’avantage d’être candidat indépendant ; ça veut dire qu’aujourd’hui, je peux rencontrer X ou Y pour discuter. Et c’est cela que je voudrais voir se passer dans notre pays. Car malgré nos différences de conception, de vision, nous ne devons pas oublier que nous sommes avant tout frères et sœurs.
Conclusion
Je dois repartir toujours du symbolisme de ma candidature. C’est nouveau; ça a étonné et il y a des questionnements. Mais je dois vous dire qu’aujourd’hui, plus personne ne se pose la question. Tout le monde sait que Jacqueline Lohouès Oble est candidate au même titre que les autres. Et ce que j’apporte de différent, c’est ce que je viens de vous indiquer. Surtout dans la manière : le gouvernement par l’exemple et aussi un peu de féminisation, la pacification du débat politique, le respect de l’autre, faire en sorte de ne pas aller jusqu’à nous insulter. Mais faire en sorte que les Ivoiriens puissent percevoir ce que nous leur proposons, ce qu’ils vont devenir demain. C’est cela qui est important et c’est ce message que je transmets humblement aux Ivoiriens. Je m’attelle à dire aux Ivoiriens : voilà ce que je vous propose, il vous appartient de trancher. Alors, je voudrais inviter les Ivoiriens au vote pour ne pas dire, demain: «On n’était pas d’accord». Pour une fois, les choses vont se passer dans la transparence -et je l’espère, parce qu’il y a l’Onuci, la Cei, le Conseil constitutionnel. Et M. Choi me disait que cette année, en ce qui concerne les élections, personne ne pourra voler la victoire à l’autre. Parce que nous aurons tous les éléments au même moment. Ce qui veut dire que les candidats doivent faire en sorte d’avoir des représentants dans tous les bureaux. C’est ce à quoi je m’attelle aujourd’hui. Il est vrai que c’est difficile, sans beaucoup de moyens ; mais je compte sur les Ivoiriens et Ivoiriennes, tous ceux qui sont pour le changement. Je regarde un peu comment la campagne d’Obama s’est déroulée. Obama n’avait pas d’argent. Encore que Obama avait la chance, puisque son pays donnait une subvention à chaque candidat. Mais il a refusé cette subvention tout simplement, parce que des Américains et des Américaines se sont cotisés. Un dollar, dix dollars, vingt dollars… et c’est avec ça qu’il a pu faire sa campagne. Je me dis pourquoi pas cela ici. Certes, ce n’est pas entré dans les mœurs, mais je sais que beaucoup d’Ivoiriens vont se dire: «On voulait faire quelque chose, mais comme on sait que la date des élections n’est pas encore fixée…». Je leur dis, ne regardons pas cela. De toutes les façons, on ira bien aux élections un jour, mais il me faut au moins mettre en place les structures. Et pour cela, j’ai besoin de moyens. Je vous lance donc l’appel, je n’ai pas encore de moyens. (...)
Je dis : oui, je cherche l’argent, parce que je voudrais que les choses se passent dans la transparence. Si je peux même lancer un défi aux autres, il faut que chacun vienne dire les sources de financement de sa campagne. En ce moment-là, tout sera clair et vous verrez que demain, tout le monde sera comme moi.
Je vous remercie.
Propos recueillis par :
Marc Yevou, Remi Coulibaly, Cissé Mamadou, Marie AdelE Djidjé, Marie-Chantal Obindé, Anassé Anassé, Brou Presthone, Martial Gohourou, Martial Galé, Coordination: Abel Doualy, Paulin N. Zobo
La solution que je propose est simple. Laissons le soin au couple de choisir lequel des deux conjoints doit pouvoir bénéficier des dégrèvements fiscaux. Selon que c’est l’un ou l’autre qui gagne, la solution n’est pas la même. Je pense que nous sommes à un niveau suffisamment élevé où les couples peuvent discuter et voir comment cela peut être géré. Il faudrait qu’au plan politique, un coup de pouce soit donné aux femmes. Je sais que beaucoup d’entre elles ne sont pas d’accord. Je suis pour le système des quotas. Pour la simple raison que hommes et femmes ne sont pas partis sur un pied d’égalité. Les hommes ont d’abord été scolarisés et les filles sont arrivées après. Même ceux qui ne sont pas scolarisés ne méritent pas moins d’être à certains postes. On parle des femmes Gouro qui vendent dans les marchés. Mais les premières n’ont pas été à l’école.
