Cette semaine, le député Martin Sokouri Bohui fait le bilan des actions qu’il a menées sur le terrain en tant que responsable des élections au FPI en même temps qu’il intervient sur l’actualité brûlante. Notre Voie : En votre qualité de secrétaire national chargé des élections au FPI, vous avez posé un certain nombre de problèmes depuis le renouvellement de la CEI centrale. A savoir, le renouvellement des CEL et l’audit de la liste électorale provisoire. Aujourd’hui quel bilan peut-on faire sur ces questions? Martin Sokouri Bohui : Le président Houphouët-Boigny a gouverné ce pays pendant 33 ans, il a fait sa part. Cette part a été significative. Après lui, Henri Konan a gouverné pendant 6 ans. Il a fait lui aussi sa part, même si elle a été qualifié de parenthèse honteuse par les Ivoiriens. Après la transition militaire qui a duré 10 mois, le président Gbagbo a été élu en 2000 pour continuer l’œuvre du président Houphouët-Boigny. A peine avait-il commencé à donner espoir aux Ivoiriens après seulement environ 20 mois d’exercice du pouvoir qu’on lui impose une sale guerre, non pas parce qu’il dilapidait les fonds de l’Etat, mais simplement parce que quelqu’un voulait être candidat. Et la crise née de cette guerre dure malheureusement depuis 8 ans. Les Ivoiriens sont plongés dans la misère depuis l’éclatement de cette guerre. Et tous les observateurs de la vie politique nationale et internationale s’accordent à dire qu’on sortira de cette crise par des élections transparentes. Chez nous on dit que si tu as été une fois mordu par un serpent, tu as peur même d’un simple ver de terre. C’est pour cette raison que nous, nous demandons que ces élections-ci soient organisées dans la transparence la plus totale. L’objectif visé, c’est d’éviter une autre guerre à notre pays. Si nous demandons que la liste soit auditée, c’est pour vérifier simplement si tous ceux qui sont inscrits sur la liste sont les ayants droit. Alors si c’est le mot audit qui gène ou qui fait peur à certains, trouvons alors un mécanisme qui nous permette de faire cette vérification-là pour mettre tout le monde en confiance. C’est refuser qu’on fasse une telle vérification qui constitue un problème. Nous savions déjà que le RDR avait demandé aux étrangers de s’inscrire sur la liste électorale et qu’il se chargerait de régler leur cas politiquement au moment venu. Et la vaste fraude découverte sous l’ancien président de la CEI Beugré Mambé a confirmé cette thèse. Après cette fraude dont tout le monde a eu connaissance, on ne peut pas nous dire que la liste est sans reproche. Il s’agit donc à travers l’audit de nous rassurer sur la fiabilité de la liste électorale. Et le demander, c’est poser un acte de paix. C’est pourquoi, je demande à tous ceux qui ont intérêt à ce que la liste soit propre et à tous ceux qui veulent la paix de s’unir à nous pour mener ce combat. Celui de la transparence des élections. En tout état de cause, tant que tous les acteurs ne seront pas rassurés sur la fiabilité de la liste électorale, il n’y aura pas élection. Cela dit, au camp présidentiel, nous avons fait des propositions et nous attendons l’ouverture de discussion pour mettre en place des éléments consensuels devant nous permettre d’organiser des élections transparentes. N.V. : Lorsque vous parlez de la mise en place des mécanismes devant permettre l’organisation d’élections transparentes, certains vous accusent de faire de la provocation. On dit même que c’est une déclaration de guerre. Qu’est-ce que cela vous inspire ? M.S.B. : Je n’ai pas fini de répondre à la première question. Parce qu’il n’y a pas que le problème de la liste électorale qui nous préoccupe, il y a aussi la question du renouvellement des CEI locales, la question des voix délibératives à tous les membres de la CEI et bien attendu l’épineuse question du désarmement et de la réunification du pays. Toutes ces questions sont des obstacles à la transparence des élections. Et donc tant que toutes ces questions n’ont pas trouvé de solution, il ne peut y avoir élection en Côte d’Ivoire. C’est une question de bon sens et de volonté commune d’aller à la paix. Comment peut-on accuser des gens qui cherchent des mécanismes devant conduire le pays à la paix de vouloir la guerre ? Je m’étonne d’ailleurs qu’après toutes ces atrocités que le pays a connues suite à cette guerre, des