Elles gagnent bien plus que nous qui avons passé plusieurs années à faire des études. Pourquoi ne verra-t-on pas ces dames devenir député, conseiller économique et social? On a des hommes analphabètes qui sont députés. Cela ne choque personne. Mais dès qu’on va dire qu’on prend cette dame-là qui n’a pas été à l’école pour être leader, on dira qu’on revoit le titre au rabais. Je suis pour que 30% de femmes soient aux postes de nomination, dans le gouvernement. Si je suis élue, ça va être une première en Côte d’Ivoire. Parce que le dernier gouvernement compte deux femmes sur 28 membres. Nous avons reculé. Cela nous ramène en 1986. Jeanne Gervais est la première femme qui est entrée au gouvernement en 1976 après l’année internationale de la femme. Dieu merci que l’Onu existe. Par ce biais, elle amène les Etats à avancer. Je rends hommage à cette pionnière qui est toujours vivante. Après cela, il a fallu attendre dix ans, plus exactement 1986, pour avoir deux femmes au gouvernement : Mmes Aka Anghui et Odette Kouamé. Et puis en 1990, il y a eu trois femmes jusqu’à ce qu’aujourd’hui en 2010, nous n’ayons que deux femmes dans le gouvernement. Tout cela pour dire que les femmes doivent elles-mêmes se battre pour améliorer leurs conditions sociales.
Pas un autre accord en dehors de l’Apo
Selon l’Apo, le désarmement doit être fait deux mois avant les élections. Ce que je ne comprends pas- et cette question, je ne peux la poser qu’aux signataires de l’Accord de Marcoussis et à ceux qui se réunissent dans le cadre du Cpc, au dernier Cpc, il a été indiqué un certain nombre de conditions à remplir pour arriver à l’élection présidentielle. Cependant, on n’a nullement parlé de désarmement. Pourquoi? Alors même qu’à l’annexe n° 3 de l’Accord de Ouagadougou, il est bien précisé que le désarmement doit se faire deux mois avant le scrutin. Pourquoi donc, le dernier Cpc du 3 décembre 2009, a-t-il entériné les étapes suivantes : «Décembre 2009 : gestion du contentieux ; janvier 2010 : production et publication de la liste électorale définitive ; février 2010 : distribution des cartes ; fin février- début mars 2010 : 1er tour de l’élection présidentielle» ? On ne parle pas du désarmement. En revanche, il est dit au point 11 : «Exprimant leurs préoccupations concernant la sécurisation du processus électoral, les membres du Cpc ont exhorté, à nouveau, le gouvernement, les Fds et les Fafn à poursuivre leurs efforts pour l’opérationnalisation complète du plan global de sécurisation sous l’autorité effective du Cci doté des moyens». Quand on a signé un accord, qu’on a été au Cpc et que ces décisions y ont été prises, je ne comprends pas très bien le débat qui, en ce moment, a cours. Ou alors on constate que les conditions ne sont pas réunies pour respecter les clauses, car il faut par exemple savoir qu’il faut donner 500 000 Fcfa pour chaque démobilisé, et on le dit clairement. Les Ivoiriens sont quand même des gens intelligents qui pourraient comprendre qu’il n’y a peut-être pas d’argent. Mais on en est plutôt à se lancer la balle. D’où l’intérêt de la question sur la confiance et la foi aux hommes politiques. Je considère qu’il faut achever la crise avec l’Apo. Nous n’irons pas à un autre accord! Nous en avons suffisamment signé, depuis près de huit années, il faut, définitivement, en sortir. C’est une question de volonté politique, à mon sens.
Je pense vraiment qu’il faut que cet Accord de Ouagadougou nous amène à la fin de la crise. Nous avons essayé beaucoup de résolutions, d’accords, etc. Mais celui-là au moins a le mérite de nous avoir fait avancer. C’est vrai que tout ça devait être fait dans 10 mois initialement ; nous en sommes à trois ans et nous n’avons pas encore eu les élections, parce que tout simplement il y a eu quelques problèmes de dernière heure. Et vous savez aussi que ces problèmes doivent pouvoir être résolus. On ne sort pas d’une guerre comme on sort d’un gala. Ça aussi, c’est important. Parce que des habitudes ont été prises, il faut se battre contre ces habitudes-là. Ce n’est pas facile. Mais cela dit, il y a quand même des signataires de cet accord, et on ne comprend pas que ces signataires n’arrivent pas à s’entendre sur ce que l’accord dit. Lorsqu’on nous dit que le désarmement doit se faire avant, certains disent deux mois avant les élections, d’autres un mois après, mais j’ai l’Accord complémentaire de Ouagadougou, qui dit bien que le désarmement se fait deux mois avant les élections.
Ma candidature a créé la surprise
Aussi bien les femmes que les hommes ont été surpris par ma candidature. Passée la surprise, ce furent des questionnements: qui est derrière elle? Pour qui roule-t-elle? On a cité le Premier ministre Banny qui serait mon financier, le Président Bédié et bien d’autres. Sauf moi-même. Pour ceux qui me connaissent, je ne peux pas être le faire-valoir de quelqu’un. Je suis candidate à l’élection présidentielle au même titre que tous les autres candidats. En me voyant sur le terrain, ils ont commencé à comprendre la portée de ma candidature. Les femmes, la surprise passée, ont commencé à comprendre et à se dire: «Il faut y aller». Je vais donc vers elles, sur les marchés, notamment, et voyez un peu l’accueil qui m’est réservé.
Je ne dis pas que je ferai l’unanimité au niveau des femmes, car l’unanimité n’existe nulle part. Ceux qui sont chrétiens savent que même Jésus a été combattu par les siens. Je n’ai donc pas la prétention de rassembler toutes les femmes. Mais je pense que la majorité d’entre elles se sent concernée parce que, tout simplement, c’est une ouverture ; l’ouverture d’une voie qui profitera à beaucoup d’autres.
Cei locales
Après la dissolution de la Cei et tous les problèmes qui en ont résulté, j’ai dû hausser le ton pour demander que les deux camps se rapprochent, fassent des sacrifices car les populations sont excédées. Nous autres, candidats indépendants, ne sommes pas représentés dans cette commission électorale parce qu’elle a été mise en place après des accords. Bref, nous n’exigeons plus notre entrée dans cette commission, même s’il s’agit d’élection, mais nous demandons aux deux autres camps de faire des sacrifices. C’est ainsi que nous avons exhorté le Rhdp à écarter les personnes qui ont été mises en cause. Je ne suis pas représentée à la Cei, mais toujours est-il qu’à partir du moment où cette affaire bloque le système et qu’il y a un manque de confiance, il vaut mieux que l’on mette ces personnes de côté et qu’on en désigne d’autres.
Au camp présidentiel, je dis que le sacrifice à faire, c’est de laisser la commission dans le format actuel pour avancer. Et c’est à cette solution qu’a abouti le facilitateur lorsqu’il est venu. A partir du moment où cela a été fait, on devrait pouvoir avancer, mais voilà que d’autres voix s’élèvent pour demander que les Cei locales soient recomposées. Je considère que le problème est parti de la Cei centrale et s’il est réglé, je ne vois pas pourquoi il devrait y avoir d’autres blocages. Les Ivoiriens sont fatigués et voudraient qu’on sorte de cette longue crise.