Ivoiriens aient encore sur leurs lèvres le mot guerre. Je pense qu’on devrait bannir le mot guerre de notre langage. Le président Gbagbo est un homme d’Etat attaché à la paix. Pendant cette guerre injuste qu’on lui a envoyée, il s’est battu et continue de se battre pour ramener la paix. Et au nom de cette paix, il s’est effacé devant l’intérêt de la nation pour accepter l’inacceptable. On ne peut pas dire d’un tel homme et de ses partisans qu’ils veulent la guerre, le dire, c’est être de mauvaise foi. Tout porte à croire que se sont ceux qui nous parlent de guerre qui préparent une autre guerre. Mais je voudrais faire remarquer qu’il n’est pas bon de faire l’apologie de la guerre. Une guerre n’est que destructive. Elle ne se fait pas dans un sens unique. Quand vous attaquez quelqu’un, il est en droit de se défendre. Et le rapport de force n’est pas forcément du côté de celui qui attaque. On peut croire que l’ennemi est affaibli et sa riposte peut être fatale. Mais ce qui est dommage, ce sont les innocents qui sont les premières victimes et non ceux qui sont responsables de la guerre. C’est le lieu de rappeler l’exemple de cet homme qui à l’Ouest du pays, au déclenchement de la guerre du 19 septembre 2002 , avait été obligé d’abandonner sa mère dans la forêt fuyant les rebelles pour sauver le reste de la famille. En effet, fuyant les rebelles venus attaquer son village, un homme s’est enfui avec ses enfants et sa mère. Après plusieurs jours de marche à travers la forêt, la vieille fatiguée et ne pouvant continuer la marche, a demandé à son fils de l’abandonner pour sauver sa progéniture. Evidemment celui-ci qui ne voulait laisser mourir sa mère décide de la mettre au dos. Mais celle-ci refuse : “Si tu me mets au dos, on ne sera pas rapide et les rebelles vont nous rattraper et ils vont tuer tout le monde. Moi je suis très vieille, si on me tue ce n’est pas grave. Sauvez vous donc, toi et mes petits enfants et laissez moi retourner au village”, dit-elle à son fils. Et voilà ce monsieur dans un dilemme. Laisser partir les enfants et rester avec sa mère, où laisser celle qui l’a engendré alors qu’il sait qu’elle va être tuée par les rebelles et partir avec les enfants. Que faire ? Tout le monde s’est mis à pleurer. Et finalement la décision a été prise d’abandonner la mère sur son insistance. Cet homme et ses enfants ont pu être sauvés. Mais quand plus tard, ils sont revenus dans leur village point de trace de la vieille. Aujourd’hui ils ne savent pas ce qu’elle est devenue, et pourtant elle avait dit qu’elle retournerait au village. C’est cela la guerre. Voilà comment elle tue des innocents. C’est pourquoi très tôt le FPI a choisi la transition pacifique à la démocratie. C’est aussi pour ça que nous avons félicité Guillaume Soro qui a accepté la main tendue du président Gbagbo dans le cadre du dialogue direct. A propos justement de ce dialogue, le Secrétaire général des FN disait bien à propos à l’endroit de ceux qui n’en voulaient que “ce sont ceux qui n’ont pas entendu le crépitement des armes qui ne savent ce que c’est la guerre”. Arrêtons donc de faire l’apologie de la guerre et d’effrayer les Ivoiriens qui ne demandent qu’à vivre en paix. Mettons-nous ensemble pour créer les conditions d’organisation d’élections justes et transparentes, seule gage de paix sociale et de stabilité. Elles ne se feront pas à la condition d’Alassane Ouattara. C`est-à-dire à la va-vite avec son cortège de fraude. Elles se feront dans les normes internationales, c`est-à-dire dans l’équité et la transparence. N.V. : Vous venez de rappeler les atrocités causées par la guerre de Ouattara. Et à l’opposé vous avez également rappelé la philosophie politique du président Gbagbo qui repose sur la transition pacifique à la démocratie. Et pourtant il se trouve des gens qui osent comparer les deux hommes. Ceux-là se demandent qui des deux est violent. M.S.B. : J’ai déjà dit que quand on ne porte pas de Slip, on ne fait pas des acrobaties. Le disant, je donnais des conseils aux opposants et à leurs journalistes. Mais comme ils n’ont pas l’air de comprendre et qu’on les voit en train de faire des acrobaties, alors qu’ils ne portent pas de caleçon, nous allons montrer le film de leur nudité. On ne peut pas comparer ce qui n’est pas comparable. On ne peut pas comparer deux hommes qui sont diamétralement opposés par