Recherche
On peut avoir trois universités en Côte d’Ivoire, on peut même avoir une université par région, et surtout, spécialiser les universités. Si nous avons une région productrice de pétrole et de gaz, l’université doit se spécialiser dans ce domaine. Pour éviter que nous soyons toujours en train d’exporter nos matières premières de façon brute. Il faut que nous apprenions à transformer cela. Nous avons le fer et tout ça, du côté de l’ouest. Mais pourquoi ne pas créer une université pour réfléchir à ça et en même temps créer une usine qui va donner du travail aux gens? Donc vous voyez que les infrastructures doivent suivre, et pour que les infrastructures suivent, il faut encore qu’on revienne à la paix et qu’on fasse les élections.
L’école, c’est pareil. Il faut non seulement que les écoles soient restaurées, parce que je vous assure que quand vous voyez certaines classes, vous vous dites est-ce que vraiment les enfants qui s’y trouvent ne vont pas attraper des maladies ? Donc il y a la restauration des établissements scolaires qu’il faut faire, et la création d’autres établissements. Il faut rapprocher l’école des populations. Mais alors en les rapprochant, il ne faut pas oublier également qu’il faut créer des internats. Si aujourd’hui je suis devant vous et je vous parle, c’est parce que je suis un pur produit de l’internat, depuis la 6e jusqu’à la Terminale. Et les cadres femmes que vous voyez aujourd’hui sont passées par là. Mais pourquoi aujourd’hui nos filles n’avancent pas beaucoup? Mais tout simplement parce qu’il n’y a plus d’internat ; il n’y a plus cet encadrement rigoureux. Les parents sont au village, les filles sont dans la sous-préfecture ou dans le chef-lieu, livrées à elles-mêmes. Elles se mettent à deux, trois dans une piaule. Trois mois après, elles sont toutes enceintes. Elles retournent au village. On perd. Vous rigolez! C’est vrai qu’il faut introduire l’éducation sexuelle à l’école, mais en même temps, il faut un minimum d’encadrement. C’est pourquoi moi je propose que les conseils généraux, qui ont pour objectif de faire du développement, fassent à chaque fois des internats pour que nos filles puissent avancer, parce qu’à l’heure où nous sommes, nous reculons.
Équipe de travail
Je suis candidate indépendante. Ça veut dire que je suis indépendante de tous les partis. Mais en même temps, je suis Ivoirienne et je sais qu’étant candidate, si je suis élue, je serai Présidente de tous les Ivoiriens. A partir de ce moment-là, j’aurais besoin de compétences, de personnes pour travailler, que ce soient des hommes ou des femmes de partis politiques. Mais ces personnes-là, elles sont là individuellement. Ce que je ne ferai pas, je n’irai pas demander à un parti politique de me donner une liste de cadres. Ça, je ne le ferai pas. D’ailleurs, vous voyez le gouvernement des partis politiques, c’est un échec ! Mais je demanderais par exemple à ma voisine, voilà, pour tel ou tel élément, je souhaiterais qu’elle vienne travailler avec moi. Si elle me dit qu’elle doit aller consulter son parti, je lui dis merci. Ça veut dire que vous n’êtes pas prête. Par contre, si elle vient travailler avec moi, ça veut dire qu’elle est compétente, qu’elle veut servir son pays. A partir de ce moment-là, on avance. Donc sur ce chapitre-là, je voudrais vous dire qu’il y a plein d’Ivoiriennes et d’Ivoiriens qui aiment leur pays et qui sont prêts à se mettre à son service et à travailler. Parce que jusqu’à nouvel ordre, je n’ai pas vu un seul parti politique payer des études à des Ivoiriennes et à des Ivoiriens. Si vous avez eu une bourse, c’est l’Etat de Côte d’Ivoire qui vous l’a donnée. Et nous devons tous, à quelque niveau que nous nous situons, être prêts à servir notre pays.
Promesses électoralistes
Tous ceux que je vois, surtout les jeunes, quand ils arrivent, ils disent: «Oui, nous sommes déçus, parce qu’on nous a promis ci, on nous a promis ça, mais rien n’est fait». C’est vrai, vous avez des raisons de douter de la classe politique. Mais justement, nous sommes là pour vous dire que le changement dont nous parlons touche également la classe politique. Il faut dire ce qu’on peut faire et le faire effectivement ; mais ne pas promettre monts et merveilles et se retrouver après dans des difficultés. La preuve, depuis que je parle, je ne vous ai pas dit que je vais donner tant de milliards à telle ou telle région, parce que je ne sais même pas quelle va être la cagnotte, comment nous allons faire pour avoir de l’argent. Par contre, ce que je propose, ce sont des choses faisables. Qu’un conseil général crée une école, un lycée et un internat, je pense que c’est faisable. Quitte à ce que cet internat-là soit semi-privé, et qu’on demande aux parents d’apporter un peu. Parce qu’en louant une petite maison pour leurs enfants, les parents apportent quand même de l’argent. Mais savoir qu’en les mettant dans un internat surveillé, c’est bien, ils le feront. Donc je pense qu’il faut absolument que la confiance revienne, parce qu’une population qui n’a pas confiance en sa classe politique, ça ne va pas. C’est la fin de l’espoir et ce n’est pas bon. Je suis venue justement pour vous apporter cet espoir. Il faut que l’on croie à la politique. Parce que la politique c’est quoi? C’est tout faire pour apporter le bien-être à ses populations. Et si on apporte ce bien-être, vous allez voir que la confiance va renaître. Ce qui suppose que lorsqu’il y a des enrichissements illicites, il faut les sanctionner. Et moi je vais combattre l’impunité. Il faut que tous, nous soyons égaux devant la loi. Et justement pour combattre cette impunité, celui qui commet une infraction doit y répondre, qu’il soit simple citoyen ou membre du gouvernement ou Président de la République. C’est la raison pour laquelle je propose que la Haute Cour de Justice soit effectivement mise en place pour éviter que les petits citoyens soient jugés, et que les autres, parce qu’ils ne peuvent pas répondre devant les juridictions de droit commun, restent dans l’impunité. L’impunité doit être combattue à tous les niveaux.
Économie et justice
Je vous ai déjà un peu brossé mon projet de société. Je vais peut-être insister sur l’aspect économique pour dire qu’on a beau faire, lorsqu’on aura consolidé la paix, qu’on aura la paix véritable, il faudra vraiment se pencher sur l’aspect économique. Ça veut dire que le choix que nous avons fait est le libéralisme économique, qui fait en sorte que chacun est libre d’entreprendre. En même temps, quand les personnes entreprennent, il faut que le cadre soit défini, que l’environnement juridique et judiciaire soit assaini. Et là, parlons de la Justice. La justice, c’est la clé de voûte d’un pays, et cette justice-là, tout le monde doit pouvoir s’y retrouver. Quand on commence à douter de la justice, c’est grave. Ça veut dire tout simplement qu’on n’aura plus affaire à la justice mais à la justice privée, et il faut éviter cela. C’est la raison pour laquelle il faut assainir l’environnement juridique, bien sûr, donner les moyens matériels à ceux-là de travailler. Dernièrement, j’ai assisté à une émission à la télévision. Des greffiers se plaignent qu’ils n’ont pas leur statut et tout. Mais il faut que le Palais de justice soit un haut lieu où lorsqu’on y va, c’est pour rencontrer soit des greffiers, soit des juges, parce qu’on est convoqué. Mais que ce ne soit pas un lieu de balade pour des gens qui n’ont rien à y faire. Vous vous rappelez, c’est justement pour éviter cela que, quand j’étais ministre de la Justice, j’ai fait faire la clôture. Et il y avait une entrée où tout le monde devait passer, parce que vous avez quelque chose à y faire. Donc tous ceux qu’on appelle «margouillat» n’ont rien à faire là; il faut absolument qu’on les vide. Et que la justice soit sereine, qu’elle puisse travailler et que l’on puisse avoir confiance. Et que le pauvre qui a raison puisse avoir raison contre le riche, et qu’on ne dise pas que c’est parce qu’il est riche qu’il a dû donner de l’argent à x ou à y pour gagner. Il faut, en d’autres termes, que le citoyen ait confiance en sa justice, et c’est ce que nous allons nous atteler à faire.