rapport à leur philosophie politique. C’est connu de tous, le président Gbagbo est un homme de paix. Dans l’opposition toute sa philosophie politique reposait sur la transition pacifique à la démocratie. Malgré les brimades et autres injustices qu’il a subies, jamais l’idée ne lui est venue de prendre les armes contre son pays. Et pourtant ce ne sont pas les occasions qui lui ont manqué. Des gens l’ont même approché pour lui proposer de l’aider au cas où il optait pour la lutte armée. Mais il avait toujours rejeté ces offres. “La guerre, on sait quand elle commence mais on ne sait jamais quand elle finit” ,avait-il coutume de dire. C’est encore lui qui, dans l’opposition, a lancé : “Asseyons-nous et discutons”, justement pour respecter cet engagement. Toujours dans l’opposition, même quand il a été arrêté le 18 février 1992 sur ordre d’Alassane Ouattara, alors Premier ministre, qui avait déclaré l’avoir vu gourdin en main en train de casser, Laurent Gbagbo, a appelé les militants de son parti au calme. Et pour les apaiser, il a dit :“On peut quitter la prison pour la présidence de la République et on peut quitter la présidence de la République pour la prison”. Aujourd’hui au pouvoir, alors qu’il travaillait tranquillement pour les Ivoiriens, on lui a envoyé une sale guerre. Et pour apporter la paix il a fait le choix du dialogue. Il est passé de capitale en capitale à la recherche de la paix. Et comme cette voie semblait ne pas être la bonne, il a inventé le dialogue direct qui nous a mis sur la voie de la paix. Ceci lui a valu chez nos frères de Touba le nom de Lavia, qui veut dire “celui qui a envoyé la paix, quand certains de nos frères ont envoyé la guerre dans ce pays”. Ce dialogue direct est devenu un concept onusien pour ce qui concerne le règlement des conflits à l’intérieur des Etats. Gbagbo a donc ajouté quelque chose à l’humanité au profit de la paix. C’est pour cette raison que les Ivoiriens sont attachés à lui. Ce lien fort avec le peuple est le secret de sa solidité et sa résistance bien que seul contre tous. Et c’est au nom de ce lien avec le peuple qu’il sera brillamment réélu au premier tour aux prochaines élections présidentielles. A l’opposé, la vie de Ouattara est rythmée par la violence, les coups d’Etat, la guerre et la rébellion. Toute sa stratégie de conquête du pouvoir d’Etat, c’est la violence. Sa première tentative de coup d’Etat date de 1993. Après le décès du président Houphouët, il a tenté de confisquer le pouvoir de force contre la défunte constitution. En 1999, il a récidivé, cette fois avec beaucoup de réussite. Il a dit : “je frapperai ce régime moribond et il tombera”. Le 24 décembre de la même année, il a effectivement frappé le régime de Bédié et il est tombé. Le même Ouattara a dit après les élections de 2000, “je mélangerai ce pays et je n’attendrai pas 2005 pour rebondir”. Le résultat est connu. Le 19 septembre 2002, les Ivoiriens ont été réveillés par une guerre et depuis 8 ans, ils subissent la misère causée par la crise née de cette guerre. C’est ce Ouattara-là qui demande les suffrages des Ivoiriens. Comme si les Ivoiriens étaient amnésiques. Tu ne peux pas avoir fait la guerre à un peuple et demander les suffrages des survivants. On ne peut donc pas comparer Gbagbo et Ouattara. L’un, Gbagbo, est l’incarnation de la paix et l’autre, Ouattara, l’incarnation de la violence. Mais si comparaison il doit y avoir, on doit comparer Gbagbo à Patrice Lumumba, Kouamé NKruma, ces dignes fils de l’Afrique qui tirent le continent vers la haut. Quant à Ouattara, il ne peut qu’être comparé qu’à Fodé Sinkoh ; John Garang ; Charles Taylor et Jonas Savimbi et non à Gbagbo, ces hommes qui tirent malheureusement le continent vers le bas. Cependant entre ceux-là et Ouattara, il y a quand même une différence fondamentale. C’est que les quatre cités ont assumé leur rébellion en toute responsabilité. Ils ont donné un visage réel à leur rébellion. Par contre Ouattara lui, se cache derrière d’autres personnes qu’il finance pour espérer rester propre. C’est un tel homme qui ose dire qu’il va traduire d’honnêtes personnes devant le TPI. En réalité, si demain le TPI envoie un avion en Côte d’Ivoire, la seule personne que cet avion peut embarquer, c’est Ouattara. Entretien réalisé par Boga Sivori bogasivo@yahoo.fr
Politique Publié le vendredi 2 avril 2010 | Notre Voie