Différence avec les autres candidats
Je disais la différence, c’est d’abord la personne qui va mettre le programme en application. Il faut effectivement que cette personne ait les aptitudes, aime son pays, ait les mains propres, parce que j’ai parlé de gouverner par l’exemple. Si vous-même vous arrivez et qu’on sait que vous avez déjà des casseroles, il est évident que vous n’inspirerez pas confiance. Ce sont tous ces éléments-là que nous devons mettre en jeu.
Conseillère du 1er ministre Banny
Qu’est-ce que j’ai fait pendant que j’étais la conseillère principale du Premier ministre Banny ? Vous savez dans quelles conditions il a été nommé à ce poste, avec les différentes résolutions du Conseil des Nations unies. Pour réussir, il faut l’accord de tous. Je me souviens encore, que pour pouvoir réunir tous les acteurs à Yamoussoukro, mon Dieu, cela a été la croix et la bannière parce que chacun a ses obligations et ses exigences, etc. Mais lorsqu’il y a eu l’Accord politique de Ouagadougou, nous avons vu que les choses ont démarré. Aujourd’hui encore, nous commençons à piétiner. Il faut de la volonté politique. C’est ce qui a fait défaut lorsque Banny était Premier ministre.
Sanction de la gestion des hommes
Lorsque ça ne va pas, il faut changer, et le changement que je propose montre bien qu’il y a eu un problème. La preuve, nous avons eu 20 ans sans prospérité, et nous avons reculé. Parce que justement, nous avons passé tout le temps à faire des querelles et c’est à cela qu’il faut mettre fin. Car finalement, on oublie l’essentiel, c’est-à-dire les Ivoiriens, le développement. Il faut veiller au bien-être des Ivoiriens. C’est pour cette raison que je suis candidate et si vous me faites confiance, nous allons essayer de faire changer cela.
J’ai de belles intentions, mais est-ce que je ne serai pas comme les autres? Ne me ferais-je pas prendre par le système et tout ? C’est le risque, mais cela dépend également du caractère de la personne…Déjà, je le leur dis, ils sont là (Ndlr : parlant de son équipe) : « Si vous acceptez de travailler avec moi dans les difficultés, parce que nous n’avons pas d’argent, ce n’est pas pour nous servir demain. C’est pour servir le peuple ». Je ne pense pas qu’ils s’attendent tous à être ministres, ou à avoir des postes. Ils ont cru en un idéal, et ils se battent pour que les choses aillent mieux. Je ne pense pas que le rôle du Président de la République soit de distribuer de l’argent à tout le monde. Son rôle est de créer l’environnement, pour que chacun se prenne en charge. Et je vais essayer d’y veiller.
Réalité sur le terrain
Il y a trois grands partis politiques, c’est vrai, quand on compte le nombre de leurs députés, maires, les conseils généraux qu’ils dirigent. Maintenant, les militants qu’ils ont sont-ils toujours acquis à leur cause? En tout cas, tous les jours, je reçois des hommes et femmes issus de ces grands partis politiques qui décident, pour diverses raisons, de nous rejoindre. Si je suis candidate, cela veut dire qu’il y a des hommes et femmes qui croient en l’idéal que nous soutenons. Mais, je ne peux pas vous dire, j’ai un million d’électeurs, ce sont les urnes qui vont nous permettre de le savoir.
En tant qu’indépendants, nous avons essayé de nous retrouver. Nous considérons que nous ne sommes pas bien traités. Nous avons parlé du problème de sécurité. Moi, je suis candidate et je n’ai pas de service de sécurité. Et pourtant, j’en ai fait la demande. On voit dans ce pays des gens qui n’ont aucune fonction officielle, qui ont trois, quatre, cinq gardes. Pour ce qui est de l’information, quand le Cpc se réunit, il sort un document. En tant que candidats, même si nous n’en sommes pas membres, on doit pouvoir nous l’envoyer. Nous sommes obligés de nous informer via la presse. Or, vous savez qu’elle ne rend pas bien quelquefois ce qui s’est passé. Pourquoi ne pas nous associer à la décision qui va être prise quant à la date des élections? Nous avons même demandé des audiences au Premier ministre et au président de la Cei qui sont restées jusque-là sans suite. Mais cela ne nous décourage pas. Nous, nous savons où nous allons. Et nous allons nous battre parce que ce sont les Ivoiriens et les Ivoiriennes qui ont la décision. Je leur dis que pour une fois qu’on leur donne l’occasion de s’exprimer, il faut qu’ils l’utilisent. C’est pour cela que nous continuons à nous battre, malgré ce traitement inégalitaire.
Patriotisme et alliances
Tous, nous sommes patriotes. Tous ceux qui aiment leur pays sont patriotes. Je n’ai pas répondu à cette question et c’est à dessein. Et je ne vais même pas y répondre. Bro Grébé est une sœur, je crois que je vais me limiter à cela. Elle a ses convictions et j’ai les miennes. Nous n’allons pas engager une polémique. Car après, c’est encore vous qui allez dire: «Les pires ennemis des femmes, ce sont les femmes. Elles s’entre-déchirent». Moi, je ne veux pas donner ce spectacle-là. Donc vous comprenez que je ne puisse pas répondre.
Des six candidats indépendants, il y en a quatre qui ont accepté que nous nous retrouvions et discutions. Il y a MM. Eno, Adama Dahico (rires dans la salle), et le pasteur. Ne riez pas. Moi, je suis juriste, Adama Dahico est un Ivoirien, qui a été naturalisé dans les normes, et pour lequel l’Etat de Côte d’Ivoire a jugé bon de lever toutes les incapacités. Parce qu’il n’y a pas longtemps qu’il a été naturalisé. Et en principe, il n’aurait pu être ni électeur, ni éligible. Il est candidat au même titre que moi. C’est d’ailleurs ce que je disais à la diaspora burkinabé à Koumassi, lorsqu’elle m’a invitée. Je leur ai dit que quand on est étranger, on doit respecter la loi du pays d’accueil. Si l’on veut en être un national, il y a une procédure à suivre. Et c’est parce qu’Adama Dahico a suivi cette procédure qu’aujourd’hui, il est candidat au même titre que moi. Les gens rient, c’est vrai, mais c’est la réalité. En tant que juriste, je n’ai pas à décider pourquoi X ou Y est candidat. J’ai observé la liste des candidats. Nous sommes 14 dont M. Dahico. Je compose donc avec lui. C’est ainsi qu’ensemble, nous avons été rencontrer le représentant du facilitateur à qui nous avons demandé une audience. Nous avons aussi rencontré M.Choi qui est le représentant du Secrétaire général de l’Onu, et nous attendons d’être reçus par le Premier ministre. Ce sont les frustrations qui amènent les gens à se comporter d’une certaine manière. Mais nous sommes des responsables, nous n’allons pas aller prendre les armes. Nous disons que nous avons au moins notre bouche pour parler. Et c’est ce que nous faisons.
Rapports avec des leaders
En tant que candidat, je n’ai pas de relations avec eux. En dehors de cela, ce sont mes aînés, tous les quatre. J’ai eu à travailler avec le Premier ministre Ouattara et j’étais membre de son gouvernement. Je connais bien le couple Gbagbo; son épouse a été une amie. Nous avons été ensemble à la Jec (Jeunesse étudiante catholique, ndlr). Nous nous sommes retrouvées à l’université. Nous avons, dans le cadre du Front républicain -parce que j’étais Rdr- été toutes deux sur la même liste et élues députés d’Abobo. Ces relations demeurent. Le Président Gbagbo, lui, peut-être que je l’ai connu moins, mais par le biais de sa femme. Le président Bédié, je l’ai connu comme député et Président; mais je n’ai pas de rapports particuliers avec lui. Ce sont des aînés que je respecte. Le professeur Wodié, quant à lui, c’est un collègue. Nous avons été à la Fac ensemble. Il est le premier agrégé en droit public, moi la première agrégée en droit privé. Il a été doyen, je l’ai été après lui. Bref, nous continuons d’avoir des relations de collègue et d’ami. Ceci pour vous dire que je n’ai aucun problème particulier avec tous ces leaders. C’est d’ailleurs l’avantage d’être candidat indépendant ; ça veut dire qu’aujourd’hui, je peux rencontrer X ou Y pour discuter. Et c’est cela que je voudrais voir se passer dans notre pays. Car malgré nos différences de conception, de vision, nous ne devons pas oublier que nous sommes avant tout frères et sœurs.
Conclusion
Je dois repartir toujours du symbolisme de ma candidature. C’est nouveau; ça a étonné et il y a des questionnements. Mais je dois vous dire qu’aujourd’hui, plus personne ne se pose la question. Tout le monde sait que Jacqueline Lohouès Oble est candidate au même titre que les autres. Et ce que j’apporte de différent, c’est ce que je viens de vous indiquer. Surtout dans la manière : le gouvernement par l’exemple et aussi un peu de féminisation, la pacification du débat politique, le respect de l’autre, faire en sorte de ne pas aller jusqu’à nous insulter. Mais faire en sorte que les Ivoiriens puissent percevoir ce que nous leur proposons, ce qu’ils vont devenir demain. C’est cela qui est important et c’est ce message que je transmets humblement aux Ivoiriens. Je m’attelle à dire aux Ivoiriens : voilà ce que je vous propose, il vous appartient de trancher. Alors, je voudrais inviter les Ivoiriens au vote pour ne pas dire, demain: «On n’était pas d’accord». Pour une fois, les choses vont se passer dans la transparence -et je l’espère, parce qu’il y a l’Onuci, la Cei, le Conseil constitutionnel. Et M. Choi me disait que cette année, en ce qui concerne les élections, personne ne pourra voler la victoire à l’autre. Parce que nous aurons tous les éléments au même moment. Ce qui veut dire que les candidats doivent faire en sorte d’avoir des représentants dans tous les bureaux. C’est ce à quoi je m’attelle aujourd’hui. Il est vrai que c’est difficile, sans beaucoup de moyens ; mais je compte sur les Ivoiriens et Ivoiriennes, tous ceux qui sont pour le changement. Je regarde un peu comment la campagne d’Obama s’est déroulée. Obama n’avait pas d’argent. Encore que Obama avait la chance, puisque son pays donnait une subvention à chaque candidat. Mais il a refusé cette subvention tout simplement, parce que des Américains et des Américaines se sont cotisés. Un dollar, dix dollars, vingt dollars… et c’est avec ça qu’il a pu faire sa campagne. Je me dis pourquoi pas cela ici. Certes, ce n’est pas entré dans les mœurs, mais je sais que beaucoup d’Ivoiriens vont se dire: «On voulait faire quelque chose, mais comme on sait que la date des élections n’est pas encore fixée…». Je leur dis, ne regardons pas cela. De toutes les façons, on ira bien aux élections un jour, mais il me faut au moins mettre en place les structures. Et pour cela, j’ai besoin de moyens. Je vous lance donc l’appel, je n’ai pas encore de moyens. (...)
Je dis : oui, je cherche l’argent, parce que je voudrais que les choses se passent dans la transparence. Si je peux même lancer un défi aux autres, il faut que chacun vienne dire les sources de financement de sa campagne. En ce moment-là, tout sera clair et vous verrez que demain, tout le monde sera comme moi.
Je vous remercie.
Propos recueillis par :
Marc Yevou, Remi Coulibaly, Cissé Mamadou, Marie AdelE Djidjé, Marie-Chantal Obindé, Anassé Anassé, Brou Presthone, Martial Gohourou, Martial Galé, Coordination: Abel Doualy, Paulin N. Zobo